Reddition des comptes : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01893

·

·

Reddition des comptes : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01893
Ce point juridique est utile ?

12 janvier 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01893

12e chambre

Texte de la décision


COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2023

N° RG 21/01893 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UMRU

AFFAIRE :

[J] [I]

C/

Société PHARMACIE DU PUITS D’ANGLE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Février 2021 par le tribunal judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre : 3

N° RG : 19/04508

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Sophie POULAIN

TJ VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [J] [V] épouse [I]

née le 16 décembre 1953 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

S.A.R.L. VERBEA GESTION

RCS Paris n° 752 872 945

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Romain LACOSTE substituant à l’audience Me Maud EGLOFF-CAHEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1757

APPELANTES

****************

Société PHARMACIE DU PUITS D’ANGLE

RCS Versailles n° 754 008 472

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 et Me Jacques DESGARDIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1283

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,


EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 22 mars 2007, Mme [K] [X] veuve [V], Mme [J] [V] épouse [I] et M. [V], aux droits desquels est venue Mme [J] [I], ont donné à bail commercial à Mme [H] [L] épouse [G] des locaux sis [Adresse 3] pour une durée de neuf ans à compter du 1er mai 2007, moyennant le règlement d’un loyer annuel en principal de 28.800 €.

Par acte sous seing privé du 21 juin 2012, Mme [G] a cédé son fonds de commerce à la société Pharmacie du puits d’angle. Cet acte a été signifié le 6 juillet 2012 à Mme [I].

En juillet 2012, Mme [I], devenue l’unique bailleresse, a constitué la société Verbea Gestion afin de gérer l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux objet du bail.

Le 21 juin 2012, cette société en cours d’immatriculation et Mme [G] ont conclu un avenant au contrat de bail, par lequel à compter du 1er août 2012, le nouveau bailleur s’est substitué à Mme [I] pour l’ensemble des droits et obligations prévus dans le bail du 22 mars 2007.

Le 29 avril 2016, la société Pharmacie du puits d’angle a adressé à Mme [I], prise en la personne de son mandataire spécial, la société Verbea Gestion (ci-après, la société Verbea), une demande de renouvellement du contrat de bail pour 9 nouvelles années à compter du 1er mai 2016 et de fixation du loyer à la somme annuelle de 18.850 € HT et HC.

Le 27 juin 2016, la société Verbea a accepté le principe du renouvellement du contrat de bail mais a contesté le montant du loyer proposé.

Par acte du 12 décembre 2016, la société Pharmacie du puits d’angle a assigné Mme [J] [I] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir fixer le montant du loyer renouvelé à 18.850 € par an en principal.

Par acte du 23 octobre 2017, la société Pharmacie du puits d’angle a assigné la société Verbea devant le même tribunal en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er mai 2016.

Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal de grande instance de Versailles a notamment ordonné la jonction des procédures.

Par jugement du 23 février 2021 le tribunal judiciaire de Versailles a, pour l’essentiel :

– dit que la société Verbea est devenue la bailleresse de la société Pharmacie du puits d’angle à compter du 1er août 2012, au titre du bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 3] ;

– déclaré en conséquence irrecevables les demandes formées par la société Pharmacie du puits d’angle à l’encontre de Mme [I] ;

– constaté le renouvellement du bail commercial liant la société Verbea à la société Pharmacie du puits d’angle à effet du 19 mai 2016 ;

Avant dire droit sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé,

– ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [C] [Z] afin notamment qu’il fournisse les éléments permettant de déterminer s’il y a lieu ou non à déplafonnement du loyer ;

– subordonné l’exécution de la décision en ce qui concerne l’expertise à la consignation au greffe du tribunal judiciaire de Versailles, régie d’avances et de recettes, par la société Pharmacie du puits d’angle d’une avance de 3.000 €, à titre de provision à valoir sur les honoraires de l’expert ;

– fixé Ie loyer prévisionnel dû par la société Pharmacie du puits d’angle, pour la durée de l’instance, au montant du loyer tel que résultant du bail échu ;

