Les conditions du harcèlement moral

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Les conditions du harcèlement moral
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Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.


 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/03144 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H3WJ

YRD/JL

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

27 octobre 2020 RG :19/00055

[S]

C/

S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE

Grosse délivrée le 21 février 2023 à :

– Me Philippe MOURET

– Me Olivier BAGLIO

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 27 Octobre 2020, N°19/00055

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Madame Leïla REMILI, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [G] [S]

né le 20 Juillet 1978 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. CBA INFORMATIQUE LIBERALE une activité de conception et d’édition de logiciels à destination d’une clientèle constituée de l’ensemble des professionnels de santé et plus particulièrement des infirmiers libéraux

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D’AVIGNON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
* * *
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [G] [S] a été engagé par la SAS CBA Informatique Libérale à compter du 7 septembre 2015 en qualité d’expert technique, statut cadre, emploi situé au coefficient 130 niveau II de la convention collective Syntec.

Par courrier en date du 20 août 2018, il était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 30 août 2018.

Par lettre du 4 septembre 2018, il était licencié pour faute aux motifs suivants :

« ‘ Alors que vous occupez au sein de notre Entreprise un poste d’Expert Technique, statut Cadre, nous avons été contraints de vous notifier un avertissement valant mise en demeure en date du 29 juin dernier, en vous demandant d’améliorer votre comportement.

Or, nous constatons que malheureusement, il n’en est rien.

* Votre manque d’engagement et d’investissement perdure.

Vous reconnaissez vous engager très au-deçà du niveau attendu compte tenu du poste que vous occupez, mais justifiez votre attitude par des promesses que nous n’aurions pas tenues.

Cette justification n’est pas tolérable et ne correspond à aucune réalité.

Vous consacrez ainsi une partie de votre temps de travail à des activités non professionnelles et notamment à des jeux sur ordinateur, à des activités avec votre téléphone portable personnel et même à consulter des sites non liés à votre activité.

La réalité de ce manque de productivité se traduit par le fait que la quantité de code produite est très inférieure aux autres membres de l’équipe alors même qu’aucune tâche de fond ne vous a été confiée.

Pour atteindre les objectifs attendus de l’équipe, les autres membres ont dû compenser votre manque de travail.

* Vous entretenez un état d’esprit négatif au sein du service, notamment en critiquant ouvertement lors de réunions les choix de la Direction.

A titre d’exemple, lors de la journée Academy Day du 4 juillet, l’ensemble des salariés a travaillé en équipe sur des sujets divers de type communication interne, valeurs de l’entreprise, espace de travail.

Vous avez, à l’occasion de ce travail en équipe, délivré de nombreux messages dénigrant la Direction alors que le sujet sur lequel travaillait votre équipe était la communication interne en cas de gestion de crise.

Lorsque vous avez débriefé, vous avez expliqué que nous ne savions pas communiquer et que nous faisons n’importe quoi.

Dans la mesure où vous ne nous laissez aucun espoir d’amélioration de votre comportement, nous n’avons d’autre choix que de mettre un terme à votre contrat de travail ».

Le 30 janvier 2019, M. [S] saisissait le conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins de voir requalifier son contrat de travail en contrat de travail à 35 heures de travail hebdomadaire, voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et abusif car faisant suite à un harcèlement moral et en conséquence, voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes.

Par jugement contradictoire du 27 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– dit et jugé que le contrat de travail de M. [S] est un contrat soumis au forfait jour

– dit et jugé que le licenciement de M. [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes

– condamné M. [S] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné M. [S] aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 04 décembre 2020, M. [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 juin 2021, M. [G] [S] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes d’Avignon en date du 27 octobre 2020.

