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RUL/CH
[D] [Z]
C/
Association DIJONNAISE D’ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00284 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FV6S
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Encadrement, décision attaquée en date du 29 Mars 2021, enregistrée sous le n° F 19/00053
APPELANT :
[D] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Jean-Philippe SCHMITT, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
Association DIJONNAISE D’ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Romain CLUZEAU de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Pauline AUGE, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [D] [Z] a été embauché le 1er juillet 1996 par la société dijonnaise de l’assistance par le travail (ci-après SDAT), association ‘uvrant en faveur des personnes en situation d’exclusion, en qualité d’animateur socio-éducatif à plein complet à ACOR GRESILLES, dans un premier temps par contrat à durée déterminée de 6 mois puis par un contrat de travail à durée indéterminée régularisé dans les mêmes conditions d’emploi.
Au dernier état de la relation de travail, il était adjoint de direction à l’ASCO de [Localité 3], échelon 17, coefficient 590.
Un avertissement lui a été notifié le 3 octobre 2017, sanction qu’il a contesté le 26 suivant.
Le 4 décembre 2017, il a été déclaré inapte par le médecin du travail, avis renouvelé le 19 décembre suivant.
Le 8 janvier 2018, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 suivant puis licencié pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 26 janvier 2018.
Par requête du 24 janvier 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon afin de faire annuler l’avertissement du 3 octobre 2017 et faire juger que son licenciement est nul et sans cause réelle et sérieuse, outre la condamnation de son employeur aux indemnités afférentes.
Par jugement du 29 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Dijon l’a débouté de l’ensemble de ses demandes.
Par déclaration du 23 avril 2021, M. [Z] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 9 juillet 2021, l’appelant demande de :
– juger que son licenciement est nul et sans cause réelle et sérieuse,
– annuler l’avertissement du 3 octobre 2017,
– condamner la SDAT à lui payer les sommes suivantes :
* 11 270,07 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 127,01 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 60 107,04 euros nets de CSG / CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite,
* 5 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,
* 500 euros à titre de dommages-intérêts pour annulation de l’avertissement,
* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire que les sommes salariales porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête prud’homale,
– ordonner la remise des documents légaux rectifiés suivants : certificat de travail, attestation Pôle Emploi et bulletin de paie,
– condamner l’association SDAT aux dépens d’instance.
Aux termes de ses dernières écritures du 29 septembre 2021, la SDAT sollicite de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
– le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire qu’il supportera les entiers dépens.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur l’annulation de l’avertissement du 3 octobre 2017 :
Le 3 octobre 2017, un avertissement a été notifié au salarié dans les termes suivants :
« Début septembre 2017, nous avons appris :
– L’arrêt depuis environ une année des envois CERFA à la DDCS, démarche pourtant obligatoire, permettant le renouvellement des prises en charge des résidents CHRS du SAIS SDAT-ASCO, sans que vos supérieurs hiérarchiques ne soient informés de cette décision ; cette situation a été confirmée le 2 octobre 2017 lors d’une réunion en présence des équipes de SDAT-ASCO et de la DDCS ;
– Que des logements Inser’Social Beaun bénéficient de l’ALT insertion sans accord de la DDCS ;
– Que les Projets Individuels Personnalisés n’ont toujours pas été mis en place à ce jour, et ce malgré les obligations réglementaires dont vous avez eu connaissance (loi 2002) et les conclusions énoncées dans l’évaluation externe en 2014. » (pièces n° 11 et 12)
M. [Z] oppose que :
– cet avertissement, intervenu après plusieurs mois d’absence, a été contesté par écrit le 26 octobre 2017,
– l’employeur n’apporte aucun élément de nature à établir ces faits fantaisistes dont l’objet est de lui nuire encore un peu plus,
– l’avertissement lui a été notifié après la tenue d’un entretien où il a été exigé à plusieurs reprises sa démission.
Au titre des éléments dont la charge lui incombe, la SDAT indique que les premiers et troisièmes griefs ne sont pas contestés par le salarié qui se borne à s’étonner pour le premier que M. [H] n’ait pas remédié au problème, et pour le second à soutenir qu’il s’agit d’un « fait connu de tous [ses] supérieurs hiérarchiques ».
Il ajoute contester que M. [S] ait exigé qu’il démissionne et sollicite que l’attestation tardive et non datée de Mme [W] soit écartée.
