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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
(n° , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02161 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTDQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n° 18/00459
APPELANT
Monsieur [B] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Virginie LORMAIL-BOUCHERON, avocat au barreau d’ESSONNE
INTIMEE
Association FILIGRANE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me François-xavier PENIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffières, lors des débats : Madame Joanna FABBY et Madame [W] [N]
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article
450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame [W] [N], Greffière en préaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. [X] a été embauché par l’Association Filigrane ayant pour activité l’insertion des jeunes de 16 à 25 ans, par contrat à durée déterminée pour la période du 3 juin 2013 au 3 juin 2014, en qualité de Responsable Technique et Artistique dans le cadre d’un contrat unique d’insertion.
Un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu entre les parties le 30 mai 2014 pour la période du 4 juin 2014 au 3 juin 2015.
A partir du 3 juin 2015, la relation contractuelle s’est poursuivie par contrat de travail à durée indéterminée.
Par courrier du 10 juillet 2017, M. [X] a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Par courrier du 28 août suivant, M. [X] a été convoqué à un entretien fixé au 1er septembre 2017. Le salarié et l’employeur ont signé un premier puis un deuxième formulaire de rupture conventionnelle.
Le premier formulaire n’a pas été adressé à la Direccte pour homologation. Le deuxième formulaire a été adressé à la Direccte mais n’a pas été homologué aux motifs que le formulaire de demande d’homologation comportait une date de fin de délai de rétractation (15/09/2017) antérieure à la date de signature du CERFA (04/10/2017).
Un troisième formulaire de rupture conventionnelle a donc été signé par les parties avec une date de rupture du contrat de travail fixée au 20 octobre 2017. Ce formulaire qui mentionne une date de signature au 1er septembre 2017 a été adressé à la Dirrecte le 3 octobre 2017.
La veille de la transmission du formulaire à la Direccte le 2 octobre 2017, la société a remis à M. [X] une attestation pôle emploi et un solde de tout compte.
Considérant qu’il a été licencié, M. [X] a par requête du 29 mai 2018 saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes qui, par un jugement en date du 30 janvier 2020 notifié le 10 février 2020, a :
– dit que M. [X] ne peut exciper de la qualité de cadre et doit être débouté de toutes les demandes de rappels de salaires présentées à ce titre,
– dit que M. [X] devait se voir appliquer, dans la meilleure des hypothèses, au titre de la convention collective de la formation la classification C deuxième degré,
En conséquence :
– condamné l’Association Filigrane, en son représentant légal, à verser à M. [X] un rappel de salaire à hauteur de 888,96 euros brut sur la base des minima garantis conventionnels, outre 88,99 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– débouté M. [X] de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse inexistant, et de toutes autres demandes subséquentes,
– condamné l’Association Filigrane, en son représentant légal, à verser à M. [X] une somme de 1.200,00 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile,
– débouté l’Association Filigrane de sa demande reconventionnelle,
– laissé les dépens éventuels à la charge de l’Association Filigrane.
