Harcèlement moral au Travail : 21 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05296

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Harcèlement moral au Travail : 21 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05296
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 21 FEVRIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05296 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHRK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/08098

APPELANT

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Christine PAQUELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0450

INTIMEE

L’INSTANCE COMMUNE DU GROUPE PUBLIC UNIFIÉ VENANT AUX DROITS DU COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE CENTRAL DU GROUPE PUBLIC FERROVIAIRE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [Y] [C], né en 1978, a été engagé en qualité de Coordinateur de travaux par le Comité Central d’entreprise de la SNCF devenu le Comité social et économique central du Groupe Public Ferroviaire (CCGPF), aux droits duquel intervient l’Instance commune du Groupe Public Unifié (également CCGPF), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 décembre 2013 au poste de coordinateur de travaux, agent de maîtrise coefficient 202, au sein du service Travaux/Matériel (STM).

Le STM a pour objet de garantir aux cheminots que les centres de vacances qui accueillent leurs enfants dans le cadre des activités sociales et cultuelles dont le CCGPF assure la gestion sont conformes aux normes de sécurité et d’hygiène.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention des personnels des Comités d’Établissement et du Comité Central d’Entreprise de la SNCF.

M. [C] a été placé en arrêt de travail à compter du 24 avril 2018 jusqu’à son départ de l’entreprise en raison d’un syndrome dépressif.

Le 15 mai 2018, M. [C] s’est vu notifier un avertissement.

Par lettre du 20 juin 2018, M. [C] a été convoqué pour un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 2 juillet 2018 avant d’être licencié pour faute grave par lettre du 6 juillet 2018.

A la date du licenciement M. [C] avait une ancienneté de 4 ans et 6 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts ainsi que le versement d’une prime, M. [C] a saisi le 25 octobre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris, qui par jugement rendu le 24 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

Dit qu’il n’y pas de harcèlement moral avéré ;

Dit que le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF n’a pas manqué à son obligation de santé et de sécurité ;

Dit que le licenciement de M. [C] est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse;

Le conseil prend acte que le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF reconnaît devoir la somme de 367.54 euros à titre de prime de la gratification exceptionnelle de l’année 2017, la condamne en tant que de besoin en deniers ou quittance;

Condamne le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF à payer à M. [Y] [C] les sommes suivantes’:

* 2.893,08 euros à titre d’indemnité de licenciement légale

* 4.959,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 495,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

Les intérêts courent à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, pour les créances de nature salariale à compter du prononcé du jugement pour les créances à caractère indemnitaire;

Déboute M. [Y] [C] du surplus de ses demandes ;

Déboute le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 30 juillet 2020, M. [C] a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes, notifié aux parties par lettre du greffe adressée aux parties le 10 juillet 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 octobre 2020, M. [C] demande à la cour’de :

Confirmer le jugement attaqué sur l’ensemble des condamnations prononcées au profit de M. [C] ;

L’infirmer sur les chefs de demande dont M. [C] a été débouté ;

Statuant à nouveau, y ajoutant :

Dire et juger que le licenciement de M. [C] est nul et en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse ;

Dire et juger que l’employeur a manqué à son obligation de santé et de sécurité prévue à l’article L. 4121-1 du code du travail ;

Condamner le CSE central du groupe public ferroviaire, venant aux droits du CCGPF, à verser à M. [C] les sommes suivantes :

– 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse.

– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du c.p.c. au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamner l’employeur au entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 octobre 2022, l’Instance commune du Groupe Public Unifié venant aux droits du Comité social et économique central du Groupe Public Ferroviaire demande à la cour de:

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 24 janvier 2020 des chefs de jugement suivants :

Dit qu’il n’y a pas de harcèlement moral avéré.

Dit que le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF n’a pas manqué à son obligation de santé et de sécurité

Débouté M. [C] de ses demandes de dommages et intérêts, d’une part, pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse et, d’autre part, pour harcèlement moral ;

Débouté M. [C] de sa demande au titre de l’article 700 du CPC.