– déclaré la demande de remboursement de charges formée par la société Pharmacie du puits d’angle recevable mais mal fondée, en conséquence, l’a déboutée de cette demande;

– dit que la demande de la société Pharmacie du puits d’angle tendant à voir réputer non écrite la clause d’indexation du loyer est recevable ;

– déclaré non écrite la clause d’indexation du loyer stipulée au bail ;

– condamné la société Verbea à payer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 32.396,44 € au titre des indexations irrégulières facturées pour la période du mois de décembre 2014 au mois d’avril 2020 inclus ;

– condamné la société Verbea à payer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– sursis à statuer sur les autres demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise;

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 22 mars 2021, Mme [I] et la société Verbea ont interjeté appel du jugement.


PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 4 juin 2021, Mme [I] et la société Verbea Gestion demandent à la cour de :

– Annuler ou infirmer le jugement rendu le 23 février 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu’il :

– Fixe Ie loyer prévisionnel dû par la société Pharmacie du puits d’angle, pour la durée de l’instance, au montant du loyer tel que résultant du bail échu ;

– Déclare la demande de remboursement de charges formée par la société Pharmacie du puits d’angle recevable mais mal fondée ;

– En conséquence, la déboute de cette demande ;

– Dit que la demande de la société Pharmacie du puits d’angle tendant à voir réputer non écrite la clause d’indexation du loyer est recevable ;

– Déclare non écrite la clause d’indexation du loyer stipulée au bail ;

– Condamne la société Verbea à payer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 32.396,44 € au titre des indexations irrégulières facturées pour la période du mois de décembre 2014 au mois d’avril 2020 inclus ;

– Condamne la société Verbea à payer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, réformant le jugement entrepris,

– Juger la société Verbea et Mme [I] recevables et fondées en leurs conclusions et demandes ;

– Rejeter les arguments, fins, conclusions et demandes de la société Pharmacie du puits d’angle;

A titre principal,

– Fixer le montant du prix du bail renouvelé à un loyer annuel de base de 35.000 € HT et HC, toutes les autres clauses, charges et conditions du contrat de bail renouvelé demeurant inchangées ;

– Juger que les échéances dues depuis le 1er mai 2016 seront assorties d’intérêts calculés au taux légal ;

– Ordonner la capitalisation des intérêts correspondant à la créance de loyers due depuis plus d’un an ;

A titre subsidiaire,

– Juger que seul le terme « augmentation » figurant dans la clause d’indexation sera réputé non écrit, pour le surplus la clause devant recevoir application ;

– Fixer le montant du loyer provisoire du bail renouvelé à un loyer annuel de base de 35.000 € HT et HC, toutes les autres clauses, charges et conditions du contrat de bail renouvelé demeurant inchangées ;

En toute hypothèse,

– Déclarer irrecevable la demande de « faire réputer non écrite » la clause d’indexation du bail renouvelé, présentée par la société Pharmacie du puits d’angle ;

– Juger que les demandes reconventionnelles de la société Pharmacie du puits d’angle sont prescrites et les rejeter en conséquence ;

– Condamner la société Pharmacie du puits d’angle à régler à chacune de la société Verbea et de Mme [I] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Pharmacie du puits d’angle aux entiers dépens, dont les éventuels frais de l’expertise judiciaire qui pourrait être ordonnée et ceux qui seront distraits au profit de Me Christophe Debray, Avocat à la cour, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2021, la société Pharmacie du puits d’angle demande à la cour de :

– Juger Mme [I] irrecevable et mal fondée en son appel ;

En conséquence,

– L’en débouter ;

– La condamner à verser à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Juger la société Verbea recevable mais mal fondée en son appel ;

En conséquence,

– L’en débouter ;

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Condamné la société Verbea à payer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 32.396,44 € au titre des indexations irrégulières facturées pour la période du mois de décembre 2014 au mois d’avril 2020 inclus ;

– Condamné la société Verbea à payer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Juger la société Pharmacie du puits d’angle recevable et bien fondée en son appel incident ;

En conséquence,

– Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Pharmacie du puits d’angle de sa demande tendant à la restitution d’un trop-versé de charges ;

Statuant à nouveau de ce chef,

– Condamner la société Verbea à restituer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 21.874,38 € au titre des provisions sur charges n’ayant pas fait l’objet de redditions annuelles régulières ;

– Condamner la société Verbea à verser à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner tout succombant aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 septembre 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.


