Procédure d’interpellation : Cour d’appel de Paris RG n° 23/00432 3 février 2023

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Procédure d’interpellation : Cour d’appel de Paris RG n° 23/00432 3 février 2023
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 03 FÉVRIER 2023

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 23/00432 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHASZ

Décision déférée : ordonnance rendue le 02 février 2023, à 14h02, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,APPELANT :

M. [I] [M] [Z] [X]

né le 09 février 1982 à [Localité 2], de nationalité béninoise

RETENU au centre de rétention : [1]

assisté de Me Patrick Berdugo, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Andréa Vo du groupement Gabet/Schwilden, avocats au barreau de Seine-Saint-Denis

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu l’ordonnance du 02 février 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris rejetant les exceptions de nullité soulevées et ordonnant la prolongation du maintien de l’intéressé, dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt-huit jours, soit jusqu’au 02 mars 2023;

– Vu l’appel motivé interjeté le 02 février 2023, à 14h20, par M. [I] [M] [Z] [X];

– Après avoir entendu les observations :- de M. [I] [M] [Z] [X] , assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

– Vu le mémoire et les pièces adressés par le conseil de M. [X] le 02 février 2023 à 19h14 ;

SUR QUOI,

Sur le contrôle de régularité des actes antérieurs au placement en rétention

Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l’étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).

Aux termes de l’article L. 743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

1. Sur la régularité du contrôle d’identité 78-2

Il est constant que le contrôle d’identité réalisé le 30 janvier 2023 est intervenu sur le fondement des réquisitions du procureur de la République du 18 janvier 2023, en application de l’article 78-2 du code de procédure pénale et que M. [X] a été contrôlé à 8 heures 55, interpellé à 9 heures 10 et placé en garde à vue par procès-verbal dressé à 9 heures 30, le début de la mesure étant fixé à 8 heures 55.

La détermination des conditions de ce contrôle d’identité au sein des réquisition du procureur de la République doit répondre au formalisme prévu par la loi, telle que notamment éclairée par la décision du Conseil constitutionnel du 24 janvier 2017 qui a émis une réserve importante en considérant qu’il ressort des dispositions contestées [sur le contrôle d’identité] que les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté d’aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Elles ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace ” (§23, Cons. Const., 24 janvier 2017, décision n° 2016-606/607 QPC). Le contrôle exercé par le juge sur les circonstances du contrôle ne peut cependant être qu’un contrôle léger des périodes et périmètres du contrôle.

Les horaires, qui résultent des pièces de la procédure, sont les suivants’:

– Contrôle d’identité 8h55′;

– Interpellation 9h15′;

– Placement en garde à vue 9h30

– Avis au procureur de la République 9h48.

Aucun élément de la procédure ne permet de remettre en cause la réalité de cette chronologie qui correspond au contraire à une célérité qui ne saurait être reprochée aux fonctionnaires de police.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrôle d’identité est intervenu sur réquisitions du procureur de la République, lesquelles peuvent intervenir spontanément de la part du procureur de la République, sans même que les fonctionnaires de police ne soient tenus de solliciter un tel contrôle, aucun texte n’imposant la production de la suggestion éventuellement adressée par les services de police au ministère public qui demeure seul auteur de ces réquisitions et de leur opportunité.

La mention ‘vu le rapport qui nous est fait sur les infractions réitérées à la loi et les troubles que ces faits engendrent sur la voie publique’ suffit à établir en l’espèce le contexte ayant permis au parquet de prendre ces réquisitions, dont la procédure permet d’établir qu’elles ont été précisément contrôlées par le parquet au fur et à mesure de la réalisation des contrôles individuels puis en l’espèce de la garde à vue.