Statuant à nouveau,

– condamner la SAS CBA Informatique Libérale, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui payer à titre de :

* heures supplémentaires : 8873,00 euros

* congés payés sur heures supplémentaires : 887,30 euros,

* travail dissimulé : 27 582,00 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 28 000 euros,

* dommages et intérêts pour privation de l’utilisation du véhicule de fonction pendant la période de préavis : 4500 euros

* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 55 000 euros

– dire que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– débouter la SAS CBA Informatique Libérale de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la SAS CBA Informatique Libérale, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui régler une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d’appel,

– la condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

– aucune convention de forfait ne pouvait être appliquée en l’espèce, en tout état de cause il démontre qu’il lui était demandé d’effectuer des heures supplémentaires que l’employeur se refusait de régler manifestant ainsi une volonté de dissimulation révélatrice d’un travail dissimulé,

– son licenciement a été prononcé en raison de son exigence portant sur le paiement des heures supplémentaires,

– il a été privé du bénéfice de son véhicule pendant son préavis,

– il a été victime de harcèlement moral.

En l’état de ses dernières écritures en date du 05 mai 2021, contenant appel incident, la SAS CBA Informatique Libérale sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. [S] au paiement de la somme de 2000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– en présence d’une convention de forfait jours M. [Y] ne peut prétendre au paiement de ses heures supplémentaires dont il ne démontre pas au demeurant l’existence et le quantum,

– les attestations produites au débat confirment le défaut de motivation de M. [S] incompatible avec l’accomplissement de ses missions,

– seul un véhicule de service a été mis à la disposition de M. [S],

– le salarié n’établit pas l’existence d’un harcèlement moral.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 13 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 03 janvier 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 18 janvier 2023.
* * *
MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Le contrat de travail de M. [S] prévoyait : «Article 4 :Durée du travail:

Monsieur [G] [S] est engagé a temps complet sur la base de 35 heures par semaine. Les horaires de travail et de fin de travail sont fixés par la direction. Il pourra, par ailleurs, lui être demandé, si nécessaire d’effectuer des heures supplémentaires».

– sur le forfait jours :

Par avenant du 19 juillet 2018, pris en application de l’accord d’aménagement du temps de travail signé le 28 avril 2016 en matière de forfait jours, il était prévu que M. [S] était soumis à un forfait sur une base de 218 jours travaillés pour une rémunération de 3.312,19 euros bruts outre 13ème mois.

M. [S] conteste la validité de cette convention aux motifs que :

– il n’a aucune mission d’encadrement ; sa mission est établie dans son contrat de travail et il exerce à la position 2.2 de la Convention collective Bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils.

– il n’a pas fait l’objet d’un suivi de la charge de travail en ce qu’il n’a eu aucun entretien de suivi de la charge de travail en trois ans.

Toutefois, les écritures de M. [S] sont pour le moins ambiguës.

D’une part, dans le dispositif de ses conclusions il ne demande pas que la convention de forfait soit annulée ou lui soit déclarée inopposable.

D’autre part dans la partie discussion, il se borne à relever : « La société CBA INFORMATIQUE reconnaît qu’il ne peut bénéficier d’une convention de forfait jours qu’à compter du 19 jui1let 2018. Avant cette date, la société doit appliquer à Monsieur [S] la réglementation sur

le temps de travail. Toutes les heures effectuées au-delà de 35 heures par semaine ou 151,67 heures par mois doivent être majorées et payées au titre des heure supplémentaires.

Avant le 19 juillet 2018, Monsieur [G] [S] doit bénéficier du paiement des heures supplémentaires effectuées».

M. [S] sollicite le paiement de la somme de 8.873,00 euros bruts au titre de rappel d’heures supplémentaires de 2016 à 2018. Son décompte ne porte pourtant que sur les années 2016 et 2017 ( 22 juin 2016-septembre 2017, pièce n°39 appelant).

Il convient d’en conclure qu’il n’y a pas de discussion sur la convention de forfait postérieurement à la conclusion de l’avenant.

– sur les heures supplémentaires :

Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié

Après analyses des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.

M. [S] soutient qu’il lui était demandé régulièrement d’effectuer des heures supplémentaires à raison d’une heure supplémentaire en 2016 et de deux heures supplémentaires en 2017.

