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17/02/2023
ARRÊT N°104/2023
N° RG 21/02640 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OHFA
AB/AR
Décision déférée du 20 Mai 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse ( 19/00847)
DJEMMAL A.
ENCADREMENT
[X] [D]
C/
S.A.S. AIRBUS
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 17 02 2023
à
Me Thibault TERRIE
Me Stéphane LEPLAIDEUR
CCC POLE EMPLOI
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [X] [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Thibault TERRIE de la SELARL TERRIE CHACON, avocat au barreau d’ALBI
INTIMEE
S.A.S. AIRBUS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C.Brisset, présidente et A. Pierre-Blanchard conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C.Brisset, présidente
A. Pierre-Blanchard, conseillère
F. Croisille-Cabrol, conseillère
Greffier, lors des débats : A. Ravéane
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C.Brisset, présidente, et par A. Ravéane greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [X] [D] a été embauché suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 décembre 1980 par la SAS Airbus, et occupait en dernier lieu un poste de A380 Business Developement Director, statut cadre, position III B indice 180, de la convention collective nationale de la métallurgie.
Le salarié a pris un congé sabbatique de 9 mois entre 2013 et 2014.
A compter du 20 avril 2018, le contrat de travail de M. [D], a été suspendu dans le cadre de divers arrêts de travail délivrés suite à un accident cardiaque survenu sur le lieu de travail.
Le 19 novembre 2018 lors de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude de M. [D], alors âgé de 64 ans, à son poste de travail.
Par courrier du 13 février 2019, M. [D] s’est vu proposer un reclassement sur le poste de Technical Marketing Manager, validé par le médecin du travail et sur avis favorable des délégués du personnel.
Par courrier du 26 février 2019, le salarié a refusé ce poste de reclassement.
Par lettre du 6 mars 2019, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé le 18 mars 2019.
Par courrier du 21 mars 2019, M. [D] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête en date du 29 mai 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de contester son licenciement, sollicitant la nullité de celui-ci pour harcèlement moral, et soutenant subsidiairement son défaut de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 20 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– jugé que le licenciement de M. [X] [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes,
– laissé à chaque partie la charge de ses dépens,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [D] a relevé appel de ce jugement le 11 juin 2021, puis une deuxième fois le 15 juin 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans ses déclarations d’appel les chefs critiqués.
Par ordonnance du 28 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a joint les procédures.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [D] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse en date du 20 mai 2021 en ce qu’il a jugé que :
* le licenciement de M. [X] [D] reposait sur une cause réelle et sérieuse,
* débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes,
* laissé à chaque partie la charge de ses dépens,
* dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence :
– à titre principal, juger que le licenciement intervenu est entaché de nullité,
– à titre subsidiaire, juger que le licenciement intervenu est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS AIRBUS à payer à M. [D] la somme de 291 456 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
– juger que l’employeur a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral,
– condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme de 100 000 euros à titre de réparation du préjudice résultant de la violation de l’obligation de prévention du harcèlement moral,
– juger que la société Airbus n’a pas assuré le maintien de la rémunération conformément aux dispositions conventionnelles,
– en conséquence, condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme correspondant au maintien de rémunération soit la somme de 3 477,32 euros,
– juger que la société Airbus en n’assurant pas le maintien de la rémunération conformément aux dispositions conventionnelles a causé un préjudice à M. [D] qui a dû s’organiser,
– en conséquence, condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– juger que la société Airbus n’a pas versé à M. [D], pour la période non-prescrite, la prime de vendeur (382 euros par mois),
– en conséquence, condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme de 13 752 euros à titre de rappel de prime,
– juger que la société Airbus, en écartant dès l’avis d’inaptitude le salarié de l’accès à l’entreprise et en n’assurant pas la protection sociale a manqué à ses obligations,
– en conséquence, condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice,
– juger que M. [D] n’a pas bénéficié de l’intégralité de la prime annuelle contrairement à ses collègues de travail,
– en conséquence, condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme de 18 965 euros à titre de rappel des primes annuelles,
– fixer la moyenne mensuelle de rémunération à hauteur de 8 096 euros,
– condamner la société Airbus à payer à M. [D] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Airbus aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 décembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Airbus demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 20 mai 2021 dans toutes ses dispositions.
Par conséquent :
– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [D] à verser à la SAS Airbus la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel,
– condamner M. [D] aux entiers dépens.
MOTIFS :
Sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et discrimination liée à l’âge :
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aux termes de l’article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.
