Harcèlement moral au Travail : 23 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01383

·

·

Harcèlement moral au Travail : 23 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01383
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

C 9

N° RG 21/01383

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZNK

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 FEVRIER 2023

Appel d’une décision (N° RG 18/01015)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 12 mars 2021

suivant déclaration d’appel du 22 mars 2021

APPELANTE :

S.A.S.U BAXTER INJECTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Monsieur [K] [T]

né le 18 Juillet 1971 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Anaïs BIANCHI, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 janvier 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 23 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 23 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE’:

M. [K] [T], né le 18 juillet 1971, a été embauché le 9 janvier 2006 par la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Baxter Injection suivant contrat de travail à durée déterminée, qui s’est poursuivi en contrat de travail à durée indéterminée avec une durée de travail hebdomadaire de 39 heures à compter du 1er août 2006.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [K] [T] occupait le poste de magasinier, statut non-cadre, coefficient 730, niveau V de la convention collective des transformateurs des thermoplastiques.

Après un accident de droit commun, M. [K] [T] a été placé en arrêt de travail du 6 juin 2016 au 31 janvier 2018.

M. [K] [T] a bénéficié de plusieurs visites de pré-reprise et de reprise auprès du médecin du travail le 6 septembre 2017, le 14 novembre 2017 et le 31 janvier 2018.

En date du 2 février 2018, le médecin du travail a écrit à la SASU Baxter Injection au sujet de la reprise du travail de M. [K] [T] et des postes envisageables pour ce dernier.

En date du 7 février 2018, la SASU Baxter Injection a adressé à M. [K] [T] une proposition de reclassement à un poste d’opérateur en 2×8.

A cette même date, le médecin du travail, lors de la visite de reprise de M. [K] [T], a rendu l’avis suivant’: « Inapte au poste apte à un autre. Inapte au poste de magasinier-cariste en raison des efforts répétés de manutention de charge, apte à un poste d’opérateur de production selon la fiche de poste du 02/02/20218 (au poste de montage ancrage comme évoqué lors de la rencontre du 19/12/2017)’».

M. [K] [T] a repris le travail au poste d’opérateur en date du 12 février 2018 et a formalisé l’acceptation de son reclassement sur ce poste le 14 février 2018.

En date du 14 février 2018, M.'[K] [T] a été victime d’un nouvel accident, a terminé sa journée de travail, puis s’est rendu à l’hôpital, selon ses conclusions.

M. [K] [T] a été placé en arrêts de travail successifs entre le 15 février et le 15 juillet 2018.

En date du 11 avril 2018, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a adressé une notification de refus de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. M. [K] [T] a formé un recours contre cette décision, et par jugement en date du 31 août 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a décidé que l’accident de M. [K] [T], daté du 14 février 2018, devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

En date du 19 juin 2018, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude au sujet de M. [K] [T], indiquant que «’l’état de santé de Monsieur [T] fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’».

Par courrier en date du 21 juin 2018, M. [K] [T] a été convoqué par la SASU Baxter Injection à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 juin 2018.

Par lettre du 3 juillet 2018, la SASU Baxter Injection a notifié à M. [K] [T] son licenciement pour inaptitude d’origine non-professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 20 septembre 2018, M. [K] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de contester la rupture de son contrat de travail.

La SASU Baxter Injection s’est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 12 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

– dit et jugé que la SAS Baxter Injection a violé son obligation de sécurité et de prévention,

– dit et jugé que le licenciement de M. [K] [T] est nul,

– condamné en conséquence la SAS Baxter Injection à verser à M. [K] [T] les sommes de’:

– 15 000,00 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ensuite de la violation par l’employeur de son obligation de prévention et de sécurité,

– 35 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 4 077,60 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 407,76 € brut à titre de congés payés afférents,

– 1 200,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l”exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l’article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande et que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir est de 2 038,80 €.

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

– débouté la SAS Baxter Injection de sa demande reconventionnelle.

– condamné la SAS Baxter Injection aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 17 mars 2021 pour M. [K] [T] et le 18 mars 2021 pour la société Baxter Injection.

