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statuant à nouveau
-condamner la société Earl du Scardon à rembourser le compte courant d’associé de Mme [L] à hauteur de 87 057, 07 € tel que cela résulte du procès -verbal d’assemblée générale du 23 décembre 2020.
-dire que le paiement de la somme de 87 057, 07 € fera l’objet d’un étalement .
-fixer la durée de l’étalement du paiement de la somme de 87 057, 07 €.
Avant dire droit ,
-nommer tel expert foncier agricole qu’il plaira avec pour mission de
-se faire remettre l’ensemble des documents dont il aura besoin.
-convoq
* * *
ARRET
N°
EARL DU SCARDON
C/
[L]
CV
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022
N° RG 20/05950 – N° Portalis DBV4-V-B7E-H5Z2
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS EN DATE DU 18 NOVEMBRE 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
EARL DU SCARDON, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me MASSON substituant Me Christophe DE LANGLADE de la SELARL LANGLADE ET ASSOCIES, avocats au barreau de COMPIEGNE
ET :
INTIMEE
Madame [Z] [A] épouse [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jean-michel LECLERCQ-LEROY de la SELARL LOUETTE-LECLERCQ ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 95
DEBATS :
A l’audience publique du 15 Septembre 2022 devant :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES
PRONONCE :
Le 24 Novembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
Le 1er mai 2009 , Mme [Z] [A] épouse [L] a intégré l’Earl du Scardon constituée entre M.[Y] [O] et Mme [P] [W] , en apportant son exploitation agricole individuelle et en mettant à la disposition de la société des terres dont elle était propriétaire et celles dont elle était locataire .
Chaque associé était cogérant .
En 2011 , la SCL Eurolait a été constituée entre l’Earl du Scardon , propriétaire de 4 100 parts sociales , M.[E] [S] , propriétaire de 250 parts sociales et l’Earl Loucheron , propriétaire de 150 parts sociales , ses deux gérants étant M.[Y] [O] et Mme [P] [W] .
Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 mars 2019 ,Mme [Z] [A] épouse [L] a fait part à M.[Y] [O] de sa décision de démissionner de ses fonctions de gérant de l’Earl du Scardon .
Invoquant son état de santé , et son impossibilité de faire valoir ses droits à la retraite , Mme [Z] [A] épouse [L] a sollicité, le 9 juin 2020 , l’autorisation d’assigner à jour fixe l’Earl du Scardon , ce qui lui a été accordé , par décision du 16 juin 2020 .
Par acte d’huissier en date du 19 juin 2020 , Mme [Z] [A] épouse [L] a fait assigner l’Earl du Scardon devant le Tribunal judiciaire d’Amiens , sollicitant notamment , qu’il soit mis fin à ses fonctions de gérante , qu’il soit enjoint à l’Earl du Scardon d’effectuer les formalités relatives à la cessation de ses fonctions , de désigner un administrateur provisoire et de condamner l’Earl du Scardon à lui régler la somme de 223 103 € au titre de son compte courant d’associé .
Par jugement en date du 18 novembre 2020 , le Tribunal judiciaire d’Amiens a :
-constaté que Mme [Z] [A] épouse [L] a démissionné de ses fonctions de gérant .
-ordonné à l’Earl du Scardon de publier cette démission .
-dit n’y avoir lieu à ordonner une astreinte .
-débouté Mme [Z] [A] épouse [L] de sa demande de désignation d’un administrateur provisoire .
-fixé à la somme de 223 103 € le solde créditeur du compte d’associé de Mme [Z] [A] épouse [L] .
-déclaré recevable la demande reconventionnelle d’indemnisation de l’Earl du Scardon sauf en ce qui concerne l’indemnisation de faits dommageables commis en 2010 , 2013 et 2014 .
-débouté l’Earl du Scardon de sa demande d’expertise agricole et foncière .
-fixé à la somme de 91 515 , 33 € la créance de dommages et intérêts de l’Earl du Scardon à l’égard de Mme [A] épouse [L] .
-condamné en conséquence , l’Earl du Scardon à payer à Mme [Z] [A] épouse [L] la somme de 131 587, 67 € .
