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AFFAIRE : N° RG 21/03450
N° Portalis DBVC-V-B7F-G4SO
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CAEN en date du 23 Novembre 2021 RG n° F 20/00122
COUR D’APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [P] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Monique BINET, avocat au barreau de CAEN,
INTIMEE :
Société à responsabilité limit ID ART CONCEPT prise en la personne de son représentant légal, le liquidateur amiable de la société ID ART CONCEPT domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Mickaël DARTOIS, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me BOULOUX-POCHARD, avcoat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,rédacteur
DÉBATS : A l’audience publique du 15 décembre 2022
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 23 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
M. [U] a été embauché en qualité de concepteur vendeur par la société ID Art concept pour la durée déterminée du 1er mai au 20 juillet 2012.
Du 2 juillet 2012 au 26 mai 2014 il a été inscrit en qualité d’autoentrepreneur.
À compter du 1er juin 2015 il a été embauché par cette société en qualité de concepteur vendeur pour exercer à l’agence de [Localité 5].
Le 11 janvier 2017, il s’est vu notifier un avertissement.
Le 29 décembre 2017 il a pris acte de la rupture.
Le 25 octobre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Caen aux fins de voir annuler l’avertissement, obtenir paiement d’un rappel de commissions, d’une indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et voir dire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement d’indemnités afférentes.
Le 22 mars 2021, les conseillers se sont déclarés en partage de voix et l’affaire a été envoyée à l’audience présidée par le juge départiteur
Par jugement du 5octobre 2021, le juge départiteur de Caen statuant seul après avoir pris l’avis des conseillers présents a :
– annulé l’avertissement
– condamné la société ID Art concept à payer à M. [U] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts
– débouté M. [U] de ses demandes de rappel de commissions, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d’indemnités au titre de la rupture
– condamné M. [U] à payer à la société ID Art concept la somme de 1 834,07 euros en remboursement d’une commission indûment perçue et la somme de 9 254,14 euros à titre d’indemnité de préavis
– débouté les parties du surplus de leurs demandes
– débouté la société ID Art concept de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné M. [U] aux dépens.
M. [U] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions l’ayant débouté de ses demandes de rappel de commissions, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d’indemnités au titre de la rupture et du surplus de ses demandes.
Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 30 novembre 2022 pour l’appelant et du 12 décembre 2022 pour l’intimée.
M. [U] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il annulé l’avertissement, condamné la société ID Art concept à lui payer la somme de 250 euros à ce titre et débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– infirmer le jugement pour le surplus
– condamner la société ID Art concept à lui payer les sommes de :
– 4 224,69 euros à titre de rappel de commissions
– 422,46 euros à titre de congés payés afférents
– 27 762,42 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts
– 9 254,14 euros à titre d’indemnité de préavis
– 925,41 euros à titre de congés payés afférents
– 6 562,15 euros à titre d’indemnité de licenciement
– 92 541,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonner à l’employeur de remettre sous astreinte les documents de fin de contrat conformes et les bulletins de paie pour la période du 2 juillet 2012 au 31 mai 2015
– débouter la société ID Art concept de ses demandes.
La société ID Art concept et Mme [E] ès qualités de liquidateur amiable de la société demandent à la cour de :
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a annulé l’avertissement et débouter M. [U] de sa demande de dommages et intérêts
– condamner M. [U] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 décembre 2022.
SUR CE
1) Sur l’avertissement
Aux termes d’une lettre du 19 janvier 2017 ayant pour objet ‘avertissement’ l’employeur fait état, après avoir rappelé l’obligation d’informer systématiquement en cas de modifications apportées après la validation du bon de commande de dossiers clients où des dysfonctionnements ont été répertoriés (dossiers [Z], [X], [I], [T], [O]), puis fait état de l’insatisfaction des clients [N], [J] et [L] dans le suivi de leurs dossiers alors que le suivi administratif fait partie intégrante du poste et qu’un rappel de consignes a été adressé le 24 mai 2016, puis de cinq dossiers pour lesquels la marge minimum n’a pas été atteinte ni le seuil de rentablité des ventes.
