ficace et sûre, au vu des résultats des essais cliniques de phase 2b, et qu’il n’y a là, aucune activité inventive.
24. Les sociétés Biogen MA et Biogen France soutiennent quant à elles que les contestations des sociétés Mylan sont dépourvues de sérieux. Elles font en premier lieu valoir que le brevet EP 873 a été délivré après un examen factuel et juridique approfondi et soulignen
* * *
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 6 octobre 2022
N° RG 22/55799 N° Portalis 352J-W-B7G-CXSTV
Par Nathalie SABOTIER, 1 ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Minas M, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSES
BIOGEN FRANCE SAS Tour CBX 1 Passerelle des Reflets 92400 COURBEVOIE
BIOGEN MA Inc. 225 Binney Street CAMBRIDGE / MA 02142 – USA
représentées par Maître Benoit STROWEL de l’AARPI HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS – #P0512
DÉFENDERESSES
MYLAN Ireland Limited 35/36, Grange Parade Baldoyle Industrial Estate DUBLIN 13 – Irlande
S.A.S. VIATRIS SANTE 1 rue de Turin 69007 LYON
représentées par Maître Denis SCHERTENLEIB de la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #A0948,
DÉBATS
A l’audience du 7 septembre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1 ère vice-présidente adjointe, assistée de Fanny A, Greffier,
EXPOSÉ DU LITIGE :
1. La société de droit nord américain Biogen MA Inc. se présente comme l’une des premières entreprises de biotechnologies au monde, à la pointe de la recherche scientifique dans la lutte contre les maladies neurologiques graves, depuis sa création en 1978. La
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI société Biogen France est sa filiale française bénéficiant du statut d’exploitant lui permettant de distribuer en France les spécialités du groupe.
2. La société Biogen MA est titulaire du brevet européen désignant la France n° 2 653 873 (ci-après EP 873), ayant pour titre « Compositions et leurs utilisations pour le traitement de la sclérose en plaques ». Ce brevet, déposé le 7 février 2008 en tant que demande divisionnaire du brevet européen n° 2 137 537 (ci- après le brevet parent EP 537), revendique la priorité d’une demande américaine n° 888921 P du 8 février 2007. Il a fait l’objet d’une décision de délivrance le 23 juin 2022, laquelle a pris effet le 20 juillet suivant, date de publication au Bulletin Européen des Brevets n° 22/29 de la mention de sa délivrance. Dès sa prise d’effet, le brevet EP 873 a fait l’objet de quatre oppositions.
3. Ce brevet protège une composition de fumarate de diméthyle et de fumarate de monométhyle, dosée à 480 mg (et jusqu’à 720 mg par jour), pour le traitement de la sclérose en plaques. La société Biogen MA bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ce produit (gélules gastro-résistantes de Diméthyle fumarate dosé à 120 ou 240 mg 2 x par jour indiqué dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente) délivrée le 30 janvier 2014, cette spécialité étant distribuée sous le nom Tecfidera ®.
4. Le groupe Viatris est spécialisé dans le développement et la vente de médicaments génériques. Sa filiale, la société Mylan Ireland Limited a obtenu la délivrance par la Commission européenne le 13 mai 2022, via la procédure centralisée, d’une AMM pour les spécialités génériques « Dimethyl Fumarate Mylan 120 mg, gélule gastro-résistante » et « Dimethyl Fumarate Mylan 240 mg, gélule gastro- résistante » indiquées dans le traitement des patients adultes atteints de sclérose en plaques rémittente-récurrente. La société de droit français Viatris Santé est désignée comme exploitante en France de cette AMM. Les spécialités Dimethyl Fumarate Mylan 120 mg et Dimethyl Fumarate Mylan 240 mg ont également été inscrites au répertoire des spécialités pharmaceutiques dont la commercialisation en France est autorisée, les sociétés Biogen ayant été informées le 20 juillet 2022 de la demande des sociétés Mylan aux fins d’inscription du Diméthyle Fumarate Mylan au répertoire des spécialités remboursables aux assurés sociaux.
