Diffamation devant les tribunaux : Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00358 16 janvier 2023

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Diffamation devant les tribunaux : Cour d’appel de Nancy RG n° 22/00358 16 janvier 2023
Ce point juridique est utile ?

Extraits : demande d’indemnisation fondée dans le corps de ses écritures sur l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Il invoque également l’article 9 et l’article 1240 du code civil à hauteur d’appel à l’appui de sa demande.

Il convient de rappeler préalablement que la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de préserver la liberté d’expression, liberté fondamentale dans une société démocratique, également pr
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 16 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00358 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E5RE

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal de proximité de LUNEVILLE,

R.G.n° 11-21-000022, en date du 29 novembre 2021,

APPELANTE :

Madame [W] [Z]

née le 07 Janvier 1984 à [Localité 3] (49)

domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Serge DUPIED de la SELARL SERGE DUPIED, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉ :

Monsieur [I] [C]

Monsieur [I] [D] ayant changé de nom pour [I] [C] selon décret du Ministre de la Justice du 23 juillet 2021

né le 22 Décembre 1967 à [Localité 4] (54)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Maggy RICHARD de l’AARPI CABINITIO, avocat au barreau de

NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 16 Janvier 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Président, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 6 août 2018, un contrat de vente a été signé concernant le cheval dénommé Charlie de l’or au prix de 5500 euros entre Monsieur [I] [D] [R], devenu [I] [C] par décret du 23 juillet 2021 et ci-après ainsi désigné, acquéreur, et Madame [W] [Z], vendeur – le contrat précisant ‘agissant en qualité de particulier, représentant Etrier de Moselle’, la signature du vendeur étant précédée de la mention ‘P.O’.

Les termes du contrat prévoyaient un paiement échelonné selon les modalités suivantes : une ‘caution’ de 2750 euros réglée le 6 août 2018 par l’acquéreur et le règlement complet devant intervenir le jour de la livraison gérée par les dispositions suivantes ‘l’acquéreur décide qu’il prendre livraison du cheval le à convenir à … heures. En cas de livraison différée, le vendeur exige la somme de 8,50/jr euros TTC en contrepartie du dépôt du cheval jusqu’à la livraison’.

Un chèque de 2750 euros a été libellé le 6 août 2018 au nom de Madame [W] [Z], qu’elle a porté à l’encaissement en novembre 2018.

Par lettre recommandée dont Monsieur [I] [C] a signé l’accusé de réception le 11 octobre 2018, Madame [W] [Z] l’a mis en demeure de lui régler la totalité du prix de 5500 euros dans un délai de 10 jours.

Par un deuxième courrier recommandé avec accusé de réception délivré le même jour, Madame [W] [Z] a mis Monsieur [I] [C] en demeure de lui régler 255 euros dûs en contrepartie de la garde du cheval.

Par lettre du 16 octobre 2018, Monsieur [I] [C] a précisé à Madame [W] [Z] qu’il avait été convenu au moment de la vente que la livraison du cheval se ferait après la vente d’un de ses biens immobiliers dont il ne maîtrisait pas les délais et contestant certains frais mis à sa charge (ferrage …).

Par lettre recommandée dont Monsieur [I] [C] a signé l’accusé de réception le 31 octobre 2018, Madame [W] [Z] a précisé que s’agissant d’une vente pure et simple, les frais postérieurs liés au cheval incombaient à l’acquéreur et que le forfait prévu au contrat ne couvrait que les frais de pension. Elle lui rappelait son SMS du 6 septembre précisant que la vente interviendrait avant le 30 septembre sans viser une autre opération et elle ajoutait vouloir faire application d’une clause de déchéance du contrat si le paiement n’intervenait pas avant le 5 novembre, date à laquelle elle encaisserait le chèque de caution au titre de l’indemnité d’immobilisation, ce qu’elle a fait à défaut de paiement du prix à cette date.