MOTIVATION

Sur la recevabilité à agir de Mme [I]

La société Pharmacie du puits d’angle soutient que le jugement dont appel a désigné la société Verbea comme bailleresse, et que l’appel ne portant pas sur l’identité du bailleur, il n’y a plus de débat sur ce point de sorte que Mme [I] est irrecevable en son appel, et sera à tout le moins déclarée mal fondée.

Après avoir rappelé les dispositions des articles 32 et 122 du code de procédure civile, les appelantes indiquent que la société Verbea est la nouvelle bailleresse aux lieu et place de Mme [I], qui n’a eu de relation contractuelle avec la société Pharmacie du puits d’angle que jusqu’au 1er août 2012, au vu de l’avenant, de sorte que les demandes dirigées à l’encontre de Mme [I] sont irrecevables. Elles rejettent les dires de l’intimée quant à la présence du nom de Mme [I] dans le nom commercial de la société Verbea, ou quant au fait que l’avenant ait été signé par Mme [I], les engagements pris pour la société en formation ayant été repris lors de son immatriculation. Elles font état du bail conclu entre Mme [I] et la société Verbea, dont la société Pharmacie du puits d’angle est en quelque sorte sous-locataire. Elles relèvent que la société Pharmacie du puits d’angle ne dirige sa demande de remboursement qu’à l’encontre de la société Verbea.

*****

La cour rappelle que le jugement a notamment dit que la société Verbea était devenue la bailleresse de la société Pharmacie du puits d’angle à compter du 1er août 2012, et déclaré irrecevables les demandes de la société Pharmacie du puits d’angle à l’encontre de Mme [I].

Si, contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du puits d’angle, la déclaration d’appel vise ces dispositions, dans le dispositif des conclusions des appelantes, qui seules saisissent la cour conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, n’est pas sollicitée la réformation du jugement sur ces points ; aussi les appelantes ne contestent pas le jugement qui a dit que la société Verbea est devenue la bailleresse à compter du 1er août 2012, et déclaré irrecevables les demandes de la société Pharmacie du puits d’angle à l’encontre de Mme [I].

La société Pharmacie du puits d’angle ne forme pas non plus appel incident sur ces points.

Le jugement dont appel ne prononce aucune condamnation à l’encontre de Mme [I], et la société Pharmacie du puits d’angle ne présente aucune demande à son encontre, si ce n’est qu’elle soit déclarée irrecevable et condamnée à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, Mme [I] sera déclarée irrecevable en ses demandes.

Il ne sera pas fait droit à la demande de la société Pharmacie du puits d’angle présentée à son encontre au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la fixation du montant du bail renouvelé

Le jugement a, considérant qu’il ne disposait pas d’éléments d’appréciation lui permettant de statuer sur le montant du loyer du bail en renouvellement, ordonné une mesure d’expertise.

La société Verbea fait état des éléments pouvant justifier un déplafonnement du loyer, et d’importants travaux de rénovation de l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux qu’elle a réalisés, travaux qui ont une incidence favorable sur l’activité exercée par la société Pharmacie du puits d’angle. Elle écarte l’argument selon lequel les factures ont été libellées au nom de Mme [I], à qui elle avait donné mandat pour agir en son nom, et affirme que l’abattage d’un platane a rendu plus facile l’accès à la pharmacie, qui en avait fait une condition péremptoire.

