Obligation de conseil du professionnel : CA de Montpellier, 2 février 2023, RG 20/01456

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Obligation de conseil du professionnel : CA de Montpellier, 2 février 2023, RG 20/01456
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/01456 – N° Portalis DBVK-V-B7E-ORQ5

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 MARS 2020

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NARBONNE

N° RG 18/00152

APPELANTE :

S.A.S. Société Commerciale de Télécommunication (SCT)

Prise en la personne de son président représentant légalement la personne morale domicilié es qualité audit siège social.

[Adresse 2]

[Localité 3]/FRANCE

Représentée par Me Florian KAUFFMANN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

E.A.R.L. Costo Soulano

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Jessica BAUCHET, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant non plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport et Madame Marianne FEBVRE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller, magistrat de permanence

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

Exposé du litige

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 octobre 2016, un contrat portant sur des services de téléphonie mobile au bénéfice l’EARL Costo Soulano (l’EARL) a été conclu pour ses besoins professionnels avec la Société commerciale de télécommunication (la société).

Le 12 novembre 2016, l’EARL a déclaré qu’elle ne réglerait pas les mensualités.

Le 16 novembre 2016, la société a exigé le paiement de la somme de 12.627 € au titre des frais de résiliation.

Le 23 juin 2017, par courrier recommandé, la société a adressé à l’EARL une mise en demeure de régler les sommes.

Par un acte en date du 8 février 2018, la société a assigné en paiement l’EARL devant le tribunal de grande instance de Narbonne.

Par un jugement en date du 2 mars 2020, le tribunal judiciaire de Narbonne a :

– rejeté la demande de nullité du contrat souscrit entre la société et l’EARL

– déclaré non fondée la demande introduite par la société à l’encontre de l’EARL,

– dit la résiliation du contrat litigieux légitime en raison du manquement de la société à ses obligations contractuelles de service,

– constaté en conséquence la résiliation du contrat de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la société,

– débouté la société et l’EARL de leurs demandes complémentaires,

– condamné la société à payer à l’EARL la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société aux dépens,

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

La société a relevé appel de ce jugement par une déclaration en date du 11 mars 2020.

Moyens

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par uniques conclusions déposées par voie électronique le 23 mars 2020, la société SCT Télécom demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, d’infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :

– débouter l’EARL de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner l’EARL à lui payer la somme de 15.152, 40 € TTC en principal, au titre des frais de résiliation mobile, augmentée des intérêts  au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation ;

– condamner l’EARL à lui payer la somme de 370, 49 € TTC au titre des factures de téléphonie mobile impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation ;

– condamner l’EARL à lui payer la somme de 2.000 € au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation ;

– condamner l’EARL à lui payer la somme la somme de 3.000 € par application de l’article 700 Code de Procédure Civile ;

– condamner l’EARL aux entiers dépens ;

Par uniques conclusions déposées par voie électronique le 18 juin 2020, l’EARL Costo Soulano demande à la cour, de confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la résiliation du contrat était légitime et de :

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la société à lui payer la somme de 15.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

– condamner la société à lui payer la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 novembre 2022.

Motivation

SUR CE

Sur la validité du contrat

L’EARL soutient que seul son gérant, M. [G] [F], étant habilité à l’engager, la société a été négligente en faisant signer le contrat par Mme [E] [H] sans s’assurer de la capacité de cette signataire et conteste tout mandat apparent alors qu’elles n’entretenaient pas jusqu’alors de relations commerciales.

Toutefois, le premier juge a valablement retenu l’existence de ce mandat apparent dès lors que le contrat signé le 05 octobre 2016 dans les locaux de l’EARL sur le démarchage du commercial de la société l’a été par Mme [F] [E] fournissant son adresse mail comme contact de facturation et le nom d'[F] [G] comme autre contact, revêtant le contrat du timbre humide de l’EARL, fournissant un RIB et une autorisation de prélèvement également tamponnée, des factures de l’ancien opérateur, une situation au répertoire Sirene et une photocopie de la carte nationale d’identité du gérant M. [G] [F], tous éléments non contestés en cause d’appel, de telle sorte que la société a pu légitiment croire que la signataire était investie du pouvoir nécessaire pour engager l’EARL.

Sur l’inopposabilité des conditions générales de vente

Pour s’opposer au paiement de toute somme réclamée au titre de la résiliation prononcée par la société, l’EARL soutient que ces conditions n’ont jamais été acceptées par elle et qu’elles sont illisibles en raison de la faible épaisseur de leur caractère et de leur caractère ‘ubuesque’ en ce que les numéros de clauses ne se suivent pas. Elle souligne encore qu’aucun document contractuel ne fait état de la durée du contrat.