Néanmoins, la cour relève que le salarié a contesté cette sanction par lettre du 26 octobre 2017 (pièce n° 13).
Les termes de cette lettre sont d’ailleurs confirmés par l’attestation de Mme [W] (pièces n° 57 et 57-1), attestation au demeurant recevable bien qu’initialement non conforme puisque désormais régularisée, en ce qu’elle fait le récit précis et circonstancié de l’entretien auquel elle a personnellement assisté entre le salarié et son employeur, la cour conservant en tout état de cause un pouvoir d’appréciation sur ces témoignages.
Or l’employeur ne produit, au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, aucun élément de nature à établir les griefs formulés à l’encontre du salarié, étant à cet égard observé que l’affirmation selon laquelle ce denier reconnaît deux des trois griefs relèvent d’une interprétation orientée des propos tenus lors de l’entretien préalable tels que rapportés par le témoin.
En conséquence, peu important qu’il ait été dit à deux reprises au salarié qu’il pouvait démissionner, il y a lieu de considérer que l’avertissement du 3 octobre 2017 ne repose sur aucun fait matériel fautif établi. Il sera en conséquence annulé, le jugement étant infirmé sur ce point.
Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.
En l’espèce, M. [Z] n’apporte aucun élément permettant de justifier d’un préjudice résultant du caractère injustifié de la sanction infligée. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
II – Sur le bien fondé du licenciement pour inaptitude :
L’article L.4121-1 du code du travail dispose que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, incluant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, sur le fondement de principes généraux de prévention cités par l’article L.4121-2 du même code.
Il résulte des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 précise à sa suite qu’en cas de litige relatif à l’application notamment de l’article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement.
Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [Z] conteste le bien fondé de son licenciement pour inaptitude dans la mesure où celle-ci serait consécutive à des manquements imputables à l’employeur caractéristiques d’un harcèlement moral, à savoir :
– l’absence de prise en compte par l’employeur des risques psycho-sociaux subis par le salarié,
– des brimades,
– des mesures vexatoires.
a) Au titre des risques psycho-sociaux négligés par l’employeur, le salarié expose que :
– la SDAT ASCO, établissement secondaire Beaunois de la SDAT regroupant des activités dans le domaine social, médico social et la réinsertion professionnelle, a été abandonnée au fil des années par la direction générale basée à [Localité 4], de sorte que les conditions de travail difficiles liées au public accueilli et la charge importante des tâches à assumer ont usé le personnel,
– le CHSCT a abordé les souffrances du personnel à plusieurs reprises entre 2010 et 2016,
– une alerte collective de la quasi majorité du personnel (18 salariés sur 22) a été adressée à la DIRECCTE le 5 septembre 2014,
– une enquête réalisée par Mme [L], inspectrice du travail, et M. [T], contrôleur du travail, a conduit à la mise en demeure de la SDAT le 8 janvier 2015 « de procéder à une évaluation effective des risques portant sur l’ensemble des facteurs psycho sociaux susceptibles d’être à l’origine des constats effectués tels que :
– l’intensité du travail et les temps de travail
– l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle
– les exigences émotionnelles (dont les relations avec les usagers, patients, collègues)
– l’autonomie (dont la possibilité d’anticiper)
– les rapports sociaux au travail
– les conflits de valeurs
– l’insécurité sur la situation de travail (‘ impact des réorganisations, diminution des effectifs’)
et d’élaborer et mettre en ‘uvre un plan d’action prenant en compte les résultats de l’évaluation et le respect des principes généraux de prévention, et prendre les mesures concrètes nécessaires à la santé et sécurité des travailleurs », la DIRRECTE concluant à « une situation potentiellement dangereuse perdure pour les travailleurs de l’association du fait de l’état d’angoisse, de stress et de souffrance mentale, assorti des troubles psychosomatiques décrits par une large majoration des salariés entendus et de l’absence de prise en compte des risques psychosociaux par la direction ».
