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Vu la lettre enregistrée le 2 avril 2010 sous le numéro 10-014, par laquelle une association dont l’objet est notamment de favoriser l’étude et la connaissance du droit du marketing a sollicité l’avis de la commission sur un document publicitaire, émis par une grande enseigne de distribution, annonçant une opération promotionnelle offerte au public ;
Vu les articles L 440-1 et D 440-1 à 440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de sa séance plénière du 23 juin 2010 ;
La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie, le 2 avril 2010, par une association dont l’objet est notamment de favoriser l’étude et la connaissance du droit du marketing. L’avis sollicité porte sur un document publicitaire, émis par une grande enseigne de distribution, annonçant une opération promotionnelle offerte au public.
L’article L 440-1 du code de commerce dispose que la CEPC peut être saisie par toute personne morale. Les avis qu’elle a pour mission d’émettre portent, entre autres, sur les documents commerciaux et publicitaires. Déclarée, l’association qui saisit la Commission jouit de la personnalité morale. Quant au document en cause, il revêt un caractère publicitaire affirmé. La saisine est donc recevable.
L’opération promotionnelle à l’origine de la saisine consiste à proposer à tout acheteur des articles mis en avant dans le document publicitaire un chèque Fidélité à valoir sur (ses) prochains achats dans tous les magasins participant à l’opération. Pour bénéficier de cet avantage, il faut être titulaire d’un compte fidélité sur lequel il est crédité.
L’annonce de l’opération prend la forme suivante :
Téléviseur :
600 € — 50% de remise de fidélité*soit 300€ d’économies = 300 €
L’astérisque renvoie aux explications et modalités de l’opération exposées ci-avant.
Pour l’association, l’importance de l’avantage annoncé rapporté au prix de l’article qui l’engendre paraît constituer l’annonce d’une revente à perte de cet article dans la mesure où la marge du distributeur est inférieure au montant de cet avantage. L’opération tomberait alors sous le coup de l’article L 442 -2 du code de commerce qui interdit d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif.
Si la loi définit le prix d’achat effectif, elle est muette sur le prix de revente qui engendre la marge brute. En l’occurrence, deux approches sont possibles pour appréhender le prix de revente, l’une de nature essentiellement économique, l’autre juridique.
Approche économique
Pour obtenir l’avantage annoncé, le consommateur doit procéder à l’achat de deux produits ou plus : le produit porteur de l’offre et un ou plusieurs autres articles. La perte éventuelle engendrée par l’offre devrait alors s’apprécier en comparant la somme des prix d’achat effectifs à la somme des prix de vente des produits achetés par le consommateur.
C’est cette approche qu ‘avait retenue l’administration en matière de vente avec prime. Elle a considéré que de telles ventes ne contrevenaient à l’interdiction de la revente à perte que si le prix total de l’ensemble des produits composant l’offre était inférieur au cumul de leurs prix d’achat effectifs ( Rep. Cardo : AN 16-11-1998 p. 6306 ).
La chambre criminelle de la Cour de cassation a procédé à une analyse similaire à propos d’une offre portant, à la fois, sur un abonnement d’accès à l’internet et sur un modem. Elle a estimé qu’il fallait prendre en considération l’économie globale de l’opération pour apprécier le délit de revente à perte. Il s’agissait en effet d’une opération indivisible (Cass. crim. 7-5-2002).
Sans s’arrêter au fait que, dans cette affaire, l’une des composantes de l’offre consistait en une prestation de services à laquelle ne s’applique pas la prohibition de la revente à perte, l’approche de la chambre criminelle ne peut être retenue en l’occurrence.
La promotion soumise à la CEPC est, en effet, une offre divisible : seuls les clients titulaires d’un compte fidélité sont susceptibles d’en bénéficier et même ces derniers peuvent n’acheter que le produit porteur de l’offre. En outre, le délit d’annonce de revente à perte ne peut être constitué par la seule annonce de l’opération puisque une éventuelle revente à perte d’un tout impliquerait de connaître a priori les articles sur lequel le consommateur fera porter son choix pour bénéficier de l’avantage. C’est pourquoi il convient de retenir une approche purement juridique.
Approche juridique
Le consommateur qui souhaite profiter de la promotion doit conclure deux contrats de vente ou plus. Le premier portera sur le produit mis en avant ; le ou les autres porteront sur les articles donnant lieu à l’utilisation du chèque ou du crédit fidélité. Le produit porteur de l’offre est donc vendu à un prix qui n’est pas affecté par l’avantage qu’il engendre sur d’autres articles.
Cette approche a été celle de la chambre commerciale de la Cour de cassation dans une affaire qui ne portait pas sur la revente à perte, mais sur la « loi Lang » du 10 août 1981 sur le prix du livre, transposable en l’occurrence.
Elle a en effet estimé que l’opération promotionnelle qui consistait à offrir à tout acheteur d’un certain volume de carburant un album de bandes dessinées à un prix inférieur au prix légal s’analysait comme la conclusion de deux contrats de vente successifs, l’un portant sur le carburant, l’autre sur l’album (Cass. com. 29-1-2002).
La Commission estime également qu’il y a lieu d’observer chaque contrat séparément et que l’avantage présenté au regard du produit en promotion n’a pas à être rapporté au prix de ce produit pour en apprécier une éventuelle revente à perte. Son prix de vente est celui que paiera le consommateur à la caisse du magasin pour l’obtenir. Pour autant que ce prix engendre une marge, le document en cause ne constitue donc pas l’annonce d’une revente à perte.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 23 juin 2010, présidée par M. Daniel TRICOT.
Fait à Paris, le 23 juin 2010
Le Président de la Commission
d’examen des pratiques commerciales,
Daniel TRICOT