En application de l’article L 1154-1, il appartient au salarié qui se prétend victime d’agissements répétés de harcèlement moral d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un tel harcèlement (version antérieure à la loi du 8 août 2016) ou de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un tel harcèlement (version issue de la loi du 8 août 2016). Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Par application de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Et l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit comme suit les différentes formes de discrimination :
– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance , vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre, ne l’est, ne l’a été, ou ne l’aura été, dans une situation comparable,
– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires ou appropriés,
– la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
L’article L 1134 – 1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 .
Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles .
En l’espèce, M. [D] soutient que la relation de travail s’était déroulée sans difficulté depuis son embauche, et qu’elle s’est dégradée à son retour de congé sabbatique en 2014. Il affirme qu’à compter de son retour il a été victime d’un harcèlement moral et d’une discrimination liée à son âge, ayant causé la dégradation de son état de santé puis son inaptitude, de sorte que son licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement est nul.
Au soutien de sa demande, il fait valoir en premier lieu que sa notation professionnelle (prime de performance individuelle) a été baissée depuis son retour de congé sabbatique, sans raison valable et sans explication.
Ainsi, alors que la performance chez Airbus est graduée de 70 (notation très inférieure à la moyenne) à 144 (salarié ‘très doué’) et que la moyenne des salariés est notée entre 80 et 114, M. [D] qui a toujours occupé le poste de ‘A380 Business Development Director’ depuis 1994, et a toujours été noté entre 140 et 110, a vu sa notation passer de 110 (‘high performer’) en 2013 et 2014 à 80 en 2015 puis 70 en 2016 et 70 en 2017.
Cette baisse n’est pas contestée par Airbus, qui s’en explique dans ses conclusions.
M. [D] justifie avoir interrogé le 7 juillet 2017 sa hiérarchie en la personne de Mme [T] sur ladite baisse de notation, cette dernière lui a tout d’abord répondu ‘certainement [X], je proposerai un créneau pour discuter la semaine prochaine’ puis, le 3 août 2017 : ‘ta performance est très en dessous des attentes associées au rôle d’un Business Development Director. Certainement, des actions doivent être prises, et je vais lancer un plan de restauration de performance pour aider à te récupérer de cette situation de performance non satisfaisante. Je lancerai une invitation pour que l’on se rencontre au début de septembre. Tu n’es pas et ne seras pas en droit de recevoir la ‘prime vendeurs’. En tant que ton manager je considère vraiment que ton profil n’est pas en accord avec les demandes (attentes) d’un A380 Business Development Director’.
M. [D] a formulé une nouvelle demande d’explications sur cette baisse, par mail du 4 septembre 2017 puis par courrier recommandé du 25 novembre 2017 sans obtenir de réponse concrète puisqu’il lui était répondu le 30 janvier 2018 ‘nous estimons avoir répondu à vos deux questions au cours des différents échanges de courriels ces derniers mois. En outre, nous vous confirmons qu’un accompagnement (restore performance) va être lancé prochainement pour vous permettre d’acquérir un niveau de performance satisfaisant sur votre poste’.
M. [D] fait également valoir une baisse de sa rémunération : plus d’augmentation du salaire fixe annuel, et baisse de la rémunération variable. Il rappelle que sa rémunération globale annuelle était de 92 569 € en 2012, soit avant son congé sabbatique, puis de 57 367 € et 54 784 € en 2013 et 2014 (congé sabbatique), puis à son retour, de 85 954 € en 2015, de 85 139 € en 2016 et de 83 500 € en 2017.
Son salaire fixe mensuel était augmenté de 130 € en 2010, 150 € en 2011, 150 € en 2012, puis n’a plus connu d’augmentation en 2013 et 2014 (congé sabbatique), puis a été augmenté de 37 € en 2015, de 0 € en 2016, de 13 € en 2017 et 0 € en 2018.
Il y a donc bien une chute de sa rémunération.
M. [D] fait également valoir une inégalité de traitement dans l’attribution de la prime vendeur, au motif qu’il est le seul ‘business director’ à ne pas la percevoir, et qu’il n’a obtenu aucune explication valable (il s’agissait de la deuxième question adressée à sa hiérarchie et visée par elle dans la réponse du 30 janvier 2018).
L’absence de perception de cette prime vendeur par M. [D] n’est pas discutée par l’employeur.
