Droits des Artistes : Tribunal administratif de Nantes, 2ème Chambre, 1 février 2023, 2202210

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Droits des Artistes : Tribunal administratif de Nantes, 2ème Chambre, 1 février 2023, 2202210
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Extraits :
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 février 2022, M. B C, représenté par

Me Roques, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 21 juillet 2021 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d’enfant français, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office ;

2°) d’enjoindre au préfet de lui accorder un titre de séjour portant la mention ” vie privée et familiale ” ou subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai d’un mois ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1 700 euros en application des dispositions combinées des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

La décision de refus de séjour :

– n’a pas été prise par une autorité compétente ;

– méconnaît l’article 3 (-1) de la convention internationale des droits de l’enfant ;

– méconnaît l’article L. 437-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

La décision portant obligation de quitter le territoire :

– A été exécutée le 11 septembre 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

M. C a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2022.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

– la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– l’accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

– le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Loirat, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit

:

1. M. C, ressortissant tunisien né le 22 juillet 1973, a bénéficié de titres de séjour ” étudiant ” de 1999 à 2009. M. C a bénéficié d’un titre de séjour pluriannuel, de 2012 à 2015, en tant qu’artiste. Il a, pendant cette période, contracté mariage avec une ressortissante française le 12 décembre 2000 et une enfant est née de cette union le 10 juin 2006. Le mariage a été dissout par jugement de divorce du 15 décembre 2015. L’intéressé est entré en dernier lieu en France le 12 mars 2021 sous le couvert d’un visa de court séjour à entrées multiple, valable du

11 novembre 2018 au 10 novembre 2022, et a sollicité du préfet de la Vendée, le 22 mars 2021, un titre de séjour en qualité de parent d’enfant français. Par un arrêté du 22 juillet 2021, dont

M. C demande l’annulation, le préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

2. Aux termes de l’article 10 de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié : ” ” 1. Un titre de séjour d’une durée de dix ans, ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / () / c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d’un enfant français résidant en France, à condition qu’il exerce, même partiellement, l’autorité parentale à l’égard de cet enfant ou qu’il subvienne effectivement à ses besoins () “. L’article 7 quater de ce même accord prévoit que : ” Sans préjudice des dispositions du b et du d de l’article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale”. “.

3. Aux termes de l’article

L. 423-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : ” L’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article

371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention ” vie privée et familiale ” d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1 “. Aux termes de l’article

371-2 du code civil : ” Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant “.

4. D’une part, l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu’il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour autant qu’elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l’accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Ainsi qu’il résulte des stipulations de l’article 7 quater 10 de l’accord franco-tunisien, dès lors que l’article 10 de cet accord ne régit que les conditions de délivrance des cartes de résident, d’une durée de dix ans, en qualité de parent d’enfant français, M. C peut utilement, contrairement à ce que soutient le préfet de la Vendée, se prévaloir des dispositions de l’article

L. 423-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, fixant les conditions de délivrance des cartes de séjour temporaire en qualité de parent d’enfant français.

5. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que de l’union de M. C et de

Mme A, ressortissante française, est née une fille le 10 juin 2006. Si ce mariage a été dissous par jugement de divorce du 15 décembre 2015, le requérant justifie s’acquitter régulièrement de la pension alimentaire de 200 dinars prévue à l’acte d’entente entre les époux du 19 octobre 2015. Il justifie également exercer effectivement son droit de visite, en recevant sa fille française en Tunisie deux à trois fois par an lors de vacances scolaires. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme établissant contribuer effectivement à l’entretien et l’éducation de son enfant dans les conditions prévues par l’article

371-2 du code civil. En refusant de lui délivrer un titre de séjour en tant que père d’enfant français, le préfet de la Vendée a méconnu les dispositions de l’article L. 437-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite, le requérant est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de la décision de refus de séjour et, par voie de conséquence, de la décision l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. C est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du

21 juillet 2021 du préfet de la Vendée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

7. Eu égard au motif d’annulation de l’arrêté contesté retenu et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l’autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent jugement implique nécessairement que cette autorité délivre à M. C la carte de séjour temporaire sollicitée. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais liés à l’instance :

8. M. C ayant obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Roques, conseil de M. C, la somme de

1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 21 juillet 2021 du préfet de la Vendée est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Vendée de délivrer à M. C un titre de séjour temporaire, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à Me Roques la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B C, à Me Roques et au préfet de la Vendée.

Délibéré après l’audience du 18 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Loirat, présidente,

M. Gauthier, premier conseiller,

M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2023.

La présidente-rapporteure,

C. LOIRATL’assesseur le plus ancien

dans l’ordre du tableau,

E. GAUTHIER

La greffière,

P. LABOUREL

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,


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