Par déclaration notifiée au greffe en date du 7 mars 2020, M. [X] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 2 novembre 2020, M. [X] demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Évry-Courcouronnes en date du 30 janvier 2020 et de :
-débouter l’Association Filigrane de l’intégralité de ses demandes ;
et en conséquence,
– constater que M. [X] occupait un poste de Responsable Technique et artistique, statut cadre ;
– fixer le salaire brut moyen de M. [X] à la somme de 2.640,50 euros ;
– condamner l’Association Filigrane à verser à M. [X] la somme de 36.141,82 euros à titre de rappels de salaire d’octobre 2014 au 20 octobre 2017, outre la somme de 3.614,18 euros au titre des congés payés afférents ;
A titre subsidiaire :
– constater que M. [X] occupait un poste de Responsable Technique et artistique, correspondant à un emploi de Technicien supérieur ;
– fixer le salaire brut moyen de M. [X] à la somme de 1.900,00 euros ;
– condamner l’Association Filigrane à verser à M. [X] la somme de 5.836,06 euros à titre de rappels de salaire d’octobre 2014 à septembre 2016, outre la somme de 583,60 euros au titre des congés payés afférents ;
A titre infiniment subsidiaire :
– condamner l’Association Filigrane à verser à M. [X] la somme nette de 1.294,03 euros à titre de rappel de salaire, pour la période de janvier 2015 à mars 2017 ;
– fixer le salaire brut moyen de M. [X] à la somme de 1.900,00 euros ;
En tout état de cause :
– condamner l’Association Filigrane à verser à M. [X] la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut à l’obligation de formation ;
– dire que la rupture du contrat de travail de M. [X] doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner l’Association Filigrane à verser à M. [X] les sommes suivantes :
1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche;
7.921,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
792,15 euros au titre des congés payés afférents,
2.860,54 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
15.840,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonner à l’Association Filigrane de remettre à M. [X] les documents de fin de contrat (Attestation Pôle Emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte) conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100,00 euros par document et par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;
– condamner l’Association Filigrane à verser à M. [X] la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article
700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner l’Association Filigrane aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 6 août 2020, l’Association Filigrane demande à la cour de :
A titre principal :
– apprécier le préjudice résultant de l’absence de visite médicale d’embauche de M. [X] prévue par les dispositions de l’article R.4.624-10 ancien du code du travail ;
– pour le surplus, déclarer M. [B] [X] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence, l’en débouter en toutes fins qu’elles comportent’;
A titre subsidiaire et à titre reconventionnel :
– condamner M. [B] [X] à restituer à l’Association Filigrane la somme de 1.353,15 € versée en exécution de la convention de rupture conventionnelle;
– fixer la moyenne de son salaire brut à la somme de 1.646,03 €, correspondant au versement des 6 derniers mois ;
– dire que les dispositions de l’article 1235-3 du code du travail ne sont pas contraires à celles de l’article 24 de la Charte Sociale Européenne’;
En tout état de cause :
– condamner M. [B] [X] à verser à l’Association Filigrane la somme de 2.500 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [B] [X] aux entiers dépens
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs dernières conclusions conformément aux dispositions de l’article
455 du Code de procédure civile.
L’instruction a été déclarée close le 7 septembre 2022.
Sur l’emploi occupé et les rappels de salaire afférents
M. [X] soutient qu’il aurait dû, en qualité de Responsable technique et artistique, bénéficier du statut cadre. L’association filigrane soutient à l’inverse que M. [X] ne peut revendiquer le statut de cadre.
La charge de la preuve de la classification revendiquée pèse sur le salarié.
Il sera rappelé que la qualification d’un salarié se détermine relativement aux fonctions réellement exercées qui doivent être comparées aux critères de classification retenus par la convention collective.
La cour constate qu’il résulte du contrat de travail et des bulletins de paie du salarié qu’il relevait de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et qu’il lui était appliqué le statut «’non-cadre’». En effet, le conseil d’administration a décidé de l’application de la convention collective des organismes de formation à compter du 1er décembre 2016 sur les nouvelles embauches, ce qui exclut faute d’autre démarche que celle-ci puisse suppléer la convention ressortissant des contrats et bulletins de salaire de l’appelant.
Selon l’article 1er de l’annexe n°6 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées de 1966 applicable à l’association Filigrane, un salarié peut prétendre au statut de cadre s’il répond à l’un des trois critères suivants :
– avoir une formation technique ou administrative équivalente à celle des cadres des professions nationales similaires, et exercer des fonctions requérant la mise en ‘uvre des connaissances acquises’;
– exercer des fonctions impliquant initiative et responsabilité, et pouvant être considérées comme ayant délégation de l’autorité de l’employeur ;
– exercer par délégation de l’employeur un commandement notoire sur plusieurs salariés ou catégories de salariés.
M. [X] qui occupait, selon son contrat de travail, le poste de « Responsable Technique
et artistique », affirme qu’il remplissait l’un des critères prévus par la convention collective applicable à savoir « exercer des fonctions impliquant initiative et responsabilité, et pouvant être considéré comme ayant délégation de l’autorité de l’employeur ». Il soutient que l’objet même de l’association ne l’empêche pas de bénéficier du statut cadre et que d’autres salariés de l’association recrutés dans le cadre de dispositif d’insertion, bénéficient du statut cadre. Il indique qu’il a géré seul, pour le compte de l’Association, les locaux de [Localité 5] et qu’il travaillait en toute autonomie.
