Droit de la Publicité : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00131

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Droit de la Publicité : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00131

26 janvier 2023
Cour d’appel de Papeete
RG n°
21/00131

Cabinet C

Texte de la décision


N° 25

SE

————–

Copie exécutoire

délivrée à :

– Me Piriou,

le 30.01.2023.

Copie authentique

délivrée à :

– Me Algan,

le 30.01.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 26 janvier 2023

RG 21/00131 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/17, rg n° 18/00424 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 22 janvier 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 8 avril 2021 ;

Appelants :

M. [L] [J], né le 25 avril 1953 à [Localité 3] (France), de nationalité française, et

Mme [V] [M] [Y] [E] épouse [J], née le 12 février 1949 à [Localité 1] (France), de nationalité française demeurant à [Adresse 6] ;

Ayant pour avocat la Selarl Froment-Meurice & Associés, représentée par Me Vaitiare ALGAN, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Sarl New Moring, société à responsabilité limitée, au capital de 200 000 FCP, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 10 297 B, n° Tahiti 964775 dont le siège social est sis à [Localité 7] Résidence [2], représentée par son gérant : M. [H] [K] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 22 août 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 octobre 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA,magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,


EXPOSE DU LITIGE :

Faits :

Selon acte authentique reçu le 13 décembre 2016, M. [L] [J] et son épouse Mme [V] [E] ont acquis de la SARL NEW MORNING, en l’état futur d’achèvement, un appartement de type F2 et un parking couvert constituant les lots n°136 et 370 d’un ensemble immobilier dénommé résidence [5] en voie d’édification, à usage de résidences pour personnes âgées, situé à Mamao (commune de [Localité 7], Polynésie française), moyennant le prix de 16 359 067 F CFP.

Les biens vendus ont été livrés le 30 novembre 2017.

Procédure :

M. et Mme [J] ont, par requête enregistrée au greffe le 3 septembre 2018 et suivant acte d’huissier du 27 août 2018, puis conclusions ultérieures, fait assigner la SARL NEW MORNING devant le tribunal civil de première instance de Papeete afin de voir, dans le dernier état de leurs conclusions, prononcer à titre principal la nullité de la vente intervenue le 13 décembre 2016 et obtenir la restitution du prix de vente et autres frais.

Par jugement n° RG 18/00424 en date du 22 janvier 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

– débouté M. et Mme [J] de l’ensemble de leurs demandes,

– les a condamnés à payer à la SARL NEW MORNING la somme de 200 000 F CFP sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, ainsi qu’aux dépens.

M. et Mme [J] ont relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 8 avril 2021 et assignation délivrée le 11 mai 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2022, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 27 octobre 2022.

A l’issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 8 décembre 2022, puis sur prorogation au 26 janvier 2023, par mise à disposition au greffe.


Prétentions et moyens des parties :

M. [L] [J] et Mme [V] [E], appelants, demandent à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 16 mai 2022, d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

Au principal,

– constater que le consentement des époux [J] a été surpris par dol,

A titre subsidiaire,

– constater que le consentement des époux [J] a été déterminé par erreur,

En conséquence,

Dans les deux hypothèses,

– prononcer la nullité de la vente intervenue le 13 décembre 2016 entre les époux [J] et la SARL NEW MORNING,

– condamner la SARL NEW MORNING à leur payer les sommes de :

– 16 359 067 F CFP correspondant au prix de vente,

– 481 804 F CFP correspondant aux intérêts du prêt bancaire pour la période du 1er janvier 2017 au 1er mai 2022, à parfaire,

– 853 384 F CFP concernant 1’assurance du prêt pour la période du 1er janvier 2017 au 1er septembre 2021, à parfaire,

– 1 102 845 F CFP correspondant aux frais de vente,

– 924 287 F CFP correspondant aux frais d’agence,

– 1 020 816 F CFP correspondant aux charges de copropriété pour la période du 1er janvier 2018 au 1er avril 2022, à parfaire,

– 44 330 F CFP correspondant aux frais d’assurance de l’appartement au 1er avril 2022, à parfaire,

– 110 950 F CFP correspondant aux redevances ordure, à parfaire,

– 175 890 F CFP correspondant aux frais d’électricité, à parfaire,

A titre infiniment subsidiaire,

– constater que la SARL NEW MORNING a gravement manqué à ses engagements contractuels,