Il produit :

– un courriel du 1er juillet 2016 qu’il adresse à Mme [E] [L], responsable RH : «On a démarré les heures sup dons l’équipe la semaine dernière. J’ai vu que je n ‘étais pas dans le fichier de déclaration des heures mais du coup, je ne sais pas si tu veux que je les fasse ou au contraire que je m ‘abstienne. J’ai toujours été pour la clarté alors saches que je suis pour les faire, par souci d’homogénéité de notre activité d’équipe journalière et pour maximiser nos chances de sortie d’Emotion à la rentrée. Néanmoins si cela se fait il faut naturellement qu ‘on

en parle, donc je te propose qu ‘on prenne RDVpour que je vienne en discuter avec toi. »

– un courriel du 24 avril 2017 de Mme [U] [MX] : « Bonjour à tous

Vu la situation extrême à la hotline, il est demandé à chacun d’entre vous de réaliser un minimum de 2 heures supplémentaires par jour à compter d’aujourd’hui pour les deux prochaines semaines, à réaliser en intégralité au bureau, selon l’horaire de votre choix.

Le fichier de suivi des heures supplémentaires sur avril est à la racine de Sharepoint.

Veuillez le mettre à jour à la fin de la semaine. »

Il verse les attestations de :

– M. [C] : « Je témoigne de la présence de [G] [S] sur notre plateau projet pour Emotion en 2016, 201 7. Il était là très tôt; j’arrivais moi-même à 8 heures et il faisait

de grosses journées. J’ai été témoin lors de réunion de service des demandes faites par notre chef de service [U] [MX] de réaliser des heures supplémentaires et que celles-ci ne seraient pas payées aux cadres.

[G] [S] a protesté pour les cadres, sans effet.

J’ai quitté l’entreprise par démission. »

– M. [N] : «J’ai entendu plusieurs cadres dont [G] [S] dire en réunion de service que ce n ‘était pas légal que les heures supplémentaires demandées aux cadres par CBA n ‘étaient pas payées. Les heures supplémentaires effectuées n’étaient pas payées aux cadres et que partiellement au service infrastructure. »

– M. [VL] : « Lors des réunions d’équipes, [G] [S] a demandé à notre manager que les heures supplémentaires imposées aux cadres de l’équipe par la direction soient payées.

D’après [U] [MX] leur statut cadre leur permettait d’effectuer des heures supplémentaires non rémunérées. »

– M. [PV] : « Le rythme de travail impose n ‘était pas raisonnable. Il se couplait d’une obligation de réaliser des heures supplémentaires pas payées pour les cadres, malgré les tâches conséquentes assurées auprès de plusieurs services.

Monsieur [G] [S] avait également un rythme de travail très soutenu entre la prod et l’infra. »

– M. [TI] : «J’ai été témoin de l’usage des «HS gratuites » imposées aux cadres, en particulier

en réunion de service par [U] [MX]. Trois cadres harcelés que je connaissait intervenant sur le projet Emotion ont été virés pendant cette période : [E] [D], [KO] [IG] et [G] [W]. Dans mon équipe au service infrastructure de nombreux salariés sont partis pour se protéger des pressions, les HS n ‘étant pas payées et les revendications là-dessus étant durement réprimées. »

– M. [T] : «Les tensions portaient en particulier sur les obligations horaires et la gestion des

heures supps, qui étaient dues à l’entreprise et non rémunérées pour les cadres. Ces cadres ont protesté en réunion de service, sans effet.»

Il produit le fichier sharepoint des heures supplémentaires de l’équipe Emotion de mai 2017 et la synthèse des heures supplémentaires qu’il a réalisées du 22 juin 2016 à septembre 2017 faisant état d’un total général de 276 heures supplémentaires.

