Reddition des comptes : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05968

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Reddition des comptes : 12 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/05968
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12 janvier 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
22/05968

Chambre 3-4

Texte de la décision


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2023

N°2023/4

Rôle N° RG 22/05968 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJI5X

[F] [V] épouse [N]

C/

[D] [V]

[W] [V]

S.C.I. AZUR

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Julie ARCHIPPE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de TOULON en date du 04 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 22/00253.

APPELANTE

Madame [F] [V] épouse [N]

née le 08 Septembre 1963 à [Localité 11] (SUD VIETNAM), demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Julie O’RORKE, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [D] [V]

né le 19 Décembre 1968 à [Localité 12] (83), demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Julie ARCHIPPE de l’AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [W] [V]

né le 23 Janvier 1962 à [Localité 6] (REPUBLIQUE DU MALI), demeurant [Adresse 8] – ESPAGNE

représenté et assisté de Me Julie ARCHIPPE de l’AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

S.C.I. AZUR, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Julie ARCHIPPE de l’AARPI DDA & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise FILLIOUX, conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente pour le Président empêché et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


* * *

Faits, Prétentions et moyen

Le 25 août 1994, feus Monsieur [S] [V] et Madame [K] [V] ont constitué la SCI Azur qui avait pour objet social l’acquisition, la gestion et l’administration de tous biens mobiliers ou immobiliers.

A la même date, ils ont fait une donation partage de la nue propriété des parts sociales de la SCI à leurs trois enfants [W], [F] et [D], se réservant l’usufruit.

[K] [V] est décédée le 12 octobre 1994 et [S] [V] le 4 août 2018.

Madame [F] [N] née [V] et Monsieur [D] [V] ont été désignés cogérants de la SCI.

Par lettre recommandée du 27 décembre 2019, [D] [V], cogérant a convoqué une assemblée générale extraordinaire pour le 22 janvier 2020, à laquelle n’a pas assisté [F] [N] née [V] et au cours de laquelle cette dernière a été révoquée de ses fonctions de gérante et ont été modifiées les règles d’unanimité pour l’autorisation de cession des actifs sociaux, Monsieur [D] [V] restant le seul gérant.

Le capital immobilier de la SCI est composé d’une villa à [Localité 9] d’un appartement à [Localité 5], d’un immeuble à [Localité 7], d’un appartement à [Adresse 3] et de parcelles boisées et d’une maison de village à [Localité 4] dans les landes.

Par assemblée générale extraordinaire tenue le 19 février 2020, la vente des biens immobiliers appartenant à la SCI AZUR a été autorisée à la majorité des deux tiers.

Par arrêt du 28 octobre 2021, la Cour d’appel a confirmé un jugement du 18 mars 2021 du tribunal de grande instance de Toulon, rejeté la demande de voir prononcer la nullité de cette assemblée générale, sauf en ce qu’il a condamné Madame [N] à payer la somme de 1 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Une nouvelle assemblée générale a été convoquée le 19 avril 2021 afin de modifier l’objet social et permettre la vente du patrimoine.

Par jugement du 16 septembre 2021, Madame [N] a été déboutée de sa demande de nullité de cette assemblée générale et a été condamnée à payer à chacun des défendeurs la somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, jugement frappé d’appel.

Le 19 juin 2021, Monsieur [D] [V] a convoqué une nouvelle assemblée générale pour le 28 juin 2021 afin de voir approuver les comptes des exercices 2019 et 2020, donner quitus de la gestion et fixer un calendrier d’occupation de la villa de [Localité 9].

Cette assemblée générale s’est tenue en l’absence de Madame [N].

Par jugement du 21 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Toulon a annulé l’assemblée générale du 28 juin 2021, débouté les parties de leurs autres demandes et condamné Messieurs [W] et [D] [V] à payer à Madame [N] la somme de 2 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 28 août 2021, Monsieur [D] [V] a convoqué une nouvelle assemblée générale extraordinaire pour le 13 septembre 2021 afin de voir désigné un cogérant et de rembourser les frais de gérance. Cette assemblée s’est tenue en l’absence de Madame [N].

Par actes d’huissier du 17 janvier 2022, Madame [N] a fait assigner Messieurs [V] [W] et [D] et la SCI Azur devant le tribunal judiciaire de Toulon afin de voir annulé l’assemblée générale du 13 septembre 2021.

Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulon a débouté Madame [F] [N] de ses demandes et l’a condamnée à payer la somme de 2 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les défendeurs de leur demande de dommages et intérêts

La juridiction a retenu que le délai de 15 jours de la convocation a été respecté et que l’ordre du jour ne nécessitait pas l’envoi de document spécifique.

Madame [N] [F] a interjeté appel de cette décision le 22 avril 2022.