Reformer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 24 janvier 2020 des chefs de jugement suivants :

Dit que le licenciement de M. [C] est requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Condamne le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF à payer à m. [Y] [C] les sommes suivantes :

* 2.893,08 € à titre d’indemnité de licenciement légale

* 4.959,58 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 495,95 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

Les intérêts courent à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, pour les créances de nature salariale et à compter du prononcé du jugement pour les créances à caractère indemnitaire;

Déboute le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne le comité social et économique CSE central du groupe public ferroviaire venant aux droits du comité central d’entreprise du groupe public ferroviaire CCGPF au paiement des entiers dépens ;

Y faisant droit,

Et statuant à nouveau :

Déclarer que licenciement de M. [C] repose sur une faute grave ;

Ordonner à M. [C] de restituer l’entier matériel mis à sa disposition par l’Instance commune du Groupe Public Unifié pour les besoins de ses fonctions, tel que répertorié aux termes de la pièce 5 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la signification de l’arrêt à venir ;

En conséquence,

Débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes et prétentions plus amples ou contraires;

Condamner M. [C] à verser à l’Instance commune du Groupe Public Unifié la somme de 2.500 euros au titre des frais de première instance ainsi que la somme de 3.000 euros pour les frais d’appel sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 10 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement

Pour infirmation de la décision déférée, M. [C] soutient qu’il a été victime de harcèlement moral dès son embauche dans l’entreprise ; que son licenciement s’inscrit dans la continuité des actes de harcèlement.

L’employeur rétorque’en substance que M. [C] ne rapporte pas un début de commencement de preuve de faits de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre ni la preuve que le CCGPF aurait manqué à son obligation de sécurité et qu’un tel manquement lui aurait causé un préjudice.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1152-3 du même code précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

L’article 954 du code de procédure civile dispose que les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

En l’espèce, M. [C] n’indique pas dans la partie discussion de ses conclusions les pièces invoquées et leur numérotation à l’appui de sa demande au titre du harcèlement moral. Dès lors la cour ne peut examiner les moyens de fait au soutien de sa prétention.

Par confirmation de la décision déférée sur ce point, M. [C] sera débouté sa demande au titre du harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement.

Sur la cause réelle et sérieuse

Pour infirmation du jugement sur ce point, M. [C] fait valoir que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire lors de la notification de l’avertissement dont il a été l’objet le 15 mai 2018, pour tous les faits antérieurs ; que le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse ; qu’en tout état de cause, la faute grave n’est pas établie.

Le CCGPF réplique qu’il n’a eu connaissance de l’ampleur des manquements de M. [C] que le 15 juin 2018 lorsque que M. [R], supérieur hiérarchique de M. [C] a transféré à la directrice ajointe des ressources humaines, l’historique des mails avec la mairie de [Localité 5] suite à son alerte concernant les prescriptions non levées ; que la faute grave est établie.

Il résulte de l’article L. 1331-1 du code du travail que l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

L’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir.

La lettre de licenciement du 6 juillet 2018 est ainsi rédigée :

‘Vous avez été embauché le 9 décembre 2013 au sein de notre comité entant que coordinateur travaux, au statut d’agent de maîtrise. A ce titre vous avez la responsabilité d’une partie des centres de vacances enfants du CCGPF, à savoir ceux situés au sein des régions Centre, Alpes et Jura.

Nous avons été destinataire tout comme vous d’un mail de Mme [S], maire de [Localité 5], le 24 avril 2018 faisant état d’une situation alarmante quant au centre de vacances sis sur sa commune relevant de la région Centre, pouvant l’amener à devoir prendre un arrêt de fermeture.

Ce courriel du 24 avril 2018 met en évidence que :

– la commission de sécurité a émis, suite à sa visite du 18 janvier 2018 de ce centre de vacances, un avis défavorable à son ouverture pour les mois de juillet et août 2018 ;

– le rapport de cette commission vous ayant été envoyé par mail et courrier par Mme [S] du 7 février 2018 celui-ci visant l’ensemble des prescriptions à satisfaire pour qu’une ouverture de cet été soit possible, étant précisé que ces prescriptions devaient impérativement être levées dans le délai d’un mois ;

– ses correspondances à votre attention étant restées sans réponse ;

– Mme [S] concluant qu’en conséquence, à défaut de réponse au 15 mai 2018, elle serait contrainte de prendre un arrêté de fermeture du centre.

Compte tenu de votre arrêt de travail ce même 24 avril 2018, nous avons dû investiguer pour comprendre comment une telle situation avait pu se produire et pour connaître de quelles prescriptions il était question au point de pouvoir engendrer une fermeture de l’établissement.