M. [S] précise qu’avec l’arrivée d’un nouveau directeur technique, M. [KJ] [M], le 4 octobre 2017, il était mis fin à la pratique des heures supplémentaires non payées mais que dès le départ de celui-ci, il lui était à nouveau demandé à compter du 23 janvier 2018 d’effectuer des heures supplémentaires.

Il reconnaît avoir été payé de ses heures supplémentaires effectuées en avril 2017.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La SAS CBA Informatique Libérale se réfère à l’accord d’entreprise sur l’organisation de l’aménagement du temps de travail en date du 28 avril 2016 dont elle soutient que son article 12 prévoit son application directe à l’ensemble des Cadres de la société, un avenant ne devant être établi que pour les seuls Collaborateurs souhaitant conclure à titre individuel une convention prévoyant un nombre de jours de travail réduit (temps partiel).

Or, comme le rappelait l’article L.3121-55 du code du travail, aucune convention de forfait ne peut intervenir sans signature d’un avenant individuel ( «La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit»). Par ailleurs, la SAS CBA Informatique Libérale n’apporte aucune contradiction à la remarque de M. [Y] qui n’a jamais eu d’entretien de suivi de sa charge de travail en trois ans en sorte qu’en tout état de cause cette convention, quand bien même serait-elle licite, serait privée d’effet.

Par ailleurs, pour contester les calculs opérés par M. [S], la SAS CBA Informatique Libérale relève pour les années 2016 et 2017 un nombre de jours d’absence au titre des congés payés ou RTT relativement important dont M. [S] n’a tenu aucun compte dans ses décomptes linéaires alors que la jurisprudence a pu récemment rappeler : « Dès lors que la convention de forfait en jours à laquelle le salarié est soumis est privée d’effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devient indu pour la durée de la période de suspension de celle-ci.»

Pour autant la SAS CBA Informatique Libérale ne produit aucun décompte des heures dont est créditeur M. [S] et n’apporte aucun élément utile de nature à remettre en cause la pertinence du calcul opéré par l’appelant.

M. [S] relève au demeurant que les plannings produits par l’employeur ne font pas état de ses heures d’activité jour par jour ni de ses début et fin d’activité.

L’employeur ne produisant aucun élément pour établir la réalité des heures effectuées par M. [S], il sera fait droit aux prétentions de l’appelant sur le fondement des pièces qu’il produit.

Sur le travail dissimulé

Selon l’article L 8221-5 du code du travail « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.»

Il résulte de ce qui précède que l’employeur a sollicité M. [S] pour accomplir des heures supplémentaires sans intention de les lui régler et en soutenant à tort qu’une convention de forfait lui était applicable sans la signature d’une convention individuelle, argument dont l’employeur ne peut ignorer la totale inanité.

L’intention de se soustraire à ses obligations par l’employeur est donc parfaitement établie. Il sera fait droit aux demandes exprimées par M. [S] à ce titre.

Sur le licenciement

Il sera tout d’abord relevé que si M. [S] allègue l’existence d’un harcèlement moral pour l’obtention de dommages et intérêts, il n’en fait pas état pour contester le caractère légitime de la rupture de son contrat de travail.

A l’appui des griefs énoncés dans la lettre de licenciement reproduite plus avant, la SAS CBA Informatique Libérale verse aux débats les attestations de :

– M. [X] [NC] : « Je fais partie de l’équipe du projet comptabilité depuis décembre 2017. J’ai travaillé en équipe avec M. [G] [S] sur ce projet en 2018.

Au départ il était motivé mais après le changement de directeur technique sur service en janvier sa première réaction a été de nous dire que ce serait la fin pour lui à CBA si le nouveau directeur restait. Il est très vite parti dans une spirale négative’

A partir de là (fin premier trimestre) il a travaillé au ralenti obligeant le reste de l’équipe à compenser son travail ».

