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Par acte du 12 janvier 2016, la Sci [Adresse 6] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne donnaient à bail commercial à la Sa Eden Panorama, pour une durée de 10 ans à compter du 13 janvier 2016, des locaux à usage de complexe cinématographique sous l’enseigne Kinépolis. Le bail précise que les locaux loués correspondent aux 14 salles composant le complexe cinématographique et leurs annexes et dépendances. Ils dépendent à la fois de l’immeuble [Adresse 8], du centre commercial [Localité 9] [Localité 10] et de son extension sur la place de la verrerie ainsi que des lots de volumes propres situés en superstructure du centre commercial. Par correspondance du 29 octobre 2021, la Sa Eden Panorama saisissait les bailleurs de désordres correspondant à des infiltrations.
N° RG 22/00052 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JF3V
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 8 FEVRIER 2023
DÉCISION CONCERNÉE :
Décision rendue par le présidente du tribunal judiciaire de Rouen en date du 19 avril 2022
DEMANDERESSE :
SA EDEN PANORAMA
RCS de [Localité 7] Métropole 340 483 221
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et Me Hervé TANDONNET de la SELARL TANDONNET-AVOCATS ASSOCIÉS, avocat plaidant au barreau de Lille
DÉFENDERESSES :
SCI [Adresse 5]
RCS de Paris 323 517 144
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et Me BENDAIF, avocat plaidant au barreau de Paris
SCI DES BUREAUX [Localité 9] BRETAGNE
RCS de Paris 423 871 656
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et Me BENDAIF, avocat plaidant au barreau de Paris
DÉBATS :
En salle des référés, à l’audience publique du 11 janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023, devant Mme WITTRANT, présidente de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,
DÉCISION :
Contradictoire
Prononcée publiquement le 8 février 2023, par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article
450 du code de procédure civile,
signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
La Sci [Adresse 6] est bénéficiaire d’un bail à construction prenant fin au 31 juillet 2051 en exécution duquel elle a réalisé le centre commercial Saint-Sever à Rouen.
La Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne est bénéficiaire d’un bail à construction prenant fin au 30 juillet 2050 en exécution duquel elle a réalisé l’immeuble [Adresse 8].
Par acte du 12 janvier 2016, la Sci [Adresse 6] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne donnaient à bail commercial à la Sa Eden Panorama, pour une durée de 10 ans à compter du 13 janvier 2016, des locaux à usage de complexe cinématographique sous l’enseigne Kinépolis.
Le bail précise que les locaux loués correspondent aux 14 salles composant le complexe cinématographique et leurs annexes et dépendances. Ils dépendent à la fois de l’immeuble [Adresse 8], du centre commercial [Localité 9] [Localité 10] et de son extension sur la place de la verrerie ainsi que des lots de volumes propres situés en superstructure du centre commercial.
Par correspondance du 29 octobre 2021, la Sa Eden Panorama saisissait les bailleurs de désordres correspondant à des infiltrations.
Par actes d’huissier du 21 février 2022, la Sa Eden Panorama a fait assigner en référé ses bailleurs afin d’obtenir la cessation du trouble de jouissance.
Par ordonnance réputée contradictoire du 19 avril 2022, le juge des référés a :
– condamné in solidum et par provision la Sci [Adresse 6] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne à la réfection de la toiture des locaux donnés à bail à la Sa Eden Panorama,
– condamné in solidum la Sci [Adresse 6] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne à payer à la Sa Eden Panorama une somme de
2 000 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum et par provision la Sci [Adresse 5] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 1er juin 2022, la Sci [Adresse 6] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne ont formé appel de l’ordonnance.
Par assignations en référé délivrée le 28 septembre 2022, la Sa Eden Panorama demande la radiation de l’affaire enrôlée en appel sous la référence RG n°22/01797, en disant qu’elle ne sera rétablie que sur justification de la complète exécution de la décision attaquée, le rejet de toutes demandes plus amples ou contraires, la condamnation in solidum des Sci à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile, et aux dépens,
Par dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, la Sa Eden Panorama expose que depuis 2016, les locaux sont affectés par des infiltrations dont les bailleurs ont été avisés ; que la situation s’est dégradée le 12 octobre 2021 ; qu’aucune mise en demeure n’a reçu réponse ; que malgré des tentatives d’exécution amiable de l’ordonnance prononcée, elle se voit contrainte de demander la radiation de l’affaire en appel. Elle souligne que les infiltrations s’aggravent alors que les bailleresses lui rétorquent par une demande de sursis à exécution.
Elle soutient qu’il n’existe aucun moyen sérieux de réformation ni de conséquences manifestement excessives de l’exécution au visa de l’article
514-3 du code de procédure civile relatif à l’arrêt de l’exécution provisoire. Elle fait valoir que les infiltrations sont démontrées dans leur gravité ; qu’elles ne résultent pas de l’installation de la climatisation et que sans aucun doute, les travaux incombent aux sociétés bailleresses. L’urgence de la réfection est caractérisée par l’ampleur des conséquences qui troublent manifestement la jouissance des lieux.