Par déclaration en date du 22 mars 2021, la SASU Baxter Injection a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, la SASU Baxter Injection sollicite de la cour de’:

– Prononcer la nullité du jugement dont appel,

– Subsidiairement, Réformer le jugement dont appel,

En tout état de cause, que la nullité ou la réformation du jugement soit prononcée, statuant à nouveau,

– Dire et juger que la société Baxter Injection n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité et de prévention,

– Dire et juger que le licenciement de M. [K] [T] pour inaptitude est parfaitement régulier et justifié,

– Débouter M. [K] [T] de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner M. [K] [T] à reverser à la société Baxter Injection les sommes versées par la société au titre de l’exécution provisoire du jugement dont appel,

– Condamner M. [K] [T] à payer à la société Baxter Injection la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, M. [K] [T] sollicite de la cour de’:

A titre principal,

Débouter la société Baxter Injection de sa demande tendant à obtenir la nullité du jugement.

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire,

Juger que la société Baxter Injection a violé son obligation de sécurité de résultat et son devoir de prévention à l’égard de M. [K] [T].

Condamner la société Baxter Injection à verser à M. [K] [T] la somme de 15 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ensuite de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité.

Juger à titre principal que le licenciement pour inaptitude notifié à M. [K] [T] est nul et condamner la société Baxter Injection à verser à M. [K] [T] les sommes suivantes’:

– 35 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul’;

– 4 077,60 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 407,76€ bruts de congés payés afférents.

Juger à titre subsidiaire que le licenciement pour inaptitude notifié à M. [K] [T] est sans cause réelle et sérieuse en raison de la faute de l’employeur à l’origine de l’inaptitude et condamner la société Baxter Injection à verser à M. [K] [T] les sommes suivantes :

– 35 000 € nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 4 077,60 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 407,76€ de congés payés afférents.

En tout état de cause,

Condamner la société Baxter Injection à verser à M. [K] [T] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 24 novembre 2022.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 4 janvier 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur la nullité du jugement’:

Aucune nullité du jugement au visa de l’article 16 du code de procédure civile n’est encourue dès lors que le conseil de prud’hommes n’a pas relevé d’office sans le soumettre au contradictoire le fait que l’évaluation des risques présentés dans le document unique d’évaluation des risques est très sommaire et que les plans d’actions ne sont pas présentés alors même que M. [T] avait conclu, en page n°13 § 2 à 7 de ses conclusions de première instance, «’la politique de prévention est totalement inexistante au sein de cette entreprise. Aucun document d’évaluation des risques n’a été établi. Etrangement dans le cadre de ses écritures en défense (‘) cette évaluation des risques ainsi que la mise à jour du document unique doivent être opérés au moins une fois par an’».

Il s’en déduit que le salarié avait expressément développé un moyen sur l’existence et le contenu du document unique d’évaluation des risques professionnels sur lequel il appartenait à l’employeur de se justifier puisqu’il a la charge de la preuve d’avoir respecté les obligations légales et réglementaires en la matière’; ce qu’il a, au demeurant, fait en produisant ledit document dont il appartenait, comme ils l’ont fait, aux premiers juges d’apprécier la valeur probante et la pertinence, étant ajouté que l’article 7 du code de procédure civile prévoit notamment que parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions, à savoir les faits adventices.

La société Baxter Injection n’est pas fondée à se prévaloir du fait qu’il n’aurait produit, en première instance, qu’une partie dudit document alors même que dans ses conclusions soutenues devant les premiers juges, présentes au dossier de première instance joint au dossier d’appel par application de l’article 968 du code de procédure civile, il a visé dans son bordereau, en pièce n°15 «’document unique des risques’», sans préciser qu’il se serait agit uniquement d’extraits.

En outre, la société Baxter Injection ne saurait considérer que le jugement a fait état à tort du fait que le poste d’opérateur de M. [T] impliquait la manutention de 3 cartons de 15 kg par heure, sur une distance de 4 mètres, alors même qu’elle indique elle-même que ce point a été abordé à la suite de questions posées par le conseil de prud’hommes, comme l’y autorise les articles 8 et 442 du code de procédure civile, l’appelante ne justifiant pas avoir alors sollicité un renvoi pour présenter des pièces en réponse ou l’autorisation de répondre par une note en délibéré.

Il convient, en conséquence, de rejeter la demande de nullité du jugement entrepris.

