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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 11 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Victimes coronavirus covid-19 France, premier requérant dénommé, et les autres requérants dont le nom figure dans le mémoire introductif d’instance demandent au Conseil d’Etat :
1°) à titre principal, d’annuler le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la crise sanitaire ;
2°) à titre subsidiaire, d’annuler ce décret en ce qu’il s’applique dans des lieux de plein air ainsi que dans les transports publics ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, d’annuler ce décret en ce qu’il permet de supprimer les obligations de présentation du résultat négatif d’un test RT-PCR et de port du masque dans les lieux dont l’accès est soumis à présentation du ” passe sanitaire “.
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de la santé publique ;
– la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
– la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d’Etat,
– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
:
1. En raison d’une amélioration progressive de la situation sanitaire, les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus de la covid-19 prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ont été remplacées, après l’expiration de celui-ci le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. En particulier, le A du II de son article 1er permettait au Premier ministre d’instituer un dispositif dit de ” passe sanitaire “. Il pouvait ainsi subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, l’accès à certains lieux, établissements ou évènements. En application de ces dispositions, le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire a notamment fixé, à son article 47-1, la liste des lieux, services et évènements concernés et défini certaines modalités d’application. A la suite d’une nouvelle dégradation de la situation épidémique, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a modifié la loi du 31 mai 2021 afin de permettre au Premier ministre d’étendre le champ d’application du dispositif du ” passe sanitaire “. En application de ces dispositions, le décret du 7 août 2021 a modifié le décret du 1er juin 2021, notamment pour, d’une part, modifier les dispositions règlementaires concernant les justificatifs et, d’autre part, conditionner à la présentation du ” passe sanitaire ” l’accès à des lieux, établissements, services ou évènements supplémentaires.
2. En premier lieu, le A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative àla gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021, prévoit que le Premier ministre peut, ” dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 : / 1° Imposer aux personnes âgées d’au moins douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution () de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 ; / 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements “.
3. Aux termes de l’article 2-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret du 7 août 2021 : ” Pour l’application du présent décret : / 1° Sont de nature à justifier de l’absence de contamination par la covid-19 un examen de dépistage RT-PCR, un test antigénique ou un autotest réalisé sous la supervision d’un des professionnels de santé, mentionnés à l’article 1er du décret n° 2020-1387 du 14 novembre 2020 fixant la liste des professionnels de santé habilités à renseigner les systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, d’au plus 72 heures dans les conditions prévues par le présent décret. Le type d’examen admis peut être circonscrit aux seuls examens de dépistage RT-PCR ou à certains tests antigéniques si la situation sanitaire, et notamment les variants du SARS-CoV-2 en circulation, l’exige. / 2° Un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d’un schéma vaccinal complet de l’un des vaccins contre la covid-19 ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne après évaluation de l’agence européenne du médicament ou dont la composition et le procédé de fabrication sont reconnus comme similaires à l’un de ces vaccins par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé : / a) S’agissant du vaccin “COVID-19 Vaccine Janssen”, 28 jours après l’administration d’une dose ; / b) S’agissant des autres vaccins, 7 jours après l’administration d’une deuxième dose, sauf en ce qui concerne les personnes ayant été infectées par la covid-19, pour lesquelles ce délai court après l’administration d’une dose ; / 3° Un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 est délivré sur présentation d’un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours et moins de six mois auparavant. Ce certificat n’est valable que pour une durée de six mois à compter de la date de réalisation de l’examen ou du test mentionnés à la phrase précédente. “
4. Il ressort des pièces du dossier que, selon les informations disponibles à la date du décret attaqué, les personnes vaccinées avaient douze fois moins de risque de contracter le virus de la covid-19 que les personnes non vaccinées et, en cas de contamination, avaient quatre fois moins de risque de le transmettre que les personnes non vaccinées. En outre, les personnes non vaccinées contribuaient beaucoup plus fortement à la transmission du virus et étaient beaucoup plus concernées par les entrées en soins critiques ou les décès.
5. Il résulte de ce qui précède que le dispositif de ” passe sanitaire “, tel qu’il a été précisé par le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret du 7 août 2021, institué dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, ne méconnaît pas les dispositions, citées au point 2, de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait contraire à l’objectif de santé publique poursuivi par la loi doit être écarté.
6. En deuxième lieu, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
7. La différence de traitement instaurée par le décret attaqué entre, d’une part, les personnes vaccinées, qui pouvaient bénéficier du ” passe sanitaire ” en présentant un justificatif de statut vaccinal, et, d’autre part, les personnes non vaccinées, qui pouvaient en bénéficier en présentant, notamment, le résultat négatif d’un examen de dépistage RT-PCR, d’un test antigénique ou d’un autotest réalisé sous la supervision d’un professionnel de santé, est fondée sur une différence de situation entre les personnes concernées au regard du risque de transmission du virus. Cette différence de traitement, qui est en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit, n’est pas manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation et du motif d’intérêt général tiré de la nécessité de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19.
