Formalités légales et AG des Sociétés : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 9, 15 décembre 2022, 21/19899

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Formalités légales et AG des Sociétés : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 9, 15 décembre 2022, 21/19899

te M. [M]. M. [U] a été nommé gérant.

En mai 2020, à la sortie du confinement, M. [U] se rendait au greffe du tribunal de commerce de Bobigny afin de déposer le procès-verbal de l’assemblée générale du 6 février 2020. Il était alors informé de ce que les statuts avaient été mis à jour le 1er février 2020 et que M. [L] [M] avait cédé ses parts à son père [C] [M], qui était devenu le gérant de la société.

Le 26 mai 2020, M. [U] déposait plainte pour escroquerie. M. [C] [M] a déposé une plainte pour escroquerie et usage de faux à l’encontre de MM. [U] et [H] le 16
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/19899 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVNM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2021 – Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2020F00731

APPELANTS

Monsieur [O] [U]

né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 14]

[Adresse 4]

[Localité 14]

Monsieur [I] [H]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 16] (MAROC)

[Adresse 5]

[Localité 12]

Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentés par Me Odile STRICH, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 266, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur [C] [M]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 15] (MAROC)

[Adresse 9]

[Localité 10]

Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 8] 1982 à [Localité 13] (AMROC)

[Adresse 9]

[Localité 10]

E.U.R.L. NINO TIME

N° SIRET : 880 527 676

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentés par Me Fatima BOULAFRAH, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 244, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

La société Nino Time est une société à responsabilité limitée à associé unique créée le 13 janvier 2020 par M. [L] [M], qui en était le gérant. Elle exploite un fonds de commerce de pizzeria.

Des discussions ont débuté entre M. [M] et MM. [O] [U] et [I] [H] en vue de la cession des parts de la société Nino Time. Les parties ont alors convenu d’un prix de cession de 120 000 euros.

Le 6 février 2020, la cession du capital social de la société Nino Time aurait eu lieu, ce que conteste M. [M]. M. [U] a été nommé gérant.

En mai 2020, à la sortie du confinement, M. [U] se rendait au greffe du tribunal de commerce de Bobigny afin de déposer le procès-verbal de l’assemblée générale du 6 février 2020. Il était alors informé de ce que les statuts avaient été mis à jour le 1er février 2020 et que M. [L] [M] avait cédé ses parts à son père [C] [M], qui était devenu le gérant de la société.

Le 26 mai 2020, M. [U] déposait plainte pour escroquerie. M. [C] [M] a déposé une plainte pour escroquerie et usage de faux à l’encontre de MM. [U] et [H] le 16 juin 2020.

Le 17 juin 2020, M. [C] [M] présentait une requête au tribunal de commerce de Bobigny afin d’être autorisé à assigner à jour fixe MM. [U] et [H] pour qu’il leur soit enjoint de remettre le procès-verbal et l’acte de cession signé par eux, de juger que ces écrits constituent des faux, de prononcer la nullité de toute vente d’actions de la société Nino Time par M. [L] [M] à leur profit, de prononcer la nullité de tous les actes relatifs à cette cession, de prononcer l’expulsion de MM. [U] et [H] des locaux et de les condamner à payer la somme de 120 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi.

Le tribunal de commerce de Bobigny a, par jugement du 28 septembre 2021, dit M. [L] [M] recevable en son intervention volontaire principale, et a prononcé la nullité de la cession des parts sociales intervenue entre M. [L] [M] et MM. [U] et [H], la nullité du procès verbal d’assemblée générale extraordinaire rédigé par ces derniers, a ordonné l’expulsion de MM. [U] et [H] des locaux de la société Nino Time et a débouté M. [C] [M] de sa demande au titre de son préjudice ainsi que ses autres demandes.

Par déclaration du 17 novembre 2021, MM. [U] et [H] ont interjeté appel de la décision.