Les réquisitions du 18 janvier 2023, sont précises sur les infractions visées (en substance terrorisme, port d’arme, vols, trafic de stupéfiant), les horaires du contrôle requis (de 7 heures 30 à 13 heures 30 le 30 janvier 2023) ainsi que les lieux qui, s’ils intègrent tout le périmètre des gares de la capitale, sont néanmoins limités à des espaces qui ne couvrent qu’un pourcentage minime du territoire de Paris. En conséquence et en raison des critères retenus, ces réquisitions ne sauraient être considérées comme permettant une généralisation dans l’espace des contrôles d’identité à un moment donné et le contrôle d’identité est régulier. Le moyen n’est donc pas fondé.

2. Sur la transmission de pièces

En l’espèce, si ce cadre juridique de transmission prévu aux articles 11 et suivants du code de procédure pénale s’impose au ministère public, également garant par son contrôle de la communication de pièces couvertes par le secret à des fins administratives, il est constant qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir quelles pièces ont été transmises à la préfecture et s’il s’agit effectivement de pièces soumises à ce secret ou seulement d’éléments d’information sur l’intéressé notamment sur la situation familiale de celui-ci et la mention qu’il était poursuivi pour blanchiment. Le premier juge pouvait donc considérer qu’une telle transmission ne résultait pas des pièces de la procédure.

3. Sur l’habilitation à la consultation du FAED

Alors même que les pièces du dossier permettent en l’espèce de constater la mention de l’identité de l’agent ayant procédé aux signalements et l’attestation d’habilitation datée du 8 septembre 2022, il y a lieu de relever que s’applique à cette procédure l’article 21 de la loi n°2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, entrée en vigueur le 26 janvier 2023 et qui crée l’article 15-5 du code de procédure pénale ainsi rédigé :

” I.-La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est complétée par un article 15-5 ainsi rédigé :

” La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure”.

Le moyen, qui n’expose pas quel grief résulterait de l’absence d’identification de l’agent ayant procédé à la consultation et/ou à la signalisation, n’est donc pas fondé.

4. Sur la régularité du port des menottes

Selon l’article 803 du code de procédure pénale, nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu’une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l’objet d’un enregistrement audiovisuel.

Le procès-verbal du 30 janvier à 8h40 mentionne expressément ” menottons l’individu selon l’article 803 du code de procédure pénale, afin d’éviter que ce dernier ne prenne la fuite, en effet celui-ci est nerveux et commence à trembler “. La procédure est donc régulière et le moyen infondé.

5. Usage de la procédure judiciaire et le détournement de procédure allégué

Il résulte de l’article 62-2 du code de procédure pénale, invoqué en défense, que ” La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en ‘uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. “

En l’espèce, le délit motivant le placement en garde à vue, tel que visé par le procès-verbal de notification de garde à vue est le blanchiment d’argent, cette garde à vue ayant été régulièrement prolongée le 30 janvier 2023 pour 24 heures.

Le procès-verbal du 31 janvier à 15h30 fait état du contact avec le magistrat du parquet qui donne instruction de procéder à une remise de scellés à la Caisse des dépôts et consignations et de mettre fin à la garde à vue, laquelle intervient à 16 heures. La chronologie et l’enchaînement des procédures est clairement exposé dans la procédure.

Par ailleurs, dès lors que la garde à vue pouvait avoir pour objet le point 1°, mais également le point 2° de l’article 62-2 du CPP précité, la finalité de cette procédure était régulière (Ch. mixte., 7 juillet 2000, pourvoi n° 98-50.007, Bull. crim. 2000, ch. mixte, n°257 ; 1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-13.168, 1re Civ., 11 mai 2012, pourvoi n° 11-15.267, 1re Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 18-50.079).

Dans ces conditions, en l’absence d’irrégularité résultant des actes antérieurs au placement en rétention, en l’absence de toute illégalité susceptible d’affecter les conditions, découlant du droit de l’Union, de légalité de la rétention, et à défaut d’autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance critiquée et de prolonger le maintien en rétention de l’intéressé pour une durée de 28 jours.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l’ordonnance

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 03 février 2023 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé


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