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N° RG 20/04193 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IUIY
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SÉCURITÉ SOCIALE
ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE BERNAY du 14 Décembre 2020
APPELANTE :
S.A.S. ETUDE REALISATION MONTAGE SPECIAUX-ERMESYS
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Eric DI COSTANZO de la SELARL ACT’AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Julie LEMAIRE ETIENNE, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
Monsieur [I] [A]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Fabien LACAILLE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 03 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 03 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Février 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [I] [A] a été engagé par la société Etude réalisation montage spéciaux-Ermesys (ci-après Ermesys) en qualité de tourneur fraiseur par contrat à durée indéterminée du 6 août 2007.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective de la métallurgie.
Le licenciement pour cause réelle et sérieuse a été notifié au salarié le 31 décembre 2019.
Saisi en contestation du licenciement par requête du 7 février 2020, le conseil de prud’hommes de Bernay, par jugement du 14 décembre 2020, a :
– dit et jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Etude réalisation montage spéciaux-Ermesys à payer à M. [I] [A] les sommes suivantes :
30 000 euros nets d’indemnités pour licenciement nul ;
35 000 euros nets d’indemnités pour licenciement abusif ;
5 000 euros pour manquement à l’obligation de résultat ;
1 500 euros de dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle ;
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– débouté la société Etude réalisation montage spéciaux-Ermesys de sa demande reconventionnelle ;
– condamné la société Etude réalisation montage spéciaux-Ermesys aux dépens.
La société Etude réalisation montage spéciaux-Ermesys a interjeté appel de la décision le 21 décembre 2020.
Par conclusions remises le 14 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Etude réalisation montage spéciaux-Ermesys demande à la cour de :
A titre liminaire, au principal
– dire et juger que le jugement entrepris est nul, au visa de l’article 455 alinéa 1er et de l’article 458 du code de procédure civile ;
A titre liminaire, subsidiairement
– déclarer l’impossibilité juridique de cumuler les sanctions du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement et sa nullité,
– ordonner que le jugement entrepris est entaché d’erreur de droit, en ce qu’il a condamné la société à verser à M. [A] à la fois la somme de 30 000 euros pour licenciement nul, et la somme de 35 000 euros pour licenciement abusif,
– En conséquence, infirmer le jugement entrepris ;
En tout état de cause,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [A] une indemnité pour licenciement nul, pour licenciement abusif, pour déloyauté, pour manquement à l’obligation de sécurité et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire que le licenciement n’est pas nul et est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu’elle n’a pas fait preuve de déloyauté ;
– constater l’incompétence matérielle de la juridiction prud’homale pour se prononcer sur l’obligation de sécurité de résultat, liée à une demande de maladie professionnelle, en tout état de cause, constater que la société n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité et dire et juger qu’aucune somme n’a lieu à être versée à ce titre à M. [A] ;
Si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation
– réduire les sommes allouées à M. [A] à de plus justes proportions, et eu égard au préjudice subi ;
– condamner M. [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 12 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. [A] demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel incident et, l’y accueillant, y faire droit ;
– débouter la société de son appel,
– constater que le jugement entrepris n’est entaché d’aucune nullité ;
– confirmer le jugement entrepris et constater que le licenciement est nul à titre principal ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– en tout état de cause, condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes :
à titre principal, indemnité pour licenciement nul : 50 000 euros
à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement abusif : 35 000 euros
manquement à l’obligation de sécurité de résultat : 5 000 euros
dommages et intérêts pour déloyauté contractuelle : 1 500 euros
indemnité article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros
indemnité article 700 du code de procédure civile en appel : 3 000 euros
– condamner la société aux entiers dépens, qui comprendront les éventuels frais et honoraires d’exécution de l’arrêt à intervenir.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur la nullité du jugement
La société Ermesys soulève la nullité du jugement déféré faute de motivation, comme se limitant à reprendre les prétentions des parties.
M. [I] [A] s’y oppose, considérant que le conseil de prud’hommes a motivé sa décision tant en fait qu’en droit et a notamment explicité son raisonnement le conduisant à prononcer la nullité du licenciement.
Selon l’article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif.