Par conclusions déposées et notifiées le 20 juillet 2022, elle demande à la Cour de :

Infirmer la décision du 4 avril 2022,

Annuler l’assemblée générale du 13 septembre 2021

Condamner Messieurs [W] et [D] [V] et la SCI Azur à lui payer la somme de 5 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner solidairement aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Magnan.

Elle soutient que la présentation de la convocation à l’assemblée générale du 13 septembre 2021 lui a été faite le 10 septembre 2021,soit 2 jours avant en violation avec les textes et les statuts, que le délai de 15 jours entre la convocation et l’assemblée édicté par l’article 40 du décret du 3 juillet 1978 est une disposition impérieuse, que pour le moins il convient de respecter un délai raisonnable qu’eu égard à l’éloignement géographique, il lui était impossible d’organiser sa venue en 2 jours, que l’article 26 des statuts impose la lettre recommandée pour la convocation de sorte que l’envoi d’un mail qui n’est au demeurant pas établi, n’est pas suffisant.

Elle fait valoir que la convocation ne contenait pas de documents lui permettant d’assister en connaissance de cause à l’assemblée générale, qu’elle a fait constater par Maître [T], huissier de justice, qu’aucun document relatif à la SCI Azur ne se trouve au siège social et que de surcroît, des résolutions non inscrites à l’ordre du jour ont été votées.

Enfin, elle soutient que la présence de Maître Archippe, avocate désignée en qualité de secrétaire à l’assemblée, déséquilibre les rapports entre les associés, que l’article 23 des statuts a été modifié alors que cette modification n’était pas prévue à l’ordre du jour.

Par conclusions déposées et notifiées le 20 juin 2022, Messieurs [W] et [D] [V] et la SCI Azur demandent à la Cour de :

Vu les articles 1844-10, 1855 du Code civil,

Vu les articles 32-1, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de TOULON du 4 avril 2022 sauf en ce qu’il a débouté la SCI AZUR et Messieurs [D] et [W] [V] de leur demande de dommages et intérêts pour abus du droit d’agir,

Statuant a nouveau :

Dire et juger que Madame [F] [V] épouse [N] a commis un abus de droit d’agir en justice,

Condamner Madame [F] [V] épouse [N] à payer à Messieurs [W] et [D] [V] ainsi qu’à la SCI AZUR la somme de 3.500 € chacun à titre de dommages et intérêts,

Condamner Madame [F] [V] épouse [N] à payer à Messieurs [W] et [D] [V] ainsi qu’à la SCI AZUR la somme de 2.000 € chacun sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner Madame [F] [V] épouse [N] aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Julie ARCHIPPE, Avocat sur son affirmation de droit.

Ils soutiennent que les délais de convocation ont été parfaitement respectés puisque Madame [N] a été convoquée par lettre recommandée datée du 28 août 2021 ainsi qu’en atteste la preuve du dépôt émanant des services postaux, que le délai de 15 jours court à compter de l’envoi de la convocation et non pas de sa réception par l’associé, que de surcroît la nullité ne peut être encourue qu’en cas de grief, que Madame [N] a reçu un mail le 29 août 2021, qu’elle résidait à cette époque à [Localité 9] ce qui résulte des précédentes décisions de justice et que son époux a réceptionné le courrier en Guadeloupe.

Ils font valoir qu’aucun texte n’exige que la convocation soit accompagnée de quelque document que ce soit, que Madame [N] se prévaut des articles 1855 et 1856 du code civil qui concernent les assemblées générales relatives à l’approbation annuelle des comptes et qui ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce, qu’il en est de même de l’article 27 des statuts, et qu’en tout état de cause, il ne s’agit pas d’une cause de nullité au sens de l’article 1844-10 du code civil et qu’aucun document d’information n’était utile en l’espèce pour désigner un cogérant ou pour voter sur le principe de la prise en charge des frais exposés par le gérant.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2022.


Motifs

Sur le délai de convocation à l’assemblée générale du 13 septembre 2021 :

L’article 40 du décret du 3 juillet 1978 dispose que les associés sont convoqués quinze jours au moins avant la réunion de l’assemblée générale par lettre recommandée. Celle- ci indique l’ordre du jour de telle sorte que le contenu et la portée des questions qui y sont inscrites apparaissent clairement sans qu’il y ait lieu de se reporter à d’autres documents. Dés la convocation le texte des résolutions proposées et tout document nécessaire à l’information des associés sont tenus à leur disposition au siège social où ils peuvent en prendre connaissance ou copie.

Ainsi que l’a relevé à raison le juge de première instance, Messieurs [V] justifient de l’expédition au domicile de Madame [N] d’une convocation déposée le 28 août 2021 pour une assemblée en date du 13 septembre 2021.

