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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 mars 2021 et le 21 décembre 2022, M. C B, représenté par Me Maachi, doit être regardé comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d’annuler la décision du 11 janvier 2021 par laquelle le président du conseil départemental du Nord a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre la décision du 11 septembre 2020 par laquelle la caisse d’allocations familiales du Nord lui a notifié un indu de revenu de solidarité active (INK 003) d’un montant de 3 452,13 euros pour la période de septembre 2018 à novembre 2019 et a rejeté sa demande subsidiaire tendant à ce qu’une remise gracieuse de cet indu lui soit accordée ;
2°) de le décharger de la somme de 3 452,13 euros correspondant au montant de cet indu ;
3°) de lui accorder une remise de cet indu.
Il soutient que :
– il résidait sur le territoire français pendant la période litigieuse ; ses déplacements en Allemagne étaient liés à son activité professionnelle et artistique ;
– il appartenait au département de rechercher sur la période litigieuse les mois complets au cours desquels il a résidé en France et où il avait droit au bénéfice du revenu de solidarité active conformément aux dispositions de l’article
R. 262-5 du code de l’action sociale et des familles ;
– il est de bonne foi et la décision litigieuse le place dans une situation de précarité.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juin 2022, le département du Nord conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
– il existe un faisceau d’indices de nature à établir que M. B a établi sa résidence à l’étranger ;
– il n’a pas déclaré auprès de la caisse d’allocations familiales ses séjours à l’étranger ; l’indu litigieux a une qualification frauduleuse et ne peut donc faire l’objet d’une remise.
M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’action sociale et des familles ;
– le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Riou, vice-président, en application de l’article
R. 222-13 du code de justice administrative.
La rapporteure publique a été dispensée, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience en application de l’article
R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Le rapport de M. A a été entendu au cours de l’audience publique à l’issue de laquelle l’instruction a été close, en application de l’article
R. 772-9 du code de justice administrative.
:
1. À la suite d’un contrôle réalisé le 24 mai 2019 sur sa situation et du réexamen de ses droits qui s’en est suivi, la caisse d’allocations familiales du Nord a, par une décision du 11 septembre 2020, notifié à M. B un indu de revenu de solidarité active (INK 003) d’un montant de 3 452,13 euros pour la période de septembre 2018 à novembre 2019. Par une décision du 11 janvier 2021, le président du conseil départemental du Nord a rejeté le recours administratif préalable formé le 29 octobre 2020 à l’encontre de cet indu et a refusé d’accorder une remise de cet indu. Par sa requête, M. B demande l’annulation de cette décision.
2. Aux termes de l’article
L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles : ” Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l’organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / () / La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil départemental en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration. / () “.
Sur le bien-fondé de l’indu litigieux :
3. Aux termes de l’article
L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles : ” Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. Le revenu de solidarité active est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du montant forfaitaire. () “. Aux termes de l’article
L. 262-34 du même code : ” Le bénéficiaire du revenu de solidarité active orienté vers l’institution mentionnée à l’article
L. 5312-1 du code du travail élabore conjointement avec le référent désigné au sein de cette institution ou d’un autre organisme participant au service public de l’emploi le projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article
L. 5411-6-1 du même code. ” Aux termes de l’article
L. 262-35 du même code : ” Le bénéficiaire du revenu de solidarité active orienté vers un organisme participant au service public de l’emploi autre que l’institution mentionnée à l’article
L. 5312-1 du code du travail conclut avec le département, représenté par le président du conseil départemental, sous un délai d’un mois après cette orientation, un contrat librement débattu énumérant leurs engagements réciproques en matière d’insertion professionnelle. / () “. Aux termes de l’article
R. 262-5 du même code : ” Pour l’application de l’article
L. 262-2, est considérée comme résidant en France la personne qui y réside de façon permanente ou qui accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas trois mois. Les séjours hors de France qui résultent des contrats mentionnés aux articles
L. 262-34 ou L. 262-35 ou du projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article
L. 5411-6-1 du code du travail ne sont pas pris en compte dans le calcul de cette durée. / En cas de séjour hors de France de plus de trois mois, l’allocation n’est versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire. ” Enfin, aux termes de l’article R. 262-37 du même code : ” Le bénéficiaire de l’allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments. “
4. Lorsque le recours dont le juge administratif est saisi est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d’un indu de revenu de solidarité active ou d’aide exceptionnelle de fin d’année, il entre dans l’office du juge d’apprécier, au regard de l’argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d’ordre public, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d’indu.