Dans le cadre des investigations qui se sont imposées, nous sommes parvenus à prendre connaissance du mail du 7 février 2018 et donc du rapport de la commission de sécurité, les membres de la commission ayant expiré ses demandes de réalisation des prescriptions suivantes:

– Lever les observations concernant la vérification technique électrique,

– Lever les observations concernant la vérification technique éclairage de sécurité,

– Lever les observations concernant la vérification technique annuelle du système de sécurité incendie (SSI),

– Fournir le rapport concernant la vérification technique triennale du SSI,

– Lever les observations concernant la vérification technique triennale du SSI,

– Procéder au nettoyage des hottes,

– en outre qu’ils relevaient encore 9 prescriptions issues du précédent contrôle réalisé le 9 octobre 2014 n’avaient pas été levées ; lesquelles n’étaient pas des moindres dès lors qu’elles visaient notamment la nécessité de remplacement du puisard d’aspiration par un poteau incendie,

– que les essais réalisés sur les issues de secours n’étaient pas satisfaisants,

– que le système de sécurité incendie était défectueux,

– et que la défense incendie était insuffisante.

La gravité de cette situation que vous avez laissée s’installer faute de satisfaire à vos obligations professionnelles, nous laissant à peine 15 jours ouvrables pour apporter réponse et éviter une fermeture est d’autant moins compréhensible que :

-M. [G], responsable patrimoine régional, vous avait alerté par mail dès le 19 janvier 2018 sur l’avis défavorable émis par la commission de sécurité qui s’était réunie le 18 janvier 2018 ;

– Sans que vous n’ayez jugé utile d’entreprendre la moindre action notamment jusqu’à son terme;

– Vous n’aviez pas plus pris en compte ni agit en conséquence, les observations contenues dans le rapport de visite contradictoire organisée avec les services de la SNCF en votre présence, le 14 juin 2017, lequel relevait déjà que le SSI et le système de désenfumage n’avaient pas pu être vérifiés.

En effet, tout au plus, vous avez interrogé Mme [S] le 18 janvier 2018 sur le niveau de débit du réseau de la ville afin de déterminer si l’installation d’un poteau incendie est envisageable, s’agissant d’une prescription émise depuis octobre 2014…

Réponse était apportée à votre demande par Mme [S] aux termes de son mail du 7 février 2018, précisant qu’elle avait demandé l’établissement d’un devis qu’elle vous ferait parvenir dès réception.

N’ayant apporté aucune réponse à ses correspondances, la suite de cette demande a dû être gérée directement par M. [G] bien que vous ayez été destinataire des différents échanges qui s’en sont suivis.

Il résultait de ses démarches et études diligentées qui vous incombaient pourtant que la réalisation d’un poteau n’étant pas réalisable, une réserve incendie devait être installée.

Suite à la commande que vous avez passée, celle-ci a dû être annulée et refaite par le responsable du service le 25 avril 2018, compte tenu du fait que votre command ne correspondait pas au devis transmis par le fournisseur, outre que les précisons demandées par ce dernier concernant l’emplacement de la citerne n’avaient pas été renseignées par vos soins.

Vous n’avez pas plus donné suite au devis de la société SIEL pour la réalisation d’une mission de coordination SSI et pour le remplacement des SSI du centre de [Localité 5], opérations pourtant indispensables à la levée des prescriptions émises par la commission de sécurité.

Ainsi le devis de M. [H], coordinateur SSI de la société SIEL, transmis le 19 février 2018 est resté sans réponse de votre part et ce, une nouvelle fois, malgré la relance du 10 avril 2018 de M. [G].

Nous avons aussi pu constater que vous avez transmis à M. [G] les rapports sur l’électricité et le gaz ainsi que le rapport de la vérification triennale SSI pour le site de [Localité 5] le 18 janvier 2018, sans formuler aucun commentaire sur leur contenu et sans lui prodiguer aucun conseil, alors qu’en votre qualité de coordinateur travaux, il vous appartient de veiller à la bonne application de la législation et des normes en vigueur au sein des structures relevant de vos régions.

Il résulte de ce qui précède que :

– alertés par le mail du Mme [S] le 24 avril 2018, les responsables du services travaux matériels ont pris contact immédiatement avec elle ainsi qu’avec le pompier en charge de la commission de sécurité. Tous deux ont déploré, à nouveau, l’absence de votre part ;

– compte tenu des délais et de la menace de fermeture de notre structure, les responsables du service ont dû agir dans l’urgence pour d’une part fournir l’ensemble des documents demandés lors de cette commission et d’autre part, envisager les travaux nécessaires à la levée des prescriptions.

Les travaux correspondant à l’installation de la citerne et d’une centrale incendie ont nécessité l’engagement sans délai de plus de 85K€.

Ils ont également dû se présenter à la préfecture de la Dordogne le 3 juillet 2018 pour s’expliquer sur cette situation, étant précisé qu’il leur a été enjoint de s’engager sur la présence, durant l’exploitation du centre d’un SSIAP 2 pour éviter une fermeture. Cet engagement génère un nouveau coût supplémentaire.