Madame [N] pour s’opposer à cette décision, invoque le fait qu’habitant en Guadeloupe, elle n’a réceptionné le pli postal que le 10 septembre 2021 et que le délai de 15 jours n’a pas été respecté.

Toutefois, le délai de 15 jours exigé par le texte sus visé commence à courir à compter du jour de l’envoi de la convocation et non pas de sa réception par l’associé.

Il convient de confirmer la décision de première instance à ce titre.

Sur l’absence de document d’information :

L’article 27 des statuts dispose que ‘dés la convocation, le texte des résolutions proposés et tout document nécessaire à l’information des associés est tenu à leur disposition au siège social où ils peuvent en prendre connaissance….Lorsque l’ordre du jour de l’assemblée porte sur la reddition de compte de gérant …en outre, tout associé est en droit de prendre par lui-même au siège social, connaissance de tous les livres et documents sociaux, des contrats, factures, correspondances procès verbaux et plus généralement de tout document établi par la société et reçus par elle’.

Madame [N] sollicite la nullité de l’assemblée générale en raison de l’absence de tout document joint à la convocation, ce qui n’est pas contesté par les intimés.

La convocation adressée à Madame [N] mentionne l’ordre du jour suivant :

– désignation d’un cogérant,

– détermination d’un droit au remboursement des frais,

– modification corrélative des statuts

– pouvoir et formalités.

En l’absence de texte établissant une liste précise de documents obligatoires, il appartient à Madame [N] d’identifier la documentation qui lui paraissait indispensable à la compréhension de l’ordre du jour. Or elle ne vise aucune pièce précise.

De surcroît, l’article 40 sus visé, comme l’article 27 des statuts, limite la communication aux actes nécessaires à l’information de l’associé. Au regard de l’ordre du jour fixé par la convocation, aucun document n’était nécessaire à la parfaite et complète information de l’associé convoqué.

Le paragraphe de l’article 27 des statuts relatif à la possibilité pour un associé de prendre connaissance des documents afférents à la SCI renvoie à l’application de l’article 1856 du code civil qui n’a vocation à s’appliquer que lorsque l’ordre du jour porte sur la reddition des comptes et lors d’assemblées générales relatives à l’approbation annuel des comptes. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

En tout état de cause, l’impossibilité constatée par Maître [T], huissier mandaté par madame [N] le 18 juin 2021, de consulter les livres et documents sociaux au siège social de la SCI Azur n’est pas de nature à entraîner l’annulation de l’assemblée générale dont l’ordre du jour porte sur la nomination d’un cogérant et le principe de la prise en charge par la SCI des frais exposés par les dits gérants, Madame [N] ne justifiant d’aucun grief en lien avec cette difficulté de communication.

Il convient de confirmer la décision de première instance à ce titre.

Sur la modification de l’ordre du jour :

Madame [N] soutient que l’article 23 des statuts a été modifié alors que l’ordre du jour ne faisait nullement mention d’un tel changement.

Le procès verbal de l’assemblée générale du 13 septembre 2021 mentionne que l’article 23 anciennement intitulé ‘ Nomination, révocation ‘ a été modifié et s’intitule désormais ‘ Nomination, révocation rémunération ‘ et comprend en sus le paragraphe suivant ‘ le ou les gérants peuvent recevoir une rémunération dont les modalités sont fixées par la décision de nomination. En outre le ou les gérants sont remboursés de leurs frais de représentation et de déplacement sur justificatif’.

Toutefois, cette modification statutaire figure dans l’ordre du jour remis à Madame [N] qui mentionne en autre ‘ la détermination d’un droit au remboursement des frais et la modification corrélative des statuts’.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’assemblée générale du 13 septembre 2021 n’encourt aucune nullité et qu’il convient de confirmer le jugement de première instance.

Sur les dommages et intérêts :

Les intimés sollicitent l’octroi de dommages et intérêt pour abus de droit au motif que Madame [N] a introduit vingt procédures à leur encontre, démontrant ainsi un esprit de revanche dénué de toute objectivité.

Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.

En l’espèce, l’appréciation inexacte de ses droits par Madame [N] n’est pas constitutive d’une faute. S’estimant lésée dans ses droits, elle a pu, sans abus, demander à ce qu’il soit statué sur sa demande. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Madame [N] succombant assumera les dépens de l’appel et l’équité commande de faire bénéficier Messieurs [V] [D] et [W] et la SCI Azur des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


Par ces motifs la Cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement rendu le 4 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Toulon,

Y ajoutant :

Condamne Madame [F] [N] à payer à Messieurs [W] et [D] [V] et la SCI Azur la somme de 2 000euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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