En conséquence,

– prononcer la résolution de la vente intervenue le 13 décembre 2016 entre les époux [J] et la SARL NEW MORNING,

– condamner la SARL NEW MORNING à leur payer les sommes susvisées outre celle de :

– 1 635 907 F CFP correspondant à 10% du prix de vente tel qu’il est prévu dans le contrat de vente,

En tout état de cause,

– condamner la SARL NEW MORNING à leur payer la somme de 125 732 F CFP et celle de 62 955 F CFP correspondant aux frais qu’ils ont engagé pour effectuer une expertise sonore, constatée par huissier,

– condamner la SARL NEW MORNING à leur payer la somme de 450 000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi que celle de 508 500 F CFP au titre des frais irrépétibles d’appel,

– condamner la SARL NEW MORNING aux entiers dépens.

La SARL NEW MORNING, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 17 juin 2022 demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner in solidum M. et Mme [J] à lui payer la somme de 500 000 F CFP par application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction d’usage.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.


MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou à «dire et juger» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.

Sur la nullité de la vente fondée sur le dol :

M. et Mme [J] font valoir que :

– la résidence NEW [C] est un ensemble immobilier pour «séniors» comprenant 154 logements, des parkings, des espaces communs de vie, d’activités et de loisirs, et des services de santé, destiné à la vente ou à la location à des personnes de plus de soixante ans pour y fixer leur résidence principale, selon la réglementation fiscale applicable au programme d’investissement immobilier en question,

– l’arrêté n°610 CM du 21 mai 2009 et l’arrêté n°501 CM du 18 avril 2013 portant agrément du projet immobilier porté par la SARL NEW MORNING imposent des caractéristiques spécifiques permettant de répondre aux besoins des bénéficiaires ; ainsi, la conception et l’aménagement des lieux et l’étendue des prestations proposées doit permettre aux occupants de vivre à temps plein au sein même de la résidence, garantir leur autonomie et limiter leurs déplacements,

– les retraités, qui se maintiennent plus souvent à leur domicile que les actifs, particulièrement lorsqu’ils choisissent d’occuper une résidence présentant les aménagements spécifiques décrits, recherchent à l’évidence un cadre de vie calme,

– outre les spécificités de la résidence, c’est précisément l’élément mis en avant par la SARL NEW MORNING ; en effet, le descriptif technique du projet immobilier, annexé au contrat de vente, précisait en première ligne que «la résidence séniors NEW [C] est située (‘) à [Localité 7] à proximité du centre-ville tout en restant dans un cadre calme» ; ce document reprend la présentation du projet qui figurait dans la plaquette publicitaire et sur le site internet consacré à la résidence ; la plaquette publicitaire précisait que les résidents s’y sentiraient «en vacances toute l’année» ; il était en outre notamment garanti «une tranquillité au quotidien» ou «un cadre de vie des plus agréables»,

– c’est donc au vu de la description du projet précisée dans la plaquette publicitaire et le descriptif technique que les époux [J], qui souhaitaient réaliser un investissement pour un placement locatif, ont décidé de se rendre acquéreurs d’un appartement,

– au cours de travaux d’aménagement, ils se sont rendus compte que l’appartement était en réalité bruyant, notamment en raison de bruits permanents provenant de la rue, fenêtres et baies vitrées ouvertes ou fermées,

– le procès-verbal de constat et rapport d’acoustique qu’ils ont fait établir fin mai 2018 fait ressortir des intensités sonores qui dépassent largement celles recommandées par l’OMS et par la norme NF S 31-010 visant à mesurer le bruit dans l’environnement, dont il a été jugé qu’elle est applicable en Polynésie française,

– cette exposition au bruit constitue un danger pour la santé des occupants et interdit par conséquent de considérer le logement comme étant un logement décent pouvant être proposé à la location,

– aucune solution corrective n’est envisageable ; l’architecte de la copropriété s’oppose à la fermeture des terrasses par des baies vitrées au motif que cela dénaturerait l’immeuble et ne permettrait pas de toute façon de protéger les chambres du bruit extérieur ; la terrasse est inutilisable compte tenu du niveau sonore perçu depuis celle-ci ; le niveau sonore à l’intérieur est bien trop élevé même avec les baies vitrées fermées,