A titre subsidiaire, M. [X] soutient qu’il a occupé un emploi de Technicien supérieur, conformément a` l’annexe 2 de la Convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
L’association Filigrane soutient que M. [X] n’était ni conseiller technique ni chef de service et ne répondait à aucun des trois critères de la convention collective. L’association filigrane explique que le salarié était en voie de réinsertion, voire d’insertion professionnelle et qu’au surplus il n’a à aucun moment revendiqué ce statut avant la rupture amiable de son contrat de travail. L’association conteste également le statut de technicien supérieur revendiqué à titre subsidiaire par le salarié aux motifs que l’absence de diplôme, tout comme la situation de réinsertion professionnelle ne permettent pas à M. [X] de revendiquer ce statut.
En l’espèce, le salarié ne justifie ni d’une formation technique ou administrative équivalente à celle des cadres des professions nationales similaires, ni de l’exercice d’un pouvoir de décision ou de commandement.
Il ressort des différentes pièces produites au débat tels que le contrat de travail, le formulaire de rupture conventionnelle et des mentions qu’il comporte que M. [X] occupait un emploi au statut non-cadre. Ce statut n’a pas été contesté par le salarié avant la rupture de son contrat de travail. Il apparaissait sur ses bulletins de salaire au titre de l’emploi occupé « Responsable technique et Artistique » puis à compter du mois de septembre 2014 « Responsable Régie Générale » puis à compter du mois de janvier 2015 « formateur audiovisuel » sans qu’un avenant n’ait été signé.
Aux termes de son contrat de travail, M. [X] avait les responsabilités suivantes :
– la gestion technique, administrative et commerciale du pôle culturel et artistique ainsi que le développement des partenariats,
– la logistique et l’entretien du matériel,
– l’aide et suivi technique et artistique auprès des différentes formations artistiques,
– les formations audiovisuelles son.
La seule mention sur le bulletin de paie d’un titre de responsable technique et artistique, qui n’est pas prévu par la convention collective, relève manifestement d’une erreur, alors que la volonté de l’employeur de surclasser le salarié n’est pas alléguée et est même contredite par la mention « statut non cadre ».
Toutefois, indépendamment des mentions portées par l’employeur, le statut de cadre doit cependant s’apprécier au regard des fonctions réellement exercées par le salarié en considération des dispositions conventionnelles applicables.
S’agissant des fonctions impliquant initiative et responsabilité, et pouvant être considérées comme ayant délégation de l’autorité de l’employeur, M. [X] produit deux attestations établis par des salariés de l’association dont sa compagne, qui font état de ce qu’il «’ occupait le poste de responsable de studio et était formateur’», «’ a apporté son aide pour la création d’outils informatiques’», «’ qu’il était indépendant sur ses activités, notamment pour l’établissement du programme de formation, avec planning et déroulement des cours, création de ses propres outils de travail, de suivi et d’évaluation, l’accompagnement des jeunes, la maintenance du matériel, le développement de partenariat, la participation aux réunions’».
Il en ressort qu’il n’est pas démontré par ces deux témoignages que le salarié assumait des responsabilités au-delà de celles prévues par le poste qu’il occupait et pouvant être considérées comme ayant délégation de l’autorité de l’employeur. En outre, malgré l’affirmation selon laquelle il gérait seul l’établissement de [Localité 5], M.[X] n’apporte aucune preuve d’une telle gestion ou d’une délégation d’autorité de l’employeur alors que la responsabilité des locaux, siège de l’association jusqu’au 30 septembre 2016, relevait de la responsabilité du président même de l’association selon les documents officiels.
Il ressort par ailleurs des pièces versées par l’employeur qu’il était de surcroît placé sous l’autorité de ses supérieurs hiérarchiques, le responsable pédagogique de l’association et sa coordinatrice.