Par exploit d’huissier en date du 23 décembre 2020 et après avoir tenté en vain de se concilier, Monsieur [I] [D] a fait assigner, par dépôt en étude, Madame [W] [Z] devant le tribunal de proximité de Lunéville aux fins de la voir condamner à lui rembourser la somme de 2750 euros, la somme de 1000 euros en réparation de son préjudice subi ainsi que la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 29 novembre 2021, le tribunal de proximité de Lunéville a :

– prononcé la nullité du contrat sous seing privé intervenu le 6 août 2018 entre inconnu ayant signé pour le compte de Madame [W] [Z] et Monsieur [I] [D] portant sur la vente du cheval Charlie de l’or,

En conséquence,

– condamné Madame [W] [Z] à rembourser la somme de 2750 euros à Monsieur [I] [D],

– condamné Madame [W] [Z] à payer la somme de 800 euros à Monsieur [I] [D] à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral découlant des dernières écritures de Madame [W] [Z],

– débouté Monsieur [I] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la vente,

– débouté Madame [W] [Z] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

– condamné Madame [W] [Z] à payer la somme de 800 euros à Monsieur [I] [D] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [W] [Z] aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la qualité du vendeur à l’acte n’était pas clairement définie, Madame [W] [Z] étant mentionnée comme agissant en qualité de particulier, représentant l’Etrier de Moselle, ce qui laissait place au doute sur l’identité du propriétaire du cheval. De plus, le tribunal a constaté qu’elle n’avait pas signé elle-même l’acte de vente et qu’elle ne justifiait pas de l’identité de son mandataire, ni du pouvoir de représentation donné à ce dernier.

Le tribunal a jugé que le cocontractant de Monsieur [I] [D] n’étant pas identifié, sa qualité non démontrée, son pouvoir de représentation non véritablement justifié, les formes légales prescrites pour la rédaction de l’acte et sa signature n’ayant pas été respectées, la nullité pure et simple de l’acte devait être prononcée.

Le tribunal a constaté que Monsieur [I] [D] avait versé le jour de la rédaction de l’acte nul un acompte de 2750 euros, et non pas une caution comme il était mentionné dans l’acte, et décidé que Madame [W] [Z] devait être condamnée à lui restituer ladite somme encaissée, le contrat étant devenu sans cause et sans existence juridique.

Enfin, si le tribunal a considéré que Monsieur [I] [D] ne justifiait d’aucun préjudice moral lié à la nullité de la vente et au défaut de livraison de l’animal, il lui a accordé la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, considérant que le contenu des écritures établies pour le compte de Madame [W] [Z] constituait un procédé déloyal d’influencer le juge lors de son délibéré, portant préjudice moral à Monsieur [I] [D].

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 11 février 2022, Madame [W] [Z] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 12 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame [W] [Z] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1224 et suivants, 1231 et suivants du code civil, et de l’article 12 du code de procédure civile, de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de proximité de Lunéville le 29 novembre 2021,

Statuant à nouveau,

– constater que le contrat régularisé entre les parties s’est trouvé résilié aux torts exclusifs de Monsieur [I] [C],

En tout état de cause,

– débouter Monsieur [I] [C] de l’intégralité de ses demandes,

– dire et juger qu’elle était fondée à conserver par-devers elle le montant de 2750 euros payé par chèque de Monsieur [I] [C] du 6 août 2018,

Compte tenu du paiement des condamnations de première instance,

– condamner le cas échéant Monsieur [I] [C] à devoir lui restituer ce montant, indépendamment du remboursement des autres condamnations mises à la charge de Madame [W] [Z],

– condamner en sus Monsieur [I] [C] à devoir lui verser une indemnité d’un montant de 1500 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner Monsieur [I] [C] à devoir lui verser la somme de 1500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [I] [C] aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 10 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [I] [C] demande à la cour, au visa des articles 9, 1101 et suivants, 1156, 1178, 1229, 1240, 1583, 1604 et suivants du code civil, de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et des articles 42, 780 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

– débouter Madame [W] [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Lunéville en date du 29 novembre 2021 en ce qu’il a :

* prononcé la nullité du contrat sous seing privé intervenu le 6 août 2018 entre inconnu ayant signé pour le compte de Madame [W] [Z] et lui, portant sur la vente du cheval Charlie de l’or,

* condamné Madame [W] [Z] à lui rembourser la somme de 2750 euros,

* condamné Madame [W] [Z] à lui payer la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [W] [Z] aux entiers dépens,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Lunéville en date du 29 novembre 2021 en ce qu’il :

* a limité à 800 euros les dommages et intérêts qui lui sont dûs par Madame [W] [Z] pour son préjudice moral découlant des dernières écritures de celle-ci,

* l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la vente,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la Cour rejetait la demande de nullité du contrat,