-rejeté la demande de délais de paiement de l’Earl du Scardon .
-condamné l’Earl du Scardon aux dépens .
-dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .
-ordonné l’exécution provisoire du jugement .
L’Earl du Scardon a interjeté appel de la décision le 7 décembre 2020.
Par ordonnance en date du 30 juin 2021 , Mme la Première Présidente a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ainsi que la demande de délais de paiement au profit de l’Earl du Scardon .
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2022 , l’Earl du Scardon demande à la Cour de :
statuant à nouveau
-condamner la société Earl du Scardon à rembourser le compte courant d’associé de Mme [L] à hauteur de 87 057, 07 € tel que cela résulte du procès -verbal d’assemblée générale du 23 décembre 2020.
-dire que le paiement de la somme de 87 057, 07 € fera l’objet d’un étalement .
-fixer la durée de l’étalement du paiement de la somme de 87 057, 07 €.
Avant dire droit ,
-nommer tel expert foncier agricole qu’il plaira avec pour mission de
-se faire remettre l’ensemble des documents dont il aura besoin.
-convoquer les parties , répondre à leur dires
-estimer la perte d’exploiter générée par les différents retraits effectués par Mme [Z] [L] et plus particulièrement les retraits de foncier effectués en 2010 , 2015 ,
2017 et 2018 ainsi que le retrait des génisses effectué en 2013.
-désigner le magistrat du siège à qui il pourra rendre compte de ses difficultés .
-se faire assister de tout sachant dont il aurait besoin .
-condamner Mme [Z] [L] à payer la somme déterminée par l’expert à l’Earl du Scardon en réparation de son préjudice d’exploitation .
A défaut ,
– condamner Mme [Z] [L] à payer la somme de 302 875 € à l’Earl du Scardon en réparation de son préjudice d’exploitation ( soit 192 875 € pour la perte d’exploitation , 35 000 € à la suite de la vente des génisses et 75 000 € pour la perte de production laitière ) .
En tout état de cause ,
-rejeter les prétentions de Mme [Z] [L] sur le fondement de l’exception d’inexécution .
-condamner Mme [Z] [L] à verser à l’Earl du Scardon la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens .
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 9 avril 2021 , Mme [Z] [A] épouse [L] demande à la Cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Earl du Scardon à régler à Mme [L] la somme de 223 103 € au titre du solde de son compte courant d’associé , tel qu’ évalué dans le rapport d’expertise de Mme [T] .
-rejeter l’appel principal de la société du Scardon .
-déclarer Mme [L] recevable et bien fondée en son appel incident.
-infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme [L] à indemniser la société du Scardon à hauteur de la somme de 91 515, 33 € .
-rejeter la demande reconventionnelle présentée par l’Earl du Scardon.
-condamner l’Earl du Scardon à régler à Mme [L] la somme de 3 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .
-condamner l’Earl du Scardon aux entiers dépens , dont distraction est requise au profit de Me Leclercq avocat , en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .
L’ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 14 septembre 2022 .
Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile .
Sur les conclusions
La société Earl du Scardon a communiqué ses dernières conclusions le 13 septembre 2022 .
Le 15 septembre 2022 , Mme [L] a sollicité le rejet de ses conclusions comme ayant été communiquées tardivement , dans des conditions contraires au principe du contradictoire .
L ‘ordonnance de clôture de la mise en état a été prononcée le 14 septembre 2022, si les dernières conclusions de l’Earl du Scardon n’ont été déposées que le 13 septembre 2022 accompagnées de plusieurs pièces , force est de constater que Mme [L] lui avait fait sommation de communiquer certaines de ces pièces , le 5 septembre 2022 seulement , alors que chacune des parties avait conclu plusieurs mois auparavant , l’intimée le 9 avril 2021 , l’appelante les 16 février et 2 novembre 2021 , et si les dernières conclusions de l’Earl du Scardon commentent les nouvelles pièces communiquées , elles présentent les mêmes demandes à la Cour que dans ses conclusions du 2 novembre 2021 , dans ces conditions , il y a lieu de constater que le principe du contradictoire a été respecté , et de déclarer recevables les conclusions de l’Earl du Scardon communiquées le 13 septembre 2022 .
