Your cart is currently empty!
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT No
No RG 20/01136 – No Portalis DBVH-V-B7E-HWJU
EM/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE
13 mars 2020 RG :F 18/00068
[E]
C/
Société NUNCAS ITALIA
Grosse délivrée
le
à
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 13 Mars 2020, NoF 18/00068
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 18 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [A] [E]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Dominique LEDUC, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Guy WIGGINGHAUS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
Société NUNCAS ITALIA
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Aurore SELLIER-SUTY de la SELARL SELLIER-SUTY & MEURICE AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 04 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [A] [E] a été engagé en qualité de VRP exclusif par la Sas Nuncas Italie à compter du 18 septembre 2006 suivant contrat de travail à durée indéterminée.
Aux termes de différents avenants, son secteur a été modifié et ses responsabilités complémentaires et accessoires ont été précisées.
Le 19 décembre 2017, M. [A] [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 04 janvier 2018, en vue d’un éventuel licenciement et a été licencié pour faute grave le 09 janvier 2018.
Contestant la régularité et la légitimité de la mesure prise à son encontre, il a saisi le 09 mai 2018 le conseil de prud’hommes d’Orange en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes indemnitaires et à titre de rappel de salaire.
Suivant jugement du 13 mars 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :
– dit recevoir le concluant en ses demandes, régulières en la forme,
– dit et jugé que M. [A] [E] n’avait pas à être commissionné sur toutes les commandes passées sur les clients qu’il a introduits,
– dit et jugé que l’employeur a commissionné M. [A] [E] sur les Grands comptes en application des stipulations du contrat de travail et des avenants attenants,
– dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [A] [E] est justifié,
– dit et jugé que les agissements relevant de la qualification de harcèlement moral à l’encontre de M. [A] [E] ne sont pas fondés,
– dit et jugé que l’employeur n’a pas dérogé à son obligation de sécurité,
– dit et jugé que M. [A] [E] a développé de sa date d’embauche jusqu’à son licenciement une clientèle propre en qualité de VRP exclusif,
– condamné la SAS Nuncas Italie à remettre à M. [A] [E], dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sans notion d’astreinte, les documents de fin de contrat ci-dessous nommés, mentionnant avec exactitude l’ancienneté et la fonction du salarié : le certificat de travail, l’attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte,
– déclaré que l’application des intérêts au taux légal est sans objet,
– débouté M. [A] [E] du surplus de ses demandes,
– débouté M. [A] [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire pour la remise des documents de fin de contrat de travail,
– condamné M. [A] [E] aux entiers dépens de l’instance.
Par acte du 23 mars 2020, M. [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 11 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 04 octobre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 18 octobre 2022 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions, M. [A] [E] demande à la cour de :
– le recevoir en ses demandes, régulières en la forme,
– dire celles-ci justifiées,
– infirmer le jugement entrepris,
– débouter l’employeur de son appel incident,
– dire et juger que, en sa qualité de directeur commercial et responsable de l’ensemble des VRP France, il aurait dû être commissionné sur toutes les commandes passées sur les clients qu’il a introduits,
– dire et juger que la demande au titre de la majoration sur commissions dues au salarié est recevable et non prescrite,
– dire et juger que l’employeur ne l’a pas commissionné sur les Grands comptes,
– dire et juger que l’employeur reconnaît devoir les commissions sur les Grands comptes,
– dire et juger que l’employeur est resté muet face à ses réclamations concernant les commissions,
– condamner l’employeur à lui verser :
* rappel de 1% sur commission évolution du CA 2015 : 2 047,93 euros
* incidence congés payés sur rappel de commission : 204,79 euros
* année 2015 : 500,47 euros
* incidence congés payés : 50,04 euros
* année 2016 : 565,47 euros
* incidence congés payés : 56,54 euros
* année 2017 : 452,65 euros
* incidence congés payés : 45,26 euros
– dire et juger qu’il n’a pas perçu les commissions du mois de janvier 2018 alors qu’il a travaillé et enregistré des commandes jusqu’à son licenciement,
– condamner l’employeur à lui verser au titre de :
* rappel des commissions de retour sur échantillonnage : 107,11 euros
* incidence congés : 10,71 euros
– constater que sur les commissions qu’il a percues, ont été déduits des avoirs sur des clients pour lesquels il n’est plus commissionné,
– condamner l’employeur à lui payer :
* année 2015 : 6,64 euros
* incidence congés payés : 0,64 euros
– dire et juger son licenciement est nul, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse quant au fond,
– dire et juger qu’il a subi des agissements relevant de la qualification de harcèlement moral,
– dire et juger qu’il a subi tacitement une rétrogradation de son contrat de travail et de ce fait une humiliation à l’égard de l’équipe de VRP dont il était le responsable,
– dire et juger que cette retrogradation s’analyse en une modification de son contrat de travail,
– que cette modification du contrat de travail ne peut se faire qu’avec l’accord expres du salarié,
– dire et juger qu’il était en droit de refuser cette modification tacite de son contrat de travail,
