Droit de la Publicité : Cour de cassation, Chambre sociale, 1 mars 2023, 21-10.466

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Droit de la Publicité : Cour de cassation, Chambre sociale, 1 mars 2023, 21-10.466

SOC.

HA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er mars 2023

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 203 F-D

Pourvoi n° K 21-10.466

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER MARS 2023

La société Polyclinique des [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 21-10.466 contre l’arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [E] [F], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi Occitanie, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Polyclinique des [4], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [F], après débats en l’audience publique du 11 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 16 décembre 2020), Mme [F] a été engagée en qualité de comptable, puis de directrice, le 1er juillet 1982 par la société Polyclinique des [4].

2. Elle a été licenciée le 28 février 2018.

3. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 22 mars 2018.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de juger que les faits visés dans la lettre de licenciement étaient prescrits lors de l’engagement de la procédure de licenciement, lequel est dès lors dénué de cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer certaines sommes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, enfin de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage payées à la salariée, alors :

« 1°/ que si aux termes de l’article

L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai, peu important que le nouveau fait n’ait pas été mentionné dans la lettre de licenciement ; qu’en affirmant qu’ayant omis d’inclure dans la lettre de licenciement le nouveau bon de commande du 20 novembre 2017 passé par la salariée pour un montant de 1 320 € qui n’avait été porté à la connaissance de l’employeur que le 8 janvier 2018, ce dernier ne pouvait se prévaloir de ce fait, qui n’était pas prescrit pour se prévaloir des agissements identiques antérieurs, la cour d’appel a violé le texte susvisé, ensemble l’article

L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

2°/ qu‘en tout état de cause, la prescription de l’article

L. 1332-4 du code du travail ne court que du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ; qu’en l’espèce, l’employeur soulignait qu’il n’avait eu connaissance de l’ampleur financière des dépenses publicitaires engagées par Mme [F] qu’à l’issue de l’audit du 21 novembre 2017 ; que pour juger les faits prescrits, la cour d’appel s’est bornée à constater que le directeur financier avait pu identifier dès le 6 novembre 2017 à 11h43 la quasi-totalité des factures litigieuses alors qu’il avait été informé le même jour à 10h53 de la commande de 12 000 €, qu’il savait dès le 7 novembre 2017 que Mme [F] endossait la responsabilité de ces agissements, que des montants conséquents en paiement des factures litigieuses avaient été effectués par le service financier, notamment mi 2017 quatre factures émises entre mai et juillet 2017 par un organisme de publicité identifiable ‘‘Edition Media info » pour des montants de 2 988 €, 8 964 €, 1977,60 € et 5 932 €, que sauf à supposer que le service financier n’opérait aucun contrôle, ces factures et l’identité de leur émetteur devaient inévitablement attirer l’attention avant paiement, qu’il résultait du rapport d’audit du 21 novembre 2017 qu’il n’était pas motivé spécifiquement par la recherche des malversations commises par Mme [F], que cet audit s’était fait par la révision de l’intégralité des comptes enregistrant les dépenses de publicité et la revue de toutes les dépenses exceptionnelles comptabilisées en lien avec les actions de communication, qu’ainsi il était établi que le directeur financier pouvait aisément dès les 6-7 novembre 2017 identifier l’ensemble des agissements commis par Mme [F] en matière de commandes publicitaires, sans nécessité de lancer un audit de toutes les dépenses de publicité engagées par l’ensemble des établissements, qu’il avait déjà connaissance de la quasi-totalité des commandes et paiements litigieux et de l’aveu de la salariée, et qu’il avait tardé à engager la procédure de licenciement qui n’avait été mise en oeuvre que le 20 janvier 2018 soit plus de deux mois après la connaissance des faits ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que l’employeur avait effectivement une connaissance exacte, plus de deux mois avant l’engagement de la procédure, de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à la salariée, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

3°/ enfin que la prescription de l’article

L. 1332-4 du code du travail ne court que du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ; qu’en l’espèce, l’employeur soulignait que même lorsqu’il avait eu connaissance de l’ampleur financière des dépenses publicitaires engagées, il demeurait encore une réelle interrogation sur l’imputabilité de ces factures et sur leurs natures réelles, que le directeur administratif et financier avait ainsi dès le 22 novembre 2017 tenté de contacter l’intégralité des fournisseurs pour savoir qui avait réellement engagé de telles actions de communications et quels étaient les supports de communication payés, réponses qu’il n’avait obtenues que courant décembre 2017, ce qui avait fait apparaître non seulement que la salariée était à l’origine de l’ensemble des dépenses mais également le caractère inadapté du support payé ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ce point et en omettant notamment de rechercher si l’employeur avait pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à la salariée avant d’avoir reçu confirmation de sa responsabilité dans l’ensemble des dépenses et communication d’au moins un des supports de communication financés, révélant son caractère totalement inadapté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Réponse de la Cour

