Activité inventive en droit des Brevets : Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 décembre 2022, 20-14625

·

·

Activité inventive en droit des Brevets : Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 décembre 2022, 20-14625

saisie par [P] [V] a estimé clairement que le projet n’était pas brevetable, car « l’étude de l’activité inventive de l’invention en cause apparaît difficile au regard du peu d’informations techniques contenues dans le descriptif de l’invention »
mais la commission a mentionné que « si l’objet de l’invention porte sur une application et/ou un procédé pour la fourniture d’informations act
* * *
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 décembre 2022

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 733 F-D

Pourvoi n° K 20-14.625

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

Mme [P] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-14.625 contre l’arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant à la société Aéroports de Paris, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [V], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Aéroports de Paris, après débats en l’audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2020), Mme [V], soutenant que son employeur, la société Aéroports de Paris (la société ADP), s’était approprié fautivement une invention consistant dans la mise au point d’une borne interactive proposant aux voyageurs, par lecture optique ou saisie manuelle de leur carte d’embarquement, différents services et produits, qu’elle aurait élaborée et déclarée à son employeur en août 2006, l’a assignée en paiement de dommages et intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. Mme [V] fait grief à l’arrêt de rejeter ses prétentions et demandes accessoires au titre de l’usurpation de son savoir-faire, alors :

« 1°/ que le caractère secret d’un savoir-faire implique que la configuration et l’assemblage précis de ses composants ne soit pas généralement connu ou facilement accessible ; qu’en se bornant à relever, pour dire que la borne conçue par Mme [V] ne présentait pas le caractère de secret lui permettant de bénéficier d’une protection au titre du savoir-faire, et ainsi la débouter de ses demandes au titre du parasitisme, que cette borne constituait la combinaison d’éléments connus avant sa déclaration d’invention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette combinaison précise d’éléments, consistant en l’association d’un lecteur optique de carte d’embarquement à la délivrance d’informations personnalisées et commerciales à l’attention des passagers, n’était elle-même pas généralement connue ou facilement accessible à ce moment, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ;

2°/ que dans ses conclusions d’appel, Mme [V], qui entendait faire pièce de la motivation du jugement qui lui reprochait de ne pas définir l’application ou le procédé à l’oeuvre dans son projet, détaillait en quoi l’objet de la borne qu’elle avait conçue répondait précisément à la qualification de procédé et d’application, ce qui était de nature à établir qu’elle constituait une méthode susceptible d’être qualifiée de savoir-faire ; qu’en se contentant pourtant d’adopter la motivation des premiers juges, sans répondre à ce moyen qui ne leur avait pas été soumis, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le caractère généralement peu connu d’un procédé s’apprécie à la date à laquelle il est revendiqué par son concepteur ; qu’en se plaçant, pour estimer banale la borne conçue par Mme [V], à la date à laquelle elle a statué, et non à la date à laquelle la salariée a revendiqué ce procédé dans sa déclaration d’invention, la cour d’appel a violé l’article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

3. L’arrêt retient, d’abord, qu’avant la déclaration de l’invention de Mme [V] en août 2006, la société ADP avait travaillé sur un « concept de bornes interactives à écrans tactiles à mettre en place dans les terminaux » des aéroports d'[Localité 3] et de [Localité 4], donnant « des informations sur les ressources, les services et les transports » destinées à permettre « aux usagers de s’orienter » et de leur indiquer si « le service recherché est disponible », et que ce programme faisait partie d’un projet de plan informatique 2002-2004 ayant fait l’objet d’une note du 2 juillet 2001. Il relève que la société ADP travaillait sur un plan de refonte du téléaffichage, comme l’établit sa note du 24 juin 2002, mettant notamment en oeuvre des bornes d’information et d’orientation interactives, à destination du public, donnant des informations sur les vols. Il observe que Mme [V] avait connaissance des travaux de son employeur, qui constituaient des études confidentielles dont la société ADP était propriétaire, et qu’elle les a utilisés dans le développement de son projet.