Dans le cadre de l’instance, la société ID Art concept se borne à rappeler que M. [U] n’a pas informé sa hiérarchie lorsqu’il a refait des bons de commande, sans se référer à de quelconques pièces alors que ce dernier conteste ces faits et soutient avoir toujours transmis les bons au directeur du magasin M. [V] qui avait la charge de les remettre à Mme [A] ce qu’il ne faisait pas toujours.
S’agissant du manque de suivi de trois clients, il était déjà visé dans une simple lettre de rappel du 24 mai 2016.
S’agissant enfin de la marge minimum non atteinte, M. [U] fournit une explication (utilisation du logiciel Winner paramétré par la direction avec tarifs fournisseurs intégrés, calcul automatique des marges, validation par le directeur et la gérance) que la seule allégation par l’employeur d’une ‘obstination’ de M. [U] à ne pas respecter la marge minimum ne contredit pas, étant encore relevé que pour preuve des prétendus non-respects de marges, l’employeur se borne à se référer à ses pièces 9,10 et 11 comprenant pas moins de dizaines de feuillets chacune qu’il n’explicite ni ne commente.
En cet état, la preuve de faits fautifs postérieurs au rappel de mai 2016 n’est pas faite et le jugement sera confirmé en ce qu’il a annulé l’avertissement et alloué 250 euros à titre de dommages et intérêts.
2) Sur le rappel de commissions
M. [U] présente sa réclamation (qu’il a considérablement réduite en cause d’appel) comme correspondant à l’application d’un taux de 6% sur le montant de chiffre d’affaires TTC (et non pas HT) des factures produites par l’employeur.
Le contrat de travail stipulait ‘une commission de 6% sur les ventes pour une marge réelle de 48% versée en deux parties’, la première de 4% du ‘chiffre d’affaires réalisé ‘ versée ‘avec le salaire du mois où a lieu la vente pour une marge théorique de 48%’, la seconde calculée sur l’ensemble de la vente en prenant en compte la marge réelle.
Un avenant conclu le 4 février 2016 a modifié, notamment, l’article du contrat de travail consacré à la rémunération et stipulé que la première partie correspondait à ‘4% du chiffre d’affaires réalisé hors taxes, hors livraison’ et serait versée avec le salaire du mois où aura lieu la vente ‘pour une marge théorique de 48% hors taxe, hors livraison’.
Il n’est pas contesté qu’avant l’entrée en vigueur de l’avenant du 4 février 2016 les commissions versées à M. [U] l’ont été sur la base d’une facturation hors taxes ni que cette situation n’a appelé avant l’instance aucune observation ni contestation du salarié.
La société ID Art concept soutient que son intention ne pouvait être que de calculer une rémunération sur la part de chiffre d’affaires qu’elle conservait.
M. [U] n’avance aucun élément juridique ou factuel à l’appui de sa thèse suivant laquelle avant la signature de l’avenant le chiffre d’affaires s’entendait d’un chiffres d’affaires TTC.
Le premier juge a donc exactement jugé qu’en l’état du seul élément objectif (le versement sans objection de commissions sur le chiffre d’affaires HT avant février 2016), de ce que l’ajout de février 2016 se présentait comme une simple précision et de la logique (impliquant une rémunération calculée sur le chifre d’affaires effectivement réalisé) il ne pouvait qu’être jugé que les parties avaient entendu calculer la rémunération variable sur le chiffre d’affaires hors taxes.
L’employeur ayant par ailleurs fourni des explications précises que M. [U] ne conteste pas quant à l’absence d’atteinte réelle de la marge de 18%, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté ce dernier de sa demande de rappel de commissions.
3) Sur le travail dissimulé
A l’appui de sa demande d’indemnité sur ce fondement, M. [U] fait valoir que du 2 juillet 2012 au 26 mai 2014 (période durant laquelle il a effectué des prestations pour le compte de la société ID Art concept sous le statut d’autoentrepreneur) et du 27 mai 2014 au 31 mai 2015 (période sans contrat de travail) il était en réalité lié à cette société dans des conditions similaires à celles qu’il avait en qualité de salarié.
S’agissant de la première période il soutient que la société IDArt concept a sciemment obtenu la rupture du contrat à durée déterminée pour l’employer dans le cadre d’un contrat d’auto-entrepreneur, qu’il a cependant continué à travailler de la même façon, à être soumis à des directives, objectifs, procédures, à utiliser les documents de la société et à bénéficier de la même rémunération.