*****

Par leur dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 juillet 2022, MM. [O] [U] et [I] [H] demandent à la Cour de’:

– Déclarer recevable et fondé leur appel ;

Y faisant droit,

– Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle’:

– reçoit la société NINO TIME et M. [C] [M] en leurs demandes, les dit partiellement fondée et y fait partiellement droit ;

– déclare M. [L] [M] recevable en son intervention volontaire principale et constitution ;

– prononce la nullité de la cession de parts sociales entre M. [L] [M] et MM. [U] et [H] ;

– prononce la nullité du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire rédigée par MM. [U] et [H] ;

– ordonne l’expulsion de MM. [U] et [H] des locaux de la SARL NINO TIME située [Adresse 7] ;

– déboute MM. [U] et [H] de l’ensemble de leurs demandes;

– dit n’y avoir lieu à l’art 700 du CPC ;

– condamne MM. [U] et [H] aux entiers dépens ;

– liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 137,90 euros TTC.

Et, statuant à nouveau,

– Juger irrecevable, ou en tout état de cause, mal fondée en ses demandes la société NINO TIME’;

– Débouter MM. [L] [M] et [C] [M] de l’intégralité de leurs demandes’;

– Juger que la cession en date du 1er février 2020 des parts de M. [L] [M] au profit de M. [C] [M] n’existe pas et est nulle,

– Juger que le procès-verbal en date du 1er février 2020, basée sur une cession nulle et inexistante, est nul,

– Ordonner la publication au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY du jugement à intervenir, afin de leur permettre de procéder aux formalités au RCS de la cession de parts du 6 février 2020 et du changement de gérance à même date.

– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [C] [M] de sa demande de préjudice, condamner in solidum M. [C] [M] et M. [L] [M] à leur régler la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

– Condamner in solidum M. [C] [M] et M.[L] [M] à leur régler la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

– Condamner in solidum M. [C] [M] et M. [L] [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel, incluant le coût de l’expertise graphologique amiable réalisée par M. [N].

*****

Par des conclusions signifiées le 27 avril 2022, la société Nino Time et MM. [C] et [L] [M] demandent à la Cour de :

Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle :

– reçoit la société NINO TIME et M. [C] [M] en leurs demandes, les dit partiellement fondée et y fait partiellement droit ;

– déclare M. [L] [M] recevable en son intervention volontaire principale et constitution ;

– prononce la nullité de la cession de parts sociales entre M. [L] [M] et MM. [U] et [H] ;

– prononce la nullité du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire rédigée par MM. [U] et [H] ;

– ordonne l’expulsion de MM. [U] et [H] des locaux de la SARL NINO TIME située [Adresse 7] ;

– déboute MM. [U] et [H] de l’ensemble de leurs demandes ;

– dit n’y avoir lieu à l’art 700 du CPC ;

– rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;

– condamne MM. [U] et [H] aux entiers dépens ;

– liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 137,90 euros TTC (dont 22,98 euros de TVA).

Et, statuant à nouveau, et en sus,

– Condamner M. [U] et M. [H], solidairement, au paiement de la somme de 50.000 euros de perte de chiffres d’affaire, en réparation du préjudice matériel et moral de M. [C] [M],

– DEBOUTER de leur entières demandes M. [U] et M. [H].

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes de la société Nino Time

Les appelants reprochent au tribunal de ne pas avoir répondu sur l’irrecevabilité qu’ils avaient soulevée des demandes formées par la société Nino Time, en violation des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Ils indiquent que la société Nino Time est irrecevable en ses demandes en raison de la cession intervenue le 6 février 2020 entre M. [L] [M], unique associé et gérant de la société Nino Time, et eux-mêmes, et de l’assemblée générale du même jour, qui procédait à la nomination de M. [U] en qualité de gérant.

Il indiquent que l’acte de cession a fait l’objet d’un enregistrement et de publication dans un journal d’annonces légales ; que le PV d’assemblée générale extraordinaire et les statuts mis à jour n’ont pu être publié au greffe du tribunal en raison du dépôt du 14 mai 2020 de statuts mis à jour suite à une cession entre M. [L] [M] et M. [C] [M] et du changement de gérance faisant apparaître M. [C] [M] en qualité de dirigeant de la société.

Ils estiment cependant que la cession de parts intervenue le 6 février 2020 est opposable à la société Nino Time ainsi que le changement de gérance intervenue le même jour ; que M. [C] [M] ne peut pas représenter la société Nino Time, dont les demandes doivent par conséquent être déclarées irrecevables.

Les intimés répliquent que M. [C] [M], est recevable pour représenter la société Nino Time, car le gérant a dès sa nomination pouvoir pour représenter la société.