5. Aussi, par une lettre du 5 mai 2022, renouvelée le 27 juin 2022, la société Biogen France a notifié ses droits à la société Viatris Santé lui demandant de s’engager à ne pas commercialiser les spécialités génériques du Tecfidera Ces lettres sont restées sans réponse. C’est dans ce contexte que les sociétés Biogen MA et Biogen France ont sollicité et obtenu, par une ordonnance du 28 juillet 2022, l’autorisation
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI de faire assigner les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé en référé devant le délégataire du président de ce tribunal, siégeant à l’audience du 7 septembre 2022 à 9 h 30, aux fins d’obtenir qu’il soit fait défense à ces sociétés de commercialiser les spécialités génériques « Dimethyl Fumarate Mylan 120 mg, gélule gastro-résistante » et « Dimethyl Fumarate Mylan 240 mg, gélule gastro-résistante ».
6. À l’audience du 7 septembre 2022, les sociétés Biogen MA et Biogen France demandent au juge des référés de : Dans l’éventualité où la décision à intervenir serait rendue avant tout lancement des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg gélules gastro-résistantes, sur le territoire français : – Dire que ces spécialités reproduisent à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873 de sorte que l’imminence de la contrefaçon des droits de Biogen MA n’est pas sérieusement contestable ; – Dire que la commercialisation illicite imminente de ces mêmes spécialités génériques constitue un acte de concurrence déloyale à l’égard de la société Biogen France ; – Faire défense aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, jusqu’au 7 février 2028 inclus, de fabriquer, exporter, importer, mettre sur le marché, offrir en vente, commercialiser, utiliser et détenir aux fins précitées, sur le territoire français les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873, sous astreinte de 1.0006 à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, étant précisé que l’astreinte s’entend par boîte de Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes ou de Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg fabriquée, exportée, importée, mise sur le marché, offerte à la vente, utilisée ou détenue aux fins précitées, ces actes constituant des infractions distinctes ; Alternativement, dans l’éventualité où la décision à intervenir serait rendue après le lancement des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg gélules gastro-résistantes, sur le territoire français : – Dire que ces spécialités génériques reproduisent à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873 de sorte que la vraisemblance de la contrefaçon des droits de Biogen MA n’est pas sérieusement contestable ; – Dire que la commercialisation illicite des mêmes spécialités génériques constitue un acte de concurrence déloyale à l’égard de la société Biogen France ; – Faire défense aux sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé, jusqu’au 7 février 2028 inclus, de fabriquer, exporter, importer, mettre sur le marché, offrir en vente, commercialiser, utiliser et détenir aux fins précitées, sur le territoire français les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873, sous astreinte de 1.0006 à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, étant précisé que l’astreinte s’entend par boîte de Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes ou de Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg fabriquée, exportée, importée, mise sur le marché, offerte à la vente, utilisée ou détenue aux fins précitées, ces actes constituant des infractions distinctes ; – Ordonner à la société Mylan Ireland Limited et à la société Viatris Santé de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873, sous astreinte de 1.000€ par boîte non rappelée ou non retirée des réseaux de distribution, à compter d’un délai de 48h suivant la date de la signification de la décision à intervenir ; – Autoriser les sociétés Biogen MA etBiogen France à demander que les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873, soient remises à tout huissier de leur choix, aux seuls frais in so/idum des sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, afin d’empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuites des actes de contrefaçon et par conséquent de: • autoriser les sociétés Biogen MA et Biogen France à faire procéder par tout huissier instrumentaire de leur choix, à la saisie réelle des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873, dans les locaux de la société Viatris Santé et en tous endroits dans lesquels les opérations révéleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conserves sous le contrôle de l’huissier en tout lieu de stockage approprié ; • autoriser l’huissier instrumentaire a se faire assister d’un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des Biogen MA et Biogen France, autres que les subordonnés des Demanderesses ; • autoriser l’huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude; • autoriser l’huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l’huissier instrumentaire à apposer les scelles sur les produits
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI pertinents et, d’une façon générale, à apposer tous scelles ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver les spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120mg, gelules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873 à saisir dans les lieux de la saisie ;
• autoriser l’huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l’huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie ; – Enjoindre aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé d’avoir à communiquer, sous astreinte de 10.0006 par jour retard passé un délai de 8 (huit) jours suivant la signification de la décision à intervenir, tous documents ou informations détenus par elles afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des spécialités génériques Dimethyl Fumarate Mylan, 120 mg, gélules gastro-résistantes et Dimethyl Fumarate Mylan, 240 mg, gélules gastro-résistantes, ou de toute composition pharmaceutique, reproduisant à tout le moins les revendications 1 et 5 du brevet européen n° 2 653 873, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs de ces produits, (ii) les quantités produits, importées, commercialisées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autre avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d’achat de ces produits ; En tout état de cause – Se réserver de liquider les astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution ; – Débouter les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; – Condamner les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé in solidum a verser aux sociétés Biogen MA et Biogen France la somme totale de 100.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; – Condamner les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé in solidum aux entiers dépens et dire qu’ils seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile. – Rappeler que l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir est de droit.
7. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé demandent quant à elles au juge des référés de : À titre principal, – Débouter les sociétés Biogen France et Biogen MA de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions. À titre subsidiaire, – Dire que les mesures sollicitées par les sociétés Biogen France et Biogen MA sont disproportionnées ; – Débouter en conséquence les sociétés Biogen France et Biogen
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI MA de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; À titre plus que subsidiaire, – Débouter les sociétés Biogen France et Biogen MA de leurs demandes de rappel et de droit à l’information ; À titre infiniment subsidiaire, – Renvoyer l’affaire à telle audience qu’il plaira au juge des référés de fixer pour que les parties puissent échanger sur les mesures de protection du secret des affaires à fixer préalablement à toute communication d’information, tel que prévu par l’article L. 153-1 du code de commerce. En tout état de cause, – Débouter les sociétés Biogen France et Biogen MA de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; – Condamner in solidum les sociétés Biogen France et Biogen MA à verser à la société Viatris Santé et Mylan Ireland la somme de 300.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner in solidum les sociétés Biogen France et Biogen MA aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par M e Denis Schertenleib, avocat, dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.
8. Plaidée à l’audience du 7 septembre 2022, l’affaire a été mise en délibéré au 6 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) L’office du juge des référés
9. L’article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que » Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (…) »
10. Selon le 22 ème considérant de la directive n°2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, « Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l’atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d’espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d’un droit de propriété intellectuelle. »
11. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, saisi de demandes présentées au visa de l’article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d’apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d’évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l’atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d’autre, la décision ou non d’interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant. Il convient donc, après la présentation du titre, d’examiner les moyens soulevés aux fins de contester sa validité apparente.
2°) Présentation du brevet n° EP 2 653 873
12. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet, « L’invention concerne certains composés pour traiter la sclérose en plaques. »
13. Le paragraphe [0002] enseigne que la sclérose en plaques est une maladie auto-immune, dans laquelle le système immunitaire, qui en principe lutte contre les agents étrangers, s’attaque aux propres éléments de l’organisme. Dans le cas de la sclérose en plaques l’action du système immunitaire est dirigée centre le système nerveux central (SNC), constitué du cerveau et de la moelle épinière. La maladie se caractérise par une inflammation entraînant la perte de la gaine de myéline qui entoure les axones neuronaux (qui véhiculent l’influx nerveux entre les neurones), puis la perte d’axones et la mort éventuelle des neurones, des oligodenrocytes et des cellules gliales.
14. Le paragraphe [0003] rappelle que la sclérose en plaques sous sa forme récurrente-rémittente consiste en des attaques récurrentes de dysfonctionnement neurologique pouvant se produire, s’atténuer et se reproduire de manière aléatoire pendant de nombreuses années. La rémission est souvent incomplète et au fur et à mesure que les crises se succèdent, une évolution décroissante s’ensuit avec un déficit neurologique permanent croissant.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI 15. Le paragraphe [0004] précise qu’aucun des traitements immunothérapeutiques connus à la date de priorité ne permet d’inverser la progression de la maladie. Le paragraphe [0007] fait ensuite état de recherches en cours sur les effets neuroprotecteurs de composés naturels d’origine végétale, par leur effet d’activation des voies de réponse au stress cellulaire, en particulier la voie Nrf2, entraînant la régulation positive des gènes neuroprotecteurs.
16. Le paragraphe [0009] évoque ainsi les travaux de K et al. ( « BG00012, a novel oral fumarate is effective in patients with relapsing remitting multiple sclerosis », SAGE JOURNALS: MULTIPLE SCLEROSIS, September 2006, Vol. 12, page 585, P325) qui ont mis en évidence, au cours d’essais cliniques de phase 2b l’efficacité de trois doses de BG00012 : 120 mg/jour, 360 mg/jour et 720 mg/jour (240 mg tid) qui se sont avérées réduire de manière significative l’activité des lésions cérébrales détectables par IRM chez les patients atteints de la sclérose en plaques récurrente-rémittente (SEP-RR).
17. Le paragraphe [0010] mentionne ainsi que l’invention concerne une utilisation médicale pour traiter la SEP par administration du Dyméthyle Fumarate (DMF) ou du Monométhyle Fumarate (MMF) tel que défini dans les revendications.