Aucun élément n’est versé aux débats de nature à attester d’une pression subie ni même d’une demande pour adopter le statut d’auto-entrepreneur et pour toutes pièces justificatives des conditions d’accomplissement de ses prestations M. [U] produit en pièce 28 des documents qu’il ne commente pas autrement qu’en disant qu’il sagit de ‘bons de commandes, fiches clients etc..’ et qui s’avèrent effectivement consister en bons de commande et fiches clients à l’en-tête de la société, outre en pièce 29 des relevés bancaires faisant état de versements de la société pour des montants variables.
S’agissant de la seconde partie, M. [U] verse aux débats des relevés de compte attestant de versements de la société pour des montants variables, une pièce 31 qu’il ne commente pas et qui ne consiste qu’en un devis fait par Mme [D], un dossier de poste et deux relances effectués par lui, deux attestations de clients attestant l’avoir eu pour interlocuteur pour leur projet cuisine jusqu’en juillet 2015, une attestation de stagiaire qui n’indique pas la date de ses constatations et des factures à l’ordre de la société .
Si ces éléments établissent l’accomplissement de prestations pour le compte de la société ID Art concept et de versements par cette dernière, ils n’établissent rien de plus quant aux conditions d’accomplissement des prestations et notamment quant aux directives reçues susceptibles de caractériser leur exercice dans un lien de subordination, de sorte que le premier juge a exactement jugé que n’était pas faite la preuve d’un travail dissimulé.
4) Sur le harcèlement moral
Pour conclure avoir été victime d’agissements de harcèlement moral, M. [U] fait état des faits suivants : demande de passer sous le statut d’auto-entrepreneur, emploi pendant plus d’un an hors de tout cadre juridique, absence de reprise d’ancienneté et de congés payés acquis, pressions pour le pousser à quitter lui-même ses fonctions suite au changement de direction, sanctions disciplinaires injustifiées, demande de remboursement de commissions.
Il a été exposé ci-dessus que la situation de travail dissimulé n’était pas établie de sorte qu’aucun reproche ne peut être fait à l’employeur s’agissant de la non reprise de l’ancienneté ou de congés payés et les pressions sont invoquées sans autres explications factuelles et sans référence à de quelconques pièces.
Seule se trouve donc établie la délivrance d’un avertissement injustifié et à supposer même que la lettre du 4 mai 2016 évoquant trois relances de clients et indiquant à M. [U] qu’il était attendu de sa part une approche plus professionnelle de son poste n’ait pas reposé sur des faits dûment établis, il ne s’agit pas d’éléments suffisants pour laisser présumer un harcèlement moral, étant relevé que la demande de remboursement d’une commission est postérieure à la rupture
5) Sur la rupture
M. [U] fait valoir les manquements suivants de l’employeur : prestations de travail sans contrat de travail, notification d’avertissements injustifiés, défaut de paiement de commissions, mise en oeuvre d’une stratégie d’éviction, harcèlement moral.
Ayant exactement jugé que, à l’exclusion de la délivrance d’un avertissement injustifié, les manquements reprochés n’étaient pas établis, le premier juge en a exactement déduit qu’il ne s’agissait pas d’un manquement empêchant la poursuite du contrat, a exactement débouté M. [U] de sa demande tendant à voir juger que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit qu’elle produisait les effets d’une démission et exactement fait droit à la demande de la société ID Art concept en paiement d’une indemnité de préavis de démission, dont l’obtention n’est pas subordonnée à la preuve d’un préjudice, et pour le montant alloué non critiqué à titre subsidiaire.
6) Sur la demande de la société ID Art concept en remboursement de commissions
Il est exposé par l’employeur qu’une commission a été reçue par M. [U] pour une commande ensuite annulée, ce sans autre explications ni argumentation ni référence à d’autres pièces que sa demande en remboursement.
Les premiers juges avaient fait état du bulletin de salaire de février 2017 mentionnant le versement d’un acompte.
Dès lors que le contrat de travail ne stipule pas que la première partie de la commission est restituable en cas de non règlement in fine par le client, la demande de remboursement n’est pas fondée et le jugement sera infirmé sur ce point.