5. Ayant retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, d’une part, que dès les 6 et 7 novembre 2017 le directeur financier avait identifié l’ensemble des agissements commis par la salariée en matière de commandes publicitaires pour un montant de 50 294 euros invoqués à l’appui de son licenciement, faisant ainsi ressortir que l’employeur avait eu, à cette date, une connaissance de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à la salariée, d’autre part, que la lettre de licenciement ne mentionnait pas une nouvelle commande publicitaire postérieure à ces faits, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Polyclinique des [4] aux dépens ;

En application de l’article

700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Polyclinique des [4] et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Polyclinique des [4]

La société Polyclinique des [4] FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que les faits visés dans la lettre de licenciement étaient prescrits lors de l’engagement de la procédure de licenciement, d’AVOIR dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, d’AVOIR condamné la société Polyclinique des [4] à payer à Mme [F] les sommes de 60 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9 341,91€ bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 934,19 € bruts au titre des congés payés afférents, et 37 367,64 € au titre de l’indemnité de licenciement, et d’AVOIR ordonné le remboursement par la société Polyclinique des [4] à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la salariée du jour de son licenciement dans la limite de six mois d’indemnité,

1. ALORS QUE si aux termes de l’article

L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai, peu important que le nouveau fait n’ait pas été mentionné dans la lettre de licenciement ; qu’en affirmant qu’ayant omis d’inclure dans la lettre de licenciement le nouveau bon de commande du 20 novembre 2017 passé par Mme [F] pour un montant de 1 320 € qui n’avait été porté à la connaissance de l’employeur que le 8 janvier 2018, ce dernier ne pouvait se prévaloir de ce fait, qui n’était pas prescrit pour se prévaloir des agissements identiques antérieurs, la cour d’appel a violé le texte susvisé, ensemble l’article

L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

2. ALORS en tout état de cause QUE la prescription de l’article

L. 1332-4 du code du travail ne court que du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ; qu’en l’espèce, l’employeur soulignait qu’il n’avait eu connaissance de l’ampleur financière des dépenses publicitaires engagées par Mme [F] qu’à l’issue de l’audit du 21 novembre 2017 (conclusions d’appel, p. 15) ; que pour juger les faits prescrits, la cour d’appel s’est bornée à constater que le directeur financier avait pu identifier dès le 6 novembre 2017 à 11h43 la quasi-totalité des factures litigieuses alors qu’il avait été informé le même jour à 10h53 de la commande de 12 000 €, qu’il savait dès le 7 novembre 2017 que Mme [F] endossait la responsabilité de ces agissements, que des montants conséquents en paiement des factures litigieuses avaient été effectués par le service financier, notamment mi 2017 quatre factures émises entre mai et juillet 2017 par un organisme de publicité identifiable « Edition Media info » pour des montants de 2 988 €, 8 964 €, 1977,60 € et 5 932 €, que sauf à supposer que le service financier n’opérait aucun contrôle, ces factures et l’identité de leur émetteur devaient inévitablement attirer l’attention avant paiement, qu’il résultait du rapport d’audit du 21 novembre 2017 qu’il n’était pas motivé spécifiquement par la recherche des malversations commises par Mme [F], que cet audit s’était fait par la révision de l’intégralité des comptes enregistrant les dépenses de publicité et la revue de toutes les dépenses exceptionnelles comptabilisées en lien avec les actions de communication, qu’ainsi il était établi que le directeur financier pouvait aisément dès les 6-7 novembre 2017 identifier l’ensemble des agissements commis par Mme [F] en matière de commandes publicitaires, sans nécessité de lancer un audit de toutes les dépenses de publicité engagées par l’ensemble des établissements, qu’il avait déjà connaissance de la quasi-totalité des commandes et paiements litigieux et de l’aveu de la salariée, et qu’il avait tardé à engager la procédure de licenciement qui n’avait été mise en oeuvre que le 20 janvier 2018 soit plus de deux mois après la connaissance des faits ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que l’employeur avait effectivement une connaissance exacte, plus de deux mois avant l’engagement de la procédure, de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à la salariée, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

3. ALORS enfin QUE la prescription de l’article

L. 1332-4 du code du travail ne court que du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié ; qu’en l’espèce, l’employeur soulignait que même lorsqu’il avait eu connaissance de l’ampleur financière des dépenses publicitaires engagées, il demeurait encore une réelle interrogation sur l’imputabilité de ces factures et sur leurs natures réelles, que le directeur administratif et financier avait ainsi dès le 22 novembre 2017 tenté de contacter l’intégralité des fournisseurs pour savoir qui avait réellement engagé de telles actions de communications et quels étaient les supports de communication payés, réponses qu’il n’avait obtenues que courant décembre 2017, ce qui avait fait apparaître non seulement que la salariée était à l’origine de l’ensemble des dépenses mais également le caractère inadapté du support payé (conclusions d’appel, p. 16-17) ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ce point et en omettant notamment de rechercher si l’employeur avait pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à la salariée avant d’avoir reçu confirmation de sa responsabilité dans l’ensemble des dépenses et communication d’au moins un des supports de communication financés, révélant son caractère totalement inadapté, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.


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