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La Commission d’examen des pratiques commerciales,
Vu la demande d’avis formulée le 16 mars 2015 par la Cour d’appel de Paris, pôle 5 chambre 4 dans une procédure opposant diverses sociétés au ministre de l’économie (numéro d’inscription au répertoire général de la cour d’appel : 13/04879) ;
Vu les articles L440-1 et D440-1 à D440-13 du code de commerce ;
Le rapporteur entendu lors des séances plénières des 21 mai et 25 juin 2015 ;
La Cour d’appel saisit la CEPC pour avis sur les dispositions suivantes de l’article 2 de la convention d’affaires de 2009 entre diverses sociétés :
« …Les clauses ci-dessous énumérées de manière non exhaustive seront exclues ou rediscutées d’un commun accord au motif qu’elles peuvent être considérées comme déséquilibrées et/ou abusives ou ne relèvent pas de la négociation commerciale et/ou relèvent d’un autre document signé par les deux parties…
« Il s’agit des clauses relatives :
« …aux conditions particulières pour la passation et/ou l’acceptation des commandes,
« à l’exclusion des réserves si ces dernières ne sont pas mentionnées sur les bons de livraison,
« à des délais abusivement écourtés pour contester le bien-fondé ou le règlement d’une facture,…
« à l’application des conditions générales de vente aux services rendus par les distributeurs,
« aux conditions logistiques incompatibles avec l’organisation du groupement ,…
« à l’exonération ou la limitation de responsabilité du fournisseur. »
La Cour d’appel invite la CEPC à donner toutes les précisions utiles notamment sur les usages, pratiques et expériences permettant d’apprécier lesdites clauses au regard de l’article L 442-6-I 2° du code de commerce.
L’article L. 442-6-I-2° du code de commerce, qui vise le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties», nécessite d’examiner, outre le résultat recherché ou obtenu sous la forme d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, le comportement à l’origine d’un tel résultat, à savoir le fait de soumettre ou tenter de soumettre.
Au regard des décisions rendues sur le fondement de cette disposition, le comportement visé est en principe celui qui consiste à faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre de rapport de force existant entre les parties, des obligations injustifiées et non réciproques. Dans ses avis n° 13-10 et 14-06, la CEPC a déjà retenu que la soumission consistait notamment à imposer une clause contractuelle sans négociation.
De manière habituelle, dans la grande distribution alimentaire, les contrats annuels sont élaborés selon le schéma suivant : en vue de leur signature avant le 1er mars de chaque année et compte tenu de la multitude des fournisseurs, certains distributeurs leur adressent des projets de contrats, soit après avoir reçu les conditions générales de ventes du fournisseur, soit auparavant. Certaines stipulations du contrat signé, à l’issue de la négociation commerciale, peuvent faire référence à des clauses des Conditions Générales de Vente (CGV) ou des Conditions Générales d’Achat (CGA), qui sont alors annexées au contrat.
Les six clauses citées dans la saisine de la cour d’appel se retrouvent fréquemment dans les CGV des fournisseurs. Quant à la clause d’exclusion ou de re-discussion (article 2 de la convention d’affaires 2009), elle est fréquente dans les contrats pré rédigés présentés par les distributeurs.
Dans ce dossier, la convention d’affaires prend la forme d’un contrat-type proposé par une société à une autre. L’article 2 dudit contrat énumère des clauses – de manière non exhaustive – qui seront exclues ou rediscutées d’un commun accord au motif qu’elles peuvent être considérées comme déséquilibrées et/ou abusives ou ne relèvent pas de la négociation commerciale et/ou relèvent d’un autre document signé par les deux parties.
Il apparaît donc que l’article 2 dans sa rédaction vise essentiellement à écarter a priori ou à rediscuter certaines dispositions contractuelles dans le but d’ouvrir ou de ré-ouvrir une négociation entre les parties. Il prévoit en effet le principe d’une possibilité d’exclusion ou de re-discussion d’un commun accord de certaines stipulations notamment contenues dans les CGV des fournisseurs.
La Commission ne rentrera pas ici dans l’analyse clause par clause, dans la mesure où depuis mars 2015, la Cour de cassation a levé l’incertitude en droit positif sur le point de savoir si le déséquilibre significatif doit être apprécié́ clause par clause ou doit donner lieu à une appréciation globale. Les juges de la haute juridiction ont en effet confirmé le principe selon lequel s’impose une appréciation globale et concrète du contrat litigieux, sans qu’il soit nécessaire de vérifier les effets du déséquilibre. Ils ont à cette occasion précisé dans la logique d’une appréciation globale que si la convention comporte des clauses favorisant une partie, les juges n’ont pas à retenir le déséquilibre significatif dès lors qu’il est établi que les clauses se compensent.
A ce stade de l’analyse, il semble donc difficile de se prononcer par rapport à l’économie générale de la relation dans la mesure où seule la convention d’affaires 2009 est disponible. Ce qui est valable pour la convention l’est encore plus pour le seul article 2 de cette même convention.
Il est également important, pour apprécier la portée réelle de l’article 2 de la convention de 2009, de rappeler les dispositions de l’article L 441-7 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce. Cet article prévoyait que : « I-Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. Etablie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat cadre annuel et des contrats d’application, elle fixe : 1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu’elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l’article L 441-6 ; 2° les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services s’oblige à rendre au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation […] ; 3° les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, […]. La convention unique ou le contrat cadre annuel est conclu avant le 1er mars […] ».
Par conséquent, le problème principal que pose la présente convention est de savoir à quel moment est intervenue la phase de négociation.
De deux choses, l’une :
Au regard des informations disponibles, il semble que la seconde hypothèse soit la bonne. De ce fait, l’article 2 de la convention de 2009 doit être compris comme une clause du contrat final. Le problème posé est par conséquent moins celui de l’existence d’un déséquilibre significatif que celui de la remise en cause du contrat signé entre les parties et de l’incertitude qui en découle du point de vue de la force exécutoire.
En effet, le risque que présente cette convention d’affaires est de voir le distributeur revenir sur certaines clauses du contrat établi à l’issue de la négociation. Autrement dit, avec un tel dispositif contractuel, rien n’est stable et le contrat est susceptible d’être constamment remis en cause sur la base de la rédaction de l’article 2 visant la possible suppression ou re-discussion des six points des CGV, ces points étant en outre listés de façon non exhaustive.
En définitive, la question préalable, avant d’analyser l’existence ou non d’un déséquilibre significatif, est celle de la force obligatoire des contrats. Dans le cas présent, l’article 2 implique que la négociation n’est jamais véritablement achevée et que, par conséquent, l’accord de volonté des parties peut-être privé de force obligatoire.
Délibéré et adopté par la Commission d’examen des pratiques commerciales en sa séance plénière du 25 juin 2015, présidée par M. Daniel TRICOT,
Fait à Paris, le 25 juin 2015.
Le vice-président de la Commission d’examen des pratiques commerciales,