5. Il résulte des dispositions précitées que, pour bénéficier de l’allocation de revenu de solidarité active, une personne doit remplir la condition de ressources qu’elles mentionnent et résider en France de manière stable et effective. Pour apprécier si cette seconde condition est remplie, il y a lieu de tenir compte de son logement, de ses activités, ainsi que de toutes les circonstances particulières relatives à sa situation, parmi lesquelles le nombre, les motifs et la durée d’éventuels séjours à l’étranger et ses liens personnels et familiaux. La personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l’allocation de revenu de solidarité active a droit, lorsqu’elle accomplit hors de France un ou plusieurs séjours dont la durée de date à date ou la durée totale par année civile n’excède pas trois mois, au versement sans interruption de cette allocation. En revanche, lorsque ses séjours à l’étranger excèdent cette durée de trois mois, le revenu de solidarité active ne lui est versé que pour les mois civils complets de présence en France. En toute hypothèse, le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation, outre l’ensemble des ressources dont il dispose, sa situation familiale et tout changement en la matière, toutes informations relatives au lieu de sa résidence, ainsi qu’aux dates et motifs de ses séjours à l’étranger lorsque leur durée cumulée excède trois mois.
6. L’indu litigieux mis à la charge de M. B trouve son origine dans le constat, à la suite d’une enquête de la caisse d’allocations familiales, de la résidence à l’étranger de l’intéressé pendant la période litigieuse. Il résulte de l’instruction et est d’ailleurs soutenu par le requérant qu’il a effectué au cours de la période litigieuse de nombreux séjours à Berlin entrecoupés de retours en France. Si M. B, qui n’allègue pas avoir déclaré ses séjours à l’étranger à l’administration, soutient et établit que ces voyages ont été réalisés aux fins de réalisation d’un court-métrage, il ne résulte pas de l’instruction que ce projet entrait dans le cadre de son projet personnalisé d’accès à l’emploi ou d’un contrat conclu en matière d’insertion professionnelle au sens des dispositions précitées de l’article
L. 262-35 du code de l’action sociale et des familles. Par suite, nonobstant leur caractère professionnel et artistique allégué, ces séjours doivent être pris en compte au titre des dispositions précitées de l’article
R. 262-5 du code de l’action sociale et des familles, comme le requérant l’admet à titre subsidiaire. En outre, les circonstances que l’intéressé n’a perçu aucun revenu ni aide sociale en Allemagne, qu’il a bénéficié de soins en France et qu’il a déclaré ses revenus en France sont sans influence sur le bien-fondé des indus litigieux. Enfin, si M. B soutient être seulement sous-locataire d’un appartement à Berlin, il ne produit aucun élément en ce sens et une telle circonstance n’est pas à elle seule de nature à établir l’existence d’une résidence stable et effective en France.
7. D’une part, en considérant sur la base des divers billets d’avion produits par le requérant que doit être regardé en l’espèce comme un séjour en Allemagne les périodes comprises entre un aller depuis l’aéroport de Roissy, l’aéroport d’Orly ou l’aéroport de Bruxelles et un retour depuis l’aéroport de Berlin, il y a lieu de considérer qu’entre le 3 août 2018 et le 21 novembre 2018, M. B s’est rendu à deux reprises à Berlin, du 10 août au 19 septembre 2018 et du 26 septembre au 13 novembre 2018, soit pendant une période cumulée de 90 jours (41 + 49) équivalente à trois mois. Le dépôt du court-métrage réalisé par le requérant sur une plateforme électronique de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) le 15 novembre 2018 n’est pas de nature à remettre en cause la présence du requérant en Allemagne à cette date. De plus, le trajet effectué le 3 août 2018 étant en provenance de Berlin, il y a lieu de considérer que le requérant se trouvait en Allemagne antérieurement à la période mentionnée plus haut du 3 août au 21 novembre 2018. Dès lors, au cours de l’année 2018, les séjours de M. B en Allemagne ont excédé une période cumulée de trois mois. Il résulte en outre de l’instruction, à savoir du tableau récapitulatif de la créance produit en défense, que M. B a perçu au titre du revenu de solidarité active une somme mensuelle de 168,15 euros au cours des mois de septembre à novembre 2018. Toutefois, il résulte également de ce qui vient d’être exposé que le requérant n’était pas présent en France au cours du mois d’octobre 2018 et n’a pas séjourné sur le territoire national au cours de la totalité des mois de septembre et novembre 2018. Par suite, M. B ne pouvait se voir verser pour ces trois mois au titre du revenu de solidarité active la somme globale de 504,45 euros (168,15 x 3).