– M. [H] [XZ] : « Peu de temps après mon arrivée, je me suis entretenu avec M. [S]. Ce dernier m’a expliqué en substance que la direction ayant refusé sa demande d’augmentation, il ne faudrait plus compter sur son engagement et qu’il fallait que j’envisage une suite sans lui’. A partir de mai 2018, M. [S] faisait acte de présence mais la qualité de travail était très faible. En effet sur les mois de mai et juin par exemple M. [S] a produit 2190 lignes de code avec 3 jours de congé ; Sa collègue a produit plus de 10.000 lignes de code avec 7 jours de congé sur la même période’. Il a clairement exprimé son mépris pour la présidente [K] [R] en évoquant une situation lunaire et des choix incompréhensibles’ En effet, même les équipes pourtant particulièrement bienveillantes ont fini par se plaindre auprès de la DRH ».

– M. [BJ] [IB] : « Quand [G] est arrivé dans la société il était super motivé et investi, il proposait régulièrement des réunions techniques sous la forme de jeu pendant la pause repos pour l’ensemble de l’équipe technique’

En 2018 son comportement a changé, il était beaucoup moins investi, il avançait qu’il allait surement quitter la société prochainement. Il ne proposait plus de réunion « jeu » technique.

Ces journées se terminaient souvent vers 16 h ‘ 16 h 30.

Il se mettait à l’écart de son équipe et de son projet peu à peu ».

– Mme [U] [MX] : « Monsieur [S] a, à plusieurs reprises, affirmé haut et fort que lui-même n’effectuerait pas d’heures supplémentaires considérant qu’il allait lisser son temps

de travail sur l’année pour que cela ne corresponde en total qu’à 35 heures par semaine, même s’il savait que c’était le forfait jour qui lui était applicable. Il a toujours quitté l’entreprise entre 16 h et 16 h 30′ J’ai eu l’occasion de le recevoir en entretien et lui remettre un avertissement en février 2017 suite une attitude particulièrement violente, nuisible au moral de l’équipe et aux projets.

Avant cet entretien, depuis quelques mois, M. [S] ne produisait plus aucun rapport de son travail, estimant que je n’étais pas en mesure d’en saisir la complexité’ ».

– Mme [O] [J] : « A la suite de son entretien professionnel début 2018, M. [G] [S] a fait part de sa déception de ne pas avoir obtenu l’augmentation salariale qu’il avait

demandée et donc de sa volonté de quitter CBA. Il a explicitement dit qu’il ferait ce qu’il faut pour être licencié et qu’il n’était pas question de démissionner.

A partir de cette date, il a cessé ouvertement de s’impliquer dans le travail de l’équipe, passait du temps à jouer sur internet pendant les heures de travail et partait en général le soir vers 16 h.

[G] s’est vanté à plusieurs reprises de ne jamais avoir démissionné pour quitter ses emplois passés et ne restait pas plus que trois ou quatre ans dans la même entreprise.

Il a raconté aussi que deux précédents contrats, il avait pu poursuivre en justice l’entreprise pour des clauses de contrat non respectées et des problèmes de harcèlement moral et qu’il avait obtenu gain de cause ».

– M. [I] [B] : « C’est à l’arrivée de M. [H] [XZ] que j’ai constaté un changement radical. M. [XZ] a pris la tête du service en janvier 2018. Les réunions ont donné lieu à des échanges agressifs de la part de M. [S] et particulièrement à l’encontre de notre nouveau responsable.

Il a créé un malaise au sein de l’équipe en démontrant un relâchement et un désintérêt du projet. Cela s’est retranscrit par un total manque d’investissement, des heures de travail comblées par la lecture de vidéos diverses et des jeux vidéo ».

– M. [FI] [VG] : « Depuis mon arrivée, j’ai pu observer un management très flexible basé sur la confiance avec des équipes auto-gérées’

Peu après mon arrivée, M. [G] [S] m’a fait part qu’il n’allait probablement pas rester longtemps dans l’entreprise, et que je n’arrivais pas au bon moment. Entre autres, il m’a dit qu’il avait levé vis-à-vis du projet surf lequel on travaillait ».