18. Les paragraphes [0023] puis [0061] rappellent les résultats de tests ayant révélé les propriétés cytoprotectrices et anti-inflammatoires du DMF par activation de la voie Nrf2 en conjonction avec des effets neuroprotecteurs et, en particulier, des testes dans un modèle animal : l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE) (Tuohyetal., J. Immunol., 1988,141:1126-1130, S et al. J. Immunol., 1984,132:2393-2401 et Traugott, Cell Immunol., 1989 119:114-129). La description précise que l’EAE récurrente chronique fournit un modèle expérimental bien établi pour tester les agents qui seraient utiles pour le traitement de la SEP. Ainsi, l’EAE de la souris est une maladie démyélinisante auto-immune induite présentant de nombreuses similitudes avec la SEP humaine dans ses manifestations cliniques. Le paragraphe [0067] enseigne que des dosages thérapeutiquement efficaces obtenus dans un modèle animal peuvent être convertis pour une utilisation chez un autre animal, y compris l’homme, à l’aide de facteurs de conversion connus dans la technique (voir, par exemple, F et al., Cancer Chemother. Reports, 1966, 50 (4): 219244 et le tableau 2 pour les facteurs de dosage de surface spécifique équivalente).
19. Le paragraphe [0078] enseigne l’exemple 3 suivant : Pour l’induction de l’EAE, les souris ont reçu des injections sous-cutanées dans les flancs et la base de la queue de 50 (ig de peptide MOG 35- 55 dans du PBS émulsifié dans un volume égal d’adjuvant complet de Freund (CFA) contenant du Mycobacterium tuberculosis H37RA (Difco, Détroit Ml, États-Unis) à une concentration finale de 0,5 mg/ml.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI Deux injections de toxine coquelucheuse (List Biological Traduction libre du brevet EP 2 653 873 Laboratories Inc., Californie, États-Unis ; 200 ng par souris, injection intrapéritonéale) ont été administrées aux jours 0 et 2. [0082] Les résultats, représentés sur les figures 3 et 4, démontrent l’activation du MMF et du DMF de Nrf2 in vivo.
20. Aux fins de l’invention, le brevet se compose de 9 revendications, seules étant opposées les revendication 1 et 5 suivantes :
‘’1. Composition pharmaceutique destinée à être utilisée dans le traitement de la sclérose en plaques, la composition comprenant: (a) fumarate de diméthyle ou fumarate de monométhyle, et (b) un ou plusieurs excipients pharmaceutiquement acceptables, dans laquelle la composition est destinée à être administrée par voie orale à un sujet nécessitant un traitement contre la sclérose en plaques, et dans laquelle la dose de fumarate de diméthyle ou de fumarate de monométhyle à administrer est de 480 mg par jour.
5. Fumarate de diméthyle ou fumarate de monométhyle destiné à être utilisé dans le traitement de la sclérose en plaques, dans lequel le fumarate de diméthyle ou le fumarate de monométhyle doit être administré par voie orale à un sujet nécessitant un traitement contre la sclérose en plaques à une dose de 480 mg par jour. »
3°) Les moyens de contestation de la validité du brevet EP 873
Moyens des parties
21. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé invoquent deux moyens selon elles sérieux de nullité manifeste du brevet qui leur est opposé. Elles soutiennent en premier lieu que l’invention n’est pas décrite dans le brevet et en particulier qu’il ne peut être tiré du modèle animal EAE visé dans la description, aucune conclusion fiable sur le traitement de la sclérose en plaques, ce que l’homme du métier sait selon elles parfaitement depuis un article paru en avril 2006 (Y et al., « The value of animal models for drug development in multiple sclerosis », B 2006,129,1940-1952), et ce que confirme au demeurant le témoignage du Professeur K produit par les sociétés Biogen en pièce 7.7. Les sociétés défenderesses ajoutent que l’efficacité thérapeutique de la dose revendiquée de 480 mg de DMF n’est pas décrite dans le fascicule de brevet et qu’elle ne pouvait l’être, cette efficacité n’ayant été démontrée que postérieurement à la date de dépôt par les résultats, paru en 2011, des essais cliniques de phase III « Definé » et « Confirm » au cours desquels cette dose de 480 mg a été testée pour la première fois auprès de patients atteints de sclérose en plaques.
22. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent ensuite que, si l’invention est suffisamment décrite, alors elle était évidente pour l’homme du métier. Elles rappellent à cet égard que le problème
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI technique que l’invention propose de résoudre est celui d’une dose thérapeutiquement efficace de DMF pour le traitement de la sclérose en plaques et non, comme le soutiennent les sociétés Biogen, un quelconque traitement amélioré. Elles ajoutent que l’art antérieur le plus proche est incontestablement la présentation faite par le docteur K des résultats d’essais clinique de phase 2b portant sur l’administration à des patients atteints de sclérose en plaques de doses comprises entre 120 et 720 mg de DMF, ces résultats étant au demeurant visés dans la description du brevet.
23. Les sociétés Mylan font à cet égard valoir que, ayant connaissance de ces résultats, l’homme du métier était fortement incité à tester la dose de 480 mg laquelle n’a dès lors rien d’inventif. Elles soulignent en effet la survenue de plus nombreux effets indésirables avec la dose la plus élevée et le taux plus élevé d’interruption du traitement à cette dose, ce qui est hautement problématique pour une pathologie aussi grave que la sclérose en plaques et aurait incité l’homme du métier à diminuer la dose administrée, en dépit de son effet dose-dépendant. Les sociétés défenderesses ajoutent que l’homme du métier aurait relevé, à l’examen des résultats des essais de phase 2b, que les patients traités à la dose intermédiaire de 3 80 mg présentaient en moyenne un taux plus élevé de lésions avant même l’engagement des essais, ce qui l’aurait conduit à relativiser la moindre efficacité thérapeutique apparente de cette dose. Elles précisent encore qu’une autre incitation à réduire la dose de 720 mg provient de la difficulté pour tout patient, bien connue de l’homme du métier, de suivre un traitement en trois prises quotidiennes (« ter in die » ou « tid » dans la description), tandis que ce dernier n’aurait pas modifié la forme des comprimés testés en phase 2 (120 mg de DMF). Elles en déduisent que l’homme du métier aurait inévitablement testé la dose de 480 mg sous la forme de deux prises quotidiennes de deux comprimés dosés à 120 mg, dont il a l’attente raisonnable qu’elle soit efficace et sûre, au vu des résultats des essais cliniques de phase 2b, et qu’il n’y a là, aucune activité inventive.
24. Les sociétés Biogen MA et Biogen France soutiennent quant à elles que les contestations des sociétés Mylan sont dépourvues de sérieux. Elles font en premier lieu valoir que le brevet EP 873 a été délivré après un examen factuel et juridique approfondi et soulignent que l’argument de l’insuffisance de description n’a jamais été soulevé par les sociétés Mylan devant l’Office ce qui démontre selon elles le caractère « désespéré » de ce moyen. Elles rappellent à cet égard que le brevet parent EP 537 a été révoqué sur le fondement d’un grief d’extension indue, couvert par la nouvelle rédaction de la présente demande.
25. S’agissant de l’insuffisance de description, les sociétés Biogen soutiennent qu’elles n’ont nullement l’obligation, y compris pour un
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI brevet de seconde application thérapeutique, de prouver l’efficacité de la dose couverte par l’invention par des essais cliniques de phase III. Elles en déduisent que ce moyen n’est pas sérieux et sera écarté.
26. S’agissant de l’activité inventive, les sociétés Biogen font valoir que le problème technique que l’invention propose de résoudre est celui d’un traitement amélioré de la sclérose en plaques par l’administration d’une dose quotidienne de 480 mg de DMF, laquelle, de façon surprenante, s’est révélée aussi efficace que la dose de 720 mg. Les sociétés demanderesses soutiennent que le raisonnement de destruction de l’activité inventive du brevet EP 873 est ici basé sur un raisonnement a posteriori interdit, et que contrairement aux affirmations des demanderesses, l’homme du métier n’était absolument pas incité à réduire la dose de 720 mg, qui s’était révélée être la plus efficace au cours des essais déphasé 2 b conduits par le docteur K. Elles font sur ce point valoir que les effets secondaires décrits sont des effets secondaires que l’homme du métier aurait considéré comme « acceptables » au regard de la gravité de la sclérose en plaques. Elles qualifient en outre le recours à de multiples documents supposés détruire l’activité inventive du brevet d’approche « patchwork’ qui ne pourra que conduire le juge des référés à constater que l’invention n’avait rien d’évident.