– dire et juger qu’en omettant de présenter aux VRP France M. [P], en s’abstenant de décliner ses fonctions, son grade hiérarchique dans l’entreprise, l’employeur a commis une faute,
– dire et juger que l’employeur en agissant en souterrain a mis en place une situation ambivalente intolérable et intenable pour lui,
– dire et juger que l’employeur, de mauvaise foi, a usé d’une strategié d’élimination du salarié et a violé son obligation contractuelle de bonne foi dans la relation de travail,
– dire et juger que l’absence d’information des fonctions de M. [P] et de son rôle par la direction de septembre à décembre 2017 l’a laissé dans l’ignorance quant à sa position hiérarchique,
– que le licenciement pour faute grave est en réalité un licenciement déguisé suite à une modification tacite de son contrat de travail, que le motif réel de licenciement n’est pas celui exprimé dans la lettre de licenciement,
– dire et juger que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée des lors qu’elle ne vise pas la période des manquements,
– dire et juger que la charge de la preuve de son inactivité d’octobre à décembre 2017 incombe à l’employeur,
– dire et juger qu’il apporte la preuve qu’il a travaillé jusqu’à la date de son licenciement,
– dire et juger que son licenciement brutal et expéditif démontre la volonté de l’employeur de l’éliminer au profit de M. [P],
A titre principal,
– dire et juger que le licenciement est nul,
Subsidiairement,
– dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
Dans tous les cas,
– dire et juger qu’il n’y a pas faute grave,
– dire et juger que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat, conformément aux dispositions des articles L4121 -2 et suivants du code du travail,
– condamner l’employeur à lui verser :
* rappel sur indemnité compensatrice de préavis : 12 229,44 euros
* incidence congé payé : 1 222,93 euros
* rappel sur indemnité de licenciement : 13 474,92 euros
* dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 4 076,45 euros
* dommages et intérêts pour licenciement injustifié : 50 000 euros
* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 15 000 euros
* dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité : 15 000 euros
* dommages et intérêts pour défaut de visite médicale périodique : 3 000 euros
– dire et juger qu’il a développé depuis son embauche en 2006 jusqu’à la date de son licenciement une clientèle propre en qualité de VRP exclusif,
– condamner l’employeur à lui verser une indemnité de clientèle d’un montant de : 100 000 euros,
– condamner l’employeur à lui remettre les documents suivants : certificat de travail mentionnant exactement son ancienneté, l’attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte, les bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter la notification de la décision à intervenir,
– dire que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la demande et que ceux-ci capitaliseront conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,
– condamner l’employeur à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure,
– condamner l’employeur aux entiers dépens.
Il soutient que :
– son chiffre d’affaires pour 2015 a progressé de 10,04% par rapport à l’année précédente, qu’il aurait dû bénéficier d’une majoration de 1% sur les commissions hors BHV, que sa demande n’est pas irrecevable dans la mesure où il a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de sommes ayant la nature de rappel de salaire,
– il gère les Grands comptes et en est responsable, que son supérieur hiérarchique, M. [F] [H] reconnaît que le versement de commissions se rapportant à ces clients était à discuter, qu’il considère que le principe de son droit à rémunération est expressément reconnu,
– non seulement il s’est vu retirer en 2014 une partie de sa clientèle, mais la société Nuncas lui a ôté de son compte des commissions pour les années 2014 à 2015 les avoirs consentis à des clients pour lesquels il ne percevait plus aucune commission, qu’il a donc été pénalisé deux fois,
– il a été victime d’agissements de harcèlement moral de la part de son employeur en procédant progressivement au transfert de ses clients vers d’autres VRP de la société, en ne le commissionnant plus, en l’évinçant de son poste de directeur commercial, en lui imposant un nouveau directeur des ventes sans présentation préalable, en ne redéfinissant pas précisément ses fonctions, en l’excluant des formations et des réunions avec les Grands comptes, en procédant de facto à une rétrogradation de ses fonctions et à une modification tacite de son contrat de travail,
– son licenciement est irrégulier au motif qu’il a été convoqué pour un entretien à [Localité 3] soit à une distance de 950 kms par rapport à son domicile, alors qu’il aurait pu être convoqué au siège de la société, distante seulement de 500 kms,
– son licenciement pour faute grave n’est pas fondé et est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la société ne lui a jamais adressé de mise en demeure de produire des rapports d’activité, que l’attitude de l’employeur apparaît exclusive de bonne foi, qu’il a adressé ses rapports d’activité à son seul supérieur hiérarchique connu et officiel, M. [H],
– il est en droit de solliciter des dommages et intérêts pour la clientèle qu’il a réussi à fidéliser, que c’est par un travail acharné qu’il va développer la marque Nuncas sur son secteur initial composé de six départements lequel n’a pas cessé de s’étendre, qu’il est parvenu à obtenir des Grands comptes permettant ainsi à la société Nuncas une ouverture à l’international, qu’il justifie ainsi d’avoir développé depuis son embauche et jusqu’à son licenciement une clientèle propre en qualité de VRP exclusif, que le conseil de prud’hommes l’a reconnu sans pour autant en tirer les conséquences,
– le jugement doit être confirmé en ce qu’il a enjoint la société Nuncas à lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés et conformes.