Sur la demande de remboursement du compte courant d’associé
Le tribunal a constaté qu’il résultait d’un pré rapport d’expertise contradictoire effectuée en octobre et novembre 2016 , dans la perspective de son retrait de la société , de ce que le compte courant d’associé de Mme [L] était créditeur au 30 avril 2016 de la somme de 227 623, 49 € , que si la société Eurolait avait adopté lors d’une assemblée générale tenue le 12 mars 2019 une résolution décidant d’affecter le compte de report présentant un solde débiteur de 924 770, 75 € dans les comptes courants d’associé au prorata des droits de chaque associé , dont l’Earl du Scardon , force était de constater que la répartition de ce déficit entre les associés de l’Earl n’était pas justifiée par une décision de l’assemblée générale de l’Earl du Scardon , ainsi que le prévoyait l’article 21 de ses statuts , qu’en conséquence , dés lors qu’elle n’alléguait pas d’une créance susceptible de diminuer sa dette envers Mme [L] , l’Earl du Scardon devait être condamnée à lui rembourser la somme de 223 103 € .
L’Earl du Scardon sollicite l’infirmation de cette disposition et déclare qu’elle ne peut être tenue de rembourser que la somme de 87 057 , 07 € .Elle fait valoir que le texte des résolutions proposées lors de l’assemblée du 23 avril 2019 fait ressortir un compte courant d’associé au 30 avril 2018 de 167 633, 34 € pour M.[Y] [O] , 70 858, 46 € pour Mme [W] et de 239 446, 06 € pour Mme [L] , toutefois que suite à l’assemblée générale du 23 décembre 2020 , ce solde est de 87 057 € , que cette variation est due à l’affectation des résultats déficitaires de la SCL Eurolait , que dans la mesure où l’Earl du Scardon détient 91, 11 % des parts de la SCL Eurolait , une partie des déficits de cette dernière se retrouve mécaniquement affectée chez les associés de l’Earl du Scardon , qu’une assemblée générale de la SCL Eurolait s’est bien tenue le 12 mars 2019 laquelle avait notamment pour objet l’approbation des comptes de la SCL Eurolait et l’affectation des résultats des associés .Elle ajoute qu’il n’existe aucune obligation d’affecter les résultats déficitaires en report à nouveau , que le procès verbal de l’assemblée générale du 23 avril 2019 n’a pas été signé par Mme [L] , qu’une nouvelle assemblée générale a été organisée et tenue le 23 décembre 2020 , qu’aux termes de cette assemblée générale d’approbation des comptes , il ressort que le compte courant d’associés est fixé à 87 057 € , que cette assemblée générale n’a pas été contestée en justice , que le montant de ce compte courant bien que non approuvé par Mme [L] est conforme aux exigences statutaires , l’article 12 des statuts prévoyant que les comptes sont approuvés à la majorité simple des voix , Mme [L] ayant été régulièrement convoquée à cette assemblée générale .
Mme [Z] [A] épouse [L] réplique que l’expert amiable nommé par les parties a déterminé le montant du compte courant d’associé soit 223 103 € , qu’elle s’oppose à toute remontée des déficits de la société laitière , compte tenu des graves fautes de gestion générées par M.[O] depuis de nombreuses années, que celui ci aurait dû procéder à une déclaration de de cessation des paiements concernant Eurolait et solliciter l’ouverture d’une procédure collective , qu’il poursuit une exploitation manifestement déficitaire dans son intérêt exclusif .
Elle souligne que de façon fautive , M.[O] , gérant de la société Eurolait n’a pas convoqué l’assemblée générale de la société pendant des années , une assemblée s’étant tenue le 12 mars 2019 seulement pour approuver les exercices 2014 , 2016 , 2017 et 2018 , que pour masquer une gestion particulièrement fautive , visant à poursuivre de façon abusive une exploitation déficitaire , la gérance a fait comptabiliser par son expert comptable chaque année , une prise en charge par les associés amenant systématiquement le résultat à zéro .Elle souligne que les résolutions prévoyaient uniquement la faculté pour les associés de la société civile laitière d’approuver les comptes et non de se positionner sur l’affectation du résultat , que le plan comptable imposait de comptabiliser en report à nouveau le résultat déficitaire , non de compenser celui ci par un transfert non consenti par l’ensemble des associés .