Elle souligne les travaux de la cour ainsi que le ravalement qu’elle a financé, de sorte que la demande de diminution du montant du loyer n’est pas fondée, mais au contraire qu’une hausse de celui-ci est justifiée. Elle avance que l’acquisition par la société Pharmacie du puits d’angle d’une autre officine de pharmacie illustre l’impact de la réalisation des travaux sur son activité.

Elle sollicite donc la fixation du loyer renouvelé à 35.000 € /an HT et HC, ajoutant que la cour pourra, si elle s’estime insuffisamment informée, désigner un expert afin de donner son avis sur le montant du loyer.

La société Pharmacie du puits d’angle soutient avoir fait usage de son droit d’option, prévu par l’article L.145-57 du code de commerce, ce qui a eu pour effet d’emporter résiliation du bail à compter de sa dernière échéance, soit le 1er mai 2016. Elle en déduit que les demandes de fixation du loyer renouvelé présentées par la société Verbea sont irrecevables, faute de bail renouvelé.

*****

L’article L.145-57 du code de commerce prévoit que

« Pendant la durée de l’instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer.

Dans le délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais. Faute par le bailleur d’avoir envoyé dans ce délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou, faute d’accord dans le mois de cet envoi, l’ordonnance ou l’arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail vaut bail. »

Le droit d’option prévu par cet article permet au preneur de renoncer au renouvellement du bail commercial afin de restituer les locaux commerciaux objets du bail.

En l’espèce, par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 mai 2021, la société Pharmacie du puits d’angle a informé la société Verbea de sa décision de renoncer au bénéfice du renouvellement du bail, dont le principe avait été retenu au 1er mai 2016 par le jugement dont appel. Elle a précisé que la remise des clés s’effectuerait le 17 mai 2021, et un procès-verbal de constat a été dressé le 17 mai 2021 par lequel l’huissier a observé la remise effective des clés à Mme [I], propriétaire des murs et représentant le bailleur.

Il résulte de l’exercice de ce droit d’option par le preneur qu’il n’est redevable d’une indemnité d’occupation que jusqu’à son départ effectif.

Par conséquent, il ne sera pas fait droit à la demande de la société Verbea relative à la fixation du loyer renouvelé.

Sur la clause d’échelle mobile

Le jugement a retenu que la clause d’échelle mobile avait organisé une distorsion prohibée, en n’envisageant qu’une variation à la hausse de l’indice d’indexation, de sorte qu’il l’a déclarée non écrite.

La société Verbea soutient que la clause d’indexation figurant au bail conclu entre les parties n’exclut pas nécessairement une révision à la baisse du loyer, et qu’il ne peut être déduit du terme ‘augmentation’ qu’est exclue de cette clause une variation à la baisse. Elle en déduit que la clause est valable, et que le jugement doit être réformé sur ce point. Elle ajoute subsidiairement que seul le terme ‘augmentation’ doit être déclaré non écrit, et qu’il reviendra au juge d’apprécier si l’exclusion de la variation à la baisse est essentielle ou accessoire à la clause d’échelle mobile. Elle relève que la société Pharmacie du puits d’angle n’a jamais contesté l’application de la clause d’indexation en cause.

La société Pharmacie du puits d’angle soutient que la clause du contrat ne vise que l’augmentation de l’indice du coût de la construction, excluant ainsi l’application des variations à la baisse, de sorte que le loyer applicable est celui fixé à l’origine du bail, et qu’il lui est dû un trop-versé de 32.396,44 € selon récapitulatif non contesté. Elle ajoute que la demande tendant à faire déclarer la clause d’indexation non écrite n’est pas soumise à prescription, que son action est recevable, et que le jugement doit être confirmé sur ce point.

*****

En l’espèce, la clause du bail consacré à la révision du loyer prévoit notamment que ‘le loyer ci-dessus sera révisé de plein droit chaque année, à la date anniversaire de la prise d’effet du bail, suivant l’augmentation de l’indice de la construction publié trimestriellement par l’INSEE’.

Ainsi, c’est à raison que le jugement a retenu que cette clause n’envisage que la révision du loyer au vu de l’augmentation de l’indice, ce qui fait que la révision ne peut jouer qu’à la hausse.