M. [D] soutient également avoir été mis à l’écart d’un projet, car les comptes japonais dont il s’occupait auraient été confiés à un collègue en octobre 2016. Toutefois le salarié ne produit à l’appui de cette affirmation qu’un bref échange de mails en anglais, traduit de son côté par l’employeur, mettant en évidence davantage un malentendu qu’une mise à écart de M. [D], puisqu’il s’agissait d’une précision apportée par l’un de ses collègues à un autre sur le fait qu’il n’y avait pas besoin de chercher quelqu’un pour les comptes japonais car M. [D] s’en occupait.
La mise à l’écart n’est donc pas établie.
M. [D] fait également état d’une tentative de l’employeur de le forcer au départ lors d’un entretien du 9 novembre 2017 en lui proposant un abandon de poste et un licenciement pour faute grave moyennant la somme de 104 926,32 € ; cet élément ne ressort que du propre courrier de M. [D] affirmant reprendre les termes de l’entretien, et il a été contredit par un courrier en réponse de l’employeur ; le fait est donc insuffisamment établi.
Enfin, M. [D] justifie de l’altération de son état de santé concomitante à ces faits, il verse aux débats les justificatifs de consultations au service des maladies professionnelles de l’hôpital Purpan le 19 septembre et le 12 décembre 2016, de consultations du psychologue du centre médical d’Airbus les 3 novembre et 12 décembre 2016, et d’un suivi par un psychiatre.
Ces éléments évoquent un ‘problème de reconnaissance de ses compétences professionnelles’, un ‘stress professionnel’, une ‘situation évoquée de souffrance au travail’ et un syndrome anxio-dépressif.
Par ailleurs, M. [D] a adressé une déclaration d’accident du travail à la médecine du travail le 20 octobre 2016 pour ‘propos discriminatoires récurrents et dépossédé factuellement de mon autonomie professionnelle’, cette déclaration n’a pas été suivie d’arrêt de travail.
Enfin, M. [D] justifie de son accident du travail du 20 avril 2018, s’agissant d’un malaise cardiaque survenu sur le lieu de travail ayant nécessité une hospitalisation et un arrêt de travail jusqu’à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour estime que les faits retenus comme établis, pris dans leur ensemble, font présumer et laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
En revanche, ils ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte liée à l’âge du salarié, en effet à aucun moment l’âge du salarié n’est évoqué dans les échanges avec l’employeur, et M. [D] ne produit aucun élément, autre que ses doléances, faisant état de son âge et d’un lien possible avec la situation vécue sur le plan professionnel.
Ainsi, la discrimination sera écartée, en revanche il appartient à la société Airbus de justifier que les faits retenus par la cour s’expliquent par des considérations étrangères à tout harcèlement moral.
S’agissant de la baisse de notation de performance individuelle de M. [D], la société Airbus se contente d’indiquer qu’à son retour de congé sabbatique le salarié s’est désinvesti, or force est de constater que nulle trace objective de ce désinvestissement ne figure parmi les pièces produites.
En particulier, aucun entretien annuel d’évaluation n’est produit par l’employeur, ni même le moindre mail laissant apparaître un désinvestissement de M. [D] dans l’exercice de ses fonctions depuis son retour en 2014.
De son côté, M. [D] verse aux débats uniquement la notation chiffrée des années 2015 et 2016, sans évaluation, et l’entretien annuel complet de 2017 avec la conclusion ‘bellow expectations’ mais cette pièce de 3 pages est en anglais et non traduite, de sorte que la cour ne peut prendre en compte cette pièce irrecevable.
Il demeure la seule affirmation péremptoire de Mme [T] selon laquelle M. [D] ‘n’est pas à la hauteur des attentes’ sur son poste, affirmation laconique en réponse aux questionnements du salarié sur sa baisse continue de notation, ce qui ne permet pas de considérer comme établie cette prétendue baisse de performance.
S’agissant de l’absence de versement de la prime vendeur, la société Airbus ne conteste ni le fait que cette prime attribuée aux business directors, ni le fait que M. [D] était le seul à ne pas en percevoir.
Il ressort du mail de Mme [T] du 3 août 2017 que cette prime lui était refusée en raison de son profil ne correspondant pas aux attentes du poste, de sorte qu’il était fait un lien entre les performances de M. [D] et l’attribution de cette prime.
Dans ses écritures, la société Airbus fournit une explication différente et indique sans en justifier que cette prime était attribuée aux seuls salariés effectuant des déplacements à l’étranger, or M. [D] effectuait de tels déplacements puisqu’il s’est rendu aux Etats-Unis de fin novembre 2015 à début décembre 2015 puis en février 2016, et devait effectuer un déplacement en Inde programmé en janvier 2016 puis annulé.