Appréciation du juge des référés
27. Aux termes de l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. » Selon l’article 138 § 1 de cette Convention, « Sous réserve de l’article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si: a) l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet européen n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ; (…) ».
28. Il résulte en outre de l’article 56 de la Convention sur le brevet européen qu’ »une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. »
29. En matière de brevets de seconde application thérapeutique, ce qui est le cas du brevet EP 873, il est jugé que « Lorsqu’une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d’une substance ou d’une composition, l’obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l’exigence de suffisance de description,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI il n ‘est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l’application thérapeutique revendiquée, de manière que l’homme du métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique. » (Com., 6 décembre 2017, pourvoi n° 15-19.726, Bull. 2017, IV, n° 160)
30. Il en résulte que : – l’effet thérapeutique recherché doit être précisé dans les revendications, et – pour qu’il soit satisfait à l’exigence de suffisance de description, le brevet relatif à une seconde application thérapeutique doit comporter, par toute sorte de données, les informations établissant clairement et sans ambiguïté l’effet thérapeutique revendiqué, sans qu’il soit nécessaire de fournir à ce stade le résultat d’essais cliniques, l’effet thérapeutique étant alors considéré comme « plausible ».
31. En l’occurrence, ainsi qu’il a été vu, les revendications 1 et 5 précisent l’effet thérapeutique recherché (le traitement de la sclérose en plaques) au moyen de l’administration orale d’une dose quotidienne de 480 mg de fumarate de diméthyle ou fumarate de monométhyle, tandis que la description divulgue des tests réalisés sur des souris et les tableaux de conversion pour l’être humain. Surtout, la description mentionne des résultats d’essais cliniques de phase 2b portant sur des composés comprenant différents dosages de fumarate de diméthyle qui rendent indiscutablement « plausible » l’effet thérapeutique de la dose revendiquée.
32. Ceci étant, lorsqu’il est divulgué, avant la date de priorité ou de publication de la demande, qu’une étude clinique est en cours, l’homme du métier est conduit à considérer qu’il existe une espérance de succès suffisante dans le traitement, de nature à rendre l’invention dépourvue d’activité inventive. C’est en ce sens que se sont prononcées plusieurs décisions de ce tribunal comme des chambres de recours de l’Office européen des brevets et en particulier la décision suivante :
« 3.10 Le document D2 divulgue qu’une étude clinique de phase I évaluant le traitement combiné du cancer avec Yondelis (ET-743) et Doxil (PLD) était en cours. Par conséquent, à la date de publication de D2, l’information selon laquelle le traitement combiné en question était envisagé par les chercheurs pharmaceutiques avec une espérance de succès suffisante pour justifier un essai clinique de phase I était disponible. Dans ce contexte, il est souligné que les composés pharmaceutiques devant être utilisés dans un essai clinique sur des sujets humains ne sont pas sélectionnés sur la base d’une approche générale « try and see », mais sur la base de données scientifiques favorables existantes, pour des raisons à la fois
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI éthiques et économiques 1 Un essai clinique n’est donc pas un simple exercice de criblage. 3.11 Contrairement à ce qui a été soutenu par les titulaires du brevet, le dossier ne contient aucune autre information qui aurait amené l’homme du métier à modifier cette appréciation et à estimer, à la date de priorité du brevet en litige, qu’il n’y avait finalement aucune espérance raisonnable de réussite pour la polythérapie avec ET-743 et PLD. 3.12 II était connu que les deux médicaments étaient bien tolérés en monothérapie chez des patients humains (voir D16a pour PLD ; D2 et D7 : pages 1189 et 1190 pour ET-743) et présentaient des toxicités limitant la dose différentes pour la plupart des types de cancer. Ces informations ne vont au moins pas à l’encontre de l’association des médicaments, étant donné qu’il est avantageux de choisir des substances présentant des effets secondaires limitant la dose différents afin d’obtenir un bénéfice d’un traitement combiné (voir point 3.8 ci-dessus et D3 5 : page 292). Bien que des données expérimentales relatives à la sécurité de l’association ne soient pas disponibles, la simple absence de telles informations n’aurait pas été une raison pour l’homme du métier de s’attendre à l’échec de la polythérapie. À cet égard, les titulaires du brevet ont fait valoir que le taux de réussite des essais en oncologie était généralement très faible, d’environ 5 % (comme indiqué dans la déclaration d’expert D50 : page 2), et il était donc surprenant que les études qu’ils avaient conduites montraient que la polythérapie pouvait être réalisée avec succès à des doses sûres. 3.12.2 La chambre observe que la déclaration contenue dans le document D50 et citée par les titulaires du brevet concernant les faibles taux de succès des médicaments en oncologie fait référence à des essais effectués sur de nouveaux médicaments individuels plutôt que sur des traitements combinés avec des médicaments anticancéreux connus. En tout état de cause, l’argument des titulaires du brevet n’est pas recevable, étant donné que la considération générale selon laquelle tout essai clinique est susceptible d’échouer ne jette aucun doute supplémentaire sur la polythérapie particulière envisagée et n ‘est donc pas suffisante pour établir une activité inventive. La raison pour laquelle des études cliniques sont conduites est que leurs résultats sont incertains. Mais ce sont des essais de routine et le fait que leur résultat soit incertain ne transforme pas en soi leurs résultats en invention. » (Décision de la chambre de recours technique du 4 octobre 2016, n° T 2506/12 ; voir aussi T 239/16 du 13 septembre 2017)
33. Il est rappelé que l’homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l’invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi n° 11-18.440). L’homme du métier est donc ici une équipe
1 Toutes les emphases sont le fait du juge des référés.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI pluridisciplinaire -constituée d’un médecin ayant une expérience dans le traitement de la sclérose en plaques et d’un pharmacologue.