Elle déclare que le rapport de Mme [T] , expert amiable, décrit parfaitement la situation , que le gérant commun des deux structures persiste dans une gestion baroque à maintenir deux sociétés dont l’une est en état de cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ,qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’Earl du Scardon à lui rembourser la somme de 223 103 € , montant justifié en comptabilité , qu’elle n’a jamais renoncé au règlement de cette créance .
Il résulte d’un pré rapport d’une expertise contradictoire effectuée en octobre et novembre 2016 , dans la perspective de son retrait de la société par Mme [B] [T] , expert agricole , que le compte courant d’associé de Mme [A] épouse [L] était créditeur au 30 avril 2016 , de la somme de 227 623 , 49 € , Mme [T] s’étant fait communiquer les résultats comptables clos de l’Earl du Scardon au 30 avril 2012 , 2013 , 2014 , 2015 et 2016 ainsi que les grand livres comptables de chacun de ces exercices .Mme [T] qui a, par ailleurs, eu communication des résultats comptables de la société Eurolait pour les mêmes années et des grands livres, a souligné que le résultat de la société Eurolait était tous les ans déficitaire , voire largement déficitaire , que les déficits de la société Eurolait pour les années 2012 à 2014 étaient affectés aux comptes courants des différents associés , soit l’Earl du Scardon , l’Earl du Loucheron et [E] [S] , le Gaec Regnier Delaporte ayant quitté la société en 2012 et que pour les exercices clos en 2015 et 2016 les affectations de résultat n’avaient pas encore été effectuées .
Il convient d’observer que c’est de façon très tardive, soit le 12 mars 2019 ,que la société Eurolait ayant pour associés , l’Earl du Scardon , M.[E] [S] et l’Earl Loucheron Farcy , a tenu une assemblée générale ordinaire avec pour ordre du jour , un rapport de gérance sur les comptes des exercices clos le 31 mars 2014, 2015 , 2016 , 2017 et 2018 , l’approbation des comptes desdits exercices , l’affectation des résultats des exercices , et l’évolution des comptes courants des associés .A ce procès verbal est joint un courrier en date du 12 février 2019 émanant de l’Earl Loucheron Farcy sollicitant la convocation d’une assemblée pour acter son retrait de la société Eurolait , demande présentée selon elle depuis 2013 .Le procès verbal de l’assemblée générale mentionne que seule l’Earl du Scardon est présente , les autres associés étant absents et non représentés .
Si le procès verbal du 12 mars 2019 de la société Eurolait mentionne que, après approbation des comptes de l’exercice clos le 31 mars 2018 , le compte de report à nouveau présente un solde débiteur de 924 770, 75 € et que conformément aux dispositions de l’article 23 des statuts les associés décident d’affecter ce compte dans les comptes courants d’associés , au prorata des droits de chaque associé , Earl du Scardon , [E] [S] et Earl Loucheron Farcy , force est de constater que la répartition de ce déficit entre les associés de l’Earl du Scardon n’est pas justifiée par une décision de l’assemblée générale de l’Earl du Scardon , ni par le moyen d’une consultation écrite ou par le consentement unanime des associés exprimé dans un acte . En effet ,les statuts de l’Earl du Scardon prévoient, article 21, que les décisions collectives des associés sont prises soit en assemblées , soit par le moyen d’une consultation écrite , soit par le consentement unanime de tous les associés exprimé dans un acte , et l’article 25 précise que l’assemblée des associés statuant conformément à l’article 21, approuve les comptes et procède à l’affectation et à la répartition des bénéfices sociaux , les associés supportent les pertes dans les mêmes proportions qu’ils participent aux bénéfices , que l’assemblée ordinaire des associés , peut décider notamment d’affecter les pertes à un compte « report à nouveau » , de les affecter au compte courant des associés , de les compenser avec les réserves existantes ou de les imputer sur le capital social .