M. [D] avait par ailleurs signalé au médecin du travail que sa hiérarchie refusait depuis 2016 de lui confier d’autres déplacements à l’étranger.
Au regard de ces éléments, la société Airbus n’objective pas les raisons pour lesquelles elle a privé son salarié de cette prime.
Quant à la dégradation de l’état de santé du salarié, la cour observe qu’elle est parfaitement contemporaine des difficultés professionnelles rencontrées par M. [D] à son retour de congé sabbatique, et que l’ensemble des acteurs médicaux, y compris le psychologue interne à l’entreprise Airbus et le médecin du travail, ont fait le lien entre l’état de santé de M. [D] et les conditions de travail décrites par lui, étant rappelé que l’accident du travail du 20 avril 2018 a été pris en charge comme tel par la CPAM et que l’origine professionnelle de cet accident n’a pas été judiciairement remise en cause.
En conséquence, la cour juge, contrairement au conseil de prud’hommes, que le harcèlement moral à l’encontre de M. [D] est établi.
Celui-ci entraîne la nullité du licenciement prononcé pour l’inaptitude résultant de ces agissements, par application des dispositions de l’article L1152-3 du code du travail, et ouvre droit au salarié à une indemnisation du préjudice issu de la rupture ne pouvant être inférieure au salaires des six derniers mois travaillés.
En l’espèce M. [D] était âgé de 64 ans et avait acquis plus de 38 ans d’ancienneté lors du licenciement ; il percevait en dernier lieu une rémunération moyenne de 6268 € bruts ; il a perçu jusqu’à fin 2020 l’allocation de retour à l’emploi puis a fait valoir ses droits à retraite.
Ces éléments justifient de lui allouer la somme de 70 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Il sera fait application des dispositions de l’article L1235-4 du code du travail à l’égard de la société Airbus dans la limite de six mois d’indemnités chômage versées au salarié.
Sur la violation de l’obligation prévention du harcèlement moral :
M. [D] reproche à la société Airbus d’avoir manqué à son obligation de sécurité, en étant à l’origine des difficultés rencontrées par le salarié et ne prenant pas de mesure de prévention du harcèlement moral.
La cour rappelle que l’employeur a été reconnu comme étant à l’origine des difficultés rencontrées par M. [D] puisque le harcèlement moral est établi, le préjudice né de ce harcèlement moral a été pris en compte par la cour dans l’indemnisation accordée à M. [D] pour licenciement nul à raison du harcèlement ; quant à l’absence de prévention du harcèlement, s’il est exact que l’employeur n’a pas répondu aux doléances de M. [D] sur sa situation, la cour estime que M. [D] n’objective pas de préjudice moral distinct de celui déjà réparé au titre du harcèlement moral et du licenciement nul.
En conséquence cette demande indemnitaire sera rejetée par confirmation du jugement déféré.
Sur la prime vendeur :
Il a été précédemment jugé que M. [D] avait été privé à tort de la prime vendeur.
La société Airbus soutient dans ses conclusions que la demande de primes est prescrite pour la période antérieure au mois de mars 2016, soit 3 ans avant rupture, mais ne fait valoir aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ses écritures de sorte que la cour n’est pas saisie de cette irrecevabilité.
Sur le fond, M. [D] sollicite la somme de 13752 € en affirmant que cette prime est de 382 € par mois, sans verser aucune pièce permettant à la cour de vérifier le bien-fondé de ce montant. Aucune des pièces produites par les parties n’évoque le montant de cette prime, de sorte que la cour ne peut faire droit à cette demande dont le quantum n’est pas justifié.
La demande sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré.
Sur le maintien de la rémunération pendant l’arrêt de travail :
M. [D] a été placé en arrêt de travail du 20 avril 2018 au 19 novembre 2018 ; il indique ne pas avoir bénéficié de l’intégralité du maintien de salaire prévu par l’article 16-2 de la convention collective, et qu’il lui reste dû 1039,36 € pour l’année 2018 et 2437,96 € pour l’année 2019.
S’agissant des calculs effectués par M. [D] pour prétendre à des sommes complémentaires, la cour observe que le salarié ne tient pas compte du fait que son maintien de salaire à 100% a pris fin le 11 novembre 2018, et qu’il ne pouvait prétendre qu’à un maintien à 50% ensuite, conformément aux dispositions conventionnelles.
