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ARRÊT N°
N° RG 22/00211 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BIKAH
AFFAIRE :
M. [M] [B]
C/
S.A. ING’EUROP
JPC/MS
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée à Me Richard DOUDET, Me Franck DELEAGE, avocats
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023
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Le vingt deux Février deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [M] [B], né le 08 Juin 1989 à , demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Franck DELEAGE de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE
APPELANT d’une décision rendue le 28 FEVRIER 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE [Localité 3]
ET :
S.A. ING’EUROP, dont le siège social est sis : [Adresse 2]
représentée par Me Richard DOUDET, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 09 Janvier 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seul l’audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport oral.
Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.
Après quoi, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 22 Février 2023
par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, et de lui même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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EXPOSE DU LITIGE :
La société ING’EUROP exerce une activité d’ingénierie et d’études techniques.
Le 10 février 2014, elle a engagé M. [B] en qualité d’ingénieur dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Le contrat prévoit que le salarié sera affecté sur son site de [Localité 3].
Par courrier du 30 septembre 2019, le salarié a notifié sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail à l’employeur avec effet au 31 décembre 2019, terme de son préavis de trois mois.
Le 10 octobre 2019, il a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie jusqu’au 10 novembre suivant.
Le 21 novembre 2019 la société ING’EUROP a indiqué à M. [B] qu’il se trouvait en situation de disponibilité à compter du 25 novembre 2019 et jusqu’à la date de son départ effectif de l’entreprise à la fin du mois de novembre 2019.
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Par requête déposée au greffe le 10 novembre 2020, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 3] d’une demande tendant à obtenir la requalification de sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 28 février 2022, le conseil de prud’hommes a :
– dit que la demande de requalification de la prise d’acte en un licenciement au tort de l’employeur introduite par M. [B] est prescrite ;
– débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné M. [B] à verser à la société ING’EUROP la somme de 96,18 € au titre de la régularisation des indemnités journalières versées sur le bulletin du mois de décembre 2019 ;
– condamné M. [B] à verser à la société ING’EUROP la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties des demandes plus amples ou contraires.
M. [B] a interjeté appel de la décision le 16 mars 2022. Son recours porte sur l’ensemble des chefs de jugement le déboutant de ses demandes ou le condamnant.
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Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2022, M. [B] demande à la cour de :
– réformer la décision dont appel dans l’ensemble de ses chefs critiqués ;
Statuant à nouveau, de :
– dire que la demande formulée devant la Cour tendant à constater des faits de harcèlement moral commis par l’employeur durant la période de 2015 à 2019 recevable car non prescrite ;
A titre principal sur la rupture du contrat de travail, de :
– dire que sa prise d’acte du 30 septembre 2019 est nulle en raison de faits de harcèlement moral imputables à la société ING’EUROP ;
– en conséquence, condamner la société ING’EUROP à lui payer la somme de 27 400 € de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
A titre subsidiaire sur la rupture du contrat, de :
– requalifier sa prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société ING’EUROP à lui payer la somme de 16 440 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur l’exécution du contrat de travail, de :
– condamner la société ING’EUROP à lui payer les sommes de :
897 € au titre de la prime de vacances pour les années 2017, 2018 et 2019 ;
756,84 € au titre des 6 jours de congés payés dû sur la période de prescription triennale ;
224,64 € au titre de la différence entre le maintien de salaire dû pendant la période de maladie en cours de préavis et les indemnités journalières de sécurité sociale versées ;
– condamner la même à lui verser la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de son recours, il soutient que son action en requalification de sa prise d’acte n’est pas prescrite dans la mesure où il a été victime d’une situation de harcèlement moral caractérisée par un ‘bore-out’. Il estime que la rupture du contrat de travail est entachée de nullité puisque liée au harcèlement moral dont il a été victime. Il précise que harcèlement est caractérisé par le fait que l’employeur s’est abstenu de lui fournir du travail malgré ses nombreuses alertes. Ainsi, il fait valoir que sa charge de travail avait nettement diminuée, de même que ses missions et leur qualité.