8. En troisième lieu, aux termes de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret du 7 août 2021, sont soumis à la présentation du ” passe sanitaire ” l’accès aux ” établissements, lieux, services et évènements suivants : / 1° Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article
R. 143-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après, pour les activités culturelles, sportives, ludiques ou festives qu’ils accueillent : / a) Les salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usages multiples, relevant du type L ; / b) Les chapiteaux, tentes et structures, relevant du type CTS ; / c) Les établissements mentionnés au 6° de l’article 35, relevant du type R, à l’exception : / – pour les établissements d’enseignement artistique mentionnés au chapitre Ier du titre VI du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation et les établissements d’enseignement de la danse mentionnés au chapitre II du titre VI du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation, des pratiquants professionnels et des personnes inscrites dans les formations délivrant un diplôme professionnalisant ; / – des établissements mentionnés à l’article
L. 216-2 du code de l’éducation pour l’accueil des élèves recevant un enseignement initial quel que soit le cycle ou inscrits dans une formation préparant à l’enseignement supérieur ; () / g) Les établissements de plein air, relevant du type PA, dont l’accès fait habituellement l’objet d’un contrôle ; () / 2° Les événements culturels, sportifs, ludiques ou festifs organisés dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public et susceptibles de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes ; () / 5° Les fêtes foraines comptant plus de trente stands ou attractions ; / 6° Les restaurants, débits de boissons, restaurants d’altitude et, pour leur activité de restauration et de débit de boissons, les établissements flottants et hôtels, relevant des types N, OA, EF et O mentionnés par le règlement pris en application de l’article
R. 143-12 du code de la construction et de l’habitation () / 10° Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l’un des territoires mentionnés au 1° du A du II de l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire relevant des catégories suivantes, sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis : / a) Les services de transport public aérien ; / b) Les services nationaux de transport ferroviaire à réservation obligatoire ; / c) Les services collectifs réguliers non conventionnés de transport routier “. Il résulte de ces dispositions que le ” passe sanitaire ” peut être exigé pour l’accès aux terrasses des cafés et des restaurants, à divers établissements, lieux, services et évènements accueillant des activités pouvant se dérouler en plein air et aux transports publics.
9. A la date du décret attaqué, l’épidémie de covid-19 était en cours d’aggravation rapide par l’effet d’un nouveau variant du virus, devenu prépondérant, beaucoup plus contagieux et qui, selon les avis scientifiques alors disponibles, présentait plus de risques de causer des formes graves de la maladie. Entre la deuxième semaine de juillet et la première semaine d’août 2021, le taux d’incidence était passé de 41 pour 100 000 habitants à 236 pour 100 000, le nombre de nouvelles hospitalisations de 783 à 4 764, le nombre d’admissions en soins critiques de 154 à 1 086, le nombre de décès en établissement de santé ou médico-social de 165 à 347. Eu égard au très large consensus scientifique sur la gravité de la situation, les requérants ne justifient pas de ce que les critères pris en compte auraient été insuffisamment définis, ni de ce que le Gouvernement se serait fondé sur des données erronées ou des indicateurs non représentatifs. Dans ce contexte, la préservation des personnes les plus exposées aux formes graves nécessitait non seulement une protection directe mais aussi un ralentissement de la propagation du virus, alors que la contamination restait possible, par voie aérienne, même en plein air ou dans les transports publics, notamment en cas de concentration importante de personnes. Les prévisions faisaient état d’une ” quatrième vague ” épidémique, que la couverture vaccinale, si elle était restée à son niveau alors constaté, ou sur sa tendance spontanée de progression, n’aurait pas pu freiner. Les vagues précédentes n’avaient ainsi pu être endiguées qu’au prix de mesures de confinement, de couvre-feu et de fermeture d’établissements. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’obligation de présenter un ” passe sanitaire ” pour l’accès à certains lieux de plein air et aux transports publics n’aurait pas été nécessaire au regard de l’objectif de santé publique poursuivi de limitation de la propagation de l’épidémie de covid-19.
10. En dernier lieu, le décret contesté ne méconnaît pas les dispositions législatives pour l’application desquelles il a été pris en dispensant de l’obligation de port du masque en certaines circonstances lorsque celle-ci n’apparaît pas nécessaire.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions qu’ils attaquent. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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Article 1er : La requête de l’association Victimes coronavirus covid-19 France et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association Victimes coronavirus covid-19 France, premier requérant dénommé pour l’ensemble des requérants, et au ministre de la santé et de la prévention.
Copie en sera adressée à la Première ministre et à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Délibéré à l’issue de la séance du 25 janvier 2023 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d’Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d’Etat-rapporteure.
Rendu le 3 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Lemesle
La secrétaire :
Signé : Mme Naouel Adouane