– M. [Z] [P] : « Début 2018, M. [S] a signifié qu’il songeait à quitter l’entreprise’.Sur la dernière période de présence de M. [S], il n’était plus motivé, cela se

ressentait sur son temps de présence à 6 h par jour et sur le travail qu’il fournissait. Il se contentait du strict minimum répondant simplement à nos sollicitations et prenant en charge quelques stories domaine sur lequel il était référant.

Une grande partie de son temps était consacrée à des loisirs et de la veille technologique.

Cette dernière période a été compliquée à gérer car elle induisait une charge de travail supplémentaire pour le reste de l’équipe afin de combler son manque d’implication et réussir e challenge qui nous était proposé’ ».

– Mme [FN] [AM] : « J’ai participé à l’Academy Day le 4 Juillet 2018. Lors de cet évènement, tous les salariés de la société CBA ont pu s’exprimer afin de proposer des solutions ou des idées précis concernant l’entreprise.

Pour ma part, j’ai participé avec d’autres collaborateurs à cet exercice et faisais partie de la même équipe que Monsieur [S]. Le sujet de notre équipe était « la communication interne en cas de crise » ‘

Lors de notre réflexion commune, j’ai rapidement compris que M. [S] avait de griefs envers CBA. En effet, lors de nos échanges sur le sujet, M. [S] a fait de nombreuses remarques négatives à l’encontre de CBA. Il n’apportait pas de remarques constructives sur le sujet, il manifestait son animosité envers l’entreprise son mode de management et la direction’.

Ce jour-là, lors de ce travail de groupe l’attitude de M. [S] [G] a perturbé considérablement le travail de réflexion du groupe car il souhaitait imposer ses idées et orienter le travail de groupe dans une direction non constructible ».

– M. [TD] [PP] : « Lors de la journée de l’Academy Day du 4 Juillet 2018, je faisais partie de la même équipe d’avec [G] [S]. Notre thème d’équipe pour la journée de travail

était la communication interne en cas de crise. Les équipes étaient mixtes : il y avait des personnes de plusieurs services.

Je ne travaille pas dans le même service que [G] [S]. Je travaille au sein du service Hotline depuis plus de 6 ans.

Lors du travail d’équipe, [G] [S] a constamment dénigré la direction de l’entreprise dans ses propos.

Son attitude était dérangeante et n’a pas contribué à la cohésion du groupe pour cette journée qui se voulait festive et agréable. Je me souviens que [FN] [AM] a même dû intervenir à un moment pour lui faire retirer des idées qu’il avait inscrit sur des post-it ».

Or, d’une part M. [S] observe que ce licenciement est intervenu dans un contexte de tension alors qu’il réclamait le paiement de ses heures supplémentaires dont un paiement interviendra le 5 juillet 2018 pour les heures supplémentaires réalisées en avril 2017, que l’employeur a initié des pourparlers en juin 2018 en vue de parvenir à une rupture conventionnellement proposant à titre d’indemnisation un mois de salaire puis deux mois. D’autre part il est reproché au salarié un manque de motivation alors que lors de son dernier entretien individuel en décembre 2017,

sa chef de service, Mme [U] [MX], et son directeur technique pointaient : « Point fort : expertise techno &passion », « Motivation : degré d’engagement, volonté de progresser NOTE : 4/4 », «Aptitudes relationnelles : aptitude à développer l’esprit d’équipe (écoute, formation, négociation) Note : 4/4 » ce qui vient en contradiction avec les griefs reprochés au salarié.

Enfin, les seules attestations produites par l’employeur méritent la plus grande circonspection. En effet, Mme [AM] est revenue sur son témoignage après son départ pour déclarer «Je souhaite me rétracter de mon précédent témoignage à l’encontre de Mr [S] [G] (témoignage du 3 mai 2019). J’ai réalisé ce témoignage à la demande de la direction et la directrice des ressources humaines… Dans ma précédente déclaration, dans laquelle j’indique que Mr [S] a perturbé la séance de travail. Cela a été écrit à la demande de ma direction et ma responsable Rh. Elle m ‘a indiqué dans un email comment rédiger ma déclaration. A cette époque j’étais sous l’emprise de CBA et je craignais pour mon poste. Aujourd’hui je souhaite réaliser ce témoignage en transparence et librement. ».