Sur le manquement à l’obligation de prévention et de sécurité’:

Premièrement, l’article L. 1226-2 du code du travail énonce que’:

Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’article R4624-30 du code du travail énonce que’:

Au cours de l’examen de préreprise, le médecin du travail peut recommander :

1° Des aménagements et adaptations du poste de travail ;

2° Des préconisations de reclassement ;

3° Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du travailleur ou sa réorientation professionnelle.

A cet effet, il s’appuie en tant que de besoin sur le service social du travail du service de santé au travail interentreprises ou sur celui de l’entreprise.

Il informe, sauf si le travailleur s’y oppose, l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en ‘uvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi du travailleur.

L’article R.4624-32 du code du travail dans sa version en vigueur du 01 janvier 2017 au 18 mars 2022 énonce que’:

L’examen de reprise a pour objet :

1° De vérifier si le poste de travail que doit reprendre le travailleur ou le poste de reclassement auquel il doit être affecté est compatible avec son état de santé ;

2° D’examiner les propositions d’aménagement ou d’adaptation du poste repris par le travailleur ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises le cas échéant par le médecin du travail lors de la visite de préreprise ;

3° De préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du travailleur ;

4° D’émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude.

L’article L.4624-3 du code du travail prévoit que’:

Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur.

L’article L. 4624-4 du même code énonce que’:

Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.

Il résulte des articles L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail, d’une part, que le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’état de santé physique et mental du travailleur, d’autre part, que ce n’est que s’il constate, après avoir procédé ou fait procéder à une étude de poste et avoir échangé avec le salarié et l’employeur, qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, que le médecin du travail déclare le travailleur inapte à son poste de travail.

Il s’ensuit que la circonstance que les mesures d’aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en elle-même, la formulation d’un avis d’inaptitude.

En revanche, dès lors que sous couvert d’un avis formellement intitulé d’aptitude avec réserves, le médecin du travail conclut à la nécessité d’un changement de poste et d’un reclassement sur un autre poste, ledit avis ne peut que s’analyser en un avis d’inaptitude au poste, indépendamment du recours que peut exercer l’employeur ou le salarié en application de l’article L 4624-7 du code du travail.

A tout le moins, en présence de mentions inconciliables et totalement contradictoires, il appartient à la juridiction d’interpréter ledit avis, au regard notamment du positionnement des parties, dont aucune n’a souhaité exercer de recours.

Deuxièmement, l’employeur a une obligation s’agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s’exonérer que s’il établit qu’il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L’article L.4121-1 du code du travail énonce que :

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L’article L. 4121-3 du même code dispose que :

L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l’employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l’application du présent article doivent faire l’objet d’une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L’article R4121-1 du code du travail précise que :

L’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L’article R.4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d’évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l’article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie.

L’article R.4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d’évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l’inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l’article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l’article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l’article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d’accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d’un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.

En l’espèce, en premier lieu, par courrier en date du 31 janvier 2018, le médecin du travail a écrit à l’employeur pour l’informer qu’il avait vu M. [T], magasinier-cariste, en visite de pré-reprise alors qu’il était en arrêt maladie et lui a indiqué que «’suite à notre rencontre du mois de décembre 2017, je confirme mon accord pour un essai de travail à temps plein à partir du 05/02/2018 sous réserve d’une mutation sur un poste de production. Vous avez évoqué à ce moment-là un poste de montage pinces ancrages. Je reverrai M. [T] dans le mois suivant sa reprise pour juger de l’adaptation au poste de travail ou à la demande.’».

Le médecin du travail a adressé un courrier, le 02 février 2018, comportant des précisions dans les termes suivants’: «’une inaptitude sur le poste de travail actuel est à envisager en raison de la charge physique et de manutention de charges lourdes sur ce poste. Il n’y a en revanche pas de contre-indication médicale actuelle à travailler sur un poste en production en 2X8 d’après la fiche de poste transmise le 02/02/2018. Je donne mon accord pour un essai de reprise de travail à temps plein à partir du 01/02/2018. Vous aviez évoqué le poste de montage pinces ancrages lors de notre rencontre en décembre dernier qui me semble adapté. (‘)’».