Subsidiairement, il conclut que les manquements de l’employeur sont suffisamment graves (non fourniture d’un travail, non régularisation des congés payés, différence entre le maintien de salaire durant l’arrêt de travail et les indemnités journalières de sécurité sociale) pour justifier la requalification de sa prise d’acte en une rupture du contrat aux torts exclusifs de l’employeur.
Enfin, il réclame la régularisation des congés supplémentaires liés au fractionnement légal sur une période de trois ans, de la prime de vacance prévue à l’article 31 de la convention collective qui ne lui a jamais été versée depuis le début de son contrat, ainsi que de la somme de 224,64 € brut au titre de la différence entre le maintien de salaire dû pendant la période de maladie au cours du préavis et les indemnités journalières de sécurité sociale.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2022, la société ING’EUROPE demande à la cour de :
– dire que la demande de nullité de la prise d’acte en raison d’une situation de harcèlement moral constitue une demande nouvelle qui devra être déclarée irrecevable par la Cour ;
– dire que la demande de requalification de la prise d’acte de rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse devra être déclarée irrecevable par la Cour car frappée de prescription ;
– constater l’absence de bien fondé de l’ensemble des demandes formulées par M. [B] ;
En conséquence, de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par les premiers juges ;
– déclarer irrecevable la demande de nullité de la prise d’acte de rupture en raison d’une situation de harcèlement moral ;
– dans l’hypothèse où la Cour ne déclarerait pas irrecevable la demande de nullité de la prise d’acte de rupture, de dire que cette demande de nullité n’est pas fondée ;
– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
– condamner le même à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle soulève l’irrecevabilité de la demande fondée sur la nullité de la prise d’acte en raison d’un prétendu harcèlement moral en faisant valoir qu’elle est présentée pour la première fois en cause d’appel.
Sur le fond, elle fait valoir que le harcèlement moral n’est pas constitué. Par ailleurs, concernant la contestation de la rupture du contrat de travail fondée sur les manquements de l’employeur, elle soulève la prescription de la demande qui n’a pas été présentée dans les 12 mois de la rupture.
Elle estime que M. [B] a été rempli dans ses droits concernant les congés de fractionnement à laquelle il convient d’appliquer la prescription biennale.
Elle oppose la demande du salarié concernant la prime de vacances en faisant valoir que celle-ci a été payée puisque le 13e mois peut être assimilé à cette prime.
Concernant le maintien de salaire pendant la période de maladie du 10 octobre au 10 novembre 2019, elle s’estime créancière et non débitrice du salarié.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
SUR CE,
Sur le harcèlement moral :
– Sur la recevabilité de la demande :
Selon l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l’espèce, M. [B] a sollicité en première instance la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité au titre de la rupture de son contrat de travail en faisant valoir qu’il avait pris acte de sa rupture en raison des manquements de son employeur à ses obligations. Il présente, pour la première fois en cause d’appel, une demande tendant à percevoir une indemnité au titre de la rupture du contrat de travail en faisant valoir que sa prise d’acte est nulle car l’un des manquements commis par l’employeur est constitutif d’un harcèlement moral.
Même si les demandes reposent sur des fondements juridiques différents, elles tendent aux mêmes fins à savoir une indemnisation en lien avec une rupture du contrat de travail imputable à l’employeur.
À ce titre, la demande fondée sur le harcèlement moral doit être déclarée recevable.
– Sur le fond :
L’article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article L. 1154-1 du même code que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [B] soutient avoir été victime d’un harcèlement moral caractérisé par un syndrome d’épuisement professionnel consécutif à l’ennui, ce dernier résultant d’une charge de travail insuffisante dont l’employeur serait à l’origine. Il affirme que ce harcèlement moral a entraîné une dégradation de son état de santé.
A l’appui de sa demande, il produit le certificat médical établi le 10 octobre 2019 par son médecin traitant à l’attention d’un ses confrères psychiatre dans laquelle le médecin indique : « je vous adresse M. [B](…) qui présente depuis le début de l’année un mal-être au travail avec pour conséquence troubles du sommeil, irritabilité, perte de confiance, et manque de motivation. Cela l’a conduit à demander sa démission qui sera effective au 31 décembre. Je lui prescris du Seroplex et de l’Alprazolam ».
Il produit également des courriers électroniques dans lesquels il est fait état d’une baisse de la charge de travail et de difficultés d’organisation perturbant les salariés de la société.