En l’espèce, l’examen du jugement critiqué révèle qu’après la reprise des moyens et demandes des parties, les faits ont été exposés, les textes applicables à la procédure rappelés, puis pour chaque chef de demande, le conseil de prud’hommes a affirmé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans aucune motivation, a dit le licenciement nul en retenant une discrimination après une analyse des éléments factuels, a motivé l’octroi des dommages et intérêts pour licenciement abusif, a statué sur le manquement à l’obligation de sécurité sans se prononcer sur le moyen tiré de l’irrecevabilité de cette demande soulevé par l’employeur et en ne reprenant que les arguments du salarié, tout comme pour statuer sur le manquement à la loyauté contractuelle.
Ce faisant, les premiers juges ont manqué à leur obligation de répondre à l’ensemble des moyens soulevés et à celle de confronter les arguments des parties en procédant à leur propre analyse, ce qui contrevient à l’obligation de motivation telle que résultant de l’article 455 du code de procédure civile.
En conséquence, il convient d’annuler le jugement entrepris.
II – Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail
II-1- déloyauté contractuelle
Sur le fondement de l’article L.1152-1 du code du travail, M. [I] [A] soutient avoir fait l’objet de multiples brimades injustifiées de la part de son supérieur hiérarchique, qui le qualifiait de ‘ bon à rien’ ou de ‘fainéant’ devant le reste de l’équipe.
La société Ermesys s’y oppose aux motifs que le salarié n’apporte pas d’éléments au soutien de sa demande hormis l’attestation de M. [V] dont elle remet en cause la force probante.
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l’appui de ses affirmations, M. [I] [A] produit le courriel qu’il a adressé le 16 décembre 2019 sollicitant un rendez-vous avec le médecin du travail dans lequel il évoque la pression inacceptable qu’il subit au travail, ses conditions de travail inacceptables, les injures dont il est victime, ainsi que l’attestation de M. [V] datée du 11 janvier 2020, à laquelle n’est pas jointe copie de sa pièce d’identité et qui ne comporte pas toutes les mentions exigées par l’article 202 du code de procédure civile, relatant que le directeur appelait M. [I] [A] de fainéant et qu’il ‘en faisait son cas personnel pour le virer le plus rapidement possible’, de sorte que la cour ne lui accorde aucune force probante, d’autant que sans être contredit l’employeur fait valoir que ce salarié a démissionné et a fait l’objet d’une plainte pour abus de confiance comme ayant pris du matériel appartenant à l’entreprise.
Aussi, les doléances du salarié n’étant corroborées par aucun élément objectif, M. [I] [A] ne présente pas la matérialité d’éléments précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il n’établit pas davantage que l’employeur a manqué de loyauté.
Par conséquent, la cour déboute M. [I] [A] de la demande de ce chef.
II-2 – manquement à l’obligation de sécurité
M. [I] [A] soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité comme devant travailler sans disposer de l’intégralité des EPI nécessaires à ses fonctions, et notamment en étant soumis quotidiennement à l’inhalation de fumées, à coté des soudeurs, sans masque et extracteur général de fumée, n’excluant ainsi pas que sa maladie dégénérative affectant ses reins puisse avoir un lien qu’il entend faire reconnaître au titre d’une maladie professionnelle.
La société Ermesys soulève en premier lieu l’incompétence de la juridiction prud’homale pour statuer sur le manquement invoqué au profit du Pôle social du tribunal judiciaire.
Relève de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, qu’ils soient ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
En l’espèce, le salarié évoque l’éventuelle conséquence des manquements de l’employeur sur la maladie dont il souffre sans néanmoins que celle-ci ait été reconnue comme étant une maladie professionnelle, et d’ailleurs, il n’est pas justifié de ce que le salarié a déclaré une telle maladie, de sorte que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur le préjudice résultant d’un éventuel manquement de l’employeur à son obligation de sécurité sans lien avec une maladie professionnelle résultant de ce manquement.
En second lieu, outre qu’elle considère que le salarié ne justifie pas de ses allégations, la société Ermesys fait valoir qu’elle respecte strictement son obligation de sécurité et que le salarié ne respectait pas quant à lui ses obligations à ce titre.
Il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
En cas de litige, il incombe à l’employeur de justifier avoir pris des mesures suffisantes pour s’acquitter de son obligation et s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2, il peut s’en déduire une absence de manquement à son obligation.
