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3ème chambre 1ère section
No RG :
08 / 01375
No MINUTE :
JUGEMENT
rendu le 15 Avril 2008
DEMANDEURS
Monsieur Omar X…
…
78490 MERE
Monsieur Fred Y…
…
75006 PARIS
Monsieur Bertrand Z…
…
92300 LEVALLOIS PERRET
S. A. R. L. KOROKORO
…
78490 MERE
S. A. R. L. COCOJET
…
75006 PARIS
INTERVENANTS VOLONTAIRES
Madame Brigitte A…
…
75004 PARIS
Monsieur Serge B…
…
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représentés par Me Alain de la ROCHERE-SELARL CABINET BITOUN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 189
DÉFENDERESSE
S. A. DAILYMOTION
…
75018 PARIS
représentée par Maîtres Marc SCHULER et Anne PERRIN-cabinet TAYLOR WESSING, avocats au barreau de PARIS, vestiaire J010
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie COURBOULAY, Vice Présidente
Florence GOUACHE, Juge
Antoinette POIRIER, Juge
assistées de Léoncia BELLON, Greffier
DEBATS
A l’audience du 19 Février 2008
tenue publiquement
JUGEMENT
Prononcé par remise au greffe
Contradictoirement
en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
M. Omar X… et M. Fred Y… sont tous deux comédiens et forment un duo comique à la télévision et sur scène.
Ils sont les auteurs interprètes de programmes courts d’environ 3mn écrits en collaboration avec M. Bertrand Z…, et diffusés sur la chaîne CANAL + dans le cadre de l’émission NULLE PART AILLEURS.
Les meilleurs moments de la saison 1 (années 2005-2006) de ce programme intitulé SERVICE APRES VENTE DES EMISSIONS, ont fait l’objet d’une édition en format DVD.
Ils ont également créé un spectacle vivant qui a fait l’objet d’une captation audiovisuelle au casino de Paris commercialisée depuis le 26 octobre 2007 sous forme de DVD. Ce spectacle vivant était produit par la société KOROKORO et par la société COCOJET.
Dans le courant du 4ème trimestre 2007, ils se sont aperçus de la mise en ligne sans leur autorisation de vidéos reproduisant partie de leurs oeuvres sur le site www. dailymotion. com.
La société DAILY MOTION est une société de droit français créée en mars 2005 ; elle se présente comme le premier site français de partage de vidéo, et donc comme hébergeur des pages personnelles des utilisateurs, les internautes auxquels elle offre la possibilité de mettre en ligne des vidéos, de les visionner et de les télécharger grâce à une adresse URL : www. dailymotion. com et comme éditrice ou co-éditrices de pages proposées aux motion makers et official users.
Ils ont fait dresser procès-verbal de constat par huissier le 14 novembre 2007 de la présence de 32 vidéos contrefaisantes les DVD ” le Service après vente et le spectacle Omar et Fred ” et ont adressé une mise en demeure à la société DAILY MOTION de cesser l’exploitation contrefaisante de ces oeuvres par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour.
Ils ont renouvelé leur mise en demeure par courrier par la délivrance d’un projet d’assignation en référé en date du 16 janvier 2008, assignation qui n’a été ni délivrée ni placée.
Le 24 janvier 2008, ils ont fait dresser un procès-verbal de constat par l’APP montrant la présence de 5 vidéos reproduisant des extraits du DVD ” le spectacle Omar et Fred “.
Par assignation à jour fixe en date du 28 janvier 2008, M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET ont fait assigner la société DAILY MOTION aux fins de :
Dire que la reproduction des vidéos interprétées par M. Omar X… et M. Fred Y…, écrites par M. Omar X…, M. Fred Y… et M. Bertrand Z… sans leur autorisation et sans l’autorisation de la société KOROKORO et de la société COCOJET, titulaires des droits des auteurs, sur la page internet www. dailymotion. com édité par la société DAILY MOTION, porte atteinte aux droits d’auteur des sociétés KOROKORO et COCOJET ainsi qu’aux droits voisins de M. Omar X… et de M. Fred Y… et viole leur droit moral d’auteur artiste interprète ainsi que le droit moral de M. Bertrand Z….
En conséquence,
Ordonner la suppression des vidéos litigieuses sous astreinte de 5. 000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir.
A titre principal,
Condamner la société DAILY MOTION à payer à la société KOROKORO et à la société COCOJET la somme de 200. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice patrimonial subi, soit 100. 000 euros par société,
Subsidiairement,
Condamner la société DAILY MOTION à payer à chacune des sociétés la somme de 75. 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice patrimonial subi ainsi que de procéder à la nomination d’un expert aux fins de constater l’ensemble des recettes générées par le site du défendeur et notamment se faire communiquer les contrats conclus avec les sociétés FNAC et EBAY.
En tout état de cause,
Condamner la société DAILY MOTION à payer à chacun des auteurs la somme de 50. 000 euros en réparation de la violation de leur droit moral d’auteur.