– prononcer la résolution du contrat de vente aux torts de Madame [W] [Z],

– condamner Madame [W] [Z] à lui restituer la somme de 2750 euros,

En tout état de cause,

– condamner Madame [W] [Z] à lui verser la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et le préjudice de jouissance liés à l’absence de livraison du cheval Charlie de l’or,

– condamner Madame [W] [Z] à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral découlant des écritures de celle-ci,

– condamner Madame [W] [Z] à lui verser une indemnité complémentaire de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel,

– la condamner aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 18 octobre 2022.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 14 novembre 2022 et le délibéré au 16 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Madame [W] [Z] le 12 octobre 2022 et par Monsieur [I] [C] le 10 octobre 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 18 octobre 2022 ;

* Sur la validité et l’exécution du contrat

Selon l’article 1101 du code civil, ‘le contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, transmettre, modifier ou éteindre des obligations’.

L’article 1102 précise que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son co-contractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi, sous réserve des règles qui intéressent l’ordre public et auxquelles il n’est pas possible de déroger.

Les articles 1103 et 1104 énoncent que les contrats tiennent lieu de loi aux parties et qu’ils doivent être exécutés de bonne foi.

L’article 1188 du code civil édicte que le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes et que lorsque cette commune intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. L’article 1189 ajoute que les clauses du contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier.

L’article 1128 du même code précise que la validité d’un contrat est soumise au consentement des parties, à leur capacité de contracter et à l’existence d’un objet licite et certain.

En cas de représentation à un contrat, l’acte accompli sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs par un représentant est inopposable au représenté selon l’article 1156 du code civil. En cas de doute sur l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel, le tiers au mandat peut demander en application de l’article 1158 du code civil au représenté par écrit la confirmation du pouvoir qu’il a donné. En cas de détournement de pouvoir par le représentant, l’article 1157 du code civil réserve au représenté l’action en nullité de l’accord conclu entre le représentant et un tiers, à condition que ce dernier ait eu connaissance du détournement ou n’ait pu l’ignorer.

L’article 1305 du code civil précise que l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenue d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. L’article 1305-1 détaille que le terme peut être exprès ou tacite et qu’à défaut d’accord, le juge peut le fixer en considération de la nature de l’obligation et de la situation des parties.

Le contrat de vente est un contrat consensuel, sa validité n’est soumise à aucun formalisme particulier et, sauf volonté contraire des parties, la vente est parfaite dès qu’un accord a été convenu sur la chose et le prix, même si la chose n’a pas encore été livrée et le prix n’a pas été payé en application de l’article 1583 du code civil.

L’article 1224 du code civil précise que la résolution du contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

L’article 1229 permet, dans le cas d’une résolution judiciaire, au juge de fixer la date à laquelle la résolution prend effet.

– Sur la nullité du contrat

En l’espèce, les parties à l’instance, deux particuliers, ont souscrit un contrat, formalisé par écrit sur un modèle type qu’il ont complété sur plusieurs points.

Comme rappelé ci-dessus, le contrat de vente n’est pas soumis à un formalisme particulier.

Le premier juge a retenu la nullité du contrat souscrit le 6 août 2018 au motif que la qualité du vendeur, Madame [W] [Z], n’était pas clairement définie dans le contrat et que le contrat a été signé en son nom par un tiers ‘pour ordre’ sans être identifié.

Le contrat porte sous l’identification du vendeur la mention ‘agissant en qualité de particulier, représentant Etrier de Moselle’. Il convient de relever que sous l’identification de l’acquéreur figure la mention ‘Et agissant à titre particulier et personnel – dans le cadre de son activité professionnelle (rayer la mention inutile)’. Ces deux mentions portent chacune en elle une contradiction, ce qui résulte d’une erreur matérielle liée à l’absence de suppression, sur la trame ayant servi de modèle à ces deux particuliers, de la deuxième partie de chacune d’elle. Malgré ces erreurs matérielles, il n’existe aucune ambiguïté sur le fait que Madame [W] [Z] est la venderesse et Monsieur [I] [C] l’acquéreur, chacun agissant dans un cadre personnel et les courriers échangés entre eux postérieurement au contrat démontrent qu’aucun d’eux n’ignorait l’identité et la qualité de l’autre dans l’opération, ce qui est encore établi par la remise lors du contrat d’un chèque de 2750 euros par l’acquéreur libellé à l’ordre de Madame [Z] (pièce 5 appelante). En outre, il n’est pas contesté que Madame [W] [Z] est la propriétaire du cheval objet de la transaction et qu’elle avait qualité pour le vendre. Dès lors, l’erreur matérielle figurant au contrat n’est pas de nature à justifier l’annulation de celui-ci.