4. L’arrêt constate, ensuite, qu’existait également, avant cette déclaration de Mme [V], une demande de brevet US 2006/0125657, publiée le 15 juin 2006 sous priorité d’une demande allemande du 19 février 2003, portant sur un « système d’orientation et méthode de navigation » destiné « à l’organisation du trafic dans une zone piétonne dans des bâtiments publics et des zones de trafic, qui comprennent une pluralité de destinations interconnectées à des voies de circulation », cette demande visant notamment les aéroports. Il retient qu’elle prévoit l’installation de « bornes d’information… à des endroits facilement accessibles, grâce auxquelles les utilisateurs sont identifiés et leurs données extraites… », que « l’identification d’un utilisateur peut être réalisée à l’aide de supports électroniques de données », lesquels « sont adaptés à une interrogation à distance et peuvent être intégrés dans les cartes d’embarquement, par exemple », et qu’après l’identification du passager et l’évaluation des données pertinentes, des informations tant sur le voyage que de nature commerciale peuvent lui être fournies dans sa langue. Il relève également que l’extraction des données par les bornes se fait sans contact et que cette demande de brevet précise qu’il est possible d’utiliser des supports de données connus.

5. L’arrêt retient, encore, que si la borne prévue par cette demande de brevet ne contient pas, comme celle de Mme [V], l’association de la borne et d’un lecteur optique de carte d’embarquement, il ressort cependant du rapport d’expertise produit par celle-ci que la lecture optique et le code-barre sont des techniques répandues depuis les années 1970. Il relève, en outre, que l’association internationale du transport aérien (IATA) a, en juin 2004, diffusé un communiqué de presse annonçant qu’elle s’engageait dans un plan tendant à remplacer les bandes magnétiques par des codes-barres sur les cartes d’embarquement et qu’il résulte des documents produits que le code-barre 2D est devenu un standard pour l’IATA en 2005.

6. L’arrêt retient, enfin, que les documents précités, antérieurs au document de présentation de Mme [V], étaient connus des intervenants du secteur aéroportuaire, confrontés à la gestion des flux des passagers et la nécessité de leur donner une information actualisée et individualisée, ou, à tout le moins, leur étaient facilement accessibles, et que la circonstance que la société ADP n’en ait pas fait état lorsque Mme [V] lui a notifié sa déclaration d’invention est indifférente.

7. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que même s’agissant du stockage et de la lecture des données figurant dans la carte d’embarquement du voyageur, l’assemblage des éléments précis du projet de Mme [V] était envisagé avant son invention, la cour d’appel, qui ne s‘est pas bornée à relever que tous les éléments utilisés par Mme [V] étaient connus mais a établi que leur combinaison l’était également, excluant ainsi le caractère secret du savoir-faire qu’elle revendiquait, et qui, contrairement à ce que soutient la troisième branche, a examiné, pour se déterminer, les éléments antérieurs à la revendication de l’invention ou contemporains de celle-ci, a, sans avoir à répondre au moyen invoqué par la deuxième branche, que ses appréciations rendaient inopérant, légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Mme [V] fait grief à l’arrêt de rejeter ses prétentions subsidiaires au titre de l’idée à valeur économique, alors :

« 1°/ que l’idée à valeur économique est celle qui procure un avantage concurrentiel, en apportant une valeur ajoutée durable ; qu’en se bornant à relever, pour dire que l’idée revendiquée par Mme [V] n’était pas une idée à valeur économique et la débouter de ses prétentions au titre du parasitisme, que des bornes informatiques d’information avaient déjà été développées précédemment et que les dispositifs utilisés par la borne conçue par elle avaient été développés dans le secteur aéroportuaire avant sa déclaration d’invention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la valeur ajoutée de l’idée de Mme [V] ne résidait pas dans la combinaison, inédite en 2006, d’une borne d’information et de ces dispositifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ;