Or par lettre du 28 janvier 2015, l’employeur a opposé une fin de non recevoir à cette mise en demeure basée selon lui sur “un ramassis de calomnies que j’assimile à du harcèlement”,
– une nouvelle alerte a été adressée le 2 mars 2015 au président de la SDAT, sans suite,
– l’établissement de [Localité 3] a connu un nombre important d’absences en 2016 (665 jours calendaires), ce qui démontre la souffrance du personnel,
– M. [K], ancien salarié entre 2012 et 2017, atteste que la direction avait “des attitudes négatives envers le personnel, parfois un dénigrement et des méthodes honteuses pour gérer les relations humaines”.
b) Au titre des brimades et du dénigrement subis par lui, le salarié expose que :
– ses conditions anormales de travail sont à l’origine de ses arrêts de travail du 31 janvier au 5 février 2017, puis à partir du 24 février 2017 jusqu’à son inaptitude prononcée à deux reprises le 4 puis le 19 décembre 2017, puisqu’ils sont consécutifs à une dépression réactionnelle à une situation de souffrance liée au travail (“burn out”),
– le fait que le médecin du travail fasse mention dans les deux avis d’inaptitude des 4 et 19 décembre 2017 que « Compte tenu de la nature de la pathologie, je ne suis pas en mesure de faire les préconisations pour un reclassement » caractérise une dispense de rechercher un reclassement car même si il n’a pas coché la case dédiée, pour autant il a ciblé la « nature de la pathologie » et l’impossibilité dès lors de préconiser un reclassement, ce qui revient bien à faire le lien avec le milieu de travail,
– plusieurs témoins atteste de la dégradation de ses conditions de travail (fonctions modifiées à plusieurs reprises avec une définition de missions imprécises, ordres et contre-ordres) et des propos dénigrants du directeur général à son égard et ce devant témoins,
– le périmètre de son poste de directeur adjoint de la SDAT ASCO, à savoir la coordination des ateliers et de l’antenne d’accueil médical, ainsi que l’ensemble des services d’insertion sociale, a été réduit en 2013 par la suppression des ateliers, et l’intitulé même du poste a été modifié de directeur adjoint (pièce n° 6) en adjoint de direction,
– en dépit de l’accord de Mme [O], directrice adjointe, il lui a été interdit le 22 février 2017, sans raison ni préavis, d’amener son chien au bureau alors même qu’il était attaché à cet animal, anciennement propriété d’un usager décédé, ce alors que d’autres salariés étaient autorisés à emmener leur chien au travail.
c) Au titre des mesures vexatoires, il fait mention que :
– alors qu’il était placé en arrêt de travail depuis le 24 février 2017, il a reçu une lettre de mutation datée du 20 juin 2017 dont le contenu avait été porté à la connaissance des équipes de la SDAT ASCO avant qu’elle lui soit envoyée, il a été remplacé avant même de pouvoir répondre à son employeur et le poste sur lequel il était muté était déjà pourvu depuis le 1er juin 2017,
– un avertissement vexatoire lui a été notifié le 3 octobre 2017,
– il lui a été demandé de rencontrer le médecin du travail de [Localité 4] et non pas de [Localité 3] qui pourtant le suivait depuis des années et ce malgré son refus d’être muté à [Localité 4], ce que n’a pas manqué de relever le médecin du travail de [Localité 4] avant malgré tout de procéder à sa visite de reprise (pièces n° 17, 19, 20 et 21),
– il lui a été demandé de restituer son matériel professionnel (ordinateur portable, clés, téléphone),
– le management déviant, dédaigneux, autoritaire et vexatoire de M. [S] pendant des années est à l’origine de son licenciement par la SDAT, quelques mois après son propre licenciement.
Au titre des éléments qu’il lui appartient d’apporter, il produit :
– une lettre d’avertissement du 3 octobre 2017 (pièce n° 12),
– une lettre de contestation de l’avertissement et la réponse de l’employeur (pièces n° 13 et 14),
– des compte-rendus de réunions du CHSCT tenues entre 2010 et 2016 (pièces n° 32 à 39),
– deux lettres d’alerte collective adressées pour l’une à la DIRECCTE le 5 septembre 2014 et pour l’autre à la présidence de la SDAT le 2 mars 2015 (pièces n° 6.3 et 6.4),
– une mise en demeure de la SDAT par la DIRRECTE du 8 janvier 2015 (pièce n° 41),
– une lettre du 28 janvier 2015 de l’employeur opposant une fin de non recevoir à la mise en demeure de la DIRRECTE (pièce n° 42),
– un tableau des absences du personnel en 2016 (pièce n° 43),
– plusieurs attestations d’anciens salariés (pièces n° 44 à 51, 75, 77 à 82),
– la copie de ses arrêts de travail du 31 janvier au 5 février 2017 puis à partir du 24 février 2017 (pièces n° 7.1 et 7.6),
– les avis d’inaptitude des 4 et 19 décembre 2017 (pièces n° 22 et 25),
– une lettre de mutation du 20 juin 2017 et sa réponse (pièces n° 7.3 à 7.5),
– un article de presse évoquant le départ de M. [S] (pièce n° 74),
– un compte-rendu d’entretien préalable par Mme [W] (pièce n°57 et 57.1),
– un extrait de son dossier médical (pièce n° 76).
Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral de sorte qu’il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.
En réponse, la SDAT oppose que :
– M. [Z] ne démontre pas que son inaptitude serait la conséquence directe et certaine d’un comportement fautif de l’employeur, aucun élément n’étant apporté de nature à justifier un lien entre son arrêt de travail et ses conditions de travail,
– la mention « Compte-tenu de la nature de sa pathologie, je ne suis pas en mesure de faire les préconisations pour un reclassement » figurant dans l’avis d’inaptitude (pièce n° 22) ne permet pas d’établir un lien entre la pathologie dont souffre le salarié et le contexte de travail, ce d’autant que le médecin du travail n’a pas dispensé l’employeur de son obligation de reclassement et que lorsqu’il a été interrogé sur les postes de reclassement qui pourraient être proposé au salarié il s’est prononcé ainsi : ” Ce jour, j’ai pu étudier les fiches métier (‘) que vous m’avez transmis. Malheureusement, en réponse à vos interrogations, l’état de santé de Monsieur [Z] n’est pas compatible avec les postes proposés ” (pièce n° 10),
– les arrêts de travail transmis par M. [Z] sont sans lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, le seul fait qu’il s’agisse d’une ” dépression réactionnelle ” n’étant pas de nature à établir un lien quelconque avec ses conditions de travail,
– si l’arrêt de travail du 30 octobre 2015 mentionne « Dépression réactionnelle stress au travail », cela est insuffisant pour établir que l’épuisement physique et psychique est lié aux conditions de travail, d’autant plus que cette mention n’apparaît qu’une seule fois et que le médecin traitant n’est pas qualifié pour rendre un tel avis,
– beaucoup d’éléments produits par M. [Z] sont anciens et ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre son état de santé et ses conditions de travail, ce d’autant qu’il admet lui-même dans ses conclusions que les conditions de travail difficiles sont liées au public accueilli et à la charge de travail,
– les compte-rendus du CHSCT de décembre 2010 et mars 2011 ne concernent pas seulement la SDAT-ASCO mais l’ensemble des établissements relevant de la SDAT et sont sans emport sur le dossier de M. [Z] qui date le prétendu début de ses difficultés à l’année 2013, alors même qu’à cette date il a été déclaré apte à son emploi d’adjoint de direction (pèce n° 4),
– le 10 mars 2014, le docteur [E], médecin du travail, indique concernant les risques psychosociaux que « ces difficultés ne sont plus évoquées par les salariés », ce qui implique une amélioration de la situation des salariés (pièce n° 34),
– il n’est pas établi que les dossiers collectés par le docteur [E] et évoqués dans le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 1er décembre 2014 concernent la situation de M. [Z],
– il apparaît que le problème relevé concerne des heures supplémentaires dont la responsabilité incombe aux cadres de [Localité 3], incluant M. [Z], ce qui implique qu’il est pour partie responsable des risques psychosociaux constatés au sein de la SDAT en violation de la fiche métier « adjoint de direction de l’insertion sociale » qui lui a été remise et qui indique clairement qu’il doit « faire respecter toutes les dispositions légales et réglementaires, notamment en droit du travail » (pièce n° 6),
– une étude et un diagnostic ont été menés et un plan d’actions contre les risques psychosociaux a été mis en place au sein de la SDAT, de sorte que les multiples démarches de l’employeur permettent d’établir que tout a été mis en ‘uvre pour limiter les risques psychosociaux dans le respect de ses obligations légales : présentation du plan d’action aux salariés le 24 mai 2016, rencontres des équipes sur le terrain, mise à jour du document unique, formation des cadres sur le management, organigramme ‘ et au cours d’une réunion du 9 juin 2016, la DIRECCTE et la médecine du travail ont formulés des observations/préconisations sur le plan d’action qui ne constituent aucunement des « réserves » mais des remarques et propositions constructives (pièce n° 38)
– une « cellule COMMUNICATION » a été mise en place dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux (« RPS »),
– M. [Z] ne démontre pas le lien entre les éléments qu’il produit sur le fait que l’employeur avait connaissance des difficultés rencontrées par les salariés et sa propre situation, alors que cette charge de la preuve lui incombe,