La preuve n’étant pas rapportée que M. [X] remplissait l’un des critères de par ses fonctions pour bénéficier du statut cadre selon l’annexe relative à la nomenclature et à la définition des emplois, il convient de confirmer le jugement entrepris et de débouter le salarié de sa demande ainsi que de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents.
M.[X] sera donc débouté de sa demande de constater qu’il occupait un poste de Responsable Technique et artistique, statut cadre. En conséquence, il n’est pas non plus fondé à solliciter des rappels de salaires sur la période d’octobre 2014 à septembre 2017.
M. [X] soutient à titre subsidiaire qu’il aurait dû se voir reconnaître la qualité de technicien supérieur.
L’association fait valoir en réplique qu’en raison de l’absence de diplôme, de sa situation de réinsertion professionnelle, en formation interne pendant deux années dans le cadre de contrat unique d’insertion, il ne pouvait avoir la qualité de technicien supérieur, ce d’autant qu’il ne faisait pas partie du personnel de direction, d’administration et de gestion.
L’annexe 2 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, définit le technicien supérieur
comme «’exigeant des connaissances générales et techniques qualifiées ainsi qu’une expérience professionnelle permettant au titulaire de prendre des initiatives et des décisions pour adapter dans les cas particuliers ses interventions en fonction de l’interprétation des informations ».
L’intéressé peut être appelé dans sa spécialité à conseiller d’autres personnes et exercer un contrôle’: il peut assurer l’encadrement d’un groupe composé principalement d’agents administratifs et éventuellement de techniciens qualifiés.
Accessible aux personnes titulaires d’un BTS , DUT et aux techniciens qualifiés comptant au moins 10 ans d’ancienneté dans cette fonction ou dans un emploi équivalent.
Pour prétendre à la qualification de technicien supérieur, M. [X] doit donc pouvoir justifier de connaissances générales et techniques qualifiées, d’une expérience professionnelle lui permettant de prendre des initiatives, d’un rôle de conseil, voire d’encadrement et d’un diplôme tel que le BTS ou le DUT.
La Cour rappelle qu’il appartient au salarié qui demande à bénéficier d’une classification dans une catégorie supérieure de démontrer qu’il remplit les conditions pour y prétendre.
En l’espèce, il n’est pas allégué par le salarié qu’il disposerait d’un diplôme de cet ordre. Il n’est pas plus discuté par M. [X] qu’il ne conseillait pas directement d’autres salariés, ni n’exerçait de contrôle sur eux et qu’il n’avait pas non plus de fonctions d’encadrement d’autres agents ou techniciens.
Toutefois, le critère principal de la classification reste, indépendamment du diplôme et de l’ancienneté, celui du contenu de l’emploi et des responsabilités dévolues au salarié.
En l’espèce, la classification comme technicien supérieur exige d’emblée à la fois des connaissances générales et techniques qualifiées et une expérience professionnelle. Or, il résulte des débats et du relevé des activités établi pour la retraite que M. [X] n’avait pas d’expérience professionnelle lors de son embauche, à fortiori dans les fonctions occupées, pour lesquelles il n’avait pas non plus le diplôme approprié, de sorte qu’il ne pouvait pas déjà revendiquer d’emblée posséder des compétences techniques particulièrement qualifiées.
Par ailleurs, le technicien supérieur est amené à prendre des initiatives et des décisions de façon totalement autonome, sans attendre des instructions, pour mettre seul en oeuvre les actions qui s’imposent par interprétation des informations dont il dispose. Il s’en déduit que le technicien supérieur a une liberté plus importante d’initiative et d’action.
Sur les tâches réellement accomplies, M. [X] n’apporte aucune explication à sa demande sauf à renvoyer implicitement la Cour à se référer aux explications et aux documents produits à l’appui de sa revendication du statut de cadre, notamment les attestations de deux collègues dont sa compagne.
Il faut donc en l’occurrence apprécier si les éléments produits par M. [X] suffisent à justifier de cette plus grande autonomie.
Les parties s’accordent à peu près sur les fonctions qui étaient les siennes et qui ont été rappelées ci-avant.