Ce témoignage est conforté par celui de M. [DA] [T] qui relate : «J’ai été convié comme tous les salariés, au CBA Days du 04/07/18. J’ai assisté aux présentations des portes paroles des différents groupe de travail. Les portes paroles ont été désignés par les membres de chaque groupe. J’ai donc assisté à la présentation de [G] [S] devant toute l’entreprise, et en aucun moment, [G] [S] n ‘a tenu de propos dénigrant I’entreprise ou pouvant porter atteinte à son image. La directrice commerciale Mme [AM] était présente. »

Dès lors que les témoignages produits par l’employeur comme seul élément de preuve n’apparaissent pas sincères et eu égard aux observations formulées par M. [S] auquel le doute doit profiter, les motifs invoqués à l’appui de la mesure de licenciement ne peuvent être considérés comme étant réels.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 telles qu’issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de M. [S] ( 4.597 euros en moyenne) et de son ancienneté en années complètes ( 3 années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [S] doit être évaluée à la somme de 13.791 euros correspondant à l’équivalent de 3 mois de salaire brut en l’absence de démonstration d’un préjudice spécifique .

L’entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié présentant une ancienneté de plus de deux ans, il sera fait application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail

Sur la privation de l’utilisation du véhicule de fonction pendant la période de préavis

Selon la SAS CBA Informatique Libérale l’article 9 du contrat de travail de M. [S] prévoyait :

« Pour les besoins du service, la Société met à disposition de Monsieur [G] [S] un véhicule de service.

Cette mise à disposition est faite en vue d’une utilisation professionnelle. Cette mise à disposition pourra être remise en cause à tout moment en fonction des nécessités de l’entreprise, sous réserve de respecter un préavis de 15 jours.

Le véhicule de service ainsi mis à disposition de Monsieur [G] [S] demeure la propriété de l’entreprise. La demande de restitution ou la rupture du présent contrat de travail, qu’elle qu’en soit la cause ou de quelque partie qu’elle émane, entraîne pour Monsieur [G] [S] la perte du droit à l’utilisation du véhicule de service et l’obligation, en cas de rupture du contrat, de le restituer à la date de fin de préavis ».

M. [S] fait observer que le document produit par l’employeur, différent du sien, n’est pas paraphé par lui contrairement à l’exemplaire qu’il produit et qui porte mention d’un véhicule de fonction et non de service.

Il convient de retenir que le contrat de travail mettait à la disposition du salarié un véhicule de fonction, et non de service, venant en complément de son salaire quand bien même l’employeur n’aurait pas estimé utile de le mentionner sur les bulletins de paie.

Dès lors que M. [S] a bénéficié de son préavis, cet avantage devait être maintenu.

Toutefois, ce véhicule devant être utilisé pour les besoins professionnels alors que M. [S] était dispensé d’effectuer son préavis et donc de fournir une activité professionnelle pour le compte de son employeur, il ne peut se prévaloir d’un quelconque préjudice, M. [S] sera débouté de sa prétention à ce titre.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [S] se plaint d’avoir été victime de harcèlement moral.

Il allègue le non-paiement des heures supplémentaires qui a été retenu plus avant, une mise à l’écart, une tentative de le faire partir de la société par le biais d’une rupture conventionnelle, avoir été affecté seul sur un projet complexe pendant plus de deux mois et une mise au placard.