– la plaquette publicitaire et le site internet dédié à la résidence NEW [C], qui sont des documents suffisamment précis et détaillés, ont une valeur contractuelle; la mention selon laquelle la résidence est située «dans un cadre calme» figure de façon ostentatoire sur la première page de la plaquette commerciale, et non en petits caractères ; le descriptif technique a été annexé à l’acte de vente ; ces documents ont déterminé l’engagement des acquéreurs et obligent le vendeur,

– en outre les caractéristiques spécifiques de la résidence ont été reprises dans le contrat de vente ; la spécificité de la résidence résulte également de ses modalités de gestion et d’exploitation, puisqu’il est prévu dans l’acte de vente que celles-ci sont assurées pendant 10 ans par le vendeur, qui doit garantir «la destination prévue par les dispositions fiscales propres aux résidences pour personnes âgées»,

– le descriptif technique précise que «l’épaisseur du plancher sera calculée pour obtenir un indice d’affaiblissement acoustique conforme à la réglementation» et que les finitions des sols et plinthes des pièces principales et humides consisteraient en la pose d’«un carrelage en grès émaillé (‘) sur chape avec isolant phonique» ; l’acte de vente stipule en outre une «garantie des vices, de parfait achèvement, de bon fonctionnement et d’isolation phonique»,

– l’engagement contracté d’«un indice d’affaiblissement acoustique» n’a pas été respecté ainsi qu’il résulte des mesures sonores réalisées,

– il ne leur a jamais été précisé lors que l’achat que leur appartement, situé au sixième étage, serait plus exposé au bruit que d’autres appartements de la résidence, ce qui constitue une réticence dolosive,

– l’article D333-1 du code de l’aménagement de la Polynésie française impose au constructeur d’assurer la suppression par des moyens efficaces de toutes nuisances, dont les bruits et vibrations diverses,

– si l’article R1334-31 du code de la santé publique ne s’applique pas en Polynésie française, l’article LP 4333-1 du code de l’environnement de la Polynésie française (ancien article LP 200-2 du code de l’environnement), issu de la loi du Pays n°2016-13 du 14 avril 2016 (JOPF du 14 avril 2016), en vigueur au jour de l’acte de vente, a repris ces dispositions,

– ces dispositions sont, en Polynésie française comme en France métropolitaine, induites par les recommandations de l’OMS auxquelles tous les professionnels de Polynésie française font référence, y compris l’expert mandaté par l’intimée ; la convention du 22 juillet 1948 créant l’OMS constitue un engagement international ratifié par la loi n°48-314 du 13 mai 1948 ; les recommandations émises par cette entité sont donc applicables de plein droit en Polynésie française en vertu de l’article 7 de la loi organique du 27 février 2004,

– l’OMS préconise un niveau de bruit ambiant inférieur à 35 décibels pour un repos nocturne convenable et fixe le seuil de danger acoustique à 90 décibels ; le niveau du bruit régulier et continu ne doit pas excéder 55 décibels en journée sur les balcons, terrasses, et dans les zones résidentielles extérieures,

– indépendamment de ses engagements contractuels, le promoteur est tenu de prévoir un isolement acoustique permettant d’obtenir des valeurs conformes à ces dispositions,

– l’étude acoustique réalisée les 28, 29 et 30 mai 2018 dans leur appartement a révélé un niveau de bruit résiduel, mesuré dans le salon, fenêtres ouvertes, sur 24 heures, compris entre 59,1 décibels en période diurne et 54,6 décibels en période nocturne (avec des pics à 98,1 décibels) et, fenêtres fermées, compris entre 49,5 décibels en période diurne et 48,4 décibels en période nocturne (avec des pics à 97,9 décibels),

– le niveau de bruit ressenti est supérieur au niveau recommandé par l’OMS de 12,3 dB3 fenêtres ouvertes et de 43,5 dB4 fenêtres fermées ; le seuil de danger acoustique fixé à 90 décibels est également largement atteint,

– ces niveaux de bruit dépassant les recommandations de l’OMS emportent des conséquences délétères sur la santé, tout particulièrement s’agissant de celle de personnes âgées,

– l’étude acoustique produite par la SARL NEW MORNING a été effectuée dans un autre appartement qui ne subit pas la même exposition au bruit puisqu’il n’est pas directement situé au-dessus de la rue ; nonobstant, les mesures sont également supérieures aux préconisations de l’OMS,