Il est admis que le contrat a été signé par un tiers pour le compte de Madame [W] [Z]. Quelle que soit l’identité de ce tiers, il n’en reste pas moins qu’aucun détournement de pouvoir n’est rapporté, que Madame [W] [Z] admet être engagée par ce contrat dont elle revendique la validité et que Monsieur [I] [C] ne peut dès lors obtenir la nullité du contrat au motif que sa co-contractante a été représentée par un tiers dont il ne lui a pas été justifié de l’identité.

Il convient dès lors d’infirmer le jugement qui a retenu la nullité du contrat souscrit le 6 août 2018.

– Sur l’exécution du contrat

Le contrat ainsi conclu portait sur la vente du cheval Charlie de l’or (n° SIRE 12264067R) pour le prix de 5500 euros.

Au titre du paiement, le contrat stipulait les modalités suivantes : ‘le paiement est échelonné selon l’échéancier suivant : [mention manuscrite : avec une caution de 2750] euros , le [mention manuscrite : 06/08/2018 – règlement complet] euros le [mention manuscrite : jour de la livraison].’

Les modalités de livraison étaient pour leur part définies comme suit : ‘L’acquéreur décide qu’il prendra livraison du cheval le [mention manuscrite : à convenir] à …. heures. En cas de livraison différée, le vendeur exige la somme de [mention manuscrite : 8,50 /jrs] euros TTC en contrepartie du dépôt du cheval jusqu’à la livraison’.

Aucun délai ou terme n’était donc contractuellement fixé pour l’exécution des prestations convenues, à savoir le paiement du prix et la délivrance du cheval.

Le silence du contrat sur un terme précis n’est pas de nature à permettre à Monsieur [I] [C] de différer indéfiniment l’exécution de ses obligations et l’acceptation de la livraison du cheval.

Dans ces conditions, il convient de se référer à la nature de l’obligation et à la situation des parties pour déterminer le terme des obligations souscrites.

Le contrat en cause porte sur la vente d’un cheval entre deux particuliers, par lequel Monsieur [I] [C] a pris l’engagement ferme de payer la somme de 5500 euros.

Si Madame [W] [Z] a accepté de laisser du temps à l’acquéreur pour réunir le prix de vente, aucun élément ne permet de déterminer qu’elle a accepté de lui laisser un délai excédant plusieurs semaines. Monsieur [I] [C] qui invoque des difficultés liées à la vente d’un bien immobilier dont le prix devait lui permettre de financer l’acquisition du cheval n’a pas fait stipuler au contrat comme terme la vente de son bien immobilier. Ce point n’était néanmoins pas absent des négociations pré-contractuelles comme cela résulte du SMS qu’il a reçu de son vendeur le 10 septembre 2018 dans lequel il est écrit ‘Lors de la signature du contrat de vente, nous avions convenu une livraison vers mi-septembre. Merci de me confirmer rapidement une date pour récupérer votre jument avec l’intégralité du règlement’ (pièce 6 appelante), ce qui est conforté par les SMS précédents du 4 et du 7 septembre par lesquels Monsieur [I] [C] précise que la vente immobilière était conclue et qu’il aurait l’argent dans le mois.

S’agissant des difficultés alléguées par Monsieur [I] [C] pour réunir les fonds qu’il s’était engagé à payer, il sera observé qu’il ne verse aucun justificatif établissant la réalité du projet de vente le 6 août 2018 et les retards pris par la suite.

En outre, Madame [W] [Z] a continué à assumer les frais du cheval, il était prévu que l’acquéreur lui serait redevable d’une somme de 8,50 euros par jour passé jusqu’à la livraison et Monsieur [I] [C] ne justifie pas avoir satisfait à cette obligation, ce dont elle s’est plainte par un autre courrier en recommandé adressé le 8 octobre 2018 (pièce 8 appelante).