– l’enquête menée par l’inspection du travail a été diligentée exclusivement à charge et de façon non contradictoire,
– M. [Z] ne figure pas sur le tableau des absences des salariés en 2016, et en raison du principe du secret médical, il est difficile d’établir et de faire un lien entre les absences des salariés et leurs conditions de travail,
– l’attestation de M. [K] est sans emport sur la situation de M. [Z] dans la mesure où il a été recruté par la SDAT grâce à M. [Z] et qu’il a initié un contentieux prud’homal contre la SDAT après son départ, de sorte que la sincérité de son attestation est douteuse, et il n’était pas présent à [Localité 3] (pièce n° 16),
– le formalisme de certaines attestations n’est pas respecté (Mmes [W], [B], [O], [J] et [C] et M. [V]), toutes n’ont pas été rectifiées et certaines ont été réécrites en cause d’appel (M. [V], Mme [O]),
– les attestations seront écartées pour les raisons suivantes :
* Mme [W] atteste alors qu’elle n’est plus salariée de la SDAT depuis le 31 octobre 2017 et manque clairement d’objectivité,
* Mme [J] atteste alors qu’elle n’est plus salariée de la SDAT, ne date pas les faits qu’elle relate et le contenu de son attestation manque de précision,
* M. [V] atteste en janvier 2019 alors qu’il a quitté l’entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail et les faits relatés sont imprécis,
* Mme [B] épouse [U] atteste en janvier 2019 alors qu’elle a quitté l’entreprise en décembre 2016 dans le cadre d’une démission claire et non équivoque, de sorte qu’elle est mal fondée à contester plusieurs années après les faits les conditions de son départ (pièce n° 18),
* Mme [C] n’était pas salariée de la SDAT ni présente dans les locaux de travail de sorte qu’elle peut difficilement et sans parti pris attester d’un lien entre les arrêts maladie du salarié et sa prétendue souffrance au travail,
* M. [A] atteste plus de 3 ans après les faits dans des termes peu précis et sans mentionner aucune date,
* Mme [R] atteste plus de 7 ans après les faits pour indiquer que « j’entends Monsieur [S] hausser le ton (‘) je quitte le bureau pour ne pas entendre »,
* M. [Y] atteste plusieurs années après de faits imprécis,
* Mme [F] n’est plus salariée depuis juin 2016 et atteste, plus de 4 ans après les faits, de sa propre expérience et de la bienveillance de M. [Z], ce qui est sans emport sur le dossier,
– le changement des conditions de travail annoncé à M. [Z] (mutation) ne constitue en aucun cas une mesure vexatoire mais la conséquence du fait que pendant son absence, la convention de partenariat entre la ville de [Localité 3], le CCAS et la SDAT a été dénoncée à titre conservatoire le 27 juin 2017 (pièces n° 8 et 9). C’est dans ce contexte, pour ne pas perdre le contrat, qu’un adjoint de direction a été recruté à compter du 17 juillet 2017 (pièce n° 15) et M. [Z] informé de son affectation sur [Localité 4] dès son retour d’arrêt maladie. Il s’agissait d’un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur puisque la mutation de M. [Z] s’opérait dans le même secteur géographique et il était d’ores et déjà domicilié à [Localité 4],
– M. [Z] a initialement été recruté par la société SDAT en qualité d’animateur et à compter du 1er juin 2000, un avenant n° 2 a été régularisé le nommant sur le poste de directeur-adjoint, statut cadre selon la convention collective de l’hospitalisation privée à but non-lucratif. Dans le cadre de la rénovation de celle-ci le 26 juillet 2004, M. [Z] a été reclassé sur un poste d’adjoint de direction par avenant à son contrat de travail, changement de dénomination qui n’a jamais été opéré sur le bulletin de paie (pièce n° 19). Dès lors, son poste n’a pas été modifié et l’ensemble des documents qu’il produit mentionne la fonction d’adjoint de direction,
– M. [Z] ne démontre pas qu’il aurait occupé des fonctions de directeur adjoint puisque les missions qu’il réalisait correspondent à celles figurant dans la fiche métier d’adjoint de direction (pièce n° 6),
– dans la mesure où M. [Z] devait reprendre son poste sur [Localité 4], il est apparu légitime qu’il rencontre le médecin du travail compétent territorialement,
– l’article de presse, qui ne vise pas la situation de M. [Z], manque d’objectivité et ne saurait être retenu.