Une visite à la médecine du travail a eu lieu le 07 février 2018, l’employeur contestant de manière inopérante la qualification de visite de reprise de cet examen par le médecin du travail alors qu’il n’a pas exercé le recours prévu à l’article 4624-7 du code du travail et qu’il résulte du bulletin de paie de février 2018 que M. [T] n’était plus en arrêt maladie à compter du 1er février 2018, celui-ci s’étant terminé le 31 janvier 2018, ainsi que cela ressort des conclusions de l’entreprise mais encore du relevé d’indemnités journalières, le salarié ayant été en repos compensateurs les 1er et 2 février, puis en congés payés du 5 au 10 février 2018, la visite de reprise, assimilée à du temps de travail effectif, ayant eu lieu pendant lesdits congés payés accordés par l’employeur, soit à une date où le contrat de travail n’était plus suspendu, la société Baxter Injection ne prétendant pas ne pas avoir été à l’initiative de cet examen ni qu’elle n’en a pas été informée et s’en prévalant, au demeurant, comme d’une visite ayant donné lieu à une déclaration d’aptitude avec réserves.

L’employeur est d’autant moins fondé à contester la nature de cet examen à la médecine du travail qu’il en a lui-même tiré des conséquences s’agissant de l’inaptitude au poste de M. [T] et lui a proposé un poste de reclassement et ce, au demeurant, dès la visite de pré-reprise.

Le médecin du travail a ainsi rendu, le 07 février 2018, l’avis suivant’:

«’inapte au poste, apte à un autre. Inapte au poste de magasinier-cariste en raison des efforts répétés de manutention de charge, apte à un poste d’opérateur de production selon la fiche de poste du 02/02/2018 (au poste de montage ancrage comme évoqué lors de la rencontre du 19/12/2017).’». Ces précisions figurent certes sur une fiche relative à des propositions de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d’aménagement du temps de travail avec le rappel de l’article L. 4624-3 du code du travail’; le poste visé est celui de magasinier cariste, ledit document accompagnant un avis d’aptitude.

Par courrier en date du 07 février 2018, l’employeur a indiqué au salarié, en visant la visite de pré-reprise et un courriel du médecin du médecin du travail du 2 février 2018, que ce dernier envisageait une inaptitude à son poste et lui a proposé, comme reclassement, le poste d’opérateur en le soumettant à son accord au plus tard le 21 février 2018, M. [T] ayant donné son accord par une mention apposée le 14 février 2018.

M. [T] a travaillé effectivement sur le poste d’opérateur dès le 12 février et jusqu’au 14 février inclus.

Si l’employeur avance, certes, que l’avis du 07 février 2018 est qualifié par le médecin du travail d’avis d’aptitude avec des propositions individuelles, soit un avis d’aptitude avec réserves, il résulte de la lecture même desdites propositions qu’il ne pouvait que s’agir d’un avis d’inaptitude au poste de magasinier cariste et d’une proposition de reclassement sur un autre poste d’opérateur.

L’employeur ne saurait, dans ces circonstances, invoquer utilement le recours énoncé à L. 4624-7 du code du travail, qui pouvait être engagé par l’une ou l’autre des parties dans la mesure où il n’avait d’autre choix, au vu des contradictions évidentes entre l’avis formulé et le type de formulaire utilisé, soit d’exercer lui-même ce recours, soit de solliciter de nouveau le médecin du travail pour qu’il lève cette contradiction ou enfin de considérer, comme il l’a d’ailleurs fait dans son courrier du 07 février 2017 ayant pour objet «’proposition de reclassement’», quoiqu’en ne visant alors que l’avis rendu à l’issue de la visite de pré-reprise, qu’il lui incombait d’engager des recherches de reclassement eu égard à l’inaptitude du salarié à son poste de magasinier cariste en lui proposant un poste d’opérateur de production.

M. [T] a d’ailleurs lui aussi considéré que le poste proposé constituait un poste de reclassement suite à sa déclaration d’inaptitude par le médecin du travail dans la réponse qu’il a apportée à l’organisme social dans un questionnaire rempli le 06 mars 2018, soit avant tout contentieux, à la suite de l’accident déclaré le 14 février 2018.

Dans cette même perspective, l’inspecteur du travail a également considéré, dans un courrier du 30 novembre 2018, après une enquête réalisée dans l’entreprise le 23 mars 2018, que le médecin du travail avait déclaré le salarié inapte à son poste et proposé un poste de reclassement d’opérateur de production.