8. D’autre part, sur la base des mêmes éléments, il y a lieu de considérer qu’entre le 30 janvier 2019 et le 11 décembre 2019, M. B s’est rendu au moins à trois reprises à Berlin, du 30 janvier au 25 février 2019, du 28 février au 8 mai 2019 et du 26 novembre au 8 décembre 2019, soit pendant une période cumulée de 110 jours (27 + 70 + 13). Dès lors, au cours de l’année 2019, les séjours de M. B en Allemagne ont excédé une période cumulée de trois mois. Il résulte en outre de l’instruction, à savoir du tableau récapitulatif de la créance produit en défense, que M. B a perçu au titre du revenu de solidarité active une somme mensuelle de 489,99 euros au cours des mois de juin à août 2019 et une somme mensuelle de 492,57 euros au cours des mois de septembre à novembre 2019. Or, il résulte de ce qui vient d’être exposé que le mois de novembre 2019 ne constitue pas un mois complet de présence en France pour le requérant. De même, au vu des justifications qu’il apporte, à savoir ses retours en France le 23 mai 2019, le 18 juillet 2019, le 26 septembre 2019 et le 24 novembre 2019, les mois de mai, juillet et septembre ne sont pas davantage des mois complets de présence en France pour l’allocataire. Enfin, le retour en France le 18 juillet 2019 implique un départ pour l’Allemagne entre le 23 mai et le 18 juillet 2019. De même, les retours en France les 26 septembre 2019 et 24 novembre 2019 impliquent un nouveau départ en Allemagne entre ces deux dates. Or le requérant n’a pas produit, à l’exception de son billet de départ pour l’Allemagne du 26 novembre 2019, déjà connu, d’éléments sur les dates de ces trois départs pour l’Allemagne. A défaut de la part de l’intéressé de justifier d’une présence en France pour des mois civils complets, il y a lieu dans ces conditions de considérer que M. B n’a pas résidé en France au cours des mois de juin, d’août et d’octobre 2019. Par suite, M. B ne pouvait se voir verser au titre du revenu de solidarité active pour ces six mois la somme globale de 2 947,68 euros (489,99 x 3 + 492,57 x 3).
9. Il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à contester le bien-fondé de l’indu de revenu de solidarité active litigieux. Ses conclusions aux fins d’annulation de la décision du 11 janvier 2021 en tant qu’elle rejette son recours administratif préalable et aux fins de décharge de l’indu litigieux doivent en conséquence être rejetées.
Sur la remise :
10. Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse d’un indu d’une prestation ou d’une allocation versée au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est susceptible d’être accordée, en se prononçant lui-même sur la demande au regard des dispositions applicables et des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision. En particulier, lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d’un indu d’aide personnalisée au logement, il appartient au juge administratif de rechercher si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise.
11. Lorsque l’indu résulte de ce que l’allocataire a manqué à ses obligations déclaratives, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l’intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l’inverse, portent sur des éléments dépourvus d’incidence sur le droit de l’intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des éléments ainsi omis, de l’information reçue et notamment, le cas échéant, de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l’omission, des justifications données par l’intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l’allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu’il était tenu de déclarer les éléments omis.
12. Il résulte de l’instruction que l’indu dont le remboursement est réclamé à M. B résulte de l’omission par l’intéressé dans ses déclarations trimestrielles de ressources entre les mois de septembre 2018 à septembre 2019 de ses séjours fréquents et longs en Allemagne. Eu égard à la nature de cette information et au caractère public des conditions d’attribution de la prestation en cause, l’intéressé ne peut être regardé comme ayant pu raisonnablement ignorer qu’il était tenu de déclarer ses séjours. La réitération à quatre reprises de ces omissions délibérément commises par le requérant dans l’exercice de ses obligations déclaratives constitue ainsi, en l’espèce, une fausse déclaration. En application des dispositions précitées de l’article
L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles, cette seule circonstance fait obstacle au bénéfice d’une remise ou d’une réduction de la dette du requérant, quelle que soit la précarité de sa situation financière. Ses conclusions aux fins d’annulation de la décision du 11 janvier 2021 en tant qu’elle rejette sa demande de remise de l’indu litigieux et aux fins de remise de cet indu doivent par conséquent être rejetées.
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au département du Nord.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2023.
Le magistrat désigné,
signé
J.-M. ALa greffière,
signé
J. VANDEWYNGAERDE
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
La greffière,
No 2101832