L’Earl du Scardon indique dans ses écritures qu’une assemblée générale s’est tenue le 23 décembre 2020 et que compte tenu de cette dernière assemblée générale le solde du compte courant de Mme [L] est de 87 057 € , mais seul est produit aux débats (pièces 23 et 34 ) un projet de résolutions concernant une assemblée générale de l’Earl du Scardon en date du 23 décembre 2020 , et non un procès verbal d’assemblée générale qui aurait été signé par les parties en cause , de sorte que l’Earl du Scardon ne démontre pas l’existence d’une créance qui diminuerait sa dette envers Mme [L] , le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Earl du Scardon à payer à Mme [L] la somme de 223 103 € au titre de son compte courant d’associé .
Sur la demande d’indemnisation présentée par l’Earl du Scardon
L’Earl du Scardon a sollicité devant le Tribunal une expertise et, à défaut, la condamnation de Mme [L] à lui payer la somme de 302 875 € en réparation de son préjudice au titre d’une perte d’exploitation subie du fait du retrait par Mme [L] de parcelles de terre ainsi que de génisses .
Le Tribunal a déclaré qu’en raison de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil , l’action en indemnisation de l’Earl du Scardon , introduite par ses conclusions du 29 septembre 2020 pour des faits dommageables commis en 2010 , 2013 , et 2014, qu’elle ne pouvait ignorer, était prescrite , et qu’elle était donc irrecevable à agir pour ces faits .
Il a en revanche observé que Mme [L] ne contestait pas avoir cédé en 2017 une parcelle [Cadastre 8] d’une superficie de 5 ha 43 a à un tiers , ni avoir donné à bail à un tiers les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 4] , et avoir repris une étable , biens qui avaient été mis à la disposition de l’Earl du Scardon , qu’elle ne pouvait exciper d’un défaut de rémunération pour tenter de s’exonérer de ses manquements , alors que gérante , elle pouvait convoquer une assemblée générale pour délibérer sur cette rémunération , qu’elle ne pouvait également soutenir que la convention de mise à disposition des parcelles était tombée en désuétude , sans rapporter la preuve d’un accord commun , qu’il était donc établi que Mme [L] avait failli à ses obligations contractuelles .Il a indiqué qu’une mesure d’expertise ne pouvait pallier une carence dans l’administration de la preuve , que le préjudice devait être indemnisé sur la base du barème d’indemnisation des exploitants agricoles évincés lors d’acquisitions par les collectivités publiques convenu entre la direction départementale des Finances Publiques et la chambre d’agriculture de la Somme valable entre le 1er juillet 2016 et le 30 juin 2017 , soit sur la base de 7 715 € l’hectare , que le préjudice d’exploitation était donc de
91 515 , 77 € ( 7 715 € x 11 , 8620 ) .
L’Earl du Scardon fait valoir que ce n’est qu’en 2016 , dans le cadre de l’expertise diligentée , qu’elle a pris conscience de l’ensemble des préjudices subis par le défaut d’exploitation de Mme [L] en raison de ses retraits de fonciers et d’animaux , que la prescription a donc commencé à courir en 2016 seulement et que son action n’est donc pas prescrite .