En l’état de ses dernières écritures contenant appel incident, la SAS Nuncas France demande à la cour de :
Statuant sur l’appel principal,
– déclarer, en application de l’article 4 du code de procédure civile, irrecevables les demandes de M. [A] [X] tendant à :
* dire et juger qu’elle ne l’a pas commissionné sur les Grands comptes
* dire et juger qu’elle reconnaît devoir des commissions sur les Grands comptes
* dire et juger que le salarié a subi des agissements relevant de la qualification de harcèlement moral,
* dire et juger que le salarié a subi tacitement une rétrogradation de son contrat de travail et de ce fait une humiliation à l’égard de l’équipe de VRP dont il était le responsable,
* dire et juger que cette rétrogradation s’analyse en une modification de son contrat de travail,
* que cette modification du contrat de travail ne peut se faire qu’avec l’accord exprès du salarié,
* dire et juger que le salarié était en droit de refuser cette modification tacite du contrat de travail,
* dire et juger qu’elle a, en agissant en souterrain, mis en place cette situation ambivalente intolérable et intenable pour M. [E],
* dire et juger qu’elle a, de mauvaise foi, usé d’une stratégie d’élimination du salarié et a violé son obligation contractuelle de bonne foi dans la relation de travail,
* que le licenciement pour faute grave est en réalité un licenciement déguisé suite à une
modification tacite du contrat de travail de M. [E],
– le débouter en conséquence des constats requis,
– déclarer irrecevable comme nouvelle la demande tendant au paiement de rappel de commissions sur évolution du chiffre d’affaires et en conséquence,
– débouter M. [E] de sa demande tendant au paiement des sommes de la somme de 2 047,93 euros outre celle de 204,79 euros au titre des congés y afférents,
– subsidiairement, déclarer cette demande mal fondée et l’en débouter,
– confirmer les termes du jugement du conseil de prud’hommes d’Orange ayant :
* dit et jugé que M. [E] n’avait pas à être commissionné sur toutes les commandes passées sur les clients qu’il a introduits,
* dit et jugé qu’elle a commissionné M. [A] [E] sur les Grands comptes en application des stipulations de son contrat de travail et des avenants attenants,
* dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [A] [E] est justifié,
* dit et jugé que les agissements relevant de la qualification de harcèlement moral à l’encontre de M. [E] ne sont pas fondés,
* dit et jugé qu’elle n’a pas dérogé à son obligation de sécurité,
* déclaré que l’application des intérêts au taux légal est sans objet,
* débouté M. [E] du surplus de ses demandes,
* débouté M. [E] de sa demande au titre de l’article 700,
* condamné M. [E] aux entiers dépens de l’instance,
En conséquence,
– débouter M. [E] de ses demandes tendant à la nullité et subsidiairement l’illégitimité du licenciement et au paiement des sommes de :
* 105,11 euros outre celle de 10,61 euros incidence congés au titre des commissions du
mois de janvier 2018,
* 6,64 euros outre 0,64 incidence congés au titre de commissions déduit sur avoir de 1015,
* 12 929,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 222,93 euros au titre de l’incidence congés,
* 13 474,92 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
* 4 076,45 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,
* 50 000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif,
* 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité,
* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale,
* 100 000 euros à titre d’indemnité de clientèle,
* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le débouter de toutes demandes fins et conclusions plus amples ou contraires,
Statuant sur les termes de l’appel incident,
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange,
* ayant dit et jugé que M. [E] a développé de sa date d’embauche jusqu’à son licenciement une clientèle propre en qualité de VRP exclusif,
* l’ayant condamné à remettre à M. [E] dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sans notion d’astreinte, les documents de fin de contrat ci-dessous nommé mentionnant avec exactitude l’ancienneté et la fonction du salarié : le certificat de travail, l’attestation pour l’emploi, le solde de tout compte,
En conséquence,
– déclarer irrecevable la demande tendant à faire le constat du développement d’une clientèle propre,
– débouter M. [E] de cette demande, ainsi que de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
– débouter M. [E] de sa demande tendant à la remise sous astreinte des documents sociaux :
certificat de travail mentionnant exactement l’ancienneté du salarié, attestation pôle emploi, solde de tout compte et bulletins de paie rectifiés,
– le condamner en tous les frais et dépens en ce compris, en cause d’appel, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
– la demande de M. [A] [E] au titre de la majoration du pourcentage est irrecevable pour être nouvelle,