La Cour constate à la lecture de ces attestations que les tâches attribuées à M. [X] étaient des tâches d’exécution utiles à la mission et au fonctionnement de l’établissement, mais ne demandant pas qu’il prenne des initiatives en dehors du cadre prévu ou des instructions reçues, qu’il pouvait toutefois adapter en choisissant les moyens adéquats.
Ainsi, même si les qualités professionnelles du salarié étaient indéniables, il ne ressort pas pour autant des éléments de preuve apportés par lui qu’il remplissait l’ensemble des critères pour pouvoir prétendre à une classification de technicien supérieur , dont celui essentiel relatif au contenu de ses fonctions à fortiori dès son embauche.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande de classification dans la catégorie technicien supérieur et du rappel de salaire afférents.
Sur le rappel de salaires
M. [X] revendique à titre subsidiaire un rappel de salaire de 5836, 06 euros et à titre infiniment subsidiaire de 1294,03 euros, outre les congés payés afférents.
Il s’évince des développements précédents que M. [X] ne peut revendiquer une classification supérieure que celle figurant sur ses bulletins de salaire. Il ressort cependant des tableaux communiqués et notamment du tableau établi par l’Insee quant aux salaires minimum interprofessionnel, de la confrontation des relevés de compte et bulletins de salaire que M. [X] est fondé à réclamer un rappel de salaire pour la période courant de janvier 2015 à mars 2017 à hauteur de 1294, 03 euros.
L’association Filigrane réclame pour sa part le remboursement par le salarié d’un trop perçu de 1123,68 euros se basant sur un tableau établi par ses soins faisant apparaître que le salarié aurait perçu un complément de rémunération en espèces. Or, il n’est fourni aucune pièce comptable permettant de confirmer ces virements. Enfin, la confrontation des éléments chiffrés par le salarié avec ceux fournis par l’employeur et l’examen des bulletins de salaire et comptes faisant apparaître les virements effectués au profit du salarié conduisent la Cour à débouter l’association Filigrane de sa demande de remboursement d’un trop payé à ce titre.
Sur l’absence de visite médicale d’embauche
M.[X] soutient qu’il n’a pas bénéficié de la visite médicale d’embauche et qu’il n’a bénéficié d’aucun suivi médical, ce qui lui a causé un préjudice. L’association fait valoir que le salarié ne caractérise pas son préjudice.
Il est cependant constant que l’absence de réalisation de la visite médicale d’embauche ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié et qu’ainsi il revient au salarié de justifier du préjudice qui en serait résulté pour lui.
L’association Filigrane ne conteste pas ne pas avoir fait passer au salarié une visite médicale d’embauche mais déclare que celui-ci ne démontre aucun préjudice.
Il sera en effet relevé que M. [X] se borne à faire valoir à titre de préjudice un risque potentiel non avéré. Sa demande sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de formation
Il résulte des dispositions des article L. 5134-20 et suivants du code du travail que le contrat d’accompagnement dans l’emploi a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d’accès à l’emploi.
A cette fin, il comporte des actions d’accompagnement professionnel. Pendant l’exécution de ces contrats, une ou plusieurs conventions conclues en vertu de l’article L.5135-4 peuvent prévoir une période de mise en situation en milieu professionnel auprès d’un autre employeur dans les conditions prévues au chapitre V du présent titre. Un décret détermine la durée et les conditions d’agrément et d’exécution de cette période d’immersion.
Il est admis que cette obligation de formation ne peut se confondre avec la simple adaptation au poste de travail, mais qu’elle est remplie lorsque l’employeur démontre avoir fait bénéficier au salarié d’une formation lui permettant d’exercer de nouvelles tâches ou lui permettant la reconnaissance objective de nouvelles compétences. Il appartient à l’employeur de justifier que le salarié accompagné a effectivement bénéficié des actions de formation et d’accompagnement prévues par la loi.
L’article
L.6321-1 du code du travail énonce par ailleurs que «’l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences’».
En l’espèce, l’employeur se prévaut de ce que M. [X] aurait refusé régulièrement les formations qui lui étaient offertes et se réfère à l’attestation établie par Mme [O], réalisatrice et formatrice audiovisuel pour l’association du 21 novembre 2016 au 28 février 2018, indiquant que M. [X] a refusé une formation externe.