Il produit au débat, outre les documents relatifs aux heures supplémentaires, les comptes-rendus de réunion des 12 juin 2018, 28 juin 2018 et 18 juillet 2018 ayant pour objet le projet de rupture conventionnelle, les courriels «séparation de cabinet » de février à avril 2018, des témoignages confirmant la dégradation de sa situation ( attestation de M. [BW] [PV] « En février 2018 [G] [S] a été retiré de son projet COMPTA et de son équipe de 6 devs. Il a abandonné sa casquette de responsable BACKEND pour être mis comme seul développeur sur un autre projet. »), le compte-rendu de réunion du 12 juin 2018 établi par M. [FT] [F] confirmant que la seule revendication de M. [S] portait sur le paiement de ses heures supplémentaires, un avertissement et une mise en demeure adressés par son employeur le 29 juin 2018, le retrait du véhicule de fonction,

Il produit également des témoignages de salariés ou anciens salariés dénonçant les manoeuvres habituelles de SAS CBA Informatique Libérale :

– M. [DA] [T] : «J’ai assisté à plusieurs débordements vis à vis de salariés et à des comportement managériaux complètement abusifs. Notamment vis à vis de [E] [D],

[G] [S]. Les tensions portaient en particulier sur les obligations horaires et la gestion des heures supps, qui étaient dues à l’entreprise et non rémunérées pour les cadres. Ces cadres ont protesté en réunion de service, sans effet. J’ai assisté également au départ de [PK] [A], humiliant, dont l’investissement était irréprochable. J’ai su par la suite que la personne que j’avais remplacé avait fait un burn out et en moins d’un an j’avais assisté au départ de près d’un quart des effectifs. »

– M. [AF] [N] «Les heures supplémentaires effectuées n’étaient pas payées aux cadres et que partiellement au service infrastructure. J’ai quitté l’entreprise par rupture conventionnelle malgré mon activité au CHSCT et plus de 10 ans d’ancienneté en avril 2017 après un arrêt maladie, ne voulant plus endurer la pression subie constamment pour que je signe un avenant à mon contrat de travail. »

– M. [BW] [PV] «Le rythme de travail n’était pas raisonnable. Il se couplait d’une obligation de réaliser des heures supplémentaires, pas payés pour les cadres. Entre 2016 et 2018 la totalité de mon service en souffrance professionnelle, a quitté l’entreprise et a été renouvelé. »

– Mme [ST] [V] «J’ai assisté personnellement au harcèlement de plusieurs collaborateurs : [E] [D], [KO] [IG], [G] [S]…Pratique très répandue à CBA que j’ai moi-même subie. Le droit du travail est inexistant ici. »

– M. [KU] [TI] «J’ai été témoin de l’usage des «HS gratuites » imposées aux cadres, en particulier en réunion de service par [U] [MX]. Trois cadres harcelés que je connaissait

intervenant sur le projet Emotion ont été virés pendant cette période : [E] [D], [KO] [IG] et [G] [S]. Dans mon équipe au service infrastructure de nombreux salariés sont partis pour se protéger des pressions, les HS n’étant pas payées et les revendications là dessus étant durement réprimées. »

– Mme [FN] [AM] «A cette époque j’étais sous l’emprise de CBA et je craignais pour mon poste. »

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Pour démontrer que ces agissements seraient étrangers à tout harcèlement moral, la SAS CBA Informatique Libérale rappelle qu’elle avait mis en place un forfait jours applicable à tous les cadres parmi lesquels M. [S] dont il a été vu qu’il était sans application avant la signature de l’avenant et en tout état de cause privé d’effet.

Le licenciement comme l’avertissement antérieurement délivré à M. [S] sont jugés illégitimes en l’absence de tout fondement sérieux.

La SAS CBA Informatique Libérale ne fournit strictement aucune explication sur les autres éléments par ailleurs parfaitement établis par M. [S].

Il en résulte que le salarié a été victime de harcèlement moral ouvrant droit à réparation, la somme de 5.000,00 euros apparaissant de nature à indemniser ce préjudice.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS CBA Informatique Libérale à payer à M. [S] la somme de 2.000,00 euros à ce titre.


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