Concernant des lunettes de protection en nombre insuffisant, M. [I] [A] verse aux débats des photographies montrant que les salariés n’en étaient pas porteurs, ce qui en soi ne suffit pas à retenir un manquement de l’employeur.
Au contraire, la société Ermesys justifie de la mise en place d’un plan environnement sécurité régulièrement révisé, de l’établissement du document unique d’évaluation des risques professionnels depuis 2015, également mis à jour, mentionnant pour le personnel affecté en atelier notamment le port obligatoire de lunettes de protection au titre des mesures préventives existantes. D’ailleurs, il produit des factures pour l’achat d’EPI divers et notamment celle datée du 10 septembre 2019 pour une livraison du 5 septembre précédent concernant, entre autres, l’achat de 20 lunettes, ainsi que des affichages rappelant leur port obligatoire.
Il verse également l’attestation de Mme [X] [T], responsable QHSE qui certifie que les EPI ont toujours été fournis librement par l’entreprise à tout le personnel de façon à ce que chacun travaille en toute sécurité.
Concernant l’inhalation de fumées, à l’usinage, les fumées ne sont pas considérées comme un facteur de risque au sens de l’article D.4121-5 du code du travail, seuls les postes soudage devant être équipés d’un système de récupération des fumées, démarche en cours en 2018 et 2019.
Aussi, alors que M. [I] [A] était affecté comme tourneur fraiseur sur un poste en usinage, aucun manquement ne peut être imputé à l’employeur.
Par ailleurs, l’employeur établit avoir notifié un avertissement le 3 décembre 2018 au salarié pour non port des lunettes de sécurité et verse l’attestation de M. [S] [N], responsable HSE qui indique que depuis son arrivée le 12 février 2018, il a rappelé à M. [I] [A] son obligation de port de ses lunettes de sécurité à une fréquence pouvant aller jusqu’à plusieurs fois par semaine, démarche également accomplie par M. [C] [E], responsable chef d’atelier, qui atteste l’avoir souvent rappelé à l’ordre sans observer d’amélioration.
Il en résulte que l’employeur a pris les mesures s’imposant en terme de protection de la santé et sécurité de ses salariés et que le salarié s’est affranchi de sa propre initiative du port des lunettes de protection pourtant imposé par l’employeur et mises à sa disposition.
Aussi, aucun manquement n’est caractérisé et M. [I] [A] est débouté de sa demande de dommages et intérêts.
III – Sur la rupture du contrat de travail
Selon l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’article L.1235-1 du même code dispose qu’en cas de litige, lors de la conciliation prévue à l’article L. 1411-1, l’employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d’orientation proposer d’y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.
Le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre.
A défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il résulte de la lettre de licenciement du 31 décembre 2019 qui fixe les limites du litige qu’il est reproché à M. [I] [A] :
– d’avoir généré une situation de conflit injustifiée avec ses collègues de travail lié à un prétendu problème de pointage, ce qui a dégradé l’ambiance de travail et les conditions de travail,
– d’avoir commis une erreur d’usinage portée à la connaissance de l’entreprise le 28 octobre 2019,
– de refuser de travailler et collaborer avec ses collègues de travail, utilisant également ses temps morts pour aller perturber la bonne marche des opérations et de manière générale, désorganiser les activités,
– de nombreuses absences non autorisées et injustifiées ou retards de dernière minute, sans respect des délais de prévenance, désorganisant ainsi l’entreprise de façon importante.
Concernant la situation de conflit générée par le salarié, l’employeur expose que le grief repose non sur l’exercice du droit de grève mais sur la tentative malveillante du salarié qui a provoqué un désordre en montant un conflit de toute pièce ayant pour seul dessein la déstabilisation des relations entre l’employeur et les salariés, entraînant ainsi une perturbation du fonctionnement de l’entreprise.
M. [I] [A] conteste avoir incité à la grève, à la suite de problèmes récurrents de pointage totalement imputables à la Direction et au service de gestion du personnel, contestant avoir été à l’origine de demandes de sanctions à l’encontre de salariés comme l’affirme l’employeur, mais considérant comme injustes les retenues sur salaire opérées.