La société Baxter Injection était, dans ces circonstances, en présence d’un avis d’inaptitude au poste avec des préconisations de reclassement émises par le médecin du travail, ainsi qu’elle l’a elle-même interprété, au vu des diligences qu’elle a accomplies et de la position qu’elle a assumée ensuite à l’égard du salarié, en évoquant un reclassement, tenue de soumettre au préalable sa proposition de reclassement sur un poste d’opérateur au comité social et économique avant de l’adresser au salarié.

La société Baxter Injection n’allègue et encore moins ne justifie avoir sollicité l’avis du comité social et économique.

Contrairement à ce qu’elle soutient, la sanction de l’omission de cette formalité substantielle n’est pas uniquement de rendre sans cause réelle et sérieuse l’éventuel licenciement subséquent pour inaptitude lorsqu’il est prononcé à raison du refus du poste de reclassement par le salarié mais caractérise le cas échéant lorsque la proposition de reclassement est acceptée par le salarié un manquement de l’employeur à son obligation de prévention et de sécurité dès lors que l’avis des représentants du personnel y participe, ceux-ci pouvant effectivement formuler comme le soutient M. [T] des observations sur les difficultés et contraintes concrètes du poste afin que l’employeur puisse le cas échéant les prendre en considération dans le dialogue qu’il doit engager avec le médecin du travail au titre du reclassement.

Il s’en déduit qu’un manquement à l’obligation de prévention et de sécurité de l’employeur est caractérisé à l’égard de M. [T] en ce que celui-ci s’est vu imposer un changement de poste avant de l’avoir accepté trois jours plus tard, de surcroît dans des conditions irrégulières, poste qu’il n’a en définitive occupé que trois jours avant d’être de nouveau en arrêt de travail jusqu’à sa déclaration d’inaptitude du 19 juin 2018, le médecin du travail ayant considéré que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Deuxièmement, les conditions de reprise sur ce poste ont en effet été, en définitive, particulièrement préjudiciables au salarié.

Ceci ressort tout d’abord des conclusions de l’enquête menée par l’inspecteur du travail dont il a fait part au salarié par lettre précitée du 30 novembre 2018.

L’inspecteur a tout d’abord noté que nonobstant le fait que la procédure de déclaration d’un accident du travail en date du 06 juin 2016 a fait l’objet d’un classement administratif par les services de la CPAM, la société Baxter Injection avait reconnu avoir eu connaissance de la gravité du malaise d’origine cardiaque dont a souffert M. [T] et ayant donné lieu à un long arrêt de travail.

Il note également que, dans un courriel à l’attention de l’employeur du 31 janvier 2018, le service de la SAMETH a fait référence à «’une maladie invalidante’», un contact ayant été pris par cette dernière avec la société en décembre 2017 pour lui proposer une aide financière pour le maintien dans le poste, fait sur lequel l’employeur ne développe aucun moyen utile.

L’inspecteur du travail observe ensuite que dans le cadre de qu’il analyse comme une déclaration d’inaptitude avec proposition d’un poste de reclassement, il n’apparaît pas qu’une étude de poste ait été faite dans l’entreprise, fait toutefois invalidé par l’avis d’inaptitude définitive au poste rendu le 19 juin 2018 qui fait état d’une étude de poste du 19 décembre 2017, le médecin du travail, le Dr [F], ayant fait référence, dans son courrier à la société Baxter Injection du 31 janvier 2018, à une rencontre en décembre 2017.

Si la présente juridiction, de même que l’inspecteur du travail, ne sauraient se substituer à l’avis du médecin du travail quant à la compatibilité du poste de reclassement avec l’état de santé du salarié s’agissant notamment de la cadence de travail sur le poste d’opérateur au sujet de laquelle il n’est pas établi que le professionnel de santé a pu émettre des préconisations à ce titre dont l’employeur n’a été informé que selon courrier postérieur du 25 mai 2018, ledit avis n’ayant pas fait l’objet de la contestation prévue par l’article L. 4624-7 du code du travail, force est néanmoins de constater que le Dr [F] avait indiqué à la société Baxter Injection, dans un courrier du 02 février 2018, que la condition physique de M. [T] n’était pas compatible avec la manutention de charges lourdes’; ce qui expliquait sa déclaration d’inaptitude au poste de magasinier-cariste.

