La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la lettre enregistrée le 8 mars 2013 sous le numéro 13-34, par laquelle une chambre de commerce et d’industrie interroge la Commission sur les mentions obligatoires à porter sur la facture.
L’article L441-3 du code de commerce précise : « Toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services… ».
La question est de savoir si à l’export, il est obligatoire de porter la réduction de prix en ligne séparée ou bien s’il est possible de continuer de l’intégrer directement dans le prix unitaire à la demande du client étranger.
Il s’agit d’une demande fréquente lorsque les douaniers locaux appliquent les droits de douane sur le prix avant réduction. En effet, si le prix total est de 100 et la réduction de prix de 20%, le montant à payer est de 80 euros. Or, les douaniers appliquent le montant des droits de douane sur les 100 qui figurent sur la facture et non sur les 80 euros à payer.
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors de ses séances plénières des 16 septembre 2013 et 23 janvier 2014 ;
Cette question porte sur les mentions obligatoires à porter sur la facture en cas d’exportation. Elle rejoint plus largement la question relative à l’application dans l’espace des dispositions pénalement sanctionnées (sur ces sujets, voir notamment la réponse apportée dans l’avis de la Commission numéro 13-07), en particulier de l’article L441-3 du code de commerce, s’agissant en particulier de la mention des remises sur la facture. En l’espèce, la facture retrace une vente intervenue entre un vendeur – émetteur de la facture – établi en France et un acheteur étranger. La saisine fait référence à la facturation à l’export. Le présent avis apportera également des éléments de réponse sur l’hypothèse dans laquelle l’acheteur est établi dans un autre Etat membre de l’Union Européenne (livraison intra-communautaire).
L’article L441-3 du code de commerce impose notamment, sous peine d’une amende pénale de 75 000 euros maximum, que « tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l’objet d’une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service. L’acheteur doit la réclamer » et que « toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services » doit être mentionnée sur cette facture.
La facture est un élément de transparence et doit, à ce titre, retracer fidèlement et de manière suffisamment précise les conditions de l’opération réalisée. Ce texte prévoit en outre une coresponsabilité du vendeur et de l’acheteur en cas d’absence de délivrance ou de non – conformité de la facture.
S’agissant de dispositions dont l’inobservation est sanctionnée pénalement, il convient d’appliquer l’article 113-2 du Code pénal aux termes duquel « La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République ». La nationalité de l’auteur de l’infraction est donc indifférente. Ce qui compte, c’est que l’infraction ait été commise – en tout ou partie – sur le territoire français. Aux termes de l’article 113-2 alinéa 2 du même code : « L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ». La notion de fait constitutif a été conçue et est interprétée largement pour embrasser à la fois les éléments constitutifs de l’infraction et les faits participant au processus infractionnel même s’ils se situent en amont ou en aval des éléments constitutifs de l’infraction (D. Rebut, Droit pénal international, Précis Dalloz 2012 n°49).
Par arrêt du 16 juin 1998 (pourvoi n°96-20182), la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que les règles de facturation de l’Ordonnance du 1er décembre 1986 (articles L410-1 et suivants du code de commerce) s’appliquent aux produits achetés en France même si ces produits doivent être distribués ou revendus à l’étranger. Un arrêt du 18 juin 1998 de la même chambre (pourvoi n°97-81510) a par ailleurs retenu l’application de ces mêmes règles du fait que la transaction avait été réalisée en France en considérant que l’importateur français est tenu d’exiger de son fournisseur étranger l’établissement d’une facture conforme aux dispositions de l’article L441-3 du code de commerce dès lors que la vente est réalisée sur le territoire français, quand bien même le vendeur résidant à l’étranger ne serait pas poursuivi, « l’interdépendance des obligations de l’un et de l’autre n’entrainant pas systématiquement des poursuites réciproques ».
Au demeurant, même lorsque les éléments constitutifs de l’infraction sont localisés à l’étranger, les faits peuvent tomber sous le coup de la loi pénale française si leurs effets se produisent en France. La conception large des effets de l’infraction consacrée par la jurisprudence permet d’étendre le champ de la loi pénale française. La DGCCRF s’est prononcée dans ce sens à propos de l’application dans l’espace de l’article L441-7 du Code de commerce imposant la formalisation du contrat de distribution sous peine de sanction pénale en énonçant que « tout contrat qui a un effet sur la revente de produits ou la fourniture de services en France entre dans les dispositions de l’article ». (v. Réponses aux principales questions des opérateurs pour l’application de la Loi de modernisation de l’économie : dossier 28 novembre 2008, (http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Les-relations-industrie-commerce).
Compte tenu de ce qui précède, dès lors que l’article L. 441-3 s’applique à la situation visée, les remises acquises et directement liées à l’opération de vente ou de prestation de services doivent figurer sur la facture, sans possibilité de les intégrer directement dans le prix unitaire et ce, in fine, afin que la facture puisse conserver sa qualité d’instrument de transparence.
A titre d’information, s’agissant de l’assiette et des modalités de calcul des droits de douane, la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) indique qu’il n’est pas possible de dresser un état exhaustif des règles applicables aux exportations.
Ainsi, les circonstances entourant la transaction et, au premier chef, la localisation de cette transaction conduiront à appliquer ou non l’article L441-3 du code de commerce.
En outre, dans le cas d’une livraison intracommunautaire, il est utile de préciser les points suivants :
Au regard des textes fiscaux, les règles de facturation mentionnées à l’article 289 du code général des impôts s’appliquent également aux opérations réputées situées en France en application des articles 258 à 259 D. Cependant, l’article 242 nonies A de l’annexe II au code général des impôts pris en application de l’article 289 précité, autorise, dans certaines circonstances, l’établissement d’une facture simplifiée, conformément à la directive 2010/45/UE du 13 juillet 2010 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de facturation.
A cet égard, l’article 242 nonies A précité, qui énumère les mentions obligatoires devant figurer sur la facture, prévoit la faculté, pour certains acheteurs situés dans un autre Etat membre et disposant d’un mandat de facturation établi par leur fournisseur français, de ne pas faire figurer sur la facture certaines mentions imposées par l’article L. 441-3 du code de commerce, à savoir les rabais, ristournes ou escomptes acquis et chiffrables lors de l’opération et directement liés à cette opération, ainsi que le prix unitaire hors taxe, le taux de la taxe applicable et son montant.
Le projet de loi relatif à la consommation actuellement en cours d’examen au Parlement introduit à l’article L. 441-3 du code de commerce un renvoi à l’article 242 nonies A du CGI, afin de prévoir cette exception.
Enfin, au regard du droit communautaire s’agissant des importations en France et dans les autres Etats membres de l’UE, la valeur en douane des marchandises est principalement constituée par le prix effectivement payé ou à payer pour cette vente (valeur transactionnelle, article 29 du code des douanes communautaire).
Dans ce cadre, la DGDDI précise que le droit de l’Union européenne permet la prise en compte des remises de prix si et seulement si :
- elles se rapportent aux marchandises importées et à évaluer,
- elles reposent sur un droit contractuel valide au moment du dédouanement,
- elles sont revendiquées au moment du dédouanement.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 23 janvier 2014, présidée par Monsieur Daniel TRICOT.
Fait à Paris, le 23 janvier 2014
Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales
Daniel TRICOT