– la demande relative au rappel de commissions au titre des Grands comptes n’est pas justifiée, qu’il n’existe aucune commission sur indirect que ce soit sur des ordres provenant du secteur en dehors de l’activité de M. [A] [E] ou des ordres provenant de son secteur qui ne résulteraient pas de son activité, que le salarié omet de rappeler qu’au regard des fonctions accessoires de coordinateur et de responsable, il était tenu d’animer le suivi des clients pouvant être implantés en dehors de son secteur, fonctions pour lesquelles il percevait notamment une rémunération fixe qui a été revalorisée, que la cour ne peut pas se substituer aux dispositions contractuelles en ajoutant à celles-ci des dispositions que le contrat ne comporte pas,
– la demande de “rappel de commission déduites à tort” n’est pas non plus fondée, que le non-encaissement d’un chiffre d’affaires ne permet pas de revendiquer ou de valoriser un commissionnement, que le jugement qui a écarté cette demande sera donc confirmé,
– la demande de “retour sur échantillonnage” n’est pas non plus justifiée dès lors que ce retour ne peut concerner que les clients de son secteur sur lequel il est effectivement intervenu et au titre des ordres postérieurs à la rupture, que M. [A] [E] ne transmet aucune information sur son activité et est manifestement défaillant dans la preuve qui lui incombe d’une visite qu’il aurait effectuée auprès d’un client qui serait alors à l’origine d’une commande passée ultérieurement à son départ et sur laquelle il devrait être commissionné à ce titre,
– M. [A] [E] ne démontre pas avoir subi de sa part des agissements de harcèlement moral, qu’aucune des dispositions qu’elle a prises n’ont eu de conséquence quelconque sur la situation personnelle, professionnelle ou salariale de M. [A] [E], que contrairement à ce qu’il prétend, il avait parfaitement connaissance des objectifs qui lui étaient fixés et de son rôle au sein de la société,
– M. [A] [E] ne justifie en rien un quelconque manquement de sa part à ce titre,
– son licenciement pour faute grave est fondé, que le contrat de travail lui imposait d’exercer de manière régulière les visites de la clientèle existante sur son secteur et de rendre compte de son activité, que malgré de nombreuses relances, M. [A] [E] n’a pas adressé ses comptes-rendus d’activité et s’est manifestement mis en marge de ses obligations contractuelles la plaçant sans visibilité ni sur son activité ni sur l’état de son secteur, lui interdisant de pouvoir anticiper, gérer ou accompagner l’évolution de l’entreprise et son adaptation au marché, que rien n’explique le silence et l’inaction totale du salarié depuis le mois d’octobre 2017 rompant tout contact avec son entreprise malgré plusieurs interventions,
– la faute grave est exclusive du règlement de toute indemnité compensatrice de préavis, du versement de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de clientèle,
– c’est à tort que le conseil de prud’hommes a reconnu que M. [A] [E] avait développé une clientèle propre depuis son embauche alors qu’il aurait dû déclarer la demande formée à ce titre, irrecevable,
– dans la mesure où le conseil de prud’hommes a écarté l’ensemble des prétentions de M. [A] [E], c’est à tort qu’il lui a ordonné la remise des documents, que le solde de tout compte ne constitue pas un document obligatoire à remettre en fin de contrat.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
Sur les demandes de nature salariale liée à l’exécution du contrat :
Sur la demande de rappel de 1% sur “commission évolution du chiffre d’affaires” 2015 :
Il convient de constater que la demande formée par M. [A] [E] d’un montant de 2 047,93 euros à titre de rappel de 1% sur “commission évolution du chiffre d’affaires” pour l’année 2015 et de 204,79 euros à titre d’indemnité de congés payés y afférente, est nouvelle pour ne pas avoir été présentée en première instance et avoir été soumise à l’appréciation du conseil de prud’hommes, de sorte qu’elle est irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile.
Sur la demande de rappel de commission “Grands comptes” :
M. [A] [E] soutient qu’il était en droit, en qualité de responsable commercial pour la France, de bénéficier de commissions sur les clients des secteurs dont il avait la charge contractuellement, qu’il a réussi à capter des Grands comptes dont il en était le responsable comme Zodio du groupe Adeo -BH, le groupe Keria et, y compris après 2014.
Le contrat de travail signé par les parties le 02 septembre 2006 prévoit au titre de la rémunération : “(…) M. [A] [E] percevra une rémunération mensuelle fixe de 2 000 euros nets ainsi que des commissions dont le taux est déterminé à 2%. Le droit à commission est ouvert à M. [A] [E] à la double et réciproque conditions que les ordres soient passés sur son secteur et que les livraisons correspondantes y soient effectuées. Quelles que soient les circonstances, ce droit n’est acquis que sur les affaires menées à bonne fin, c’est-à-dire sur les ordres dûment livrés et encaissés par la société Nuncas France, suite aux commandes générées exclusivement par l’activité de M. [E] chez les clients.Les décomptes de commission sont adressés le dernier jour de chaque mois sur la base des encaissements à jour à cette date là. Le versement devient exigible dans le cours du mois suivant dès réception d’un exemplaire du relevé de comptes revêtu de la mention “bon pour accord”.”