L’ensemble de ces manquements à vos obligations professionnelles sont d’une extrême gravité dès lors qu’ils ont exposé le CCGPF à un risque de fermeture du centre de vacances pour lequel les réservations des cheminots sont finalisées, ce centre devant accueillir 170 enfants durant l’été, tout en ternissant notre image auprès des autorités publiques notamment quant à notre capacité à satisfaire nos obligations de sécurité du public que nous accueillons.

Ce risque n’a été écarté qu’en raison de l’intervention de votre responsable et des services centraux pour palier à vos manquements et agir en vos lieu et place, ce dans l’urgence. En effet, ce n’est que le 5 juillet 2018, soit mois de 5 jours avant l’arrivée prévue des enfants dans le centre de vacances que Mme [S], maire de [Localité 5], a délivré un arrêt municipal autorisant son ouverture.

Cette autorisation tardive, après tous nos efforts dans des délais très restreints, a par ailleurs généré une difficulté grave dès lors que sans cette autorisation, il nous était impossible de satisfaire à notre obligation légale de déclaration du séjour au sein du fichier téléprocédure accueil mineurs, celle-ci devant impérativement être effectuée au moins 8 jours avant l’arrivée des enfants. Nos services centraux ont donc été contraints d’intervenir à de multiples reprises auprès de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations pour tenter d’obtenir une dérogation.

Dès lors vos manquements ayant conduit tant à un nombre de prescriptions importantes et graves de la part de la commission de sécurité qu’à l’obligation pour le CCGPF de se concentrer quasi exclusivement sur ce centre de vacances au détriment de ses autres obligations pour éviter une fermeture imminente, il en a résulté l’engagement de coûts importants dans de très brefs délais et ainsi notamment éviter l’annulation des réservations et leurs remboursements.

Nous ajoutons que nous n’avez à aucun moment, lors des réunions de service organisées toutes les semaines, alerté vos responsables sur une quelconque difficulté concernant le site de [Localité 5].

Pourtant, vous n’ignorez pas qu’il est notamment demandé aux coordinateurs travaux, lors de ces réunions, de signaler les situations présentant un éventuel risque pour les ouvertures, particulièrement celles accueillant des enfants.

Vous n’ignorez pas non plus que nous avons sensibilisé l’ensemble des collaborateurs du CCGPF sur la nécessité de sécuriser toutes les ouvertures afin, d’une part, de satisfaire le plus grand nombre de familles de cheminots et d’autre part, d’optimiser le remplissage de nos centres, dans un contexte budgétaire particulièrement restreint.

Vos manquements graves à vos fonctions ne sont au surplus pas limités au centre de vacances de [Localité 5].

En effet, dans le cadre de nos investigations, nous avons également pu constater que vous n’avez pas donné suite à la demande de validation du devis que vous avait transmis M. [G] le 19 mars, puis le 6 et le 13 avril 2018 en relance, pour la réparation du groupe d’extraction de la cuisine du centre de [Localité 6].

Les responsables du service ont par conséquent dû une nouvelle fois se substituer à vous pour répondre à cette demande.

Votre conduite, constitutive d’une faute grave met en cause le fonctionnement de l’entreprise.

Nous vous informons par conséquent que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave…’

Il résulte des éléments versés aux débats que Mme [S], maire de [Localité 5], a adressé un courriel le 24 avril 2018 à M. [C] mais également à M. [R], responsable hiérarchique de celui-ci en qualité d’adjoint au responsable du service travaux matériel par intérim, à M. [M] adjoint au responsable du service travaux matériel et à M. [K], responsable du service travaux/matériel, courriel visé dans la lettre de licenciement selon lequel le maire de [Localité 5] a transmis le compte rendu de la commission sécurité listant les prescriptions émises lors de sa visite du 18 janvier 2018 en précisant que le délai de réponse des trois destinataires du courriel était d’un mois, que le dernier courriel envoyé début avril 2018 est resté sans réponse et demandant ‘expressément et ce avant le 15 mai 2018 de bien vouloir nous fournir l’ensemble des éléments et documents nécessaires pour lever ces prescriptions’, et que ‘dans le cas contraire, [elle se verrait] dans l’obligation de prendre un arrêté de fermeture de l’établissement’.