– les expertises privées régulièrement produites et soumises à la libre discussion des parties sont parfaitement recevables et doivent être prises en considération,

– en mettant en avant, dans ses différents documents contractuels, la tranquillité des lieux et le calme de la résidence malgré le contexte urbain, et en occultant, qui plus est, la particulière exposition au bruit de l’appartement vendu, affirmations en décalage avec la réalité, la SARL NEW MORNING a employé des man’uvres mensongères, sans lesquelles ils n’auraient pas contracté ; les documents publicitaires et techniques qui leur ont été remis, qui constituaient les seuls éléments d’information dont ils pouvaient disposer en l’absence de toute réalité physique de l’immeuble, ont nécessairement emporté leur engagement,

– l’erreur provoquée par le dol a été déterminante de leur consentement ; en effet, l’erreur a consisté dans une vision fausse des caractéristiques de l’immeuble, à savoir une résidence calme agréable à vivre pour des retraités, et, partant, une appréciation erronée de son rendement locatif.

La SARL NEW MORNING répond que :

– le résidence est située dans la ville de [Localité 7], immédiatement à l’entrée et à la périphérie du centre-ville, ce qui implique nécessairement un niveau sonore conforme à celui du grand centre de la ville,

– le cadre urbain dans lequel la résidence est implantée implique que les résidents acceptent les troubles normaux de voisinage qui en sont la conséquence,

– les documents contractuels et techniques ne comportent aucune référence ni engagement relatif à une quelconque norme acoustique ; de même, l’arrêté n°610 CM du 21 février 2009 et l’arrêté n°501 CM du 18 avril 2013 portant agrément du projet au titre des investissements indirects, qui ont une portée exclusivement fiscale ; les normes acoustiques de construction auxquelles les époux [J] font référence sont sans intérêt, puisqu’ils ne se plaignent pas d’une isolation phonique insuffisante, mais uniquement du bruit ambiant en provenance de l’extérieur,

– les documents contractuels et techniques ne comportent aucune indication ou engagement s’agissant d’un niveau sonore quelconque, le promoteur ne pouvant répondre à l’évidence des bruits en provenance de la rue,

– la seule mention sur laquelle les époux [J] fondent leurs demandes selon laquelle la résidence est située «à proximité du centre-ville tout en restant un cadre calme», rédigée en termes généraux, et ne comportant aucune affirmation mensongère ou engagement relatif aux qualités de la construction, ne suffit pas à caractériser une tromperie ou man’uvre dolosive ;

– il n’est pas possible de considérer que les caractéristiques et la destination spécifiques de la résidence impliqueraient, de manière intrinsèque mais nécessaire, des normes particulières en matière de bruit ou de protection acoustique,

– les recommandations de l’OMS ne sont pas applicables en Polynésie française compte tenu du principe de spécialité législative applicable à ce territoire ; en tout état de cause, elles ne constituent pas une norme juridique dont la méconnaissance ou la violation emporterait des conséquences juridiques,

– les dispositions de l’article R1334-31 devenu l’article R3036- 5 du code de la santé publique ne sont pas applicables en Polynésie française,

– l’article LP 4333-1 du code de l’environnement de la Polynésie française ne concerne que les auteurs de nuisances sonores ou ceux qui sont susceptibles d’en commettre, et n’est donc d’aucun intérêt au regard de l’objet du litige,

– l’article D333-1 du code de l’aménagement de la Polynésie française impose des normes générales de construction qui n’ont aucune utilité en l’espèce,

– les mesures de bruit réalisées de façon non contradictoire et qui ne présentent pas les garanties d’une expertise judiciaire ne lui sont pas opposables ; la période de mesure, particulièrement courte, n’est pas significative,

– les mesures qu’elle a pu faire réaliser de son côté dans un autre appartement de la résidence ne font pas ressortir un niveau de bruit excessif,

– les époux [J] se contentent d’invoquer des considérations générales, sans démontrer aucune man’uvre, tromperie, mensonge ou réticence qui lui serait imputable et qui aurait emporté leur consentement.

Sur ce :

Selon l’article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.

L’existence du dol s’apprécie au moment de la formation du contrat.

Il suppose l’existence d’un élément matériel (man’uvres, mensonges ou simple réticence) et d’un élément moral, en ce sens que l’auteur du comportement dolosif invoqué doit avoir agi intentionnellement pour tromper le cocontractant et le déterminer à conclure.

