Droits des Artistes : Cour d’appel de Rennes, 3ème Chambre Commerciale, 7 mars 2023, 22/04146

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Droits des Artistes : Cour d’appel de Rennes, 3ème Chambre Commerciale, 7 mars 2023, 22/04146
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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°97

N° RG 22/04146 – N° Portalis DBVL-V-B7G-S45R

M. [T] [M] [B]

EQUINOX SAS

C/

S.C.P. [H] – COLLET

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DEMIDOFF

Me NIHOUARN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 MARS 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC : M. Laurent FICHOT, avocat général, entendu en ses observations.

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Novembre 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [T] [M] [B]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Patrick BAUDY, Plaidant, avocat au barreau de LYON

EQUINOX SAS, immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 880 118 997, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Patrick BAUDY, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.C.P. [H] COLLET, représentée par Maître [U] [H], ès qualités de mandataire liquidateur de la société [M] PROD, sise [Adresse 5] [Localité 3], désigné en cette qualité par un jugement du Tribunal de Commerce de Nantes en date du 11 mars 2019

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me François-Xavier NIHOUARN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCEDURE

:

Le 11 mars 2020, la société [M] Prod, dont M. [B] est le gérant, a été placée en liquidation judiciaire. La société [H]-Collet, prise en la personne de M. [H], a été désignée liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 11 septembre 2018.

La société [H]-Collet, ès qualités, a constaté que le 27 décembre 2019, la société [M] Prod avait cédé pour le prix d’ un euro ses droits voisins de producteur à la société Equinox dont M. [B] est également dirigeant.

Estimant que ces droits avaient une valeur supérieure au prix de cession et que cette dernière avait donc été réalisée en fraude des droits de la société [M] Prod, la société [H]-Collet, ès qualités, a assigné la société Equinox en annulation de la cession de droits du 27 décembre 2019.

Par jugement du 22 juin 2022, le tribunal de commerce de Nantes a :

– Prononcé la nullité de la cession des droits voisins sur phonogrammes et vidéogrammes entre la société [M] Prod et la société Equinox,

– Condamné la société Equinox à verser à la société [H]-Collet, ès qualités, l’intégralité des sommes qu’elle a perçues de la société Warner Music France au titre des royalties liées à l’exploitation des droits voisins, objet de la cession intervenue le 27 décembre 2019,

– Débouté la société Equinox et M. [B] dans toutes leurs demandes,

– Condamné M. [B] et la société Equinox à verser solidairement à la société [H]-Collet, ès qualités, une somme de 1.500 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

M. [B] et la société Equinox ont interjeté appel le 30 juin 2022.

Les dernières conclusions de M. [B] et la société Equinox sont en date du 21 novembre 2022. Les dernières conclusions de la société [H]-Collet, ès qualités, sont en date du 16 novembre 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.

Sur autorisation de la cour, les parties ont produit des notes en délibéré respectivement le 9 décembre 2022 pour la société Equinox et M. [B] et le 12 décembre 2022 pour la société [H]-Collet, ès qualités.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [B] et la société Equinox demandent à la cour de :

– Se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire de Nantes,

En conséquence :

– Réformer le jugement et renvoyer l’appréciation du litige au tribunal judiciaire de Nantes,

Subsidiairement :

– Dire et juger qu’en application des articles L212 -2 et

L213-1 du code de la propriété intellectuelle, seul M. [B] est propriétaire des droits voisins de producteur,

En conséquence :

– Dire et juger que la cession de ces droits par la société [M] Prod est frappée de nullité absolue,

Plus subsidiairement encore :

– Dire et juger nulle et de nul effet l’acquisition par la société [M] Prod des droits voisins de producteur,

Conséquemment :

– Déclarer nul et de nul effet le contrat de vente de la société [M] Prod au profit de la société Equinox du 27 Décembre 2019,

– Infirmer le jugement,

– Débouter la société [H]-Collet es qualités de l’ensemble du chef de ses réclamations,

La société [H]-Collet demande à la cour de :

– Confirmer dans son intégralité le jugement,

– Débouter M. [B] et la société Equinox de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions d’appel,

En conséquence :

– Juger que la cession des droits voisins sur des phonogrammes et vidéogrammes intervenues entre la société [M] Prod et la société Equinox le 27 décembre 2019 est intervenue en période suspecte, soit postérieurement à la date de cessation des paiements,

– Juger qu’il existe un déséquilibre entre les prestations réciproques de la société [M] Prod et la société Equinox dans le cadre de la cession intervenue le 27 décembre 2019,

Dès lors :

– Prononcer la nullité de la cession des droits voisins sur des phonogrammes et vidéogrammes intervenue entre la société [M] Prod et la société Equinox le 27 décembre 2019,