L’avenant du 16 décembre 2010 a modifié les dispositions relatives à la rémunération du salairé à compter du 01 janvier 2010 : “la rémunération de ses services, M. [A] [E] percevra une rémunération mensuelle de 2100 euros nets ainsi que des commissions dont le taux est déterminé selon les modalités suivantes : 2% sur le chiffre d’affaires des clients (y compris le chiffre d’affaires de BHV), si la croissance du chiffre d’affaires clients de l’exercice N est supérieur ou égal à 10% du chiffre d’affaires de l’exercice N-1, les commissions seront de 3% sur le chiffre d’affaires des clients (à l’exception du chiffre d’affaires de BHV) ; si la croissance du chiffre d’affaires clients de l’exercice N est supérieur ou égal à 30% du chiffre d’affaires clients N-1, les commissions seront de 5% sur le chiffre d’affaires des clients ( à l’exception du chiffre d’affaires BHV)…”.
L’avenant du 02 janvier 2012 signé par le salarié indique que : “il a été convenu et arrêté que M. [A] [E] assurera à compter du 1er janvier 2012 la fonction de coordinateur des agents commerciaux. Il a été également convenu d’une augmentation de 300 euros brut à compter de cette même date. Le calcul des commissions de M. [A] [E] intégrera à partir du 1er janvier 2012 le chiffre d’affaires BHV”.
Si M. [A] [E] justifie avoir interrogé à plusieurs reprises son employeur sur la nécessité d’être rémunéré pour les commandes passées par les Grands comptes – réception d’un courriel envoyé par M. [F] le 17 juillet 2014 ” (…) Je comprends que pour ces clients (Zodio et BHV) il faudra ausi parler des commissions sur les ventes. J’attends tes propositions”, courriel qu’il a envoyé le 20 octobre 2016 à la direction de la société Nuncas ” (…) J’attire votre attention d’une difficulté concernant la distribution de mes commandes auprès des divers commerciaux (VRP) de Nuncas France…J’observe que sur ces commandes qui me sont adressées, je ne suis pas commissionné. Vous comprendrez que je ne peux m’investir dans la société, trouver de nouveaux clients si je ne suis pas commissionné alors surtout que ces clients se trouvent dans mon secteur puisque je suis Directeur France. Ce travail de prospection est un travail de longue haleine appelle une juste rémunération. Je vous demande expressément de bien vouloir procéder à la régularisation de cette situation dans les meilleurs délais”, il n’en demeure pas moins que la société Nuncas France n’a pas fait droit à ces demandes salariales et qu’aucune modification du contrat de travail n’est intervenue pour lui permettre de bénéficier de commissions distinctes en raison des seuls Grands comptes et en sus des commissions déjà prévues contractuellement.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. [A] [E] ne peut pas prétendre à être commissionné sur toutes les commandes passées sur les clients qualifiés de Grands comptes qu’il a introduits, à l’exception des ordres et livraisons réalisés sur son secteur et que les éléments qu’il a produits ne lui permettent pas de justifier que les ordres ainsi que les livraisons ont été effectués sur le secteur qui lui avait été attribué et ont donc rejeté sa demande à ce titre.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le rappel de “commissions déduites à tort” :
M. [A] [E] soutient que non seulement il s’est vu retirer à compter de 2014 une partie de sa clientèle, mais que la société lui a ôté de son “compte commissions” pour les années 2014 et 2015 les avoirs consentis par l’employeur à des clients pour lesquels il ne percevait plus aucune commission.
Force est de constater que M. [A] [E] ne produit aucun élément de nature à étayer cette demande.
M. [A] [E] en sera donc débouté.
Sur la “comission de retour sur échantillonnage” :
M. [A] [E] soutient que les commissions dues du 1er au 06 janvier 2018 jusqu’à la date de son licenciement s’élèvent à 107,11 euros, qu’il a travaillé jusqu’au 11 janvier 2018, que durant cette période, il a continué à prendre des commandes qui ont été adressées à son employeur, qu’il a donc droit au règlement des commissions correspondantes.
M. [A] [E] produit une attestation Pôle emploi du 29 janvier 2018 qui mentionne que le salarié a travaillé jusqu’au 11 janvier 2018 et un tableau des commandes passées entre le 02 janvier et le 06 janvier 2018 sur lequel est indiqué une commission de 2% à hauteur de 107,11 euros.