Cette seule proposition ne peut toutefois s’analyser comme répondant à l’obligation imposée à l’employeur depuis de plusieurs années de veiller au développement des compétences du salarié. Le manquement invoqué par le salarié est caractérisé.
Toutefois, l’employeur indique avoir établi le 6 avril 2015 une attestation mentionnant que le salarié avait cumulé 32 heures au titre du droit individuel à la formation (DIF), ce que conteste M. [X] en l’absence de sa signature. Pour autant, il est établi par les pièces versées par l’employeur que la régularisation a été effectuée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du compte de formation en mars 2019.
S’il peut être retenu un manquement de l’employeur, il appartient au salarié de faire la démonstration du préjudice subi. Or, M. [X] échoue à faire une telle démonstration, ne communiquant aucune pièce sur sa situation postérieure au licenciement ou ses recherches d’emploi. Il ne démontre pas plus l’existence d’un préjudice lié à la régularisation tardive de ses heures de DIF.
Il sera en conséquence débouté de sa demande.
Sur la rupture du contrat de travail
M.[X] soutient qu’il a été licencié dès lors que les documents de fins de contrats lui ont été remis avant l’homologation de la rupture conventionnelle par la Direccte et que la remise des documents de fin de contrat manifeste la volonté de l’employeur de mettre un terme à la relation contractuelle à la date à laquelle les documents ont été établis, soit le 30 septembre 2017. Ainsi, le salarié ne conteste pas l’homologation du document de rupture conventionnelle mais affirme que son contrat de travail a été rompu antérieurement à cette homologation.
L’association Filigrane affirme au contraire que la rupture conventionnelle est parfaitement valable et que la remise des documents de fins de contrat ne peut s’analyser en un licenciement. Elle soutient à cet effet que M. [X] ayant sollicité la rupture conventionnelle, les documents de rupture ont été établis en avance pour être aimable envers lui. Le contrat de travail de M. [X] a été de toute façon rompu le 20 octobre 2017, date prévue par le CERFA de rupture conventionnelle. L’association affirme également que dans sa lettre en date du 16 janvier 2018, M.[X] a évoqué plusieurs griefs sans pour autant remettre en cause la signature de la rupture conventionnelle. Elle ajoute qu’en définitive la rupture conventionnelle a bien été homologuée par la Direccte et que les documents légaux de rupture définitive ont été remis au salarié au moment de son départ définitif et effectif de l’association.
Selon l’article
L. 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat.
Aux termes de l’article L. 1237-13 du même code, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’ homologation.
L’article
L1237-14 du code du travail dispose que la validité de la convention est subordonnée à son homologation.
Conformément aux dispositions légales, la Direccte dispose d’un délai de quinze jours ouvrables à compter du lendemain du jour de la réception de la demande pour homologuer ou non la rupture conventionnelle. La date de fin de contrat prévue par les parties ne peut être fixée avant l’expiration de ce délai. La rupture conventionnelle produit ainsi ses effets à la date fixée par les parties.
Selon l’article
R. 1234-9 du code du travail, les attestations et justifications qui permettent au salarié d’exercer ses droits sont délivrées par l’employeur au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail.
Il est de jurisprudence constante que la remise des documents de fin de contrat avant l’homologation de la rupture conventionnelle doit s’analyser comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass.Soc, 6 juillet 2016, n°14-20.323).
Au vu des pièces produites par les parties, la cour relève la chronologie suivante :
– 1er septembre 2017: signature par les deux parties d’un formulaire de rupture conventionnelle du contrat de travail,
– 15 septembre 2017′: signature par les parties d’un deuxième formulaire de rupture conventionnelle et demande d’homologation’;
– 30 septembre 2017′: remise au salarié du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte signé par les deux parties’;
– 2 octobre 2017′: établissement de l’attestation Pôle Emploi’;
– 4 octobre 2017 : signature d’un troisième formulaire de rupture conventionnelle ;
– 6 octobre 2017: notification par la Direccte du refus d’homologation au motif que le délai de rétractation de 15 jours n’a pas été respecté ; la date envisagée de rupture ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’administration’;
– 13 octobre 2017 homologation de la demande de rupture conventionnelle reçue le 3 octobre 2017 par la Dirrecte’;
– 20 octobre 2017′: remise du reçu de solde pour tout compte établi le 20 octobre 2017, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi.