– Condamner la société Equinox à verser à la société [H]-Collet es qualités l’intégralité des sommes qu’elle a perçues de la part de la société Warner Music France aux titres des royalties liées à l’exploitation des droits voisins sur des phonogrammes et vidéogrammes, objet de la cession intervenue le 27 décembre 2019,

– Condamner M. [B] et la société Equinox à verser à la société [H]-Collet, ès qualités, une somme de 4.000 euros, au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

– Condamner la même aux entiers dépens de la présente instance d’appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Les contrats commutatifs notablement déséquilibrés aux dépens du débiteur sont nuls lorsqu’ils interviennent après la date de fixation de la cessation des paiements :

Article

L632-1 du code de commerce (rédaction en vigueur du 1er juillet 2014 au 1er janvier 2021) :

I. – Sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :

1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;

2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ;

3° Tout paiement, quel qu’en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;

4° Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d’affaires ;

5° Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l’article

2075-1 du code civil (1), à défaut d’une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ;

6° Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l’hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ;

7° Toute mesure conservatoire, à moins que l’inscription ou l’acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement ;

8° Toute autorisation et levée d’options définies aux articles L. 225-177 et suivants du présent code ;

9° Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d’une dette concomitamment contractée ;

10° Tout avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ;

11° Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l’affectation d’un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l’article L. 526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d’un autre patrimoine de cet entrepreneur ;

12° La déclaration d’insaisissabilité faite par le débiteur en application de l’article L. 526-1.

II. – Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit visés au 1° du I et la déclaration visée au 12° faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements.

La société [H]-Collet a assigné la société Equinox en nullité du contrat de cession du 27 décembre 2019. En défense, la société Equinox, et M. [B], se sont prévalus en première instance de la nullité de cette cession en s’appuyant sur les dispositions de l’article

L.331-1 du code de la propriété intellectuelle. Ils ont demandé au tribunal de commerce de se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nantes et, subsidiairement, de dire nulle la cession du 27décembre 2019.

Les actions relatives à la propriété littéraire et artistique relèvent de la compétence exclusive de certains tribunaux judiciaires désignés :

Article

L331-1 du code de la propriété intellectuelle :

Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire.

Les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ont qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge.

Le bénéficiaire valablement investi à titre exclusif, conformément aux dispositions du livre II, d’un droit exclusif d’exploitation appartenant à un producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes peut, sauf stipulation contraire du contrat de licence, exercer l’action en justice au titre de ce droit. L’exercice de l’action est notifié au producteur.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle au recours à l’arbitrage, dans les conditions prévues aux articles

2059 et

2060 du code civil.

Le décret n° 2009-1205 du 9 octobre 2009 a fixé le siège et le ressort des juridictions en matière de propriété intellectuelle. Il désigne dans le tableau annexe VI de son article 3 le tribunal judiciaire de Rennes pour connaître de ces litiges relevant de la compétence territoriale des cours d’appel d’Angers, Caen, Poitiers et Rennes. En tout état de cause, le tribunal judiciaire de Nantes est incompétent pour connaître de ce litige.

En outre, la société [M] Prod et M. [B] demandaient en première instance la nullité de la cession du 27 décembre 2019. Il en résulte que pour apprécier la nullité de cette cession, demandée par les deux parties, la juridiction, saisie d’une demande fondée sur les dispositions de l’article

L. 632-1 du code de commerce, n’était pas contrainte de statuer sur une question mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique. Ce n’est qu’en cas de rejet de la demande principale qu’elle aurait été contrainte d’examiner la demande reconventionnelle.

Devant la cour, la demande de M. [B] tendant à ce que la cour dise qu’il est propriétaire des droits voisins litigieux n’est qu’un moyen soulevé à l’appui de sa demande d’annulation de la cession du 27 décembre 2019. Les parties demandant toutes cette annulation, la cour n’a pas à statuer sur la titularité de ces droits pour statuer.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la compétence en première instance du tribunal de commerce de Nantes.

Sur la nullité de la cession du 27 décembre 2019 :

Les deux parties s’accordent pour demander l’annulation de la cession du 27 décembre 2019, même si le fondement de leurs demandes n’est pas le même.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la cession.

Sur la restitution des sommes perçues :

L’annulation de la cession a pour effet de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient auparavant.

Du fait de cette cession, la société Equinox doit restituer les droits qui avaient été cédés ainsi que les fruits attachés à ces droits, soit les sommes perçues de la part de la société Warner Music France.

Le jugement sera confirmé.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de dire que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

:

La cour :

– Confirme le jugement,

Y ajoutant :

– Rejette les autres demandes des parties,

– Dit que les dépens d’appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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