En l’espèce, les époux [J] reprochent en substance à leur vendeur de les avoir induits en erreur sur le niveau du bruit ambiant, lequel, conjugué à une mauvaise qualité d’isolation phonique, rendrait inutilisable leur appartement.

Mais M. et Mme [J] sont défaillants à rapporter la preuve des man’uvres dolosives qui auraient provoqué leur erreur.

La mention figurant sur les documents publicitaires et contractuels, notamment sur la notice intitulée «description générale du projet» annexée au contrat de vente, selon laquelle la résidence seniors NEW [C] est située [Adresse 4] à proximité du centre-ville «tout en restant dans un cadre calme» ne peut être considérée comme constitutive d’un dol.

Outre que cette allégation d’un «cadre calme» figure dans un document contractuel, force est de constater que M. et Mme [J] disposaient par ailleurs d’informations suffisantes qui leur permettaient de pallier la présentation erronée, ou plus exactement faussement idéalisée, qui leur était ainsi transmise.

L’annonce d’un «cadre calme» alors que la résidence se situe dans le grand centre urbain de [Localité 7] et qu’au surplus la façade principale donne, selon les photographies jointes au dossier, directement sur la rue [Adresse 4], sans être particulièrement en retrait de celle-ci, ne pouvait tout simplement pas être prise au pied de la lettre, tant il est évident, sans qu’il soit besoin de vérifications ou de mesures acoustiques précises, que, compte tenu de l’environnement sonore ambiant, habituel dans cette zone, le calme annoncé, fenêtres ouvertes comme fermées, serait tout à fait relatif.

De la même façon, le fait que l’appartement acquis, qui se situe au sixième étage de la résidence, serait plus particulièrement exposé au bruit ne peut être qualifié de réticence dolosive, le vendeur n’ayant aucune obligation d’information particulière concernant cette circonstance, celle-ci ne pouvant, au surplus, être ignorée de l’acquéreur au regard de la situation géographique de la résidence et de l’appartement vendu au sein de celle-ci.

Aucune autre man’uvre dolosive n’est reprochée à la société NEW MORNING, notamment concernant la qualité de l’isolation phonique, au demeurant conforme aux engagements contractuels du promoteur, ou concernant la question précise du niveau sonore susceptible d’être ressenti dans l’appartement, sur laquelle le promoteur ne s’est pas engagé, et qui n’a pas fait l’objet de déclarations ou d’allégations particulières.

En définitive, les époux [J] échouent à établir que cette présentation particulière du projet immobilier concernant son exposition au bruit, ou le silence gardé par le vendeur sur la particulière exposition au bruit de l’appartement acquis, ont pu transcrire la volonté de la SARL NEW MORNING de les tromper, comme ils échouent à démontrer que ces éléments ont pu les convaincre de conclure le contrat.

Sur la nullité de la vente fondée sur l’erreur :

M. et Mme [J] font valoir qu’ils établissent que la croyance dans laquelle ils se trouvaient lors de la conclusion du contrat, pensant acheter dans une résidence calme un bien exempt de nuisances sonores, était erronée par rapport à la réalité ; que les nuisances sonores leur interdisent de louer et qu’ils ont donc également commis une erreur sur la valeur locative de l’appartement ; que leur erreur, déterminante de leur consentement, est une erreur sur une qualité substantielle du bien ; qu’il s’agit d’une erreur excusable, ayant été induite par des documents mensongers, s’agissant d’une acquisition en VEFA interdisant toute vérification personnelle de leur part, et s’agissant d’une construction neuve dont ils pouvaient légitimement attendre qu’elle présente une isolation phonique optimale ; que les conditions de droit et de fait permettant l’annulation de l’acte de vente en raison d’une erreur sur les qualités substantielles sont donc réunies.

Selon la SARL NEW MORNING, l’erreur alléguée n’est pas démontrée, et le niveau sonore excessif n’est pas établi.

Sur ce :

Selon l’article 1110 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française, l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

L’erreur du cocontractant doit présenter un caractère excusable, l’erreur inexcusable étant liée à la constatation de ce que le demandeur ne pouvait ignorer le fait dont il se prévaut.

En l’espèce, le niveau sonore ressenti dans l’appartement des époux [J] a pour origine, ainsi qu’il résulte des expertises privées produites, le bruit résiduel en provenance de l’extérieur.