34. Ainsi que le mentionnent les paragraphes [0001] et [0010] de la description, le problème technique que propose de résoudre l’invention est celui d’un dosage efficace de DMF pour le traitement de la sclérose en plaques.
35. En l’occurrence, l’homme du métier sait, par la présentation des résultats des essais cliniques de phase II (Pièce Mylan n°30), que la dose de 720 mg de DMF (240 mg « tid » pour « ter in die » soit 3 fois par jour) a permis de réduire significativement le nombre de nouvelles lésions par rapport au groupe sous placebo (résultats constatés par IRM après injection d’un produit de contraste « Gd+ ») et en particulier a permis de réduire de 32 % les lésions sur une année, tandis que la dose de 120 mg tid (360 mg) n’a pas montré de différence significative (en particulier pas d’augmentation moins importante du nombre de lésions) sur une année par rapport au groupe sous placebo.
36. L’homme du métier sait toutefois, par ce même document, que les patients traités par la dose à 360 mg présentaient 3 fois plus de lésions que les patients du groupe placebo et 2 fois plus que le groupe de patients ayant bénéficié de la dose à 720 mg.
37. L’homme du métier comprend donc que les résultats pour le groupe de patients ayant reçu la dose intermédiaire de 380 mg « ne sont pas statistiquement fiables » (pièce Mylan n°30, diapositive n°20 de la présentation du Pr K) en ce qu’ils rapportent une moindre efficacité de ce dosage par rapport aux autres groupes. Au contraire, rapporté au nombre de lésions préexistantes, il comprend que les lésions ont augmenté presque de la même façon pour ce groupe que pour celui traité avec la dose quotidienne de 720 mg (cf ci-dessous extrait des conclusions des sociétés Mylan page 291) :
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI 38. L’homme du métier sait également que 10 patients ont interrompu le traitement correspondant à l’administration de la dose quotidienne de 720 mg en cours d’étude, dont 6 en raison de ses effets indésirables, contre 6 et 8 interruptions dans les autres groupes de patients. L’homme du métier sait également que les patients ayant reçu la dose de 720 mg sont plus nombreux à rapporter des événements indésirables (pièce Mylan n°30, diapositive n°18).
39. L’homme du métier, qui a connaissance des effets indésirables de la dose à 720 mg et qui, en raison, des spécificités des patients du groupe traité au moyen de la dose à 360 mg, sait que cette dose est efficace, est fortement incité à réduire la dose de DMF à administrer. Il sait également, par ses connaissances générales (« Dosage frequency and drug-compliance behaviour – a comparative study on compliance with a medication to be taken twice or four times daily par X et al., European Journal of Clinical Pharmacologie, éditions Springer-Verlag 1991), qu’il est préférable de choisir un dosage posologique limitant les prises à 2 par jour ( » P et al. found similar compliance with once- and twice-daily regimens, and showed a clear, significant decrease in compliance with a TID schedule » soit en français « P et al. ont montré une observance similaire avec les schémas posologiques une et deux fois par jour, et ont montré une diminution claire et significative de l’observance avec un calendrier trois fois par jour »). Il ne changera pas la forme galénique du produit entre les 2 phases d’essais (pour ne pas en modifier la biodisponibilté) et est ainsi nécessairement amené à tester la dose de 2 comprimés de 120 mg 2 x par jour soit la dose de 480 mg par jour.
