Activité inventive en droit des Brevets : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1 décembre 2022, 2019/10829

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Activité inventive en droit des Brevets : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1 décembre 2022, 2019/10829

et a prononcé la nullité des revendications n°1 à 5 et 7 et 8 du brevet 04/11717 pour défaut d’activité inventive. Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel de PARIS par arrêt en date du 17 avril 2015.

Par acte en date du 21 juin 2016, la société BALIPRO a fait assigner la société CABINET X devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE afin de la faire condamner au paiem
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE ARRÊT AU FOND DU 1 er DECEMBRE 2022

Chambre 3-1 N° 2022/ 344 Rôle N° RG 19/10829 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEROS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 9 mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/07818.

APPELANTE

SARL BALIPRO, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par M e Willi SCHWANDER de l’ASSOCIATION SCHWANDER ARRIVAT, avocat au barreau d’AIX-ENPROVENCE

INTIMEE

SAS CABINET X, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par M e Antoine JACQUEMART, avocat au barreau de MARSEILLE

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COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Marie P.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1 er décembre 2022.

ARRÊT

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 décembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Marie P, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 novembre 2004, la société CABINET X, cabinet de conseils en propriété industrielle, a rédigé et déposé pour le compte de la société BALIPRO auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle une demande de brevet concernant une ‘balise de chantier à surfaces réfléchissantes’ caractérisée par la présence sur la semelle d’une surface réfléchissante la rendant visible de nuit même renversée.

L’Institut National de la Propriété Industrielle a délivré un brevet sous le numéro 04/11717 le 8 décembre 2006.

Estimant qu’une société VINMER commettait des actes de contrefaçon de ce brevet, la société BALIPRO l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de PARIS qui, par jugement en date du 6 juin 2013 l’a déclarée irrecevable et a prononcé la nullité des revendications n°1 à 5 et 7 et 8 du brevet 04/11717 pour défaut d’activité inventive. Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel de PARIS par arrêt en date du 17 avril 2015.

Par acte en date du 21 juin 2016, la société BALIPRO a fait assigner la société CABINET X devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE afin de la faire condamner au paiement de la somme de 115 821 € 23 au titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation d’information et de conseil.

Suivant jugement daté du 9 mai 2019, le tribunal a débouté la société BALIPRO de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à verser à la société CABINET X la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société BALIPRO a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 4 juillet 2019.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance en date du 19 septembre 2022 et a renvoyé l’examen de l’affaire à l’audience du 17 octobre 2022.

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI La société BALIPRO, suivant conclusions déposées par voie électronique le 18 juillet 2019, soutient que l’obligation de conseil du conseiller en propriété industrielle est une obligation essentielle et rappelle les rôles respectifs de l’Institut National de la Propriété Industrielle et du conseil dans la brevetabilité de l’invention. En l’espèce, la société CABINET X se serait contenté des rapports de recherche sans apporter de conseil sur l’existence ou non d’une activité inventive au sens de l’article L. 611-10 du code de la propriété industrielle. La société BALIPRO fait observer en outre que la société X a manqué encore à son obligation de conseil en ne la dissuadant pas d’engager une action en contrefaçon sur la base d’un brevet annulable. Elle chiffre son préjudice en tenant compte des condamnations prononcées en application de l’article 700 du code de procédure civile, des frais d’avocat, des honoraires de l’intimée et des annuités versées à l’Institut National de la Propriété Industrielle à la somme totale de 115 821 € 23, soutenant que la réalité des dits préjudices et le lien de causalité avec le manquement à l’obligation de conseil sont parfaitement établis. Elle demande en conséquence à la cour d’infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, de condamner la société CABINET X à lui verser la somme de 115 821 € 23 au titre de dommages-intérêts, outre 9 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société CABINET X, suivant conclusions déposées par voie électronique le 16 septembre 2019, soutient avoir rempli son devoir de conseil dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée et rappelle à ce titre les obligations pesant sur les conseils en propriété industrielle en matière de brevet au regard des règles du code de la propriété industrielle. Elle précise que si l’inventivité est une notion qui relève du pouvoir d’appréciation des juges, elle repose sur des critères objectifs tirés de la référence aux antériorités invoquées et établies et elle rappelle que le sondage exploratoire par elle effectué ainsi que le rapport de recherche de l’Institut National de la Propriété Industrielle n’ont mis en lumière aucune antériorité, critiquant ainsi la motivation du tribunal de grande instance et de la cour d’appel de PARIS. Elle fait observer qu’en toute hypothèse un conseiller en propriété industrielle ne peut supporter l’aléa judiciaire, aléa dont la société BALIPRO avait été informée. A titre subsidiaire, elle invoque l’absence de dommage certain et direct, rappel étant fait notamment que l’appelante a bénéficié pendant dix années de la protection du brevet, et de lien de causalité entre le dommage allégué et le manquement invoqué. Plus subsidiairement encore, elle affirme que le seul préjudice pouvant être allégué est une perte de chance, celle-ci devant être appréciée en tenant compte de la possibilité pour la société BALIPRO de renoncer à son action en contrefaçon ou de modifier ses revendications. Au terme de ses conclusions, la société CABINET X demande à la cour de confirmer la décision attaquée et subsidiairement de limiter à la somme de 3 791 € 32 le montant des dommages-intérêts, la société BALIPRO étant condamnée en toute hypothèse à lui verser une