Toutefois, la cour constate que les conditions générales ont été expressément acceptées par la signature figurant en dessous de la mention selon laquelle ‘le client déclare avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de location et de services ainsi que les conditions particulières relatives à chaque service fournis par le fournisseur ainsi que leurs annexes’ ; qu’il a été souscrit un contrat de prestations ‘installations/accès web’ et un contrat de service ‘téléphonie mobile’ comprenant chacun des conditions particulières et des conditions générales, expressément acceptées dans les termes ci-dessus ; que si ces conditions générales sont écrites en petits caractères, elles n’en sont pas moins lisibles à l’oeil nu et ne sont en rien incohérentes puisqu’une nouvelle numérotation des paragraphes est reprise pour chaque contrat ; que la durée du contrat de téléphonie mobile est expressément stipulée en paragraphe 15 des conditions générales pour 63 mois.

Ainsi, l’EARL ne peut se prévaloir de l’inopposabilité des conditions générales de vente.

Sur la résiliation

Par courrier du 12 novembre 2016, l’EARL, sous la plume et signature de son gérant a adressé un courrier de résiliation du contrat de téléphonie mobile au motif que le contrat ne serait pas signé par une personne habilitée et que le réseau SFR ne fonctionnait pas.

C’est donc à l’EARL, à l’initiative de la rupture contractuelle, d’établir la réalité des faits qu’elle allègue au soutien de son initiative, la société prenant acte de la résiliation au 15 novembre 2016.

Le premier juge a alors inversé la charge de la preuve en indiquant que celle ci reposait sur la société au visa de l’article 9 du code de procédure civile.

Le seul grief utile au soutien de la demande de résiliation est donc le non-fonctionnement du réseau SFR. Cette allégation est confortée par les données de L’ARCEP publiées le 30 juillet 2015 selon lesquelles la commune de [Localité 1] n’était pas couverte en 3G par le réseau SFR alors qu’elle l’était par le réseau Orange sur lequel les lignes mobiles de l’EARL fonctionnaient antérieurement. La société n’a jamais contesté cette non-couverture par le réseau SFR.

Le professionnel qui exerce dans son domaine spécifique d’activité est débiteur d’une obligation de conseil renforcée qui doit le conduire non seulement à interroger le client sur ses besoins mais aussi à s’assurer de la faisabilité technique de l’opération qu’il fait souscrire.

Il paraît d’évidence que la société, spécialiste en téléphonie, doit s’interroger avant d’opter elle même pour le réseau de l’un ou l’autre des opérateurs avec lesquelles elle travaille sur la couverture de la téléphonie qu’elle propose. La société a manqué à ce devoir premier puisqu’elle ne s’est pas assurée que la zone principale d’utilisation des lignes téléphoniques mobiles dont elle faisait souscrire le transfert de l’opérateur Orange à l’opérateur SFR serait techniquement réalisable, ce d’autant plus en 4G comme le contrat le mentionne.

C’est donc à juste titre que l’EARL, au regard de l’inexécution contractuelle de la société qui n’a pu lui fournir le service souscrit a d’une part refusé de payer les premières factures et a d’autre part provoqué la résolution du contrat au regard des manquements suffisamment graves de la société en application des dispositions des articles 1217 et 1219 du code civil.

Le jugement sera confirmé et la société déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur les demandes reconventionnelles de l’EARL

Celle-ci invoque deux mois de bataille avec les opérateurs pour parvenir à la portabilité des numéros, à la nécessité de refaire ses plaquettes publicitaires et à une perte de chiffre d’affaires en raison de l’impossibilité de la joindre pendant près de deux mois.

Or, la cour ne statue que sur des prétentions énoncées au dispositif des conclusions qui la saisissent de celles-ci (article 954 du code de procédure civile), en ce qu’elles tendent à la réformation ou à l’annulation du jugement déféré (article 542 du même code).

En l’espèce, la cour n’est saisie d’aucune demande d’infirmation du jugement s’agissant du chef de celui-ci qui déboute l’EARL de ses demandes complémentaires de telle sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une prétention non valablement formulée.

Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, la société supportera les dépens d’appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement en toutes ses dispositions valablement déférées

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes présentée à titre reconventionnel par l’intimé

Condamne la société Commerciale de Télécommunications exerçant à l’enseigne Cloud Eco aux dépens d’appel.

Condamne la société Commerciale de Télécommunications exerçant à l’enseigne Cloud Eco à l’EARL Costo Soulano la somme de 2500€ en application des disposions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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