Le litige portant précisément sur la détention capitalistique et la direction de la société Nino Time, il ne saurait être prononcée d’irrecevabilité au motif de l’absence de qualité de gérant de M. [C] [M], cette question relevant du débat au fond.

Sur la nullité de la cession de parts et du procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 6 février 2020

Le tribunal a prononcé la nullité de l’acte de cession entre M. [L] [M] et MM. [U] et [H] au motif qu’elle ne respectait pas la procédure d’agrément prévue par l’article L. 223-14 du code de commerce et l’article 12 des statuts de la société.

Les appelants exposent que l’article L. 223-14 du code de commerce exclut la procédure d’agrément dans les sociétés à associé unique, et qu’en l’espèce, lors de la cession du 6 février 2020, M. [L] [M] était l’unique associé de la société Nino Time.

Ils affirment par ailleurs, que l’article 12 des statuts ne prévoit pas de procédure d’agrément en cas de cession avec un associé unique.

Ils en concluent que la cession du 6 février 2020 ainsi que le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire qui accepte la démission de M. [L] [M] et la nomination de M. [U] aux fonctions de gérant sont conformes à l’article L. 223-14 du code de commerce et aux statuts.

Les appelants ajoutent que l’acte de cession est sincère, et fait suite à des discussions et commencements d’exécution qui ont débuté en septembre 2019 entre MM. [U] et [H] et M. [L] [M], qui leur a demandé de l’aider à faire face à ses difficultés financières. Les appelants produisent un procès-verbal de constat qui reproduit les SMS échangés entre les parties qui établit l’accord de M. [L] [M] pour sauver l’activité et envisager à terme la cession avec la société KTS de MM. [U] et [H] ; qu’ils ont alors avancé la somme de 20 260 euros par virement entre octobre 2019 et janvier 2020 et 4000 euros en espèce, afin de racheter le matériel de la pizzeria.

Ils contestent que ces versements soient relatifs à un autre projet de reprise, le projet évoqué par MM. [M] (cession de la société La Caserne) n’ayant abouti à aucun versement ni aucune cession.

Ils invoquent une assignation délivrée par la société OPH Communautaire Plaine Commune, bailleur de la société Nino Time, le 7 mars 2020 devant le tribunal judiciaire de Bobigny, en acquisition de la clause résolutoire, et qui corrobore les faits exposés par les appelants.

Ils énoncent que la signature de M. [L] [M] sur l’acte de cession du 6 février 2020, a fait l’objet d’une expertise graphologique par M. [N] expert près la Cour d’Appel de Versailles, qui confirme les dires des appelants.

Ils soulignent en outre que M. [C] [M] ne produit par l’acte de cession à son profit des parts de la société Nino Time qui serait intervenu le 1er février 2020, et que la seule date certaine est le 14 mai 2020, jour du dépôt des formalités au RCS, intervenu postérieurement à la cession du 6 février 2020.

Ils énoncent donc que l’acte de cession du 6 février 2020 est valable, qu’il contient les noms prénoms état civil et domicile du cédant et des cessionnaires, le nombre et la désignation des parts cédées, l’identification précise de la société, et le prix de la cession et modalités de paiement du prix, et qu’il a bien été enregistré le 24 février 2020.

Les intimés répliquent que l’article 12 des statuts prévoit bien un agrément même en cas de cession par un associé unique ; que l’article L. 223-14 du code de commerce n’exclut pas la procédure d’agrément dans le cas d’une société à associé unique ; qu’en l’espèce, aucune notification du projet de cession n’a été faite à la société et à l’associé unique de sorte que l’acte de cession du 6 février 2020 et le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du même jour sont irréguliers.

Ils énoncent qu’en vertu des articles 1324 du code civil et des articles 287 et 288 du code de procédure civile, lorsque la partie à qui on oppose un acte sous seing privé ne reconnaît pas l’écriture attribuée à son auteur il appartient au juge de vérifier l’acte contesté et de procéder à la vérification d’écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir enjoint aux parties, s’il y a lieu, de produire tous documents à lui comparer ; que MM. [M] n’ont jamais consenti à la cession litigieuse car l’acte de cession est un faux. Ils demandent que la cour enjoignent à MM. [U] et [H] de remettre le procès verbal et l’acte de cession afin de constater que ces écrits sont faux.