40. Il s’agit au demeurant de la conclusion à laquelle était parvenu l’organisme américain de contrôle des essais cliniques qui, dès le 30 août 2006, suggérait aux sociétés Biogen dans le cadre de la préparation des essais de phase 3 de tester la dose quotidienne de 480 mg de DMF (240 mg bid 2 ) au vu des résultats des essais cliniques de phase 2:
« Ms G : (…) in response to Biogen’s question of whether the selection ofdose is appropriate for the Phase 3 studies, the FDA states « We agree that tolerability issues appear to limit the maximum dose to be tested to 240 milligrams TID. You should, however, consider testing intermediate doses in the Phase 3 study, e.g., 240 milligrams BID or 120 milligrams TID. Such a dose might improve patient compliance and/or minimize dropouts from adverse effects during the study. » (…) Dr L: (…) We had the 720= milligram dose as the high dose, and then we had the 360 milligram dose. That provided us with the opportunity, if 720 milligram was safe and effective, to take on the 480-milligram BID
2 ‘’Bis in die’’ ou 2 fois par jour.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI — sorry — 240-milligram BID. dose subsequently in Phase 3. (…) it (the phase 2 study) taught us that 720-milligram was safe and effective. It also shows that 360-milligram was safe. And, therefore, it gave us the opportunity to test a dose in between those two doses in the Phase 3 study. » soit en langue française: « Mme G : (…) en réponse à la question de Biogen de savoir si la sélection de la dose est appropriée pour les études de phase 3, la FDA déclare : « Nous convenons que les problèmes de tolérabilité semblent limiter la dose maximale à tester à 240 milligrammes TID. Vous devriez quoi qu’il en soit envisagé de tester une dose intermédiaire dans l’étude de phase 3, par exemple 240 milligrammes BID 3 ou 120 milligrammes TID. Une telle dose pourrait améliorer l’observance du patient et/ ou minimiser les abandons dus aux effets indésirables au cours de l’étude. (…) Dr L : (…) Nous avons eu la dose de 720 milligrammes comme dose élevée, puis nous avons eu la dose de 360 milligrammes. Cela nous a donné l’opportunité, si 720 milligrammes étaient sûrs et efficaces, d’affronter le BID de 480 milligrammes — désolé — le BID de 240 milligrammes, dose par la suite en phase 3. (…) elle (l’étude de phase 2) nous a appris que 720 milligrammes étaient sûrs et efficaces. Cela montre également que 360 milligrammes étaient sans danger. Et, par conséquent, cela nous a donné l’opportunité de tester une dose entre ces deux doses dans l’étude de phase 3. » (Minutes du procès civil n°1: 17-cv-116, volume 2, transcription des débats du 6 avril 2020 devant la juge Keeley, du District Nord de Virginie Occidentale – pièce Mylan n°76).
41. De tout ce qui précède il résulte que, dès la publication des résultats des essais de phase 2b portant sur l’administration de différents dosages de DMF à des patients atteints de sclérose en plaques, l’homme du métier, aidé de ses connaissances générales, avait l’espoir raisonnable que la dose quotidienne de 480 mg était sûre et efficace pour le traitement de cette maladie.
42. Aussi, la critique tirée du défaut d’activité inventive du brevet EP 873 apparaît à ce stade comme un moyen sérieux de nature à remettre en cause l’apparente validité de ce titre qui justifie, au vu des risques encourus de part et d’autre, de rejeter les demandes présentées en référé par les sociétés Biogen MA et Biogen France, celles-ci apparaissant disproportionnées en référé.
4°) Dispositions finales
43. Parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, les sociétés Biogen MA et Biogen France seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu’à payer aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, sous la même solidarité imparfaite, la somme de
3 Soit 480 mg par jour.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI 60.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
,
Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe, rendue contradictoirement et en premier ressort,
Dit n’y avoir lieu à référé en l’état du moyen sérieux de nature à remettre en cause l’apparente validité du brevet servant de fondement aux demandes des sociétés Biogen MA et Biogen France ;
Condamne in solidum les sociétés Biogen MA et Biogen France aux dépens et autorise Maître Schertenleib, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Biogen MA et Biogen France à payer aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé la somme de 120.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision.
Le Greffier, Le Président,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI