Par une requête enregistrée le 24 août 2022, M. A B, représenté par Me Ségaud-Martin, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté du préfet des Ardennes en date du 16 juillet 2022 notifié le 10 août 2022 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination ;
* * * REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée le 24 août 2022, M. A B, représenté par Me Ségaud-Martin, demande au tribunal : 1°) d’annuler l’arrêté du préfet des Ardennes en date du 16 juillet 2022 notifié le 10 août 2022 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination ; 2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour » vie privée et familiale » sur le fondement de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; 3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique. Il soutient que : – l’arrêté du préfet n’est pas motivé ; – l’arrêté attaqué méconnaît l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; – l’arrêté attaqué est entaché d’erreur d’appréciation dans l’application des dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors, d’une part, qu’il a justifié de son état-civil et que, d’autre part, le caractère réel et sérieux de ses études est établi ; – il est contraire aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personne. Le préfet des Ardennes, qui n’a pas produit de mémoire en défense, a transmis des pièces le 14 novembre 2022 qui ont été communiquées. Par une décision du 23 septembre 2022, M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; – le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; – la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; – le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Le rapport de M. C a été entendu au cours de l’audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Ressortissant malien, M. B, qui déclare être né le 10 août 2003, serait, suivant ses dires, entré en France le 1er février 2019. Il a été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance du département des Ardennes le 2 avril 2019. Il a adressé au préfet des Ardennes, le 5 mars 2020, une première demande de titre de séjour en qualité de mineur étranger non accompagné confié à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans. M. B a été mis en possession d’un récépissé qui sera renouvelé à plusieurs reprises et en dernier lieu jusqu’au 10 avril 2023. Par un arrêté du 19 juillet 2022, dont M. B demande l’annulation, le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sur les conclusions aux fins d’annulation : 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu’être écarté. Il ressort également de la motivation de l’arrêté contesté que la situation de M. B a fait l’objet d’un examen approfondi. 3. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s’il entre dans les prévisions de l’article L. 421-35, l’étranger qui a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale » d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. « . 4. Le préfet des Ardennes a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B sur le fondement de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile aux motifs que le demandeur n’établissait ni son identité ni son âge par les documents d’état civil produits, dont l’authenticité s’avérerait douteuse et qu’il n’était pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d’origine. 5. Aux termes de l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l’état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu’il sollicite la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l’intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. () « . Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet des Ardennes a estimé qu’en produisant des justificatifs d’état civil frauduleux, M. B ne justifiait ni de son identité, ni de sa nationalité en méconnaissance de l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. 6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d’examen technique documentaire de la direction zonale de la police aux frontières Est du 25 janvier 2020, que l’acte de naissance de M. B ne comportait pas de numérotation fiduciaire imprimée en typographie et qu’une faute d’orthographe affectait la mention » l’officier d’Etat civil « . L’analyse concluait à un document falsifié. S’agissant du jugement supplétif qui fait référence à l’acte de naissance, lequel est un document volé vierge, le rapport le considère comme » une contrefaçon totale « . Ces éléments, que le requérant ne conteste pas de façon convaincante, permettent de renverser la présomption d’authenticité résultant des dispositions précitées de l’article 47 du code civil. Si M. B se prévaut dans la présente instance d’une carte consulaire, ce document qui ne constitue pas un acte d’état civil, n’est pas de nature à justifier de son identité dès lors qu’il a été établi sur le fondement d’actes d’état civil non probants. La circonstance que M. B ait été confié aux services de l’aide sociale à l’enfant par ordonnance du juge pour enfants du tribunal de Charleville-Mézières n’est pas de nature à établir sa minorité puisque la décision du juge des enfants dont il se prévaut n’est pas une constatation de faits retenue par le juge judiciaire répressif de nature à s’imposer au juge administratif. Dans ces conditions, le préfet des Ardennes a pu légalement considérer que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter, comme dépourvus de valeur probante, les actes d’état civil fournis par M. B. Par suite, et alors même que les autres conditions prévues par l’article L. 432-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile tenant à l’investissement de l’intéressé dans ses études et à son insertion au sein de la société française seraient satisfaites, l’autorité administrative n’a pas méconnu les dispositions de cet article ni commis d’erreur manifeste d’appréciation dans leur application en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. B. 7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : » 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » Pour l’application de ces stipulations, l’étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d’apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu’il a conservés dans son pays d’origine. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. B, qui est entré en France le 1er février 2019 selon ses déclarations, est célibataire et sans enfant. Il n’établit pas qu’il aurait noué des relations suffisamment anciennes et stables sur le territoire national, ni même qu’il serait dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, M. B n’est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet des Ardennes. Délibéré après l’audience du 20 janvier 2023, à laquelle siégeaient : M. Cristille, président, M. Maleyre, premier conseiller, M. Gauthier-Ameil, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023. L’assesseur le plus ancien dans l’ordre du tableau, signé P-H. MALEYRELe président-rapporteur, signé P. C Le greffier, signé A. PICOT 5