Par courriel du 25 avril 2018 adressé en copie à M. [M], M. [R] demandait à M. [C] de lui faire parvenir rapidement tous les éléments en sa possession concernant ‘ce dossier au caractère très urgent’, précisant que ‘depuis cette commission de sécurité du 18 janvier 2018, nous devions transmettre à la Mairie de [Localité 5] l’ensemble des prescriptions qui devaient être levées’. En outre, le 26 avril 2018, M. [R] transmettait à Mme [Z], responsable adjointe du service enfance jeunesse du comité central l’historique du mail transmis par la marie de [Localité 5] suivi de la relance à M. [C] du 25 avril 2018 et, Mme [Z] transférait à son tour l’historique à M. [B], responsable du service enfance et jeunesse du comité, le 26 avril 2018 qui écrivait le même jour à M. [M] avec copie à Mme [F], directrice adjointe du CCGPF, à Mme [P], secrétaire et représentante légale du CCGPF ainsi qu’à Mme [Z] qu’il prend ‘connaissance du dossier ci-dessous qui fait apparaître que les prescriptions émises par la commission de sécurité de [Localité 5] (janvier 2018) sont restées sans suite’, qu’il est ‘inconcevable que ce centre soit fermé en 2018, qu’il est impératif de tout mettre en oeuvre pour réaliser les travaux obligatoires’.

Le 7 mai 2018, M. [R] écrivait à Mme [F] et à M. [M] que ‘après une longue conversation et de nombreux renseignements pris, il s’avère qu’il va être difficile d’éviter l’avis défavorable car le dossier n’ayant pas été pris en charge dans les temps, la saison est compromise pour cet été’.

Il s’ensuit que l’employeur avait une parfaite connaissance des difficultés liées aux prescriptions de la commission de sécurité depuis au plus tard le 24 avril 2017 ainsi que de l’ultimatum fixé par la maire de [Localité 5]. De surcroît, comme le souligne à juste titre le salarié, la mairie de [Localité 5] avait transmis le 7 février 2018, non seulement à M. [C], mais également à M. [K], responsable du service travaux matériel et supérieur hiérarchique de M. [C] le procès-verbal de la commission de sécurité du 18 janvier 2018, étant relevé que M. [G], responsable patrimoine de CCGPF était alors présent comme représentant du CCGPF.

En outre, s’agissant des faits concernant le centre de [Localité 6], il résulte des éléments du dossier que M. [G] a transmis le 19 mars 2018 à M. [C] et en copie, à MM [R] et [M] le devis de l’entreprise de cuisinee pour le ‘le groupe cuisine’, que le 6 avril et le 13 avril 2018, il a relancé M. [C] avec copie à MM [M], [R] et [W] en soulignant l’urgence. L’employeur avait donc connaissance des éventuels manquements de M. [C] au plus tard le 13 avril 2018.

Or, M. [C] a été sanctionné le 15 mai 2018 par un avertissement motifs pris de son attitude irrespectueuse à l’égard de ses responsables hiérarchiques et de l’un de ses collègues ainsi que de ses accusations mensongères portées à l’égard ceux-ci et portant atteinte à leur intégrité, alors même que l’employeur avait connaissance de faits antérieurs considérés par lui comme fautifs de telle sorte qu’en choisissant de n’en sanctionner que certains, il ne peut plus ultérieurement licencier son salarié pour sanctionner les autres faits antérieurs au 15 mai 2018.

Dès lors, le CCGPF ayant épuisé son pouvoir disciplinaire le 15 mai 2018, le licenciement de M. [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur les conséquences financières

Au vu des bulletins de salaire produits et de l’ancienneté du salarié, c’est à juste titre que le CCGPF a été condamné à verser à M. [C] les sommes de 2.893,08 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, de 4.959,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 495,95 euros au titre des congés payés afférents, les modalités de calcul de ces sommes n’étant pas contestées par les parties.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté de 4 ans, est compris entre 3 mois et 5 mois de salaire.

Au jour du licenciement, M. [C] avait 40 ans et bénéficiait de plus de 4 ans d’ancienneté. Il ne justifie, ni ne fait part, dans ses conclusions, de sa situation postérieurement à son licenciement.

En réparation de la perte de son emploi, il convient, par infirmation de la décision déférée de condamner le CCGPF à lui verser une indemnité de 9.500 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la prime

En l’absence de contestation sur ce point, il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné le CCGPF à verser à M. [C] la somme de 367,54 euros au titre de la gratification exceptionnelle de l’année 2017 en tant que de besoin en deniers ou quittance.

Sur les indemnités chômage

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par le CCGPF des indemnités de chômage versées à M. [C] dans la limite de 6 mois.

Sur les frais irrépétibles

Le CCGPF sera condamné aux entiers dépens et devra verser à M. [C] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

 

 


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