Or, la société Baxter Injection ne justifie pas avoir utilement sollicité le médecin du travail pour qu’il précise clairement ce qu’il entendait par «’charges lourdes’» alors même que dans sa proposition de reclassement au poste d’opérateur faite au salarié par courrier du 07 février 2018, elle revient à plusieurs reprises sur le fait que M. [T] ne peut travailler sur un poste l’exposant à «’la charge physique et à la manutention de charges lourdes’», tout en considérant dans la description du poste que «’cette liste n’est pas exhaustive mais le poste de travail d’opérateur est exempt des contraintes notifiées par le médecin du travail’».

Si elle verse certes aux débats les attestations de Mme [N], responsable qualité, de M. [B] [I], chef d’équipe, de Mme [V] [A], ouvrière, de Mme [U] [L], assistante logistique, de Mme [G] [M] et de M. [Y] [P], responsable de production qui témoignent tous du fait que sur le poste d’opérateur de production, le poids des cartons à manipuler est de moins de 12 kg, certains précisant un poids de 11,30 kg, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agit pas d’une caractéristique du poste figurant sur la fiche transmise par l’employeur au médecin du travail, sur laquelle il aurait pourtant dû porter une appréciation relative à la compatibilité avec l’état de santé de M. [T] au vu des incompatibilités médicales précédemment énoncées pour le précédent poste.

Surtout, le cahier des charges mis à jour le 03 décembre 2015, produit en pièce n°34 par l’employeur, mentionne, concernant le poids du carton, un poids maximal de 15 kg, soit exactement le poids évoqué par le salarié lors de l’audience des plaidoiries devant les premiers juges et excédant, dès lors, celui repris par les témoins.

Il est par ailleurs observé que M. [T] n’a travaillé, en tout et pour tout, sur le poste de reclassement que trois jours, le salarié ayant quitté son poste à 21 heures, non sans que son état de santé se soit dégradé puisque son chef d’équipe, M. [D] [X], a constaté avoir vu M. [T] «’mal en point crachant beaucoup de sang’» aux toilettes, le 14 février 2018, M. [T] ayant ensuite été en arrêt maladie à compter du 15 février 2018 jusqu’à sa déclaration d’inaptitude définitive au poste avec dispense de reclassement et son licenciement subséquent pour ce motif’; peu important la qualification juridique retenue de cet évènement et, en particulier, de sa prise en charge ou non comme accident du travail, dans les rapports entre l’employeur et le salarié, ladite reconnaissance ayant eu lieu dans les rapports entre l’assuré et la caisse selon jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 31 août 2021 et une procédure pour faute inexcusable étant en cours où cette qualification est susceptible d’être ipso facto de nouveau discutée entre l’employeur et le salarié.

Il s’ensuit que la cour ne peut que conclure de la même manière que l’inspecteur du travail que l’employeur n’a pas réalisé un reclassement garantissant la santé et la sécurité au travail de M. [T].

Troisièmement, si la société Baxter Injection établit de manière suffisante qu’il existait un document unique d’évaluation des risques professionnels et que le risque afférent au port de charges a été identifié tant pour le service magasin que celui des opérateurs, force est de constater que la mesure de prévention s’est limitée à l’apposition d’écriteaux avec les postures, mesure jugée insuffisante dès lors qu’à tout le moins, il apparaissait nécessaire qu’une formation aux gestes adaptés soit dispensée.

Au demeurant, dans son courrier du 07 février 2018, l’employeur s’était engagé auprès de M. [T] à la mise en place d’une formation pour l’accompagner dans la prise de son nouveau poste, aucun élément utile produit ne permettant de considérer qu’elle a bien eu lieu.

Il s’en déduit que l’employeur ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires dans le cadre de son obligation de prévention des risques professionnels.

En conséquence, les premiers juges ont retenu à juste titre que la société Baxter Injection avait manqué à son obligation de prévention et de sécurité et fait une juste appréciation du préjudice subi en allouant à M. [T] la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts, indépendamment de l’indemnisation qu’il réclame dans le cadre de la procédure en cours au titre de la reconnaissance d’une faute inexcusable, dès lors que le manquement de l’employeur lui a à tout le moins causé un préjudice moral et une pénibilité accrue et anormale dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur le licenciement’:

Premièrement, M. [T] sollicite la nullité de son licenciement au visa de l’article 1226-9 du code du travail, au motif que sa déclaration d’inaptitude fondant son licenciement a pour partie une origine professionnelle.