L’exécution de la décision n’emporte aucune conséquence manifestement excessive puisqu’elle ne demande que l’exécution des obligations d’un bailleur ; qu’il n’existe pas de débat sur les éventuelles difficultés à recouvrer des sommes à son encontre.
Elle sollicite dès lors l’exécution de l’ordonnance prononcée après avoir laissé un temps suffisant aux bailleresses pour procéder aux travaux de réfection et alors qu’aucun devis n’est produit pour justifier d’une évaluation du montant de l’intervention nécessaire ; en réalité, les bailleresses refusent sciemment de faire procéder à la réfection de la toiture des locaux loués.
Par dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2023, la Sci [Adresse 6] et la Sci des bureaux [Localité 9] Bretagne demandent, au visa des articles
514-3 et
524 du code de procédure civile, le débouté de la demande de radiation de l’affaire en appel et de l’ensemble des demandes formées contre elles, l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé entreprise, la condamnation de la Sa Eden Panorama à leur payer à chacune, la somme de
5 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l’article
700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elles exposent qu’elles ont entrepris des travaux de restructuration de la zone de la verrerie pour permettre une meilleure visibilité à l’entrée du cinéma et implanter une zone de restauration impliquant la modification des accès au complexe ; que les travaux commencés en octobre 2017 ont été achevés en 2019 ; que dans ce contexte, les parties ont signé un avenant au bail le 18 octobre 2018 comprenant notamment une indemnité transactionnelle en raison de la gêne occasionnée, une modification du loyer dû, et une définition de la répartition des coûts entre les bailleresses et la preneuse (800 000 euros pour les premières et facturation de 500 000 euros à la charge de la seconde) puis le 21 juin 2021 dans le cadre des conséquences de la crise sanitaire en accordant une franchise de loyers, totale pour la période du 1er avril 2020 au 30 juin 2020 puis du 1er novembre au 31 décembre 2020 ; que le 30 juin 2021, la société Wereldhave Retail France a cédé les parts qu’elle détenait dans les Sci à la société Retail Property Investments. Elles ont reçu la signification de l’ordonnance prononcée le 19 avril 2022.
Elle indique sur la procédure d’appel qu’elles ont notifiées des conclusions le 29 septembre 2022, les intimées ont conclu et l’affaire, appelée pour plaidoiries au fond à l’audience du 10 janvier 2023 a été renvoyée à l’audience du 21 mars 2023 à la demande de la Sa Eden Panorama dans l’attente de la décision de référé, démarche non concordante avec le souhait d’obtenir une décision rapide de l’ordonnance entreprise.
Elle fait valoir qu’elle est dans l’impossibilité d’exécuter les travaux ordonnés en raison des délais séparant la date de signification de l’ordonnance le 16 mai 2022 permettant de découvrir la procédure et l’assignation en référé délivrée le 28 septembre 2022, étant rappelé que de tels travaux supposent :
– l’établissement d’études, de contrôles et de diagnostics sur la toiture avant préparation du projet de travaux,
– l’obtention des autorisations administratives éventuellement nécessaires telles qu’une déclaration préalable de travaux,
– la commande des matériaux,
– la dépose de la couverture existante, la pose des éléments d’étanchéité puis d’une nouvelle couverture.
L’exécution entraînerait des conséquences manifestement excessives puisque la condamnation porte sur la réfection intégrale de la toiture suivant le rapport d’intervention de sa société de maintenance, la Smac, du 26 octobre 2021, pièce insuffisante pour établir les besoins en travaux en leur importance : la Sa Eden Panorama ne justifie pas d’un rapport d’assurance, d’expertise, de bureau d’études techniques indépendant. Les causes ne sont pas identifiées : des points d’infiltration justifiant une reprise partielle et limitée, une dégradation de la toiture, les travaux d’installation de la climatisation. Le coût généré par la réfection totale, si elle ne s’avère pas utile, entraînerait une charge constituant une conséquence manifestement excessive de l’exécution de l’ordonnance entreprise.
Elles sollicitent donc le rejet de la demande de radiation de l’affaire et à titre reconventionnel, l’arrêt de l’exécution en se prévalant de l’absence d’urgence requise en référé, de troubles manifestement illicites, de fautes qui lui seraient imputables, et de la responsabilité de la société preneuse dans l’exécution de travaux et la gestion de la maintenance au regard des clauses du bail.
Sur la demande de radiation de l’affaire en appel
L’article
524 du code de procédure civile dispose que lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
L’ordonnance de référé prononcée le 19 avril 2022 a été signifiée aux Sci [Adresse 6] et des bureaux Rouen Bretagne le 16 mai 2022.
L’obligation porte sur la réfection totale de la toiture des locaux donnés à bail, sans autres termes et délais quant aux conditions de l’obligation de faire ordonnée.
Les seules pièces techniques produites sont établies par la société de maintenance sous contrat avec la Sa Eden Panorama :
– un rapport d’entretien des terrasses du 5 décembre 2019 portant sur un nettoyage des surfaces visant un mauvais état général de la terrasse,
– un rapport d’intervention du 26 octobre 2021 de même nature.