Selon le bulletin de salaire de janvier 2018 qui mentionne une période de travail du 01 au 11 janvier 2018, M. [A] [E] a perçu une somme de 1 333,88 euros au titre de commissions sur vente et celle de 113,86 euros pour régularisation de commissions.
A défaut de justifier, comme l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, que les opérations réalisées sur cette période avec l’entreprise Zodio répondent aux conditions relatives au secteur de passation des ordres de commandes ainsi qu’au principe de lieux de livraison telles qu’elles sont stipulées dans le contrat de travail et ses avenants, et qu’il s’agit de commissions distinctes de celles déjà perçues, il y a lieu de constater que cette demande n’est pas fondée.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande relative au harcèlement moral :
L’article L1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail prévoit que lorsque survient un litige relatif à l’application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [A] [E] soutient avoir subi des agissements de harcèlement moral de façon répétée de la part de son employeur qui ont consisté en des manoeuvres qui avaient pour but d’ignorer ses réclamations salariales, d’obtenir de sa part l’exécution d’un volume plus important de travail, avant de l’évincer.
A l’appui de ses prétentions, M. [A] [E] produit aux débats :
– le “powert point” d’une réunion de rentrée France du 29/09/2017 et les résultats et situation des secteurs relatifs notamment aux Grands Comptes,
– un courriel envoyé par M [F] [H] le 04/10/2016 “(…) Grâce au travail de M. [A] [E] on peut travailler avec un client très important et potentiel pour visibilité et chiffre de vente. Il est important commencer à gérer ces clients dans les différentes régions de la France : visiter les points de ventes, connaître les responsables et proposer toutes les actions possibles pour améliorer la visibilité de Nuncas et donc les ventes. Je vais vous envoyer des mail personnalisés avec la liste des points de vente que vous allez gérer à partir de ce moment…En cas des questions vous pourrez appeler M. [A] [E]. Il est important de travailler en coordination comme une équipe”,
– un courriel de M. [A] [E] du 06/06/2017 :”pour information j’ai introduit 2 commandes de [O] sur SAP” , “suite à l’appel de 2 clients du secteur de [O] [G] qui m’ont contactés ce jour, en PJ les deux commandes que j’ai introduites sur SAP”,
– un courriel de M. [H] du 05 juillet 2017 dans lequel il informe de la nécessité de redistribuer les secteurs de M. [S] [G] qui a quitté l’entreprise, aux autres commerciaux ; un courriel de la secrétaire du 07 juillet 2017 : “…je vous commuique les clients de [O] [G] ont été assignés correctement…donc vous pouvez leur envoyer les commandes pour l’introduction dans le système” ; courriel de M. [A] [E] du 22 août 2016 :”…comme tu sais je ne peux plus introduire sur SAP les commandes Zodio des autres secteurs…sinon j’aurais mis les commandes de [O] et [Y] B sans rien demander à personne…”, du 22 août 2016 “ce magasin Zodio est sur le secteur de [Y] A c’est donc à [Y] à introduire la commande et à contacter le chef du secteur”,
– un tableau de commissions dues du 06 octobre 2014 au 06 janvier 2018 avec mentions en fin de chaque ligne “de moi [N]”, ” de moi [G]”(…) correspondant au transfert des clients à d’autres VRP,
– un courrier de M. [D] de Nuncas Italia dans lequel il définit le secteur d’intervention de M. [A] [E] dans la perspective de gérer au mieux la gestion de clients par chaque VRP sur son secteur,
– un compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement rédigé par M. [U] [B] qui a assisté M.[A] [E] le 04 janvier 2018 : ils ont été reçus par M. [L] [P] qui s’est présenté comme étant le directeur commercial de la société Nuncas France, M. [A] [E] a indiqué qu’il n’a jamais été informé officiellement ou par une note de service de la nomination de M [P] à ces fonctions, que depuis son arrivée, il ne connaît plus ses fonctions exactes ni son rôle auprès des VRP dont il était le responsable, qu’il se sent mis à l’écart, évincé, qu’il ne recevait plus les courriels des autres VRP envoyés à la société, qu’il n’a pas reçu les factures des Grands comptes pour mettre à jour les bases de données, contrairement aux années précédentes,
– un échange de courriels en octobre 2017 entre M. [L] [P] et Mme [Y] [M], portant sur des commandes d’un nouveau client,
– un avenant du 16 octobre 2013 , M. [A] [E] assurera les fonctions de responsable commercial pour la France à compter du 17 octobre 2013,
– une attestation de Mme [Y] [N] : M. [L] [P] lui a demandé à plusieurs reprises d’envoyer à compter de septembre des plans de tournées tous les vendredis soirs…puis à compter de 2018, les plans de travail à la semaine, elle a été surprise de ne pas voir M. [A] [E] lors du meeting de janvier 2018 en Italie, pour la première fois, M. [L] [P] s’est présenté comme directeur commercial France, elle a compris qu’à compter de cette date, il remplaçait M. [A] [E],
– un courriel de M. [L] [P] du 27 octobre 2017 envoyé à un client, Zodio : “je suis le nouveau directeur des ventes France…”, le 14/02/2018 :”je reprends la gestion de votre dossier et de vos commandes pour les semaines qui viennent”,
– un courriel envoyé par M. [L] [P] le 22 novembre 2017 “dans le cadre des discussions avec Monteleone, nous avons planifié avec le client une session de formation pour quelques magasins de la région Rhône Alpes le …6 décembre prochain. ..Ce n’est pas nécessaire que vous assistiez à cette séance. Nous attendrons le debrief de cette formation pour organiser celle prévue avec [Localité 5] et [Localité 7] à laquelle vous participerez”.
