Droits des Artistes : Cour administrative d’appel de Paris, 8ème chambre, 16 février 2023, 22PA00776

·

·

Droits des Artistes : Cour administrative d’appel de Paris, 8ème chambre, 16 février 2023, 22PA00776
Ce point juridique est utile ?

Extraits : d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles (n°1285) en tant que la Fédération Nationale des Arts de la Rue a été reconnue représentative avec un poids de 3,35 % ;

2°) d’enjoindre au ministre du travail de recalculer les poids des organisations professionnelles reconnues représentatives pour l’exercice du dro
* * *
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 et 21 février et 24 mai 2022, le Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles (Syndeac), les Forces Musicales, le Syndicat National des Scènes Publiques (SNSP) et le Syndicat Professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendant de Musique (PROFEDIM), représentés par la SCP Celice Texidor Perier, demandent dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 13 décembre 2021 de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles (n°1285) en tant que la Fédération Nationale des Arts de la Rue a été reconnue représentative avec un poids de 3,35 % ;

2°) d’enjoindre au ministre du travail de recalculer les poids des organisations professionnelles reconnues représentatives pour l’exercice du droit d’opposition à l’extension des accords collectifs après avoir écarté la Fédération Nationale des Arts de la Rue ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– l’arrêté attaqué est entaché d’un vice de procédure dès lors qu’il n’a pas été précédé d’un avis du Haut conseil du dialogue social (HCDS) en méconnaissance des dispositions de l’article

L. 2122-11 du code du travail ;

– la Fédération Nationale des Arts de la Rue a été reconnue représentative alors qu’elle ne remplit pas la condition d’indépendance exigée par l’article

L. 2151-1 du code du travail dès lors que ses ressources dépendent à plus de 65 % d’une subvention du ministère de la culture ;

– la Fédération Nationale des Arts de la Rue n’a pas la qualité d’organisation professionnelle d’employeurs au sens des dispositions des articles

L. 2131-1 et

L. 2231-1 du code du travail ;

– il n’est pas établi que la Fédération Nationale des Arts de la Rue remplit la condition d’audience prévue par l’article L. 2152-1 3° du code du travail et d’influence prévue par l’article

L. 2151-1 5° du code du travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2022, la Fédération des Structures Indépendantes de Création et de Production Artistiques (FSICPA) conclut à ce que sa représentativité ne soit pas remise en cause par la requête introduite par le Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles et autres.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La requête a été transmise à la Fédération Nationale des Arts de la Rue et au Syndicat des Musiques Actuelles qui n’ont pas produit d’observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code du travail ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme B…,

– les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

– les observations de Me Burlot, avocat du Syndeac, les Forces Musicales, le SNSP et le PROFEDIM,

– et les observations de M. A…, représentant le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

Considérant ce qui suit

:

1. Par un arrêté du 13 décembre 2021, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion a fixé la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles (n°1285). Le Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles (Syndeac), les Forces Musicales, le Syndicat National des Scènes Publiques (SNSP) et le Syndicat Professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendant de Musique (PROFEDIM) demandent l’annulation de cet arrêté en tant que la Fédération Nationale des Arts de la Rue a été reconnue représentative avec un poids de 3,35 %.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l’article

L. 2152-6 du code du travail : ” Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. A cette fin, il vérifie que les critères définis au présent chapitre sont respectés et s’assure notamment que le montant des cotisations versées par les entreprises et, le cas échéant, les organisations professionnelles adhérentes est de nature à établir la réalité de leur adhésion “.

3. En se bornant à soutenir que le Haut Conseil du dialogue social (HCDS) n’a pas été informé et consulté par la ministre du travail de manière à ce que les avis émis par ses membres soient pris en compte alors que l’arrêté contesté vise l’avis rendu par le HCDS lors de la séance du 10 décembre 2021 lequel est produit en défense par la ministre du travail, les requérants n’assortissent pas leurs allégations des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure qui entacherait l’arrêté attaqué ne peut qu’être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article

L. 2151-1 du code du travail : ” I. La représentativité des organisations professionnelles d’employeurs est déterminée d’après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L’indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s’apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ; / 6° L’audience, qui se mesure en fonction du nombre d’entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. / II. Pour l’application du présent titre, sont considérées comme des organisations professionnelles d’employeurs les syndicats professionnels d’employeurs mentionnés à l’article

L. 2131-1 et les associations d’employeurs mentionnées à l’article

L. 2231-1 “. Aux termes de l’article

L. 2231-1 du même code : ” Les associations d’employeurs constituées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, qui ont compétence pour négocier des conventions et accords, sont assimilées aux organisations syndicales pour les attributions conférées à celles-ci par le présent titre “. Aux termes de l’article L. 2152-1 du même code : ” Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d’employeurs : / 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l’article

L. 2151-1 ; / 2° Qui disposent d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; / 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l’article

L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l’article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d’entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d’elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l’organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l’audience s’effectue tous les quatre ans. (…) “.