Elle souligne que l’article 13 des statuts précisait que les associés exploitants mettaient à la disposition de la société les immeubles dont ils étaient locataires , et les immeubles dont ils étaient propriétaires ,qu’une convention de mise à disposition des biens conclue entre les associés en 2009 , a fixé les conditions de cette dernière , mais qu’en 2010 , Mme [L] a retiré de la société une parcelle de 1, 60 ha et une parcelle de 5 ha ,sans consultation des associés , qu’en 2014 , elle a demandé la résiliation du bail sur la parcelle [Cadastre 7] pour une superficie de 1 ha 51 a 40 ca , qu’en 2015 , elle a cessé de mettre à la disposition de la société un bâtiment , contraignant la société à vendre 70 génisses au prix unitaire de 500 € , que la perte directe est donc de 35 000 € à laquelle s’ajoute une perte de production de lait pour les années 2016 et 2017 , soit 75 000 € . Elle ajoute qu’un des baux de Mme [L] a été résilié pour une surface de 5 ha 21 a 60 ca suite à un non paiement de fermages , qu’en 2017 , Mme [L] a vendu la parcelle [Cadastre 8] pour une superficie de 5 ha 43 a , qu’une partie de cette parcelle fait désormais l’objet d’un bail consenti par la Safer , qu’en 2018 , Mme [L] a également repris 2 parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 4] sur la commune d'[Localité 3] , soit 3 ha 95 a 28 ca et 2 ha 47 a 92 ca , qu’au total ce sont 25 ha qui ont été retirés , qu’il convient d’indemniser cette perte d’exploitation à hauteur de 192 875 € et donc au total à 302 875 € ( 35 000 € + 75 000 € + 192 875 € ) .
Mme [A] épouse [L] sollicite l’infirmation du jugement et le débouté de l’Earl du Scardon en sa demande d’indemnisation .Elle fait valoir que si les statuts de la société précisaient qu’elle avait la qualité de gérante , ses nombreuses pièces médicales démontrent qu’elle a cessé de travailler pendant plusieurs années en raison de son état de santé , que l’action en indemnisation est prescrite , qu’il est notamment invoqué la reprise d’une étable en 2015 mais que l’action en justice a été introduite le 29 septembre 2020, et qu’il n’est pas démontré que le fait dommageable soit postérieur à cette date.
Elle ajoute qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise , que M.[O] et Mme [W] qui sollicitent une somme de 302 875 € veulent en réalité lui faire supporter leurs fautes de gestion , qu’il est invoqué une convention de mise à disposition en date du 14 mai 2009 mais qu’elle n’a reçu aucune rémunération en contrepartie de cette mise à disposition, que cette convention est tombée en désuétude , que l’Earl a manqué à son obligation d’entretenir les terres ce qui a été constaté par huissier de justice en mai 2015, qu’un créancier d’une obligation qui ne satisfait pas lui même à ses propres obligations peut se voir opposer un refus d’exécution de la part de son cocontractant , qu’il n’y a lieu à aucune indemnisation pour l’Earl du Scardon .
Selon l’article 2224 du code civil , les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il n’est pas contesté que la demande indemnitaire de l’Earl du Scardon a été présentée dans ses conclusions du 29 septembre 2020 devant le Tribunal , l’Earl du Scardon ne pouvait ignorer le retrait de parcelles ou la résiliation de baux par Mme [L] qui se sont produits en 2010 , 2013 et 2014 alors qu’elle bénéficiait de la mise à disposition de ces parcelles ou baux , ni la perte d’exploitation qui pouvait en découler , elle ne peut être admise à faire valoir que seules les constatations de l’expert amiable en 2016 lui ont permis de prendre conscience qu’elle subissait un préjudice , le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déclarée irrecevable à agir pour obtenir l’indemnisation des conséquences de ces faits .
S’agissant du bail résilié pour non paiement de fermages pour une surface de 5 ha 21 a 60 ca en 2017 , il convient de constater que la convention de mise à disposition en date du 14 mai 2009 conclue entre Mme [W] , M.[O] et Mme [A] avec l’Earl du Scardon qui prévoyait les conditions de la mise à disposition des biens au profit de l’Earl dont les associés étaient propriétaires ou locataires , précisait page 17 , que l’Earl devait exécuter les conditions imposées aux preneurs et notamment payer les fermages , l’Earl du Scardon à qui incombait la charge de ce paiement ne peut donc reprocher un défaut de paiement du fermage à Mme [A] et la résiliation du bail qui en a été la conséquence .
En revanche , ainsi que l’a relevé le tribunal , Mme [L] n’a pas contesté avoir cédé à un tiers en 2017 une parcelle [Cadastre 8] située à [Localité 6] , visée dans la convention de mise à disposition (page 14 ) , d’une superficie de 5 ha 43 a , ni avoir en 2018 , donné à bail à un tiers les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 4] sises à Abbeville d’une contenance de 3 ha 95 a 28 ca et 2 ha 47 a 92 ca , figurant également dans la convention de mise à disposition (page 16 ) ni avoir repris une étable en 2015 , laquelle était également mise à disposition de l’Earl .