Par courrier recommandé dont Monsieur [I] [C] a signé les accusés de réception les 11 et 31 octobre 2018 (pièce 7 et 12 appelante), Madame [W] [Z] l’a mis en demeure de payer le prix avant le 18 octobre 2018, date qu’elle a ensuite accepté de reporter au 5 novembre 2018.

Au regard de ces éléments, le terme de l’obligation de paiement de l’acquéreur doit être fixé au 5 novembre 2018.

Force est de constater que malgré les notifications du créancier réclamant le paiement du prix et le forfait quotidien contractuellement stipulé dans l’attente de la livraison, Monsieur [I] [C] n’a jamais satisfait à son obligation principale et essentielle de payer le prix convenu, pas plus qu’il n’a procédé au règlement auprès de la propriétaire des frais, liés à l’absence de prise de possession du cheval.

Il est ainsi établi à l’encontre de Monsieur [I] [C] une inexécution qui présente une gravité suffisante, justifiant la résolution judiciaire du contrat à ses torts à la date du 5 novembre 2018.

** Sur les conséquences de la résolution

Selon l’article 1229 du code civil, la résolution met fin au contrat et, lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent se restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre.

L’article 1231-1 du même code précise que les dommages-intérêts sont dûs en cas d’inexécution, sauf si le débiteur justifie que l’exécution a été empêchée par la force majeure ; l’article 1231-2 précise qu’ils représentent, en général, la perte faite par le créancier et les gains dont il a été privé.

– Sur la restitution de 2750 euros

Le contrat ne prévoyait ni arrhes, ni acompte, le chèque versé le 6 août 2018 était qualifié de ‘caution’, le ‘règlement complet’ devant intervenir le jour de la livraison.

Le terme de caution ainsi utilisé par les parties ne correspond pas à la définition juridique au sens des articles 2288 et suivants du code civil mais correspond à son usage courant au sens de ‘garantie’ – la clause litigieuse ne constituant en outre pas une clause pénale comme cela sera détaillé ci-dessous.

Néanmoins, le contrat faisant l’objet d’une résolution, le prix n’est pas dû à l’acquéreur et Madame [W] [Z] n’est pas fondée à retenir le montant du chèque remis à titre de garantie du paiement de celui-ci.

– Sur l’indemnisation des préjudices subis par le vendeur

La clause pénale est définie, par l’article 1231-5 du code civil comme la stipulation contractuelle prévoyant que celui qui manquera à son obligation paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts.

En l’espèce, le contrat ne comprend aucune clause fixant une indemnisation forfaitaire en cas d’inexécution, susceptible d’être qualifiée de clause pénale, comme inexactement allégué par Madame [W] [Z].

En revanche, en application des dispositions sus-visées, Madame [W] [Z] est fondée à réclamer l’indemnisation des préjudices subis par elle entre les dates de formation et d’effet de la résolution du contrat, respectivement les 6 août et 5 novembre 2018.

Elle a exposé les frais suivants :

* 36 euros de frais de vétérinaire,

* frais de sortie de paddock s’élevant à 75 euros par quinzaine, soit 450 euros pour l’ensemble de la période,

* frais de pension du cheval de 8,50 euros par jour pendant 92 jours, soit 782 euros.

Son préjudice financier s’élève donc à 1268 euros.

En outre, son cheval a été immobilisé durant 3 mois et Madame [W] [Z], compte tenu des manquements de Monsieur [I] [C] a dû différer son projet de vente, l’empêchant ainsi de percevoir le prix de cession dont elle aurait dû avoir la libre disposition. Le préjudice lié à l’immobilisation du cheval et au retard dans la mise en oeuvre du projet de vente de Madame [W] [Z] sera exactement indemnisé par l’allocation de 232 euros.

Monsieur [I] [C] sera en conséquence condamné à payer la somme de 1500 euros à Madame [W] [Z], en indemnisation des préjudices résultant pour elle de la résolution de la vente à ses torts exclusifs.

En conséquence, si Monsieur [I] [C] a droit à la restitution des 2750 euros, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Madame [W] [Z] de ses demandes reconventionnelles et il lui sera accordé 1500 euros de dommages-intérêts. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné Madame [W] [Z] à payer une somme de 2750 euros et, compte tenu de la compensation s’opérant de plein droit, la somme mise à sa charge sera limitée à 1250 euros.