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI somme de 8 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La mission du conseiller en propriété industrielle est définie par l’article L. 422-1 du Code de la propriété intellectuelle comme une mission de conseil, d’assistance ou de représentation d’un tiers aux fins de l’obtention, du maintien, de l’exploitation ou de la défense des droits de la propriété intellectuelle, cette mission étant remplie ainsi que le rappelle le deuxième alinéa du même code sous forme de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé.

En l’espèce, il résulte d’un devis accepté le 19 octobre 2004 (pièce X 3) que la société BALIPRO a chargé le CABINET X d’une mission de préparation et de dépôt d’une demande de brevet concernant un cône de chantier, mission comprenant un sondage exploratoire ; le dépôt a été régulièrement effectué et aucune faute n’est invoquée à l’encontre du CABINET X concernant la rédaction des actes par lui effectuée ; les griefs articulés par la société BALIPRO sont en revanche relatifs à l’obligation de conseil pesant sur le conseiller en propriété intellectuelle.

L’obligation de conseil du conseiller en propriété industrielle, conformément aux règles régissant la matière pour l’ensemble des professions juridiques, se distingue en obligation de moyen et obligation de résultat, la différence entre les deux régimes tenant à l’existence ou non d’un aléa grevant le sujet sur lequel porte la consultation.

La société BALIPRO reproche au CABINET X de ne pas avoir rédigé de consultation précise et circonstancié sur la brevetabilité de l’invention qu’elle souhaitait protéger ; il n’existe cependant au dossier aucun document, courrier ou devis, permettant d’affirmer que la société BALIPRO souhaitait obtenir une consultation juridique particulière excédant les diligences incombant à un conseiller en propriété intellectuelle rédigeant et déposant un brevet ; bien au contraire, comme l’ont relevé les premiers juges, par courriers datés des 19 et 26 octobre 2011, le CABINET X a informé son client du type de recherches préalables par lui effectuées, attirant en conséquence son attention sur le caractère forcément aléatoire du résultat obtenu et précisant dès le 19 octobre que le sondage exploratoire avait pour objectif de fournir un aperçu de l’état de la technique et ne pouvait être assimilé à une recherche exhaustive ; par ailleurs, comme indiqué au demeurant par l’Institut de la Propriété Industrielle lui-même, la délivrance du brevet par cet organisme ne garantit pas que le dit brevet ne puisse être annulé par les tribunaux, notamment comme en l’espèce du fait d’un défaut d’inventivité ; il apparaît en conséquence que quelle que soit l’étendue des recherches effectuées, le CABINET

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI X ne pouvait infirmer ou confirmer avec certitude la validité du brevet déposé, validité soumise à l’aléa judiciaire.

Pour les mêmes motifs tirés de l’existence d’un aléa judiciaire, il ne peut être reproché à la société CABINET X de ne pas avoir dissuadé son client d’engager une action judiciaire en contrefaçon sur le fondement d’un brevet alors régulièrement déposé ; c’est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société CABINET X n’avait commis aucun manquement à ses obligations contractuelles et a débouté la demanderesse de l’intégralité de ses prétentions.

La société BALIPRO succombant à la procédure, elle devra verser une somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

– CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 9 mai 2019 dans l’intégralité de ses dispositions.

Y Ajoutant,

– CONDAMNE la société BALIPRO à verser à la société CABINET X la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– MET l’intégralité des dépens à la charge de la société BALIPRO, dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI


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