Sur la qualité d’organisation professionnelle d’employeurs de la Fédération Nationale des Arts de la Rue :

5. Il résulte des dispositions citées au point 4 qu’une association d’employeurs constituée conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association doit, pour pouvoir être reconnue comme étant une organisation professionnelle d’employeurs représentative dans une branche professionnelle, se voir donner compétence par ses statuts, à travers l’objet social qu’ils définissent, pour négocier des conventions et accords, peu important, à la différence des syndicats professionnels, qu’elle n’ait pas exclusivement pour objet la défense des droits ainsi que des intérêts professionnels de ses adhérents.

6. Il ressort des pièces du dossier que la Fédération Nationale des Arts de la Rue est une association créée en 1997 ayant vocation à représenter le secteur de la création dans l’espace public qui a des adhérents ayant la qualité de personnes morales ainsi que des adhérents individuels qui sont des acteurs des arts de la rue et non des salariés. Par ailleurs, l’article 2 de ses statuts prévoit qu’elle ” a toute compétence pour négocier des conventions et accords collectifs “. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la Fédération Nationale des Arts de la Rue a la qualité d’organisation professionnelle d’employeurs au sens et pour l’application des dispositions des articles

L. 2131-1 et

L. 2231-1 du code du travail.

Sur la condition d’indépendance :

7. Les requérants soutiennent que c’est à tort que la Fédération Nationale des Arts de la Rue a été reconnue représentative alors qu’elle ne remplit pas la condition d’indépendance exigée par l’article

L. 2151-1 du code du travail dès lors que ses ressources dépendent à plus de 65 % d’une subvention du ministère de la culture.

8. La satisfaction au critère d’indépendance par une organisation d’employeurs suppose de vérifier que les conditions de son organisation, de son financement et de son fonctionnement permettent d’assurer effectivement la défense des intérêts professionnels qu’elle entend représenter, notamment dans le cadre de la négociation des conventions et accords collectifs.

9. Il n’est pas contesté qu’aucun membre de l’administration ne participe aux instances de la Fédération Nationale des Arts de la Rue ni n’exerce de tutelle sur cette association. Si ladite fédération a perçu en 2019 une subvention de 95 000 euros versée par le ministère de la culture, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause son indépendance dès lors que cette subvention a pour but de financer la réalisation d’objectifs généraux définis dans un cahier des charges de missions d’intérêt général qu’elle a, elle-même, proposées pour développer le secteur des arts de la rue. Par ailleurs, les actions que la fédération établit avoir menées telles que notamment la participation à des luttes syndicales par la rédaction de communiqués, à des manifestations revendicatives, à la campagne ” l’art est public ” auprès des candidats aux élections locales, législatives et présidentielles permettent d’établir qu’elle est en mesure d’assurer la défense des intérêts professionnels qu’elle représente. Par suite, le moyen tiré de ce que la fédération ne remplirait pas la condition d’indépendance exigée par l’article

L. 2151-1 du code du travail ne peut qu’être écarté.

Sur la condition d’audience et d’influence :

10. En se bornant à soutenir sans apporter aucun élément à l’appui de leurs allégations qu’il n’est pas établi que la Fédération Nationale des Arts de la Rue remplisse la condition, d’une part, d’audience prévue par l’article L. 2152-1 3° du code du travail alors qu’elle représente 9,93 % des entreprises adhérentes aux organisations professionnelles d’employeurs dans la branche des entreprises artistiques et culturelles et, d’autre part, d’influence prévue par l’article

L. 2151-1 5° du code du travail alors que son rapport d’activité au titre de l’année 2021 montre l’étendue de ses actions, les requérants n’établissent pas que ladite fédération ne remplirait pas lesdites conditions.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles, les Forces Musicales, le Syndicat National des Scènes Publiques et le Syndicat Professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendant de Musique ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 13 décembre 2021 de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles (n°1285) en tant que la Fédération Nationale des Arts de la Rue a été reconnue représentative avec un poids de 3,35 %. Leurs conclusions à fin d’annulation et celles à fin d’injonction ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

Sur les frais liés à l’instance :

12. Les dispositions de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent le Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles, les Forces Musicales, le Syndicat National des Scènes Publiques et le Syndicat Professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendant de Musique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles, les Forces Musicales, le Syndicat National des Scènes Publiques et le Syndicat Professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendant de Musique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles, les Forces Musicales, au Syndicat National des Scènes Publiques, au Syndicat Professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendant de Musique, au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et à la Fédération des Structures Indépendantes de Protection et de Création Artistique.

Délibéré après l’audience du 30 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

– M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

– Mme Collet, première conseillère,

– Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

La rapporteure,

A. B… Le président,

F. HO SI FAT

Le greffier,

w

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N° 22PA00776 2


Chat Icon