L’ensemble des pièces produites par M. [A] [E] ne laissent pas présumer dans leur ensemble qu’il ait fait l’objet d’agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur.
M. [A] [E] sera donc débouté de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur le licenciement :
Sur la régularité de la procédure :
M. [A] [E] ne rapporte pas la preuve que la procédure de licenciement est irrégulière au seul motif qu’il a été convoqué à l’entretien préalable à [Localité 3] et non pas au siège de la société située à [Localité 8], l’obligeant à parcourir un nombre de kilomètres bien plus important, alors qu’il n’est pas contesté par ailleurs qu’il a été régulièrement convoqué et qu’il a été assisté lors de cet entretien par M. [B].
Enfin, M. [A] [E] ne conteste pas sérieusement les affirmations de la société selon lesquelles elle a pris en charge l’intégralité des frais de déplacement.
M. [A] [E] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur le bien fondé du licenciement :
S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l’employeur qui l’invoque d’en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
Si l’article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s’oppose à pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai.
La faute grave libère l’employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s’ils ne sont exigibles que postérieurement.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l’entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d’éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement datée du 09 janvier 2018 qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
“Au terme de votre contrat de travail, il vous appartient d’assurer de manière régulière les visites de la clientèle existante sur votre secteur et de rendre compte de votre activité, votre contrat rappelant sans équivoque que cette obligation est érigée en condition essentielle.
Or, et au mépris de vos obligations contractuelles nous n’avons aucun retour de votre part sur votre activité, et nous n’avons ainsi à défaut de rapport ou de reporting d’activité qu’il vous appartient contractuellement d’établir et transmettre, aucune information pourtant utile et nécessaire :
i. Sur l’état des visites réalisées sur votre secteur et les suites qui en découlent, en termes de résultats ou d’attentes de la clientèle,
ii. sur le suivi des rendez-vous clients,
iii. sur votre plan d’action sur les prospects,
iv. sur votre plan de travail,
v. sur les référencements teinture.
Vous avez délibérément – et sans explication – laissé sans suite ni réponse nos relances renouvelées et réitérées – que ce soit par mail ou téléphone – d’avoir à faire le nécessaire et vous conformer aux termes de votre contrat, nous mettant ainsi devant le fait accompli d’un mutisme persistant, là encore contraire aux obligations que vous tenez du contrat qui nous lie et qui, ce faisant, nous place sans visibilité ni sur votre activité ni sur l’état de votre secteur.
Manifestement, vous n ‘avez pas pris la mesure de nos interventions antérieures réitérées nous invitant à faire le nécessaire ce qui, au regard de vos fonctions et de vos obligations contractuelles est inacceptable compte tenu de l’importance qu’il y a – ce que vous ne pouvez ignorer – à ce que nous bénéficions d’une visibilité sur la situation de votre secteur pour permettre précisément l’anticipation, la gestion et l’accompagnement de l’évolution de l’entreprise et son adaptation au marché.
Ces manquements contractuels réitérés et persistants constituent une violation délibérée grave et renouvelée de vos obligations contractuelles qui nous conduit à vous notifier par la présente votre licenciement pour fautes graves dès lors contractuelle sans risque pour l’entreprise même
durant le temps d’un préavis (…)”.
M. [A] [E] a été destinataire de plusieurs courriels que lui a envoyés M. [L] [P] concernant ses rapports d’activité :
* le 16 octobre 2017 : il l’informe qu’il n’a pas reçu son plan de travail pour les deux semaines à venir des référencements en teinture et des visites réalisées sur septembre malgré plusieurs relances, lui demande “de quoi” il aurait besoin pour les mises à jour et se propose de l’aider,
* le 19 octobre 2017 : il indique qu’il n’a rien reçu ce jour et s’interroge sur la date à laquelle il peut espérer recevoir les documents sollicités et lui demande une préparation de rendez-vous pour le lundi suivant dans la perspective d’une réunion avec Zodio le mardi,
* le 25 octobre 2017 : il lui précise qu’il s’agit d’une “situation inconfortable”,
* le 06 novembre 2017 : il indique qu’il n’a toujours par reçu le compte d’activité pour septembre et “désormais pour octobre”,
* le 21 novembre 2017 : le 15 novembre M. [A] [E] se serait engagé à lui fournir les documents demandés avant le 17 novembre, or à ce jour il n’a rien reçu, il n’a eu “aucune remontée de terrain…aucun suivi à jour, aucune réalisation faite” sur sa zone, aucune “best practice” de sa part, ajoutant que cela est inacceptable et incompréhensible d’autant plus qu’il avait relevé “un retard de ventes sur son secteur sans explication ni plan d’action…”.