Ils estiment ensuite que l’acte de cession est nul sur le fondement des articles 1128, 1130 et 1137 du code civil, qui prévoient que le contrat est nul en cas de dol, et énoncent à ce titre que MM. [U] et [H] ont commis des artifices, fraude et tromperie dans la cession du fonds de commerce en procédant à de faux documents et signatures.

Ils produisent un rapport d’expertise qui renvoie à des documents originaux.

Ils indiquent qu’ils ne contestent pas connaître les appelants et qu’il existait en effet des relations d’affaires entre eux, mais que les échanges de SMS produits n’établissent pas la preuve d’une cession ; que l’aide financière qui aurait été donnée par la société KTS n’a aucun lien avec la cession litigieuse car la société KTS est tiers et n’a aucun lien juridique avec M. [M]. Ils énoncent donc que si la cession était intervenue, le prix de vente n’aurait pas été versée par la société KTS.

Ils contestent également le rachat du matériel de la société Shams Pizza par la société KTS, au motif que les fonds ont été versés à M. [M] et non la société Shams Pizza, radiée du RCS depuis le 19 novembre 2019′; qu’en outre, c’est la société Shams Pleyel qui exploitait le fonds de commerce de pizzeria ; qu’aucun relevés bancaires ne sont produits par les appelants pour justifier du virement des fonds par la société KTS. La facture produite par les appelants est selon les intimés un faux au vu de l’autocollant apposé en haut du document.

Les intimés exposent ensuite que le véritable prix de cession est de 120 000 euros de sorte qu’ils n’auraient jamais signé un acte de cession pour un prix symbolique de 100 euros.

Ils indiquent que le règlements des fonds par la société KTS à M. [M], a pour objet le règlement d’une dette personnelle et non une aide financière.

Ils énoncent que les appelants ont commis des faits similaires d’escroquerie à l’encontre de M. et Mme [X] en usant d’un faux acte de cession pour leur fonds de commerce de boulangerie.

Les intimés énoncent enfin que le rapport d’expertise versé par les appelants est non contradictoire et que l’expert, rémunéré par ces derniers, ne peut être impartial et indépendant et qu’il a utilisé des photocopies comme pièces de comparaison de sorte que ce rapport n’a aucune valeur probante.

Aux termes de l’article 12 des statuts de la société Nino Time : ‘(…) Le cédant portera à la connaissance des associés par lettre recommandée avec accusé de réception en laissant à ces derniers un délai d’un mois destiné à leur permettre d’apprécier les motifs de la cession préalable à la signature de l’acte la constatant (…). Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés prés [sic] au moins les trois quarts des parts sociales. Ce consentement est sollicité dans les conditions prévues par la loi (…)’.

Aux termes des dispositions de l’article L. 223-14 du code de commerce applicables aux sociétés à responsabilité limitée : ‘Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.

Lorsque la société comporte plus d’un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés (…)’.

Il en résulte que dans les sociétés à responsabilité limitée à associé unique, le consentement de la majorité (ou des trois quarts dans le cas de la société Nino Time) des associés est, par définition, acquis ; qu’aucune notification du projet de cession n’est dans ce cas exigée par la loi, et que la notification exigée par les statuts ne peut s’appliquer à l’hypothèse d’un associé unique dans laquelle le cédant et ‘les associés‘ ne font qu’un.

En outre, l’article 12 des statuts n’exige pas, contrairement à ce que soutiennent les intimés, que l’acte de cession contienne ‘la mention d’agrément de l’Assemblée des associés ou de l’associé unique lorsque la loi ou les statuts prévoient l’agrément’.

Par suite, c’est à tort que les premiers juges ont retenu que la cession intervenue le 6 février 2020 entre M. [L] [M] et MM. [U] et [H] était nulle au motif qu’elle ne respectait pas la procédure d’agrément prévue à l’article 12 des statuts et à l’article L. 223-14 du code de commerce.