Il n’est pas contesté que l’entreprise a rencontré des difficultés quant au moment de l’enregistrement de la sortie de poste par ses salariés, lors de la mise en place d’une badgeuse, de sorte qu’avait été mise en place une retenue de 15 minutes pour les salariés ne respectant pas les règles définies par l’employeur par une note du 24 juin 2019.
Dans un courriel du 28 octobre 2019, M. [G] [L], directeur des opérations, explique que M. [A], qui s’était d’abord plaint que les règles n’étaient pas respectées et qu’il fallait sanctionner, a fait en sorte ou tenté de rallier le personnel pour déclencher une grève pour la retenue mise en place.
Dans son attestation du 25 janvier 2020, dont il maintient les termes le 15 mai 2020, après avoir rempli le document Cerfa afférent à l’attestation de témoin, accompagnée de la copie de sa pièce d’identité permettant de s’assurer de l’identité de son auteur, il précise qu’il a repris M. [A] à plusieurs reprises car non présent à son poste de travail pour aller discuter dans les bureaux ou voir ses collègues dans l’atelier afin de les emmener à se rebeller contre l’entreprise, relatant aussi, qu’alors qu’il avait demandé à plusieurs reprises la mise en place d’une pointeuse, une fois mise en oeuvre, le salarié a tenté de convaincre l’ensemble des collègues de faire grève.
L’employeur produit l’attestation de M. [K], expert-comptable de la société, datée du 8 septembre 2020, qui indique que M. [L] n’a jamais été associé des sociétés du Groupe depuis leur création jusqu’au 30 mai 2020 inclus.
Si M. [L] a régularisé en la forme ses divers écrits, néanmoins, il l’a fait à une date très proche de celle à laquelle il a pris des responsabilités supplémentaires dans les sociétés du Groupe, de sorte que son impartialité fait défaut, comme la crédibilité de ses déclarations. En effet, les termes du mail et de son attestation sont contradictoires en ce que l’un évoque les démarches de M. [I] [A] pour s’opposer à la mise en place de la badgeuse tandis que l’autre vise l’opposition à la retenue, comme conséquence du non-respect de son utilisation.
Il est également versé l’attestation du 8 septembre 2020 de M. [P] [J], établie en des formes régulières, qui décrit le comportement opposant du salarié qui cherchait à monter ses collègues les uns contre les autres, empêchant de travailler correctement et sereinement ou encore celle de Mme [B] [Z], responsable des ressources humaines, qui indique que M. [I] [A] tenait des propos critiques à l’encontre des dirigeants, en citant pour exemple la pointeuse, utilisée pour remonter les salariés contre la direction.
Ces attestations ne sont pas suffisamment précises pour établir la mise en oeuvre de manoeuvre déstabilisante pour l’entreprise, alors même que le salarié en conteste l’existence et qu’une critique opposée à des mesures prises par l’employeur n’est pas suffisante en soi pour traduire une attitude malveillante dès lors qu’elle ne se manifeste pas dans des conditions anormales, excessives ou non régulières.
Aussi, même si le grief de la lettre de licenciement ne peut revêtir les conditions permettant de prononcer la nullité du licenciement sur le fondement de l’article L.2511-1 du code du travail, l’opposition manifestée par le salarié n’ayant pas donné lieu à une grève, et que dès lors, il n’est pas reproché au salarié des faits en lien avec l’exercice d’un tel droit, la situation de conflits imputée au salarié ayant généré une dégradation de l’ambiance de travail et des conditions de travail n’est pas établie.
Concernant l’erreur d’usinage commise le 1er octobre 2019, portée à la connaissance de l’employeur par mail du 28 octobre 2019 adressé par M. [L], M. [I] [A] n’en conteste pas la réalité, mais en impute la cause à la défectuosité de la machine, affectée d’un vice.
Il n’est pas discuté que l’employeur a acquis une fraiseuse huron le 30 janvier 2019, réceptionnée le 18 février 2019.
Il s’agissait d’un matériel d’occasion, ayant fait l’objet d’une réparation en juin 2019.
Le 18 septembre 2019, il était procédé à une commande de dépannage pour le remplacement de ‘porte écrou’ pour un montant de 2 379 euros et un nouveau bon de commande du 14 octobre 2019 y ajoutait le remplacement de la vis à bille montée/descente.