M. [A] [E] ne justifie pas avoir envoyé à M. [L] [P] les comptes-rendus de ses activités de septembre et octobre 2017, alors qu’il l’avait fait sans difficulté en septembre, comme en justifie l’employeur par la production d’un courriel envoyé par le salarié le 05 septembre 2017.
Or, M. [A] [E] ne pouvait pas ignorer que l’envoi de ces comptes-rendus était très important pour la société, l’article 5.2 de son contrat de travail du 02 mai 2006 stipulant qu’il s’est engagé à fournir des rapports d’activité hebdomadaires et que l’obligation de rendre compte était considérée par la société Nuncas France comme une condition essentielle du contrat.
M. [A] [E] ne conteste pas ne pas avoir répondu favorablement aux sollicitations de M. [L] [P] et n’apporte aucune explication ni justificatif sur ce manquement à ses obligations contractuelles, se contenant d’affirmer qu’il a “toujours transmis ses rapports à son supérieur hiérarchique, M. [F] [H]”, ce qu’il ne justifie d’ailleurs pas, et qu’il n’avait pas à rendre des comptes à M. [L] [P].
Malgré l’absence de sanction disciplinaire avant son licenciement et son ancienneté de 11 ans, les faits reprochés à M. [A] [E] qui sont matériellement justifiés et qui démontrent une défaillance du salarié dans l’exécution de son contrat de travail de nature à désorganiser le service commercial, assimilé à un refus réitéré d’exécution des tâches relevant de son contrat de travail en l’absence de toute explication et justification de ces manquements, est manifestement constitutive d’une faute grave.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur les demandes indemnitaires de M. [A] [E] :
Le licenciement prononcé par la société Nuncas France à l’encontre de M. [A] [E] le 09 janvier 2018 ayant été jugé bien fondé, M. [A] [E] n’est pas en droit de solliciter des indemnités de préavis et de licenciement.
Sur la demande relative à l’indemnité de clientèle :
M. [A] [E] soutient avoir entrepris un travail acharné pour développer la marque Nuncas dans le secteur qui lui avait été attribué dans un premier temps, que son secteur n’a pas cessé de croître, qu’à lui seul son chiffre d’affaires était supérieur à celui cumulé et réalisé par les 4 ou 5 autres VRP de l’entreprise, et que c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu qu’il avait développé une clientèle propre en qualité de VRP, mais sans en tirer pour autant les conséquences.
Le licenciement pour faute grave ayant été jugé bien fondé, M. [A] [E] n’est pas en droit de solliciter l’application à son bénéfice de l’article L7313-13 du code du travail.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur la demande relative au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité :
M. [A] [E] n’apporte aucun élément de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles son employeur a manqué à son obligation de sécurité en “laissant pourrir la situation au motif de la nécessité de renouveler l’équipe des VRP France qu’il considérait comme étant trop vieille”, et en le considérant comme un salarié “contestataire”.
En outre, s’il n’est pas contesté que la SAS Nuncas France ne justifie pas avoir organisé des visites médicales du salarié au cours de la relation contractuelle et qu’il est incontestable qu’elle a, dans ces conditions, violé son obligation de sécurité sur ce point, il n’en demeure pas moins que M. [A] [E] ne justifie pas avoir subi un préjudice résultant de ce défaut d’organisation des visites médicales, de sorte qu’il sera donc débouté de ce chef de demande.
Sur la demande de remise de documents :
L’article R1234-9 du code du travail, dans sa version applicable, dispose que l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L.5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.
M. [A] [E] verse aux débats une attestation de Pôle emploi établie le 29 janvier 2018 qui mentionne au titre du dernier emploi tenu “VRP Exclusif” alors qu’il est établi qu’au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait au sein de la société Nuncas France les fonctions de responsable commercial France, de sorte que c’est à bon doit que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. [A] [E] sur ce point.
Par ailleurs, la société n’établit pas avoir remis à M. [A] [E] un certificat de travail conforme.
Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;
Dit et juge que la demande formée par M. [A] [E] au titre de la “majoration de commission” est irrecevable,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange le 13 mars 2020 en ce qu’il a dit et jugé que M. [A] [E] a développé de sa date d’embauche jusqu’à son licenciement une clientèle propre en qualité de VRP exclusif,
Le confirme pour le surplus,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [A] [E] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,