Néanmoins, s’agissant de la non prise en compte par l’employeur des risques psycho-sociaux, la cour relève que M. [Z] admet dans ses écritures que les conditions de travail au sein de l’établissement dont il avait la charge étaient difficiles en raison du public accueilli et de la charge de travail importante à assumer.
Il ressort par ailleurs des nombreux compte-rendus de réunion du CHSCT produits que la question de la souffrance du personnel de la SDAT ASCO au travail a été, à de multiples reprises et de façon explicite, abordée entre 2010 et 2016 et que la cause de cette souffrance est attribuée à « la qualité du management et de l’organisation » (2010), « des problèmes organisationnels, l’émission d’ordres et de contre ordres qui créés l’insécurité » (2014), « un budget insuffisant et le manque de moyens » (2014).
Toutefois, s’il est démontré que l’employeur a dans un premier temps opposé une fin de non recevoir abrupte voire méprisante à sa mise en demeure par la DIRECCTE, il est fait état dans les compte-rendus précités que début 2015, deux cabinets ont néanmoins été sollicités pour proposer un devis d’évaluation et d’accompagnement des risques psycho-sociaux et un groupe de travail constitué dont les travaux ont abouti, en 2016, à la mise en place d’un plan d’action.
Dans ces conditions, peu important que l’établissement de [Localité 3] ait connu un nombre important d’absences en 2016 dès lors que le motif de ces absences n’est pas connu, le grief allégué n’est pas démontré.
S’agissant ensuite des mesures vexatoires alléguées, la SDAT justifie à suffisance du bien fondé de la mutation de M. [Z] ou encore du choix de faire effectuer sa visite de reprise par le médecin du travail de [Localité 4], de sorte que le caractère vexatoire allégué résulte d’une interprétation du salarié dans un contexte de relations difficiles avec son employeur.
Par ailleurs, nonobstant son annulation, il ne ressort pas des pièces produites ni des écritures des parties en quoi l’avertissement du 3 octobre 2017 présenterait un caractère vexatoire.
Il en est de même de la demande de restitution de matériel professionnel, ce d’autant que le salarié admet regretter de ne pas avoir pu procéder plus tôt à cette restitution dans une lettre du 13 août 2017 (pièces n° 8 et 9).
Le grief n’est donc pas fondé.
S’agissant enfin des brimades et du dénigrement dénoncés par le salarié, la cour relève en premier lieu, concernant la recevabilité des attestations produites, d’une part que le fait qu’elles émanent d’anciens salariés n’est aucunement de nature à justifier qu’elles soient écartées, et d’autre part que ces attestations, concordantes entre elles, restent recevables même si toutes ne sont pas établies avec toutes les mentions requises, la cour conservant un pouvoir d’appréciation sur ces témoignages.
Sur le fond, il ressort des attestations produites que le salarié a effectivement été confronté à une dégradation de ses conditions de travail résultant à la fois de la modification de ses attributions, d’une définition de missions imprécises, d’une succession d’ordres et de contre-ordres mais aussi de propos dénigrants de la part du directeur général à son égard, y compris en public (pièces n° 44 à 51, 75, 77 à 82).
Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le grief tiré du fait qu’il aurait été déclassé sur un poste d’adjoint de direction et sur l’interdiction d’amener son chien au bureau qui, si elle peut légitimement avoir été vécue comme une injustice, se justifie par des conditions sanitaires, peu important à cet égard que d’autres salariés aient été autorisés à le faire dès lors que les conditions dans lesquelles cet accueil a été organisé ne sont pas précisées, il y a lieu de considérer que les brimades et le dénigrement subis par le salarié de la part de son employeur participe d’un harcèlement moral susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Néanmoins, il ne ressort pas des pièces produites la démonstration suffisante que l’avis d’inaptitude dont il a fait l’objet est imputable au harcèlement moral ainsi établi.