Le troisième formulaire de rupture conventionnelle a été signé par les parties le 16 septembre 2017 et reçu par la Direccte le 3 octobre 2017. L’association Filigrane a établi l’attestation pôle emploi ainsi que le solde de tout compte le 30 septembre 2017. Ces documents ont été transmis au salarié le 2 octobre 2017, c’est à-dire avant l’homologation de la rupture conventionnelle par la Direccte.
Or, en application des dispositions légales, la rupture conventionnelle produit ses effets seulement après l’homologation de la Direccte. La relation de travail prend alors fin à la date prévue par les parties. En d’autres termes, tant que la convention de rupture conventionnelle n’est pas homologuée, le contrat de travail continue de produire ses effets. En ce sens, le fait pour l’employeur d’adresser au salarié, sans attendre la décision relative à l’homologation, une attestation pôle emploi et un solde de tout compte s’analyse en un licenciement, l’homologation par la suite de la convention de rupture et la transmission de nouveaux documents de fins de contrat au salarié s’avérant sans emport. Ainsi, il a été mis fin à la relation de travail le 2 octobre 2017.
Par conséquent, la remise des documents de fin de contrat avant la date fixée par le formulaire et avant l’homologation de celle-ci par la Direccte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes pécuniaires
Conformément à l’article
L.1235-3 du code du travail modifié par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité.
Selon les dispositions sus mentionnées, le montant de cette indemnité, pour un salarié ayant 4 années complètes d’ancienneté dans une entreprise de moins 11 salariés, ne peut être inférieur à 1 mois de salaire brut et supérieur à 5 mois.
Il est constant que le barème institué par le code du travail est conforme à la Convention n° 158 de l’OIT. Par ailleurs, il est aussi constant que les dispositions instituant le barème ne peuvent faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.
M. [X] sollicite la somme de 15.840,00 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l’équivalent de plus de 9 mois de salaire.
Au regard des effectifs de l’association (moins de onze salariés), de l’ancienneté du salarié, des circonstances de l’espèce, de l’absence de justificatif de sa situation professionnelle postérieurement au licenciement, l’indemnité doit être arrêtée à la somme de 2000 euros.
L’indemnité de licenciement sera fixée à la somme de 1879,59 euros brut. L’indemnité compensatrice de préavis doit être arrêtée à la somme de 3 538,04 euros brut soit 2 mois de salaire, outre 353,80 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande reconventionnelle de remboursement
Eu égard au licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, il appartient au salarié de restituer à l’employeur la somme versée au titre de la rupture conventionnelle, soit 1533,15 euros.
Il sera par conséquent ordonné la restitution de ladite somme.
Sur les autres demandes
L’association sera tenue de délivrer les bulletins de paye rectifiés sans qu’il y ait lieu d’ordonner une astreinte.
Partie perdante, l’association Filigrane sera condamnée aux dépens et à payer à M [X] la somme de 1500 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile.
,
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [B] [X] de sa demande de dommages intérêts pour non-respect de l’obligation de formation et pour absence de visite médicale d’embauche’;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT le licenciement de M. [B] [X] sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE l’association Filigrane à verser à M. [B] [X] les sommes suivantes’:
2000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
1879,59 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
3 538,04 euros brut au titre de l’indemnité de préavis ;
353,80 bruts au titre des congés payés afférents ;
1294, 03 euros au titre de rappel de salaires pour la période de janvier 2015 à mars 2017′;
1500 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile’;
ORDONNE la restitution par M. [B] [X] à l’association Filigrane de la somme de 1533,15 euros’;
ORDONE à l’association Filigrane de remettre à M.[B] [X] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt’;
DIT n’y avoir lieu à astreinte’;
CONDAMNE l’association Filigrane aux dépens’;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE l’association Filigrane aux entiers dépens.
La greffière, La Présidente.