Au vu de ces éléments, il apparaît que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
D’abord, il convient de constater à l’instar de l’employeur que dans son certificat médical, le médecin traitant de M. [B] ne mentionne pas que les conditions de travail sont à l’origine des troubles constatés chez son patient. La formulation employée par le médecin induit simplement l’idée d’un lien sans l’affirmer.
Par ailleurs, dans un courrier électronique du 29 août 2019 que l’employeur a adressé à un responsable d’EDF, celui-ci évoque l’annulation du huit affaires au cours de l’année 2019 représentant environ 2100 heures de travail alors que dans le même temps, l’entreprise cliente lui a transmis des nouvelles affaires pour un volume total de travail d’environ 500 heures. Il est relevé que ces changements constants et souvent brusques perturbent l’organisation de l’entreprise ainsi que les agents. Il est ensuite évoqué la situation de M. [B] et son désappointement face à cette situation.
Il ressort donc clairement de cet échange que la baisse d’activité à laquelle la société ING’EUROP a été confrontée, n’est pas de son fait et qu’il n’y a eu de sa part aucun agissement maltraitant l’égard de M. [B].
Il convient également de relever que M. [B] qui reproche à son employeur de ne pas lui avoir donné suffisamment de travail a refusé expressément l’attribution d’un dossier en juillet 2019 (dossier ADP de Peyrat le château). Ainsi, il a écrit dans un courrier électronique du 29 juillet 2019 adressé à Mme [S], sa supérieure hiérarchique :
« Je sais que le but est toujours pour lNG’EUROP que l’on pointe le maximum de jour sur SIPU grâce à EDF (en dépit des souhaits/envies de ses ingénieurs consultants) mais je vous fais part depuis longtemps maintenant de mon envie d’évolution, de changement, d’enrichissement technique, de projet professionnel nouveau et de ma lassitude à travailler sur les projets EDF peu intéressants / peu motivants techniquement.
(…)
Tu décides de m’attribuer l’APD de Peyrat Le Château avec [L] [U], mais on a déjà échangé à ce sujet il y a un mois, quand j’avais reçu un mail de la PO pour enclencher cette affaire sans que je sois au courant. Tu leur avais déjà dit que ce serait moi qui travaillerai dessus sans m’en avoir parlé.
Je t’avais déjà dit que je ne souhaitais pas prendre cet APD en charge. En effet, ce projet ne m’apportera rien techniquement, la PO ne m’apportera rien techniquement, ce sera une fois de plus pour arranger ING’EUROP et pointer sur SIPU afin de leur rapporter de l’argent en dépit de mon bien être au travail/enrichissement intellectuel.
(…) »
Au regard de cet écrit, il apparaît qu’effectivement, M. [B] a développé un mal-être au travail mais ce mal-être est avant tout en lien avec ses propres difficultés à s’adapter à un environnement professionnel. En effet, les orientations décidées par l’employeur relèvent de son pouvoir de direction et si M. [B] peut avoir des idées différentes, il lui incombe à sa qualité de subordonné de s’inscrire dans le cadre défini par son employeur. De même, s’il peut légitimement aspirer à un épanouissement dans son activité professionnelle, l’employeur ne peut mettre en oeuvre une politique managériale centrée sur la satisfaction des demandes de son salarié au détriment des besoins de la société et de la réalité du marché économique.
M. [B] ne peut sans contradiction reprocher à son employeur de ne pas lui avoir donné suffisamment de travail et avoir refusé dans le même temps une mission qui lui avait été attribuée. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [B] n’a pas été victime de harcèlement moral au travail. Sa demande sera donc rejetée.
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur :
– Sur la recevabilité de la demande :
L’article L. 1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Par ailleurs, il résulte de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifié par l’ordonnance n°2020-666 du 3 juin 2020, que les dispositions du titre I relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
En l’espèce, M. [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 septembre 2019. Il devait donc engager son action avant le 30 septembre 2020 conformément aux dispositions de l’article précité.
Le délai de prescription ayant expiré au-delà du 23 juin 2020, les dispositions de l’ordonnance précitée ne sont pas applicables au délai de prescription de son action.