Les éléments produits par la société Airbus, en réponse aux courriers de M. [D] et de l’inspection du travail, permettent de constater que le salarié a été rempli de ses droits en considération des relevés d’IJSS qu’il a transmis à l’employeur.
En conséquence, les demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts formulées par M. [D] seront rejetées par confirmation du jugement déféré.
Sur la demande indemnitaire pour perte d’accès au site Airbus et perte de la complémentaire santé :
M. [D] indique qu’à compter de son arrêt de travail du 20 avril 2018, ses droits d’accès au site ont été suspendus tout comme sa couverture complémentaire santé.
Il a formulé une demande le 20 décembre 2018 auprès de la direction des ressources humaines, puis a saisi l’inspecteur du travail qui a écrit à l’employeur pour régulariser la situation.
La société Airbus reconnaît qu’une erreur a été commise sur la période du 20 novembre au 19 décembre 2018 en raison d’une transmission tardive du dossier à l’organisme complémentaire IPECA mais affirme qu’elle a été régularisée par une démarche effectuée par la société Airbus le jour même de l’appel de M. [D], ce qui est exact au regard des éléments produits.
Elle a admis par courrier du 1er mars 2019 adressé à l’inspecteur du travail que l’avis d’inaptitude avait été transmis tardivement au service en charge de la complémentaire santé, ce qui avait conduit à une erreur de leur part, et a par ailleurs indiqué que les accès au site avaient été rétablis le 19 janvier 2018 au profit de M. [D].
M. [D], qui ne fait la démonstration d’aucun préjudice relatif à ces griefs, sera débouté de sa demande indemnitaire par confirmation du jugement entrepris.
Sur le rappel de primes au titre de la rémunération variable :
M. [D] rappelle que sa prime annuelle n’a fait que chuter au fil des années depuis 2014 car la notation de sa performance professionnelle a baissé, et demande un rappel calculé par rapport aux primes perçues sur les années antérieures à 2014.
La société Airbus explique que la rémunération variable peut atteindre 12% maximum de la rémunération annuelle brute si les objectifs sont atteints à 100%, ce qui selon elle n’était pas le cas de M. [D].
Il ressort de la pièce n°3 produite par M. [D] qu’il a perçu une prime annuelle sur performance de 10 176 € en 2012 ; cette prime est versée chaque année en deux fois: le solde de l’année N-1 en avril de l’année N, et un acompte de 7% en décembre de l’année N, ainsi la prime de 10 176 € perçue en 2012 se rapportait au solde de l’année 2011 pour 4953 € et à l’acompte de 7% sur 2012 de 5223 €.
La comparaison des chiffres avancés par M. [D] en page 37 de ses conclusions et de ceux avancés par l’employeur en pièce 10 montre un décalage : quand M. [D] affirme avoir perçu 7210 € de prime ‘pour l’année 2016″, c’est en réalité 7210 € composés du solde de l’année 2016 versé en avril 2016 et d’un acompte sur 2017 versé en décembre 2016.
Ainsi, quand M. [D] affirme ne rien avoir perçu ‘pour l’année 2018″, l’employeur justifie lui avoir versé un acompte de 5265,12 € en décembre 2017 et un solde de 1955,88 € en avril 2018.
Il n’en demeure pas moins qu’à compter de l’année 2015, il apparaît que M. [D] n’a pas perçu la même prime annuelle qu’avant son congé sabbatique puisque l’employeur justifie lui avoir versé 6570 € en 2015, 7210 € en 2016, 6310 € en 2017, 7221 € en 2018 et 4814,01 € en 2019, contre 10 176 € en 2012 (année complète avant congé sabbatique).
La société Airbus ne produit strictement aucune pièce sur les objectifs ayant été assignés à M. [D], et sur les performances de ce dernier durant les années litigieuses au cours desquelles ses primes ont été baissées.
Ainsi, M. [D] est fondé à obtenir un rappel de prime annuelle de 13 393 € au total sur les années 2015, 2016, 2017 et 2018 ; pour l’année 2019 il est rappelé que M. [D] a quitté les effectifs le 21 mars 2019, il perçu 4814,01 € en décembre 2018 à titre d’acompte sur 2019 et la cour considère que M. [D] été rempli de ses droits au titre de cette année incomplète.
Il sera donc alloué à M. [D], par infirmation du jugement déféré, la somme de 13 393 € à titre de rappel sur primes annuelles.
Sur le surplus des demandes :
La société Airbus , succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris ainsi qu’aux dépens d’appel et à payer à M. [D] la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.