2°/ qu’en se bornant encore à relever, pour statuer comme elle l’a fait, que Mme [V] ne pouvait faire état de la communication de la société ADP sur les qualités des nouvelles bornes mises en place dans ses terminaux à compter de 2008 pour en déduire que celles couvertes par sa déclaration d’invention de 2006 auraient une valeur économique certaine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bornes de nouvelle génération mises en place par la société ADP, que la société ADP avait elle-même qualifié de procédé innovant, ne présentaient pas les mêmes caractéristiques que la borne qu’elle avait préalablement conçue et présentée à son employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. L’arrêt, reprenant les motifs vainement critiqués par le premier moyen, retient que les bornes informatiques d’information des passagers ont été mises au point antérieurement à celle de Mme [V] et que les dispositifs utilisés par sa borne ont été développés, dans le secteur aéroportuaire, avant sa déclaration d’invention. Il ajoute que l’installation de telles bornes d’information ayant été envisagée et testée avant la déclaration d’invention de Mme [V], celle-ci ne peut en déduire que sa borne participe à améliorer l’attractivité des aéroports de la société ADP. Il en déduit que l’idée revendiquée par Mme [V], si elle est plus développée que celle des bornes préalablement mises en place par la société ADP ne lui confère pas un avantage économique.

11. En l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la borne mise au point par Mme [V] ne présentait, dans son ensemble, aucune fonctionnalité supérieure aux produits déjà existants ou envisagés, créatrice d’une valeur économique propre, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche invoquée par la seconde branche, que ses appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

12. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [V] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [V] et la condamne à payer à la société Aéroports de Paris la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour Mme [V].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [V] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de ses prétentions et demandes accessoires au titre de l’usurpation de son savoir-faire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