Il a saisi le conseil de prud’hommes de la gaillarde 10 novembre 2020, soit plus de 12 mois après la notification de la rupture de son contrat de travail.
La décision des premiers juges doit donc être confirmée en ce qu’ils ont déclaré son action prescrite.
Sur la demande relative à la prime de vacances :
L’article 31 de la Convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 prévoit:
« L’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.
Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre. »
Il constant que le treizième mois de salaire versé au salarié en application de son contrat de travail lequel fixe un salaire mensuel brut payable treize fois, ne peut être assimilé à une prime ou une gratification dont le paiement dispense l’employeur de verser une prime de vacances ( Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 09-71.056).
En l’espèce, le contrat de travail de M. [B] prévoit le versement d’un treizième mois de salaire qui ne peut être assimilé à la prime de vacances et, dans ces conditions, l’employeur est bien redevable de la prime prévue par la convention collective.
Le calcul fait par M. [B] n’est pas contesté. En conséquence, il y a lieu de condamner la société ING’EUROP à lui payer la somme de 897 € brut correspondant à la prime de vacances due pour les années 2017, 2018 et 2019. La décision des premiers juges sera réformée de ce chef.
Sur la demande relative aux jours de congés payés supplémentaires liés au fonctionnement:
– Sur la prescription :
Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il est par ailleurs constant que le point de départ de la prescription en matière de congés payés se situe à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle ils auraient dû être pris lorsque le contrat n’est pas rompu.
En l’espèce, M. [B] demande la condamnation de l’employeur à lui payer une indemnité compensatrice de congés payés qui à la nature de salaire et qui, à ce titre, est soumise à la prescription de l’article précité.
Ayant saisi le conseil de prud’hommes le 10 novembre 2020, la demande de M. [B] est donc prescrite s’agissant des congés payés supplémentaires qui aurait dû être pris avant le 10 novembre 2017, étant rappelé que les congés de l’année doivent être pris avant le 31 octobre en l’absence de demande de report, comme en l’espèce. Sa demande est en revanche recevable pour le surplus.
La décision des premiers juges sera réformée en ce sens.
– Sur le fond :
Selon l’article L. 3141-23 2°b du Code du travail :
« A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-22 :
1° La fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;
2° Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes :
a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l’article L. 3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;
b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre
jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément. »
En l’espèce, les bulletins de salaire font apparaître que M. [B] a pris 6 jours de congés hors période légale en 2019 ainsi que 6,5 jours du 1er novembre 2017 au 31 décembre 2018. Il est donc fondé à réclamer le paiement de 4 jours de congés supplémentaires, soit la somme de 504,56 € brut.
La société ING’EUROP sera condamnée à lui payer cette somme.
Sur les sommes réclamées au titre maintien de salaire :
M. [B] mélange les sommes perçues au titre des indemnités journalières qui sont des sommes nettes de charges avec les salaires bruts qu’il aurait dû percevoir. Son analyse est donc nécessairement biaisée.
Son absence du mois d’octobre a été décomptée sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2019. Il aurait dû recevoir un salaire de 2111,73 € net s’il n’avait pas été en arrêt de travail. Le bulletin de salaire du mois de novembre mentionne un salaire net de 1256,60 €, soit un écart de 855,13 € correspondant à la retenue au titre des indemnités journalières lesquelles sont élevées 855,19 €. Il est donc dû au salarié 0,06 €.
L’absence du mois de novembre a été décomptée sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2019. L’employeur a effectué une retenue brute de 447,83 € qui est nécessairement inférieur à la retenue qu’il aurait dû faire puisque le salarié a perçu des journalières pour un montant de 450,10 € nets.
Au regard de ces éléments, il apparaît que l’employeur aurait dû retenir une somme supérieure et que M. [B] est redevable de la somme de 96,18 € net. Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges.
Sur les autres demandes :
La décision des premiers juges sera réformée s’agissant, d’une part, de la condamnation de M. [B] aux dépens dès lors que la société ING’EUROP est le partie perdante et, d’autre part, de la condamnation du même sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A la suite de la présente procédure, M. [B] a exposé des frais non compris dans les dépens. L’équité commande de l’en indemniser. La société ING’EUROP sera condamnée à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
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