Mais le niveau sonore ambiant, qui risquait très probablement d’induire les nuisances dont M. et Mme [J] se plaignent, dont il n’est pas démontré qu’elles interdisent l’occupation ou la location de l’appartement, était apparent et ne pouvait être ignoré des acquéreurs, de telle sorte que l’erreur qu’ils invoquent ne justifie pas l’annulation du contrat.

Sur la demande de résolution de la vente :

M. et Mme [J] font valoir qu’il est établi que la SARL NEW MORNING n’a pas livré un bien permettant à ses occupants de vivre dans un environnement conforme à ses engagements contractuels, qu’en raison du niveau de bruit dépassant les seuils recommandés l’appartement ne peut être loué et est impropre à sa destination, que l’inexécution qui lui est reprochée porte sur une obligation déterminante de la conclusion du contrat et constitue un manquement grave, ce qui justifie la résolution judiciaire du contrat de vente, qu’il y a lieu en cette hypothèse de faire application de la clause de celui-ci prévoyant le paiement d’une indemnité de résiliation égale à 10% du prix de vente.

La SARL NEW MORNING répond qu’il n’est pas établi que le bien vendu ne corresponde pas aux prévisions contractuelles, et qu’elle a rempli tous ses engagements. En outre les époux [J] n’établissent pas qu’ils n’ont pu louer l’appartement qu’ils ont acquis en raison des nuisances sonores qu’ils allèguent.

Sur ce :

Selon l’article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où une des parties ne satisfera pas à son engagement.

La mention figurant sur les documents publicitaires et contractuels, notamment sur la notice intitulée «description générale du projet» annexée au contrat de vente, selon laquelle la résidence seniors NEW [C] est située [Adresse 4] à proximité du centre-ville «tout en restant dans un cadre calme» ne constitue pas un engagement contractuel en ce sens que la SARL NEW MORNING n’a souscrit aucune obligation précise relative au niveau sonore ressenti dans la résidence ou dans l’appartement acquis.

Celui-ci dépend en effet, en grande partie, du niveau sonore extérieur, sur lequel elle ne peut bien évidemment pas s’engager, et, dans une moindre mesure, de la qualité de l’isolation phonique, laquelle n’a fait l’objet d’aucun engagement contractuel détaillé et précis, alors que, par ailleurs, aucun manquement contractuel relatif à la mise en ‘uvre des éléments techniques particuliers contribuant à la réduction des bruits (notamment, épaisseur du plancher, finitions des sols et plinthes isolation phonique des sols) n’est soulevé et encore moins démontré.

En l’absence d’engagement contractuel précis relatif au bruit dont les époux [J] se plaignent, l’inexécution alléguée n’est pas établie.

En conséquence, il n’y pas lieu de résoudre le contrat.

En définitive, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le jugement déféré, qui a débouté M. et Mme [J] de l’ensemble de leurs demandes, est confirmé.

Sur la demande relative aux frais engagés pour effectuer une expertise sonore :

M. et Mme [J] sollicitent le remboursement des frais engagés par eux pour faire réaliser une étude acoustique de leur appartement.

Outre que les époux [J] succombent en leurs demandes, il s’agit de frais non compris dans les dépens qui ne peuvent être remboursés, s’il y a lieu, que sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile, ce remboursement n’étant en tout état de cause pas justifié.

Sur les frais et dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL NEW MORNING les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent de confirmer la décision du tribunal qui a condamné M. et Mme [J] à lui payer la somme de 200 000 F CFP, et de les condamner à lui payer la somme de 200 000 F CFP au titre des frais d’appel non compris dans les dépens en application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Les dépens de première instance ont été justement mis à la charge de M. et Mme [J] et la décision en ce sens sera confirmée. Les dépens d’appel seront également supportés eux, qui succombent, conformément aux dispositions de l’article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française. Ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.


PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement n° RG 18/00424 du tribunal civil de première instance de Papeete rendu le 22 janvier 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [L] [J] et Mme [V] [E] à payer à la SARL NEW MORNING la somme de 200 000 F CFP (deux cent mille francs pacifique) au titre de ses frais d’appel non compris dans les dépens par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE M. [L] [J] et Mme [V] [E] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à [Localité 7], le 26 janvier 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI


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