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SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 novembre 2022
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1258 F-D
Pourvoi n° P 21-18.726
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022
Mme [F] [T], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-18.726 contre l’arrêt rendu le 27 avril 2021 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à la société Ansemble Hautes-Alpes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [T], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Ansemble Hautes-Alpes, après débats en l’audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 27 avril 2021), Mme [T] a été engagée le 3 juillet 2002 en qualité d’assistante par la société d’expertise comptable Abac, devenue Ansemble Hautes-Alpes (la société). Elle a démissionné le 4 juillet 2012.
2. Le 11 février 2016, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel et non-respect d’assurer sa santé et sa sécurité, d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation d’assurer la santé et la sécurité de la salariée
4. Le moyen, inopérant en ce qu’il n’articule aucune critique à l’encontre du chef de dispositif de l’arrêt déclarant irrecevable la demande de dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation d’assurer la santé et la sécurité de la salariée, ne peut être accueilli.
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de débouter la salariée de sa demande au titre du harcèlement sexuel
et de la rupture
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande au titre du harcèlement sexuel et de la rupture, alors « que constituent des faits de harcèlement sexuel la tenue de propos à caractère sexuel à des collègues féminines et des réflexions déplacées sur son physique ; qu’en écartant l’existence d’un harcèlement sexuel pour en déduire que la démission ne pouvait pas être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs qu’ “il avait été retenu, dans le cadre des développements relatifs au harcèlement moral, que la société Ansemble Hautes-Alpes avait émis une remarque inappropriée sur le physique de Mme [T] et que si de tels propos, de nature indiscutablement sexuelle, ne sont pas admissibles, il n’en ressort pas l’expression chez leur auteur d’une volonté d’obtenir des faveurs de nature sexuelle au profit de leur auteur ou au profit d’un tiers”, la cour d’appel a violé l’article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et les articles L. 1232-1 et L. 1235-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. En application de l’article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, caractérisent un harcèlement sexuel les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.
7. La cour d’appel, qui a constaté que le dirigeant de la société avait émis une remarque inappropriée sur le physique de la salariée et retenu que, si de tels propos n’étaient pas admissibles, ils ne faisaient pas ressortir chez leur auteur la volonté d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, n’encourt pas le grief du moyen.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme [T]
Mme [F] [T] reproche à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de l’ensemble de ses demandes et d’avoir déclaré irrecevable sa demande de dommages et intérêts pour violation par la société Sarl Ansemble Hautes-Alpes de son obligation d’assurer sa santé et sa sécurité,
1° ALORS QU’en application de l’article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que selon les articles L. 1152-1 du code du travail et 2224 du code civil le harcèlement est caractérisé par des agissements répétés, dont le dernier acte peut être un licenciement ; qu’il s’ensuit que le délai de prescription de cinq ans de l’action court à compter du moment où leur auteur présumé n’est plus en mesure de commettre de tels agissements c’est-à-dire, en cas de démission, au moment de la rupture du contrat de travail ; que le salarié, qui s’estime victime d’un harcèlement peut toujours invoquer des faits remontant à plus de cinq ans, pour prouver un harcèlement qu’il a subi dans les cinq dernières années ; qu’en écartant le courrier adressé par Mme [T] à son employeur en novembre 2005 au motif qu’il faisait état de faits couverts par la prescription, la cour d’appel a violé l’article 2224 du code civil et les articles L. 1152-1 et L. 1134-5 du code du travail,
2° ALORS QU’il appartient aux juges du fond de se prononcer sur chaque fait allégué par le salarié, pris isolément, et de rechercher si ces faits, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, si l’employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’après avoir écarté le courrier adressé par Mme [T] à son employeur en novembre 2005 au motif qu’il faisait état de faits couverts par la prescription, la cour d’appel a considéré que la salariée établissait par la production de la carte de visite, dont il n’était pas contesté qu’elle avait été rédigée par le dirigeant, qu’elle avait fait l’objet de propos inappropriés sur son physique mais qu’elle ne pouvait se prévaloir d’un fait unique et isolé pour caractériser le harcèlement ; qu’en statuant comme elle a fait, quand elle aurait dû prendre en considération le courrier adressé par Mme [T] à son employeur en novembre 2005 ainsi que la carte de visite pour rechercher si ces faits, pris dans leur ensemble, ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, si l’employeur prouvait que ces agissements n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail,
3° ALORS QUE constituent des faits de harcèlement sexuel la tenue de propos à caractère sexuel à des collègues féminines et des réflexions déplacées sur son physique ; qu’en écartant l’existence d’un harcèlement sexuel pour en déduire que la démission ne pouvait pas être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs qu’”il avait été retenu, dans le cadre des développements relatifs au harcèlement moral, que la société Ansemble Hautes-Alpes avait émis une remarque inappropriée sur le physique de Mme [T] et que si de tels propos, de nature indiscutablement sexuelle, ne sont pas admissibles, il n’en ressort pas l’expression chez leur auteur d’une volonté d’obtenir des faveurs de nature sexuelle au profit de leur auteur ou au profit d’un tiers”, la cour d’appel a violé l’article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et les articles L. 1232-1 et L. 1235-4 du code du travail,
4° ALORS QUE lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission ; que la cour d’appel a constaté que la salariée avait subi des remarques inappropriées à caractère sexuel qui n’étaient pas admissibles ; qu’en énonçant que la demande de requalification de la démission formée par Mme [T] ne pouvait prospérer sur le fondement du harcèlement sexuel, sans rechercher si les remarques inappropriées que la salariée avait subies ne constituaient pas un fait suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-4 du code du travail