En effet, M. [Z] procède par voie d’affirmation s’agissant du fait que ses conditions de travail sont à l’origine de tous ses arrêts de travail antérieurs (2013-2015), jusqu’à ceux du 31 janvier au 5 février 2017 puis à partir du 24 février 2017 jusqu’à son inaptitude constatée en décembre 2017 et qu’il n’existe aucune cause personnelle de ces arrêts.
En effet, au-delà du fait qu’il a été déclaré apte par le médecin du travail le 16 février 2017 à l’issue de la visite de reprise consécutive à son arrêt de travail du 31 janvier au 5 février 2017, les avis d’inaptitude émis par celui-ci ne font aucunement état du motif retenu, alors même qu’il ressort de la production d’un extrait de son dossier médical que le salarié a pu évoquer avec lui certaines difficultés rencontrées au travail (pièce n° 76).
De façon générale, l’examen de ce document, bien qu’en partie illisible, ne fait pas ressortir l’évocation par le salarié d’un quelconque harcèlement de la part de son employeur, seulement le récit de quelques faits ponctuels, tels que le refus de continuer d’accueillir son chien, le fait qu’une réunion ne se soit pas bien passée ou encore sa mutation à venir et sa convocation pour sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
Par ailleurs, la mention sur un arrêt de travail du 25 octobre 2017 des termes ” dépression réactionnelle – situation souffrance liée situation ” est isolée et peu explicite, et donc insuffisante pour établir un lien entre l’inaptitude prononcée le 4 décembre 2017 et ses conditions de travail (pièces n° 7.1, 7.6 et 22).
De même, les éléments médicaux dans lesquels figurent la référence à une ” dépression réactionnelle ” restent imprécis et sont relatifs à ses précédents arrêt de travail en 2013 et 2015 (pièce n° 58).
De plus, au-delà du fait que ces éléments reposent sur les seules déclarations du salarié, la mention par le médecin du travail dans le dossier médical à la date du 16 février 2017 des termes « surmenage, fatigue, parle bcp, me dit qu’il va mal, sommeil compliqué » décrit des symptômes dont la cause n’est pas explicitement indiquée. (pièce n° 76).
Enfin, un tel lien ne saurait non plus être déduit de la seule mention par le médecin du travail dans les deux avis d’inaptitude des 4 et 19 décembre 2017 que ” Compte tenu de la nature de la pathologie, je ne suis pas en mesure de faire les préconisations pour un reclassement “, une telle mention n’étant pas de nature à dispenser l’employeur de son obligation de rechercher un reclassement, la case afférente du formulaire administratif n’étant pas cochée.
En outre, cette interprétation de l’avis d’inaptitude est contredite par le fait que le médecin du travail s’est par ailleurs prononcé sur les propositions de reclassement qui lui ont été transmises sans faire état qu’aucun reclassement n’était, par principe, possible (pièce n° 10).
Dès lors, pas plus qu’il n’est démontré que le harcèlement subi est la cause de la dégradation de son état de santé, quand bien même il porte objectivement atteinte à ses droits et à sa dignité, il n’est pas démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, en l’occurrence le harcèlement moral dont le salarié a été victime.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [Z] pour inaptitude avec impossibilité de reclassement est fondé et rejeté ses demandes indemnitaires à ce titre, y compris sur les intérêts au taux légal et la remise des documents de fin de contrat.
III – Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct :
Du fait du comportement déloyal et vexatoire de l’employeur en cours de contrat, M. [Z] sollicite la condamnation complémentaire de la SDAT à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
L’employeur conclut au rejet de la demande faute de justification d’un préjudice.
Il ressort des développements qui précèdent que du seul fait du harcèlement dont le salarié a été victime, la SDAT a manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.
Néanmoins, s’il ressort des développements qui précèdent que M. [Z] a effectivement subi des faits répétés de harcèlement ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité, il n’est pas démontré que la pathologie dont il souffre, seulement définie comme une “dépression réactionnelle”, est en lien avec le harcèlement dont il a été victime.
Les pièces extraites de son dossier médical (pièce n° 76) ne font aucunement état d’un tel lien.
Par ailleurs, il ne ressort pas des certificats d’arrêt de travail dont il a bénéficié entre 2013 et 2017 qu’ils sont tous en lien avec cette pathologie, la plupart d’entre eux ne portant aucune mention de leur cause et il n’est produit aucun certificat médical de nature à démontrer un tel lien, de sorte que la demande à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
IV – Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
M. [Z] succombant, il supportera les dépens d’appel.