– Sur l’indemnisation des préjudices subis par l’acquéreur

Monsieur [I] [C] sollicite 1000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice moral et le préjudice de jouissance liés à l’absence de livraison du cheval ; or la résolution du contrat est prononcée à ses torts exclusifs et il ne peut en conséquence prétendre à l’indemnisation de préjudices découlant de l’absence d’exécution de ce contrat. Il convient, pour ces motifs substitués, de confirmer le rejet de sa demande de dommages-intérêts.

*** Sur l’indemnisation du préjudice moral subi par Monsieur [I] [C] du fait des écritures

Sur la demande de dommages-intérêts fondée en première instance exclusivement sur le caractère diffamatoire et injurieux résultant de propos relatifs à sa personnalité figurant dans les conclusions et de deux articles de presse versés aux débats, aux motifs que les écritures de Madame [W] [Z] comprenaient des développements relatifs à la personnalité de Monsieur [I] [C] et des déconvenues subies par celui-ci qui n’étaient pas utiles à la résolution du litige et que, si elles ne revêtaient pas de caractère injurieux ou diffamatoire, ‘elles constituent un procédé déloyal d’influencer le juge lors de son délibéré’, causant un préjudice moral à Monsieur [I] [C], le juge de première instance lui a alloué en réparation du préjudice subi 800 euros de dommages-intérêts.

Il se déduit de ce qui précède que n’ayant pas retenu une injure ou une diffamation, le premier juge a procédé à une requalification et a accordé des dommages-intérêts sur le fondement du droit commun.

Monsieur [I] [C] maintient sa demande d’indemnisation fondée dans le corps de ses écritures sur l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Il invoque également l’article 9 et l’article 1240 du code civil à hauteur d’appel à l’appui de sa demande.

Il convient de rappeler préalablement que la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de préserver la liberté d’expression, liberté fondamentale dans une société démocratique, également protégée par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, laquelle est limitée par l’interdiction de tenir des propos outrageants ou injurieux.

Afin de garantir la sincérité des débats et le libre exercice des droits de la défense, l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 comporte une immunité pour les discours et écrits produits devant les tribunaux, tout en réservant la possibilité d’obtenir de la juridiction saisie le retrait des propos injurieux, outrageants ou diffamatoires et la faculté d’obtenir une indemnisation dans des conditions très strictement encadrées.

En outre, la loi du 29 juillet 1881 impose à peine de nullité des poursuites un formalisme très strict, aux termes duquel la partie poursuivante doit indiquer les textes applicables et préciser et qualifier le fait incriminé. Seul l’article 41 de ladite loi est en l’espèce visé et les propos contestés sont poursuivis indifféremment comme outrage et comme diffamation, ce qui en soit justifie la nullité des poursuites sur le fondement de l’article 53 de la loi de 1881 (Cass. Ass. Plé., 15 février 2013, n°11-14.637, Civ. 2e, 25 nov. 2004, n° 02-12.829).

S’agissant de la prescription soulevée par Madame [W] [Z], il sera observé que les premières écritures sollicitant des dommages-intérêts sur le fondement de la loi sur la presse ont été notifiées dans le délai de trois mois des conclusions comprenant les propos litigieux et que le délai de prescription a ensuite été régulièrement interrompu en première instance. Le jugement ayant fait droit à la demande de dommages-intérêts et l’appel émanant de la personne condamnée au paiement de dommages-intérêts, le délai de prescription ne pouvait s’écouler avant la notification des premières conclusions de l’appelant permettant de connaître les chefs critiqués dévolus à la cour. Par la suite, la prescription a été régulièrement interrompue. Il s’ensuit que le moyen lié à la prescription de la demande n’est pas fondé.

Les conclusions de Monsieur [I] [C] précisent comme suit la teneur des propos figurant dans les conclusions de Madame [W] [Z] qu’il argue de diffamatoires et injurieux :

‘la demande présentée par Monsieur [D] avait été rejetée, notamment pour manquement à l’obligation d’honorabilité’

et

‘il était simplement question d’un rappel de ce que, selon cet article de presse, la requête de Monsieur [D] avait été rejetée, notamment pour raison ‘d’honorabilité’ et que cette décision avait été confirmée à hauteur d’appel’.

