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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2020 et le 31 décembre 2020, M. B E, représenté par Me Iclek, demande au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 20 mai 2019 par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté son recours contre la décision du préfet de police de Paris du 3 septembre 2018 déclarant sa demande de naturalisation irrecevable et y a substitué une décision d’ajournement à deux ans sa demande de naturalisation ;
2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Iclek sur le fondement des dispositions combinées de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– la décision attaquée est entachée d’incompétence ;
– la décision est insuffisamment motivée ;
– elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;
– elle méconnaît les circulaires des 16 octobre 2012 et 21 juin 2013 ;
– c’est en raison de l’erreur de l’administration à avoir refusé de lui renouveler son titre de séjour en 2013 qu’il a perdu son emploi, l’empêchant ainsi de réaliser pleinement son intégration ; avec son activité d’artiste, il œuvre pour le rayonnement culturel de la France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E ne sont pas fondés.
M. E a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code civil ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
– le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
– le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Le rapport de M. A a été entendu au cours de l’audience publique.
:
1. M. E a présenté une demande de naturalisation auprès du préfet de police de Paris qui a été déclarée irrecevable par une décision du 3 septembre 2018. M. E a formé un recours contre cette décision devant le ministre de l’intérieur. Par une décision du 20 mai 2019, le ministre de l’intérieur a rejeté son recours contre la décision du préfet de police de Paris du 3 septembre 2018 déclarant sa demande de naturalisation irrecevable et y a substitué une décision d’ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation. Par la présente requête M. E demande au tribunal d’annuler la décision du 20 mai 2019 par laquelle le ministre de l’intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du ministre de l’intérieur du 20 mai 2019 :
2. En premier lieu, par une décision du 30 août 2018 publiée au Journal officiel de la République française le 2 septembre 2018, la directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité, compétente à cet effet en vertu de l’article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, a donné délégation à Mme C D, attachée d’administration, chargée du traitement des recours administratifs préalables obligatoires au bureau des affaires juridiques, du précontentieux et du contentieux de la sous-direction de l’accès à la nationalité française de la direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité, à l’effet de signer au nom du ministre de l’intérieur la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence de la signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l’article
27 du code civil : ” Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d’acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu’une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée “. En application de l’article 49 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : ” Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française prise en application du présent décret est motivée conformément à l’article 27 de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité “. En vertu de l’article
L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration : ” La motivation () doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision “.
4. La décision attaquée mentionne de façon suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
5. En troisième lieu, aux termes de l’article
21-15 du code civil : ” () l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger “. Aux termes de l’article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : ” () Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l’intéressé, s’il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande “.
6. L’autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d’un large pouvoir d’appréciation. Elle peut, dans l’exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l’intérêt que présenterait l’octroi de la nationalité française, l’intégration de l’intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu’il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France.
7. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de l’intéressé, le ministre de l’intérieur a relevé que l’examen du parcours professionnel de M. E, apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permet pas de considérer qu’il a réalisé pleinement son insertion professionnelle puisqu’il ne dispose pas de ressources suffisantes et stables.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. E exerçait des fonctions d’” ambassadeur du tri ” auprès de la ville de Paris jusqu’en septembre 2013, fonctions qu’il n’a pu continuer à compter de la rupture de son contrat en raison du non renouvellement de son titre de séjour par la préfecture de police de Paris. Si ces fonctions lui procuraient un revenu, il n’a, depuis lors, pas exercé d’activité professionnelle autre que celle d’artiste peintre. Cette activité lui a permis de déclarer uniquement les sommes de 15 205 euros au titre des revenus perçus en 2015, 200 euros au titre des revenus perçus en 2016, 64 euros au titre des revenus perçus en 2017 et 781 euros au titre des revenus perçus en 2018. En outre, M E ne conteste pas bénéficier de revenu de solidarité active depuis 2015. La circonstance qu’il a signé le 2 juin 2020 un contrat avec une galerie d’art parisienne en vue de la promotion et la vente de ses œuvres sur le second marché de l’art est toutefois postérieure à la décision attaquée dont la légalité s’apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Dans ces conditions, et eu égard au large pouvoir d’appréciation dont il dispose, le ministre de l’intérieur n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation en ajournant à deux ans la demande de M. E.
9. En quatrième lieu, M. E ne peut utilement invoquer les termes de la circulaire ministérielle du 16 octobre 2012 relative aux procédures d’accès à la nationalité française, qui se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l’intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans l’examen des demandes d’accès à la nationalité française et ne comporte ainsi aucune interprétation d’une règle de droit positif ou description des procédures administratives au sens de l’article
L. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration. Il ne peut non plus utilement invoquer les termes de la circulaire du 21 juin 2013, celle-ci étant abrogée à compter du 1er juillet 2018.
10. En cinquième et dernier lieu, eu égard au motif qui la fonde, les circonstances invoquées par M. E que c’est en raison de l’erreur de l’administration à avoir refusé de lui renouveler son titre de séjour en 2013 qu’il a perdu son emploi, l’empêchant ainsi de réaliser pleinement son intégration et qu’en exerçant son activité d’artiste, il œuvre pour le rayonnement culturel de la France, sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. E doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
12. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par M. E, n’appelle aucune mesure d’exécution. Dès lors, les conclusions à fin d’injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l’Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à M. E la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 1er : La requête de M. E est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B E, au ministre de l’intérieur et des outre-mer et à Me Iclek.
Délibéré après l’audience du 20 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Livenais, président,
Mme Rosemberg, première conseillère,
M. Huin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.
Le rapporteur,
F. A
Le président,
Y. LIVENAIS
Le greffier,
E. LE LUDEC
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,