Les parties conviennent que le caractère secret du savoir-faire s’entend d’un savoir-faire qui n’est « généralement pas connu ou facilement accessible ».
Avant la déclaration de l’invention de madame [V] en août 2006, la société ADP avait travaillé sur un « concept de bornes interactives à écrans tactiles à mettre en place dans les terminaux » des aéroports d'[Localité 3] et de [Localité 4], bornes donnant « des informations sur les ressources, les services et les transports » destinées à permettre « aux usagers de s’orienter » et de leur indiquer si « le service recherché est disponible » ; ce plan faisait partie d’un projet de plan informatique 2002-2004 ayant fait l’objet d’une note du 2 juillet 2001. La société ADP travaillait sur un plan de refonte du téléaffichage, comme l’établit sa note du 24 juin 2002, mettant notamment en oeuvre des bornes d’information et d’orientation interactives, à destination du public, donnant des informations sur les vols (horaire).
La demande de brevet US 2006/0125657, publiée le 15 juin 2006 sous priorité d’une demande allemande du 19 février 2003, porte sur un « système d’orientation et méthode de navigation » destiné « à l’organisation du trafic dans une zone piétonne dans des bâtiments publics et des zones de trafic, qui comprennent une pluralité de destinations interconnectées à des voies de circulation », cette demande visant notamment les aéroports. Elle prévoit l’installation de « bornes d’information… à des endroits facilement accessibles, grâce auxquelles les utilisateurs sont identifiés et leurs données extraites… », « l’identification d’un utilisateur peut être réalisée à l’aide de supports électroniques de données », lesquels « sont adaptés à une interrogation à distance et peuvent être intégrés dans les cartes d’embarquement, par exemple ». Elle indique que si le passager s’approche d’une borne, « des informations sonores et/ou visuelles utiles pour trouver sa destination peuvent lui être présentées,… tout comme des informations destinées à la personne… les informations individuelles directes fournies en cas de changement de vol, inévitable en cas de vol retardé, présentent un avantage certain ». Sont alors données au passager toutes les informations pertinentes sur le nouveau vol sans perte de temps, et il est guidé vers sa destination, la nouvelle porte d’embarquement. Cette demande de brevet contient une figure 4 représentant une « borne d’identification et d’information (ou une borne d’acquisition automatique de données) pouvant faire partie du système d’orientation », et une figure 5 représentant un prospectus personnalisé délivré à l’utilisateur par cette borne, sur lequel il trouvera « toutes les données pertinentes pour la poursuite de son voyage,…notamment : le lieu et l’heure, un message de bienvenue personnalisé, les données relatives au vol à venir et notamment les informations sur l’itinéraire et le temps estimé jusqu’à la porte d’embarquement et l’heure limite d’embarquement, des réductions personnalisées sous forme de coupons détachables pour acheter des biens déterminés dans des boutiques spécifiques et à des conditions particulières », ces informations étant données dans la langue de l’utilisateur.
Cette demande précise aussi qu’« Après l’identification et l’évaluation des données pertinentes, par exemple les informations relatives au vol et les données personnelles des passagers telles que leur nom, leur langue, etc., des informations utiles leur seront présentées, sur demande ou spontanément. Dans ce contexte, les informations utiles incluent notamment le terminal auquel se rendre et le temps nécessaire estimé pour atteindre cette destination, mais aussi des informations de nature commerciale, en particulier des offres promotionnelles. La borne étant capable d’identifier la nationalité d’un passager, l’information peut également lui être fournie de façon sonore et/ou visuelle dans sa langue nationale ». Enfin, l’extraction des données par les bornes se fait sans contact.
Il résulte de ce document que les données du voyageur pouvaient être sur la carte d’embarquement, et que son identification par les bornes pouvait être réalisée à l’aide de supports électroniques de données, cette demande de brevet précisant qu’il est possible d’utiliser des supports de données connus.
Madame [V] ne peut faire grief à la société ADP de traduire le terme « identification station » de la demande de brevet US2006/0125657, par borne d’identification ; de même, le fait que la borne fasse partie, dans la demande de brevet, d’un ensemble plus large de guidage des passagers ne saurait réduire l’intérêt et la pertinence des fonctionnalités présentées par cette borne.
Si la borne prévue par cette demande de brevet ne contient pas, comme celle de madame [V], l’association de sa borne et d’un lecteur optique de carte d’embarquement, il ressort du rapport d’expertise produit par l’appelante que la lecture optique et le code barre sont des techniques répandues depuis les années 1970. De plus, l’association internationale du transport aérien (IATA) a, en juin 2004, diffusé un communiqué de presse annonçant qu’elle s’engageait dans un plan tendant à remplacer les bandes magnétiques par des codes barres sur les cartes d’embarquement, et il résulte des documents produits que le code barre 2D est devenu un standard pour l’IATA en 2005.
Les documents précités, antérieurs à celui de madame [V], étaient connus des intervenants du secteur aéroportuaire, confrontés à la gestion des flux des passagers et la nécessité de leur donner une information actualisée et individualisée, ou à tout le moins leur étaient facilement accessibles, le fait que la société ADP n’en ait pas fait état lorsque madame [V] lui a notifié sa déclaration d’invention étant indifférent.
Aussi, même si la demande de brevet US 2006/0125657 ne prévoit pas la lecture optique de la carte d’embarquement comme dans le projet de madame [V], celui-ci constitue la combinaison d’éléments connus avant sa déclaration d’invention. Le caractère secret n’est donc pas établi.
Au seul vu de ce qui précède, madame [V] ne justifie pas que sa borne présente les caractères lui permettant de bénéficier d’une protection au titre du savoir-faire, et le jugement sera confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :

[P] [V] a adressé en août 2006, un dossier relatif à une « borne d’information et de signal d’embarquement d’un vol par lecture optique ou automatique de la carte d’embarquement » (pièce n°4 demandeur), dans lequel est décrit le concept, c’est à dire l’idée du projet de la demanderesse qui est celle d’améliorer la qualité des services aux passagers, en permettant à ceux-ci de s’orienter et de profiter sans stress des services qui leur sont offerts, sans manquer l’embarquement de leur vol.
Sont également présentés les services offerts (informations sur l’état du vol, plan d’orientation interactif, impression des informations sur papier, alertes personnalisées et payantes) et le produit (borne interactive, muni d’un lecteur optique de la carte d’embarquement, carte de paiement bancaire).
La CNIS saisie par [P] [V] a estimé clairement que le projet n’était pas brevetable, car « l’étude de l’activité inventive de l’invention en cause apparaît difficile au regard du peu d’informations techniques contenues dans le descriptif de l’invention »
mais la commission a mentionné que « si l’objet de l’invention porte sur une application et/ou un procédé pour la fourniture d’informations actualisées liées à la gestion d’un vol ou commerciales, à destination d’un passager, cet objet apparaît constituer une méthode dans le domaine des activités économiques ».
Le savoir-faire désigne au sens commun la méthode, la technique, la maîtrise, la manière de faire propre à une entreprise, développée avec le temps par recherches, expérimentations, tâtonnements, qui détermine son habileté et son professionnalisme et qui est susceptible d’être transmise.
Il est constitué selon la définition de l’AIPPI « des connaissances et expériences de nature technique, commerciale, administrative, financière ou autres qui sont applicables dans la pratique pour l’exploitation d’une entreprise ou l’exercice d’une profession ».
Les parties s’accordent à considérer, au vu des règlements CE n°772/ 2004 du 27 avril 2004 et UE n°316/2014, en l’absence de définition légale en droit interne de « la valeur économique », que le savoir-faire est « un ensemble d’informations pratiques, résultant de l’expérience et testées, qui est :
-secret, c’est à dire qu’il n’est pas généralement connu ou facilement accessible,
-substantiel, c’est à dire important et utile pour la production des produits contractuels et
-identifié c’est à dire décrit de façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu’il remplit les conditions de secret et de substantialité ».
Les parties s’opposent pour considérer que le projet de [P] [V] présente ces caractères, mais préalablement il convient de déterminer si le projet tel que présenté, constitue une « méthode, une technique susceptible d’être qualifiée de savoir-faire ».
Certes, la CNIS a mentionné que l’objet du projet apparaît constituer une méthode dans le domaine des activités économiques, mais encore faut -il selon cette commission, que l’objet porte sur une application et/ ou un procédé pour la fourniture d’informations actualisées.
Or l’étude soumise à l’employeur par [P] [V], sans autre élément depuis, développe une idée, mais ne donne aucun renseignement ou élément sur l’application, le procédé ou encore la technique particulière, peu connue, qui serait nécessaire à mettre en oeuvre pour y parvenir, hormis le fait qu’il est fait référence de manière banale, à une borne interactive, muni d’un lecteur optique, capable de lire une carte d’embarquement et de divulguer des informations, d’une part sur un vol et d’autre part de nature commerciale.
A défaut de définir ce qu’est cette méthode ou cette technique particulière et personnelle, il ne peut être considéré que le savoir-faire invoqué est identifié, ou même identifiable, puisqu’il demeure au stade de l’idée ou du concept et il s’avère encore moins envisageable de s’assurer de son caractère secret et substantiel, sauf à dire, indépendamment de toute notion de nouveauté ou d’homme du métier, qui sont usitées en matière de brevet mais qui sont indifférentes au cas d’espèce, que l’idée proposée n’est pas nouvelle et qu’elle a déjà fait l’objet de demande de brevet.
C’est ainsi qu’a été publiée en 2004, sous priorité d’une demande allemande de février 2003 (pièce ADP 6-a et 6-c), une demande de brevet US n° 2006/ 0125657, un système d’orientation et méthode de navigation, notamment dans les aéroports, qui porte non seulement sur « des lignes d’orientation visuelles continues disposées le long des voies de circulation » (totalement étrangères au présent litige ), mais également sur « des bornes d’information installées à des endroits facilement accessibles grâce auxquelles les utilisateurs sont identifiés et leurs données personnelles extraites », l’utilisateur étant identifié « à l’aide de supports électroniques de données, tels que des transpondeurs, qui peuvent être interrogés sans contact » (résumé du titre).
Il est préconisé [009] « l’installation de bornes d’information à des endroits facilement accessibles de ces sites, grâce auxquelles les utilisateurs sont identifiés et leurs données extraites, notamment en combinaison avec un système d’information fournissant des informations individualisées (…). L’identification d’un utilisateur peut être réalisée à l’aide de supports électroniques de données. (…) Il est possible d’utiliser des supports de données connus tels que les cartes à puce et les puces de transpondeurs. Ces derniers sont adaptés à une interrogation à distance et peuvent être intégrés dans les cartes d’embarquement ».
La consultation de la borne permettra de donner des informations au passager sur son vol, mais également de l’orienter, et encore de lui présenter des messages sur des panneaux d’affichage, par exemple des offres spéciales, outre une copie papier des informations sous forme de prospectus, avec des bons de réduction détachables [0010].
Ainsi si l’invention telle que proposée dans ce brevet US ne préconise pas comme dans le projet de [P] [V], la lecture optique de la carte d’embarquement, elle propose néanmoins la fourniture d’informations aux passagers, sur son vol, l’oriente jusqu’à la porte d’embarquement et lui propose des offres commerciales, dans l’attente de son embarquement, de sorte que l’idée ne peut être considérée comme nouvelle.
A défaut d’invoquer une méthode ou une technique particulière, déjà mise en oeuvre et éprouvée, mais demeurée secrète ou peu connue, [P] [V] ne peut voir qualifier son projet de savoir-faire ;