Mme [L] fait valoir que les terres n’étaient pas entretenues de même que les bâtiments mais le constat d’huissier auquel elle fait référence qui aurait été dressé le 26 mai 2015 , n’est pas produit devant la Cour , les coupures de presse produites attestent d’un nombre très élevé de vaches, de nuisances sonores et olfactives et d’un risque de pollution mais ne démontrent pas le défaut d’entretien des terres et du bâtiment allégué .Mme [L] ne peut également ,ainsi que l’a apprécié le tribunal ,exciper d’un défaut de rémunération , contrepartie de la mise à disposition de ses biens , pour déclarer qu’elle n’était pas tenue de respecter la convention de mise à disposition , alors qu’elle était gérante dans la société et pouvait convoquer une assemblée générale ( article 5 de la convention ) pour en délibérer ce qu’elle n’a pas fait , de même qu’elle ne peut soutenir que la convention conclue en mai 2019 était tombée en désuétude alors qu’ elle ne produit aucun élément qui démontrerait que les associés aient manifesté leur accord pour ne plus appliquer cette dernière .
Mme [A] épouse [L] en retirant des terres soit 11 ha 86 a et 20 ca et une étable, , qui étaient mises à disposition de l’Earl du Scardon sans l’accord de l’ensemble des associés a manqué à ses obligations contractuelles , causant un préjudice à cette dernière , pour lequel elle doit réparation .
Aucun document probant n’est produit pour étayer les sommes sollicitées au titre des préjudices que l’Earl Scardon estime avoir subis du fait de la vente des génisses et de la perte de production de lait , ainsi que l’a rappelé le tribunal , l’article 146 du code de procédure civile dispose qu’en aucun cas , une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve .Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’Earl du Scardon de sa demande d’expertise et a évalué le préjudice subi sur la base du barème d’indemnisation des exploitants agricoles évincés lors d’acquisitions par les collectivités publiques convenu entre le président de la chambre d’agriculture du département de la Somme et le directeur départemental des finances publiques de la Somme , valable du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, produit aux débats par l’Earl du Scardon , soit sur la base de 7 715 € l’hectare pour la région agricole du Ponthieu ,où se trouve l’exploitation , le préjudice d’exploitation sera fixé à la somme de 91 515 , 33 € ( 7 715 € x 11 , 86 20 ) à l’exclusion de toute autre somme , le jugement sera confirmé .
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la compensation des sommes dues et condamné l’Earl du Scardon à payer à Mme [Z] [A] épouse [L] la somme de
131 587, 67 € .
Sur les délais de paiement
L’Earl du Scardon sollicite des délais de paiement pour s’acquitter de la somme due au titre du compte courant d’associé de Mme [A] ,faisant valoir que l’intimée ne justifie pas de besoins urgents qui justifieraient un refus de délais de paiement , que par ailleurs , l’Earl du Scardon connait des difficultés de trésorerie , dans un contexte agricole général impacté par les intempéries .
Le litige opposant les parties est ancien , la démission de Mme [A], qui a connu de graves problèmes de santé , et est âgée de 67 ans désormais , a été actée par le Tribunal , si les difficultés financières majeures de la société Eurolait ont été constatées en 2016 , tel n’est pas le cas de l’Earl du Scardon qui ne justifie pas qu’en 2021 ou en 2022 , elle se soit trouvée dans un contexte agricole défavorable et connaisse des difficultés de trésorerie , il convient donc de débouter l’Earl du Scardon de sa demande de délais de paiement .
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient d’accorder à Mme [A] épouse [L] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile , et de condamner l’Earl du Scardon aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Lclercq , avocat .
La Cour , par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions .
Y ajoutant ,
Condamne l’Earl du Scardon à payer à Mme [Z] [A] épouse [L] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .
Déboute les parties de toutes autres demandes .
Condamne l’Earl du Scardon aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Leclercq avocat .
Le Greffier, La Présidente,