L’article 29 de la loi sur la presse définit la diffamation comme l’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à la personne ou au corps auquel il est imputé. Or en l’espèce, il est évoqué de manière très imprécise des raisons d’honorabilité qui auraient été opposées à la demande de Monsieur [I] [C] d’inscription au barreau, sans que ne lui soit imputé aucun fait précis, de la sorte que les propos poursuivis ne sont pas constitutifs d’une diffamation.

Dès lors, ces propos ne peuvent que revêtir un caractère injurieux, étant précisé qu’il n’y figure ni invective, ni terme de mépris.

L’objet du litige est relatif au contrat de vente d’un cheval et les écrits contestés portent sur un refus d’inscription opposé à l’intimé pour s’inscrire au barreau, ainsi le contenu des propos contestés n’est pas directement lié à la cause, mais Madame [W] [Z] les associe au litige dans la mesure où Monsieur [I] [C] lui impute des mensonges dans ses conclusions, ce qui est exact, et qu’il était ainsi de l’intérêt de sa défense de mettre en avant ces éléments de personnalité. Il sera en outre relevé que les pièces versées à l’appui de l’assignation reprochaient notamment au vendeur ou à son mandataire un manque d’honnêteté (pièce 2 assignation) et se référaient à l’honnêteté des uns et des autres (pièce 4 assignation). Dès lors, l’évocation de la personnalité et de la déconvenue rencontrée par Monsieur [I] [C], bien qu’éloignée des faits de la cause, n’était pas sans lien avec le litige et leur évocation dans des termes dénués de toute véhémence ne constitue pas un abus ou un excès dans l’exercice des droits de la défense.

Monsieur [I] [C] n’expose pas quelle serait la faute distincte de l’outrage ou de la diffamation que le contenu des conclusions constituerait, son action ne peut pas plus prospérer sur le fondement du droit commun (Civ. 2e, 13 oct. 1993, n°92-10.617).

Dès lors, il convient de débouter Monsieur [I] [C] de sa demande de dommages-intérêts et le jugement sera infirmé en ce sens.

*** Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

En l’espèce, les deux parties sont à l’origine de la procédure, Monsieur [I] [C] étant par son comportement à l’origine de la résolution du contrat et Madame [W] [Z] en conservant des sommes excédant ce qu’elle était fondée à réclamer.

Dans ces conditions, il convient de faire masse des dépens de première instance et d’appel et de dire qu’ils seront partagés par moitié.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de Monsieur [I] [C] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [I] [C] sera débouté de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et d’appel et, étant à l’origine de l’échec du contrat ce qui justifiait un droit à indemnisation de Madame [W] [Z], il sera condamné à payer à Madame [W] [Z] une somme qu’il est équitable de fixer à 1000 euros pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat conclu le 6 août 2018, en ce qu’il a débouté Madame [W] [Z] de ses demandes reconventionnelles et en ce qu’il a condamné Madame [W] [Z] à restituer la somme de 2750 euros et à payer à Monsieur [I] [C] 800 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Le confirme en ce qu’il a débouté Monsieur [I] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour nullité du contrat de vente,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la résolution judiciaire à la date du 5 novembre 2018 du contrat conclu le 6 août 2018 entre Madame [W] [Z] et Monsieur [I] [C] aux torts de celui-ci,

Fixe à 2750 euros (deux mille sept cent cinquante euros) la somme dont Madame [W] [Z] doit la restitution à Monsieur [I] [C],

Fixe à 1500 euros (mille cinq cents euros) les dommages-intérêts dont Monsieur [I] [C] est redevable envers Madame [W] [Z],

Vu la compensation s’opérant entre ces condamnations,

Condamne Madame [W] [Z] à payer à Monsieur [I] [C] la somme de 1250 euros (mille deux cent cinquante euros),

Déboute Monsieur [I] [C] de ses demandes de dommages-intérêts d’une part pour préjudice moral et de jouissance liés à l’absence de livraison du cheval et d’autre part pour préjudice moral découlant des écritures de Madame [W] [Z],

Fait masse des dépens de première instance et d’appel et dit qu’ils seront partagés par moitié entre les parties,

Déboute Monsieur [I] [C] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et à hauteur d’appel,

Condamne Monsieur [I] [C] à verser à verser à Madame [W] [Z] 1000 euros (mille euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et à hauteur d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame BUQUANT, Conseiller, en remplacement de Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile, régulièrement empêchée, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : M. BUQUANT.-

Minute en quatorze pages.


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