Ces seuls documents, en l’absence d’expertise amiable, organisée par l’assureur de la Sa Eden Panorama, notamment en raison des dégâts des eaux, ou judiciaire, ne peuvent suffire à caractériser la faculté pour les bailleresses de procéder à une intervention rapide en toiture entre la signification de l’ordonnance et l’assignation en référé.
En outre, les bailleresses soulignent à juste titre l’importance des diligences à accomplir afin de favoriser l’exécution discutée : analyse de la toiture, définition des conditions de la réfection, obtention des devis et autorisations administratives. La réalisation du chantier suppose également une collaboration entre les parties, contrariée en l’état des positions adoptées durant la procédure en appel.
L’aggravation alléguée des dommages par la production de deux constats d’huissier dressés en décembre 2022 est peu déterminante, en l’absence de démonstration de la part de la Sa Eden Panorama de l’exécution de toutes ses obligations d’entretien des locaux, ce d’autant plus que prétendant subir de nombreuses infiltrations, elle ne verse aucun constat établi au cours des cinq années précédentes sur le sujet. Le défaut d’anticipation des besoins du bâtiment ne permet pas de réduire en réalité les capacités d’action des différents corps de métier concernés.
En raison de l’impossibilité d’exécuter les travaux à bref délai, la demande de radiation de l’affaire du rôle de la cour sera rejetée.
Sur l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise
L’article
514-3 du code de procédure civile précise qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Sur les moyens sérieux de réformation de la décision entreprise
L’obligation de faire a été prononcée sans participation aux débats des sociétés bailleresses et sans éléments techniques circonstanciés et objectifs quant aux causes des infiltrations subies par la Sa Eden Panorama : origines matérielles, exécution de travaux de climatisation, défauts d’entretien de la terrasse.
La Sa Eden Panorama produit des échanges de courriels en 2016 portant sur la réalisation de différents travaux importants avec évocation de fuites en toiture et une page d’un compte rendu de réunion du 20 septembre 2016 sans autre développements.
Ces interventions conséquentes ont été manifestement effectuées sans que l’état de la toiture n’ait motivé des débats entre les parties lors de leur exécution et au cours des années 2016 à 2020.
Dans un message du 13 juillet 2020, le directeur du complexe cinématographique écrit au représentant de la bailleresse : « nous avons beaucoup de problèmes avec des infiltrations. Un audit a été fait et il s’avère que l’état global est assez détérioré. Il me semble que c’est un sujet pour le bailleur, même si le responsable technique du centre, M. [T], ne l’estime pas. »
Cet audit n’est pas communiqué et aucune suite n’est donnée à la proposition de rendez-vous entre les intéressés à la lecture des pièces du dossier. Il n’est justifié d’aucune diligence par la preneuse des locaux avant la lettre du 12 octobre 2021 présentant un certain nombre de dommages comme acquis dans les échanges avec les bailleresses, en réalité sans autre preuve.
La Sa Eden Panorama produit enfin des constats des 13 et 22 décembre 2022 pour démontrer une aggravation des dommages mais ne communique aucune pièce objective permettant de confirmer l’origine des fuites et ne verse aucun élément relatif à l’entretien des locaux et la maintenance des équipements alors qu’elle évoquait des difficultés depuis 2016.
Les bailleresses justifient tant en fait qu’en droit de moyens sérieux de débats quant aux obligations des parties et la nature des travaux à mettre en ‘uvre.
Sur les conséquences manifestement excessives
Si les bailleresses supportent l’obligation d’assurer la couverture des locaux loués, il serait totalement disproportionné, sur exécution provisoire de la décision critiquée, de lui imposer une réfection totale de la toiture s’il s’avérait en définitive que seule une partie du bâtiment est concernée par une dégradation les justifiant ou si la réfection ne supposait que la reprise de la couche bitumineuse de la terrasse. L’infirmation totale de la décision aurait pour conséquence de mettre à néant le temps et les frais engagés par les bailleresses mais également des tiers sollicités vainement.
Les investissements imposés aux sociétés bailleresses présentent un coût et une mobilisation technique d’envergure soit des contraintes qui ne pourraient être réparées aisément si l’ordonnance entreprise était infirmée, ce d’autant plus que l’arrêt statuant sur le principe de l’obligation est attendu au cours des prochains mois et n’a été retardé dans son prononcé que par la demande en ce sens de la Sa Eden Panorama.
Il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance du juge des référés du 19 avril 2022.
Sur les frais de procédure
La Sa Eden Panorama succombe à l’instance et en supportera les dépens.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article
700 du code de procédure civile.
,
statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,
Rejette la demande de radiation de l’affaire du rôle de la cour formée par la Sa Eden Panorama,
Ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance prononcée le 19 avril 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen,
Déboute les parties de leur demande au titre de l’article
700 du code de procédure civile,
Condamne la Sa Eden Panorama aux dépens.
Le greffier, La présidente de chambre,