Les intimés invoquent ensuite, pour écarter l’acte de cession du 6 février 2020, que celui-ci constituerait un ‘faux grossier’ et qu’il est donc nul et non avenu. Cependant, si M. [L] [M] conteste sa signature, il ressort des pièces produites qu’il était en contact régulier avec M. [U] dans les mois précédant la cession au sujet d’une société pour laquelle des virements de fonds et la signature d’un bail sont évoqués, et que M. [N], expert près la cour d’appel de Versailles, a estimé, dans un rapport rendu le 8 mars 2021 à la demande des appelants, qu’aucune caractéristique de falsification ou d’imitation de la signature de M. [L] [M] ne pouvait être constatée sur les actes de cession et le procès-verbal de l’assemblée générale en originaux constatant la cession.

Ainsi, cette seule affirmation, contredite par les éléments du dossier, ne constitue pas la preuve, ni même un commencement de preuve, du caractère falsifié de l’acte de cession ou du caractère dolosif de la transaction. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner une expertise en vérification d’écriture.

Il y a donc lieu de considérer cette cession comme régulière et de lui donner son plein effet. La cour souligne que si les intimés évoquent un changement de gérance intervenue le 1er février 2020, ils ne l’établissent par aucune pièce.

Sur l’expulsion de MM. [U] et [H] des locaux de la société Nino Time

Le tribunal a ordonné l’expulsion des appelants au motif que la cession de parts sociales a été annulée, et qu’aucune demande relative à la cession du droit au bail n’a été formulée au bailleur conformément à l’article 9 du bail.

Les appelants énoncent à ce titre que les dispositions relatives à la cession de droit au bail n’ont pas vocation à s’appliquer au motif qu’il s’agit en l’espèce d’une cession de parts sociales.

Ils exposent que le bailleur refuse de percevoir les loyers pour les raisons exposées précédemment notamment l’impossibilité pour les cessionnaires de procéder aux formalités relatives à la cession du 6 février 2020, en raison du dépôt par MM. [M] des statuts modifiés et d’un procès-verbal d’assemblée générale consécutif à une cession frauduleuse de parts entre MM. [M] ; que M. [U] n’a donc pas la possibilité d’ouvrir un compte pour la société Nino Time de sorte que le bailleur a refusé de percevoir des loyers ne provenant pas de la société.

Les intimés répliquent qu’il est manifeste que les appelants occupent illégalement les locaux de la société Nino Time et demandent par conséquent la confirmation de la décision du tribunal ayant prononcé leur expulsion des locaux de la société Nino Time.

En conséquence de ce qui a été exposé ci-dessus, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé l’expulsion des appelants.

Sur les autres demandes formées par MM. [U] et [H]

Les appelants estiment que le tribunal n’a pas motivé le débouté des demandes formées MM. [U] et [H] à savoir’:

”- Procéder à la vérification de signature de Monsieur [L] [M] figurant sur l’acte de cession du 6 février 2020 et sur le procès-verbal d’assemblée générale de la société NINO TIME du 6 février 2020, après avoir préalablement fait injonction à MM. [L] et [C] [M] de communiquer tous documents administratifs comportant leur signature établis avant le 06 février 2020, et ce en original, pour procéder à la vérification d’écriture,

– Faire injonction à MM. [C] [M] et [L] [M] de communiquer l’original de l’acte de cession du 1er février 2020 des parts de M. [L] [M] au profit de M. [C] [M] et l’original du Procès-verbal d’AG de même date nommant comme gérant [C] [M],

– Débouter les demandeurs et M. [L] [M], intervenant volontaire, de l’intégralité de leurs demandes,

Reconventionnellement,

Juger que la cession en date du 1er février 2020 des parts de Monsieur [L] [M] au profit de Monsieur [C] [M] n’existe pas et est nulle,

Juger que le procès-verbal en date du 1er février 2020, basée sur une cession nulle et inexistante, est nul,

Ordonner la publication au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY du jugement à intervenir, afin de permettre aux consorts [U] et [H] de procéder aux formalités au RCS de la cession de parts du 6 février 2020 et du changement de gérance à même date.

Condamner in solidum Monsieur [L] [M] et Monsieur [C] [M] à leur régler la somme de 50.000 € en réparation de leur préjudice moral’.

Les appelants invitent la cour à examiner les demandes reconventionnelles en considérant que la cession du 6 février 2020 est régulière.

S’agissant du préjudice qu’ils auraient subi, les appelants énoncent que le comportement de MM. [M] est constitutif d’une escroquerie visant à déposséder les appelants de leur parts sociales. Ils précisent que pendant la procédure, MM. [M] ont transféré le siège de la société de sorte que les appelants ne peuvent plus recevoir les courriers destinés à la société Nino Time.