1°) ALORS QUE le caractère secret d’un savoir-faire implique que la configuration et l’assemblage précis de ses composants ne soit pas généralement connu ou facilement accessible ; qu’en se bornant à relever, pour dire que la borne conçue par Mme [V] ne présentait pas le caractère de secret lui permettant de bénéficier d’une protection au titre du savoir-faire, et ainsi la débouter de ses demandes au titre du parasitisme, que ladite borne constituait la combinaison d’éléments connus avant sa déclaration d’invention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette combinaison précise d’éléments, consistant en l’association d’un lecteur optique de carte d’embarquement à la délivrance d’informations personnalisées et commerciales à l’attention des passagers, n’était elle-même pas généralement connue ou facilement accessible à ce moment, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions d’appel, Mme [V], qui entendait faire pièce de la motivation du jugement qui lui reprochait de ne pas définir l’application ou le procédé à l’oeuvre dans son projet, détaillait en quoi l’objet de la borne qu’elle avait conçue répondait précisément à la qualification de procédé et d’application, ce qui était de nature à établir qu’elle constituait une méthode susceptible d’être qualifiée de savoir-faire ; qu’en se contentant pourtant d’adopter la motivation des premiers juges, sans répondre à ce moyen qui ne leur avait pas été soumis, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, en tout état de cause, le caractère généralement peu connu d’un procédé s’apprécie à la date à laquelle il est revendiqué par son concepteur ; qu’en se plaçant, pour estimer banale la borne conçue par Mme [V], à la date à laquelle elle a statué, et non à la date à laquelle la salariée a revendiqué ce procédé dans sa déclaration d’invention, la cour d’appel a violé l’article 1240 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme [V] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de ses prétentions subsidiaires au titre de l’idée à valeur économique ;

AUX MOTIFS QUE :

Comme précédemment indiqué, la société ADP avait, avant le mois d’août 2006, engagé un travail sur des bornes interactives à écrans tactiles à disposer dans les aéroports d'[Localité 3] et de [Localité 4], afin de fournir aux usagers «des informations sur les ressources, les services et les transports», de leur permettre de s’orienter, et de les renseigner sur les services ; une note interne de 2002 envisageait une refonte du téléaffichage et le recours à des bornes d’information et d’orientation interactives donnant au public des informations sur les vols (horaire), avec une phase de développement et de test en 2003, et une installation en site pilote en 2003 -2004. Le projet BIO (pour Borne Interactive d’Orientation) de la société ADP, a fait l’objet d’une présentation le 26 novembre 2002 faisant état d’un test au terminal 2F de l’aéroport, cette borne « permettant aux passagers de rechercher des renseignements sur les services, ressources et commerces de la zone d’embarquement » dudit terminal.
Madame [V] avait connaissance de ces documents, qui constituaient des études confidentielles dont la société ADP était propriétaire, et les a utilisés dans le développement de son projet, ainsi qu’elle l’a reconnu. Si la borne développée par madame [V] contient un lecteur optique de carte d’embarquement, l’IATA avait annoncé dès le mois de juin 2004 l’engagement d’un plan de remplacement des bandes magnétiques par des codes barres sur les cartes d’embarquement.
Enfin, la demande de brevet US 2006/0125657, visant la priorité d’une demande allemande du 19 février 2003, envisage dans les aéroports l’installation de bornes d’information permettant, sans contact, l’identification des utilisateurs à l’aide de supports électroniques de données pouvant être intégrés dans les cartes d’embarquement, et l’extraction de ses données, afin de donner au voyageur toutes informations actualisées notamment sur son vol, sa porte d’embarquement, ainsi que des informations commerciales, ces informations étant données dans la langue de l’utilisateur. Ces informations incluent notamment le terminal auquel se rendre, le temps nécessaire pour l’atteindre, et la borne peut identifier la nationalité d’un passager et délivrer ces informations sur un support papier.
Il n’est de plus pas contesté que le service d’envoi de SMS aux passagers d’informations sur leur trajet avait été lancé par la société ADP en juillet 2006.
Il s’en suit que les bornes informatiques d’information des passagers avaient été développées précédemment à celle de madame [V], et les dispositifs utilisés par sa borne développés dans le secteur aéroportuaire avant sa déclaration d’invention.
Madame [V] ne peut pas faire état du budget de développement consacré par la société ADP aux bornes de cette société, d’un document de cette société relevant le nombre de requêtes traitées par les bornes de cette société, ou de la communication d’ADP sur les qualités des bornes mises en place dans ses terminaux, pour en déduire que celles couvertes par sa déclaration d’invention ont une valeur économique certaine. L’installation de telles bornes d’information ayant été envisagée et testée avant la déclaration d’invention de madame [V], celle-ci ne peut en déduire que sa borne participe à améliorer l’attractivité des aéroports de la société ADP.
Au vu de ce qui précède, l’idée revendiquée par madame [V], si elle est plus développée que celle des bornes préalablement mises en place par la société ADP, ne lui confère pas un avantage économique, et le jugement sera confirmé sur ce point ;

1°) ALORS QUE l’idée à valeur économique est celle qui procure un avantage concurrentiel, en apportant une valeur ajoutée durable ; qu’en se bornant à relever, pour dire que l’idée revendiquée par Mme [V] n’était pas une idée à valeur économique et la débouter de ses prétentions au titre du parasitisme, que des bornes informatiques d’information avaient déjà été développées précédemment et que les dispositifs utilisés par la borne conçue par elle avaient été développés dans le secteur aéroportuaire avant sa déclaration d’invention, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la valeur ajoutée de l’idée de Mme [V] ne résidait pas dans la combinaison, inédite en 2006, d’une borne d’information et de ces dispositifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil ;

2°) ALORS QU’en se bornant encore à relever, pour statuer comme elle l’a fait, que Mme [V] ne pouvait faire état de la communication d’ADP sur les qualités des nouvelles bornes mises en place dans ses terminaux à compter de 2008 pour en déduire que celles couvertes par sa déclaration d’invention de 2006 auraient une valeur économique certaine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les bornes de nouvelle génération mises en place par la société ADP, que la société ADP avait elle-même qualifié de procédé innovant, ne présentaient pas les mêmes caractéristiques que la borne qu’elle avait préalablement conçue et présentée à son employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1240 du code civil.


Chat Icon