Ainsi, s’il ne peut être prétendu que l’employeur n’accomplissait pas les diligences nécessaires pour s’assurer du bon état de marche du matériel mis à la disposition de ses salariés, dans le même temps, il s’en déduit que ce matériel pouvait être dysfonctionnel lorsque le problème est survenu le 1er octobre et faute d’établir l’origine précise et une manoeuvre inadaptée du salarié comme en étant la cause, l’attestation de M. [L] étant discréditée pour les motifs déjà développés, il existe un doute sur la cause du désordre, lequel doit profiter au salarié.
S’agissant du refus de travailler et de collaborer avec ses collègues, utilisant également ses temps morts pour aller perturber la bonne marche des opérations et de manière générale, désorganiser les activités, pour les motifs précédemment développés, compte tenu de l’absence de valeur probante attachée à l’attestation de M. [L] et des termes généraux et imprécis de celle de M. [J], les actes d’insubordination visés par la lettre de licenciement et contestés ne sont pas établis.
D’ailleurs, à juste titre, le salarié fait valoir que l’employeur ne précise pas le nom du salarié auquel il aurait refusé son assistance, alors qu’il aurait été aisé d’obtenir une attestation de l’intéressé.
Alors que le salarié a déjà été sanctionné pour ne pas avoir respecté des directives de son employeur les 3 décembre 2018 et 25 juillet 2019 et que dans son évaluation pour l’année 2018, il lui était demandé de respecter les consignes de sécurité et les temps de pause, il n’est pas établi que postérieurement à la dernière sanction, il ait persévéré dans des actes d’insubordination, comme il n’est pas davantage apporté d’éléments suffisamment précis établissant qu’il adoptait une attitude à l’égard de ses collègues de nature à perturber la bonne marche des activités de l’entreprise.
Sur les absences et retards répétés, non autorisés et demeurés injustifiés, le salarié explique qu’il rencontre des difficultés de santé nécessitant des examens dont il a prévenu son employeur sans que ne lui soient opposées observations ou remarques.
La lettre de licenciement vise à titre d’exemple les 7 et 18 novembre 2019 comme absences injustifiées et non autorisées.
Or, il est produit au débat les courriels aux termes desquels le salarié prévenait M. [L] de ce qu’il passait un scanner le lendemain à 9h15 et qu’il arriverait en retard le mercredi matin comme ayant une prise de sang à faire, auxquels le directeur des opérations lui a répondu ‘OK noté’ ou ‘OK merci’, validant ainsi de fait l’absence ou le retard du salarié qui avait prévenu en amont sans ainsi susciter d’opposition, même s’il est avéré que le salarié n’apporte aucun élément justifiant de la réalité de ses convocations médicales, lesquels ne lui avaient pas été réclamés.
Pour les autres exemples visés des 5 et 6 décembre 2019, il n’est pas contesté que le salarié ne s’est pas présenté sur son lieu de travail, adressant néanmoins un mail à M. [L], respectivement à 7h19 le premier jour pour lui dire de ne pas l’attendre qu’il était bloqué sans plus de précisions et à 8h01 le second, pour lui dire que sa voiture ne démarrait pas et qu’il viendrait s’il arrivait à la démarrer.
Si ces deux absences n’ont pas été autorisées, le salarié n’en a pas moins prévenu l’employeur, dans un délai aussi rapide que possible au regard des circonstances non prévisibles. Ces absences impromptues ont nécessairement eu une incidence sur l’organisation du travail programmé en atelier.
Néanmoins, s’agissant d’un salarié ayant douze ans d’ancienneté, sans passif disciplinaire avant qu’il ne démissionne le 5 août 2018 de son mandat de délégué du personnel, ses deux absences dans de telles conditions ne sauraient justifier un licenciement même pour cause réelle et sérieuse, cette sanction apparaissant disproportionnée.
Aussi, le licenciement est dit dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié dans une entreprise de plus de onze salariés ayant douze ans d’ancienneté lui permet de prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois de salaire.
En considération d’un salaire moyen mensuel de l’ordre de 2 500 euros, en l’absence de tout élément permettant d’apprécier l’évolution de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour accorde au salarié la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.
IV – Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie pour partie succombante, la société Ermesys est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [I] [A] la somme de 3 000 euros pour les frais générés par l’ensemble de la procédure et non compris dans les dépens .