Or, est nulle une clause d’indexation du loyer d’un bail commercial qui exclut la réciprocité de la variation.

La société Verbea ne peut soutenir que seul le terme ‘augmentation’ sera réputé non écrit, la clause étant dénuée de sens à défaut de ce terme, et ce d’autant que la clause de révision du loyer prévoyant cette variation suivant l’augmentation de l’indice de la construction précise que ‘la présente clause d’indexation constitue une condition essentielle et déterminante sans laquelle le BAILLEUR n’aurait pas contracté’.

L’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n’est pas soumise à prescription, contrairement à l’action en répétition des sommes indûment payées.

Aussi le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré la clause du bail en cause non écrite.

La société Verbea ne contestant pas davantage en cause d’appel qu’en 1ère instance le montant du remboursement sollicité par la société Pharmacie du puits d’angle, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée à restituer à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 32.396,44 € au titre des indexations irrégulières.

Sur l’appel incident relatif aux charges

Le jugement dont appel a considéré que, si la demande de remboursement des charges était recevable, la société Pharmacie du puits d’angle n’identifiait pas les postes de charges qui lui étaient facturés alors qu’ils n’étaient pas prévus au bail, et n’effectuait pas de démonstration chiffrée, de sorte qu’il l’a déboutée de cette demande.

La société Pharmacie du puits d’angle soutient que la bailleresse sollicite le paiement de charges pour un montant excessif, ce qu’elle lui a indiqué le 3 juillet 2016 et que la bailleresse n’a pas contesté. Elle avance que celle-ci lui a fait supporter des charges qui ne lui étaient pas imputables, a augmenté sa part de charges du fait du départ d’un colocataire, ce qui a justifié sa demande de remboursement. Elle précise que la bailleresse n’a jamais communiqué de données chiffrées de répartition des charges, alors qu’il lui appartient de justifier de leur mode de calcul. Selon elle, cette demande n’est pas prescrite car la bailleresse a reconnu en 2016 l’existence d’un trop-perçu pour les années 2012 à 2015, et que la prescription ne court qu’à compter de la reddition des comptes de charges, ce qui n’a pas été effectué.

*****

Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

En l’espèce, la société Pharmacie du puits d’angle se fonde sur un courrier qu’elle a adressé le 3 juillet 2016 à Mme [I] faisant état des erreurs de calcul de charges grevant le montant de celles qui lui étaient imputées -elle réclamait alors le remboursement de 4.501,44 €-, et du courrier de réponse du 21 juillet 2016 reconnaissant un trop-perçu au titre des années 2012 à 2015 de 1.760,72 €.

La société Verbea visait dans ce courrier des frais de ravalement et de réfection des parkings situés devant la pharmacie et à l’arrière ; si les dépenses de ravalement, qui ne constituent pas des charges locatives, incombent, sauf stipulation expresse contraire, au bailleur, les frais d’abattage d’un arbre sur le parking de la pharmacie (soit 1.973,40 €, montant justifié par une facture) reviennent expressément au preneur selon les termes du bail qui met à sa charge les ‘taille, élagage… des arbres’.

Si la société Pharmacie du puits d’angle produit un tableau de charges recalculées, elle ne justifie pas du paiement effectif des montants dont elle fait état au titre des charges, ni des appels de charges qu’elle aurait reçus, et les pièces versées ne permettent pas de retenir que c’est bien un montant de 21.874,38 € qu’elle a indûment réglé au titre du surplus de charges.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré la société Pharmacie du puits d’angle recevable en sa demande, mais mal fondée.

Sur les autres demandes

Les condamnations prononcées au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

Succombant au principal, la société Verbea sera condamnée au paiement des dépens d’appel, ainsi qu’au versement à la société Pharmacie du puits d’angle de la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel par arrêt contradictoire,

Déclare Mme [I] irrecevable en son appel,

Confirme le jugement,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Verbea à verser à la société Pharmacie du puits d’angle la somme de 3.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x