Toutefois, la nullité à raison de la méconnaissance de l’article L. 1226-9 visée par l’article L. 1226-13 du code du travail, n’est encourue que lorsque le licenciement est prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail, sauf les exceptions de la faute grave et de l’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

En l’occurrence, un avis d’inaptitude a été rendue lors d’une visite qualifiée de reprise, non utilement discutée par M. [T], le 19 juin 2018, certes sur le poste de magasinier cariste, alors que les parties avaient convenu d’un changement de poste le 14 février 2018, sans que cette circonstance ne fasse débat entre les parties.

Le seul motif avancé par M. [T] pour solliciter la nullité de son licenciement est inopérant si bien que le jugement entrepris est infirmé de ce chef et M. [T] débouté de sa demande de nullité.

Deuxièmement, l’inaptitude fondant le licenciement provoqué en tout ou partie par un manquement préalable de l’employeur rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si M. [T] ne fournit certes pas de pièces médicales explicitant exactement le motif de ses arrêts de travail à compter du 15 février 2018, il n’en demeure pas moins qu’il établit s’être trouvé mal son dernier jour de travail, en présence de son chef, et qu’il démontre suffisamment que les manquements préalables de son employeur à son obligation de prévention et de sécurité ont, au moins en partie, été à l’origine de sa déclaration d’inaptitude au poste dès lors qu’il a fait l’objet d’une proposition de poste de reclassement en qualité d’opérateur qu’il n’a pu occuper que trois jours avant d’être de nouveau en arrêt maladie de manière continue, jusqu’à sa déclaration d’inaptitude, et qu’il a été vu précédemment que l’employeur ne justifiait pas avoir respecté des contraintes médicales énoncées par le médecin du travail et connues au préalable de lui s’agissant de la manutention de charges lourdes, ladite restriction étant notamment reprise sur le courrier du 25 mai 2018 du médecin du travail à l’employeur et pas davantage l’engagement qu’il avait pris auprès du salarié de lui dispenser une formation d’adaptation au poste.

Il convient en conséquence de juger que l’inaptitude fondant le licenciement a été au moins en partie causée de manière certaine par les manquements préalables de l’employeur si bien que le licenciement notifié par courrier du 03 juillet 2018 est déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors que le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, peu important que M. [T] ait pu ne pas être en capacité d’exécuter son préavis, il est fondé à solliciter la somme de 4077,60 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 407,76 euros bruts au titre des congés payés afférents par confirmation du jugement de ces chefs.

En outre, au jour de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [T] avait 18 ans d’ancienneté, préavis non exécuté compris.

Il ne justifie aucunement de sa situation ultérieure au regard de l’emploi, quoique ses aptitudes physiques soient notablement réduites, à tout le moins à la date de la rupture du contrat de travail.

Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 29500 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter du surplus de ses prétentions de ce chef.

Sur les demandes accessoires’:

L’équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [T] une indemnité de procédure de 1200 euros et de lui accorder une indemnité complémentaire de 1300 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Baxter Injection, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS’;

La cour, statuant publiquement contradictoirement et après avoir délibéré conformément à la loi’;

REJETTE la demande de nullité du jugement entrepris

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a’:

– dit et jugé que la SAS Baxter Injection a violé son obligation de sécurité et de prévention,

– condamné en conséquence la SAS Baxter Injection à verser à M. [K] [T] les sommes de’:

– 15 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ensuite de la violation par l’employeur de son obligation de prévention et de sécurité,

– 4 077,60 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 407,76 € brut à titre de congés payés afférents,

– 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SAS Baxter Injection de sa demande reconventionnelle,

– condamné la SAS Baxter Injection aux dépens.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [T] de sa demande de nullité du licenciement

DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par courrier du 03 juillet 2018 à M. [T] par la société Baxter Injection

CONDAMNE la société Baxter Injection à payer à M. [T] la somme de vingt-neuf mille cinq cents euros (29500 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur les créances salariales courent à compter du 27 septembre 2018, date de la citation devant le bureau de conciliation

RAPPELLE que les intérêts au taux légal sur les créances de dommages et intérêts courent à compter de la décision qui les prononce

DÉBOUTE M. [T] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Baxter Injection à verser à M. [T] une indemnité complémentaire de procédure de 1300 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Baxter Injection aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x