Ils invoquent également le fait que le bailleur ait refusé de percevoir leur règlement de loyers.

Ils estiment donc avoir subi un préjudice moral qui devra être réparé à hauteur de 50 000 euros.

Il ressort de ce qui a été exposé ci-dessus qu’il y a bien eu cession des parts sociales de la société Nino Time le 6 février 2020 au bénéfice des appelants, et que les intimés tentent de faire obstacle à l’exécution de cette cession depuis plus de 2 ans. Ce comportement a nécessairement causé un préjudice aux cessionnaires, qui sont fondés à en demander réparation. MM. [L] et [C] [M] seront condamnés in solidum à leur verser la somme de 5 000 euros.

Il n’y a pas lieu de faire droit aux autres demandes formées par les appelants.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société Nino Time et MM. [M]

Les intimés énoncent que les appelants ont commis une escroquerie à leur encontre qui a conduit à une perte de chiffre d’affaire pendant l’occupation illégale du local par les appelants.

M. [C] [M] indique s’être retrouvé dans l’impossibilité de subvenir à ses besoins et s’est retrouvé fragilisé par les man’uvres des appelants. Il estime donc avoir subi un préjudice moral.

Ils demandent donc à la Cour de condamner les intimés à verser solidairement la somme de 50 000 euros en raison de la perte du chiffre d’affaires et du préjudice matériel et moral subi par Monsieur [C] [M].

Les appelants répliquent que le dispositif des intimés ne comprend pas l’infirmation du jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [C] [M] de sa demande de dommages et intérêts, de sorte que conformément aux article 542 et 954 du code de procédure civile, lorsqu’il n’est pas demandé dans le dispositif des conclusions l’infirmation ou l’annulation du jugement, la cour ne peut que confirmer le jugement.

Il ressort des conclusions des intimés que ceux-ci demandent la confirmation du jugement entrepris et ne forment pas appel incident concernant l’un des chefs de ce jugement. Il s’en déduit que le débouté par les premiers juges de la demande de M. [C] [M] à voir condamné MM. [U] et [H] à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral n’est plus en débat et que M. [C] [M] ne peut formuler devant la cour une demande tendant à obtenir cette condamnation.

M. [C] [M] évoque désormais un préjudice matériel et une perte de chiffre d’affaires en cause d’appel. Cette demande étant le complément de celles formées en première instance, elle est recevable. Elle sera cependant rejetée dans la mesure où il succombe en ses prétentions et est lui même-condamné, aux côtés de M. [L] [M], à indemniser les appelants du préjudice qu’il leur a causé.

Sur l’exécution provisoire

Les intimés estiment que compte tenu de la mauvaise fois des appelants dont les agissements sont contraires à l’intérêt social de la société Nino Time et de l’atteinte grave portée aux intérêts patrimoniaux de M. [M], il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Cette demande est sans objet dans la mesure où il n’est pas fait droit aux demandes des intimés.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les appelants demandent que leur soit versée la somme de 5 000 euros sur ce fondement.

Les intimés demandent que MM. [U] et [H] soient condamnés à leur verser la somme de 7 000 euros sur ce fondement.

Il y a lieu de condamner in solidum M. [L] [M] et [C] [M] à payer aux appelants la somme de 5 000 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement attaqué sauf en que qu’il juge recevable la société Nino Time et M. [C] [M] en leurs demandes et recevable M. [L] [M] en son intervention volontaire, et en ce qu’il a débouté M. [C] [M] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [L] [M] et M. [C] [M] de l’intégralité de leurs demandes,

Constate la régularité de la cession des parts sociales de la société Nino Time intervenue le 6 février 2020 au bénéfice de M. [O] [U] et M. [I] [H],

Condamne in solidum M. [L] [M] et M. [C] [M] à payer la somme de 5 000 euros à M. [O] [U] et [I] [H] en réparation de leur préjudice moral,

Condamne in solidum M. [L] [M] et M. [C] [M] à payer la somme de 5 000 euros à M. [O] [U] et [I] [H] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [L] [M] et M. [C] [M] aux entiers dépens de la première instance et de l’appel.

La greffière La présidente


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