Condamner la société DAILY MOTION à payer à chaque artiste interprète la somme de 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son droit moral d’artiste interprète,
Ordonner à la société DAILY MOTION de publier de manière visible claire et sans commentaire le dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil à l’adresse www. dailymotion. com pendant une période de 30 jours dans un délai de 30 jours à compter de la signification dudit jugement, et ce sous astreinte de 10. 000 euros par jour de retard.
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Condamner la société DAILY MOTION à payer à chacun des demandeurs la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût des procès-verbaux et dont distraction au profit de la SELARL BITOUN, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions en date du 15 février 2008 M. Serge B…, réalisateur de la captation audiovisuelle du ” spectacle de Omar et Fred ” et Mme Brigitte A…, metteur en scène du spectacle, sont intervenus volontairement à l’audience aux côtés de demandeurs.
Les demandeurs ont fait valoir que la société DAILY MOTION se livrerait à des actes de contrefaçon de leurs droits d’auteur, de leurs droits voisins ainsi que des atteintes à leur droit à l’image et à leur droit au nom, résultant de la mise à disposition par la société défenderesse, en sa qualité d’éditrice, au profit des internautes de contenus couverts par ces droits ; que la qualité d’éditrice résulte d’une part du contrôle effectué sur les vidéos mises en ligne du fait du réencodage et de la taille imposée des fichiers, et d’autre part des choix éditoriaux réalisés en raison de l’architecture du site et de la présence de publicité ; subsidiairement que si seul le statut d’hébergeur était reconnu à la société DAILY MOTION, celle-ci a fait preuve de négligence car elle n’a pas fait en sorte d’éviter la présence de contenus illicites au sein du site, qu’elle n’a pas retiré le contenu litigieux signalé avec la promptitude exigée par la loi LCEN, alors qu’elle a eu connaissance de l’ensemble des DVD et CD contrefaits dans le cadre de la présente instance.
Les demandeurs font valoir que les DVD sont des oeuvres ” per se ” qui ont été communiquées et qu’en tant que telles, toute diffusion d’un extrait d’un sketch contenu dans un des DVD constitue une atteinte à l’oeuvre en son entier.
Par conclusions en date du 19 février 2008, la société DAILY MOTION a demadné le rejet des pièces 19, 20 et 21 ainsi que des conclusions en intervention volontaire de M. B… et de Mme A… au motif que ces derniers ont ajouté des éléments à ceux déposés lors de leur requête en assignation en jour fixe et avant toute défense au fond formée par elle.
Elle a contesté avoir un rôle d’éditeur pour ce qui est de la mise en ligne des vidéos de M. Omar X… et de M. Fred Y….
Elle a présenté le service qu’elle offre aux internautes et en a décrit le fonctionnement y compris en sa qualité d’éditeur qu’elle revendique pour les motion makers et official users.
Elle a revendiqué sa qualité d’hébergeur et dit que les demandeurs n’ont pas réalisé de notification conforme aux prescriptions de la LCEN avant leur assignation du 28 janvier 2008 à laquelle étaient joints les procès-verbaux d’huissier et de l’APP.
Elle a indiqué qu’un seul DVD était argué de contrefaçon, à savoir le spectacle d’Omar et Fred, contesté que le DVD argué de contrefaçon constitue une oeuvre per se et soit susceptible en tant que tel de protection.
Elle a nié aux sociétés demanderesses de pouvoir agir en qualité de titulaires des droits patrimoniaux du fait du dépôt des oeuvres à la SACEM.
Elle a indiqué que les demandeurs ne démontrent pas qu’elle n’a pas agi promptement pour enlever les contenus dès qu’elle a eu effectivement connaissance des droits des demandeurs et de la localisation des internautes contrefaisants.
La société DAILY MOTION a sollicité du tribunal de :
Constater l’irrecevabilité des pièces 19, 20 et 21 ainsi que des conclusions de Mme A… et de M. B… aux côtés des demandeurs en date du 15 février 2008,
A titre liminaire,
Constater que la société DAILY MOTION revêt le statut d’intermédiaire technique au sens de la loi LCEN du 21 juin 2004.
Constater que la connaissance effective du contenu litigieux, objet de la présente instance, n’a pu intervenir qu’au jour de l’introduction de celle-ci.
Constater qu’à date, rien n’établit que la société DAILY MOTION n’aurait pas agi promptement pour retirer le contenu,
Donner acte à la société DAILY MOTION de ce qu’allant au delà des obligations légales inhérentes à son statut d’hébergeur, elle met en oeuvre de multiples dispositifs d’alertes, ainsi que des solutions techniques destinées à rendre impossible toute nouvelle diffusion d’un contenu signalé,
Donner acte à la société DAILY MOTION de ce qu’elle est disposée, sur demande du tribunal, à communiquer les données de connexion des utilisateurs de la mise en ligne des vidéos litigieuses,
Constater que la société DAILY MOTION a dès lors parfaitement rempli les obligations inhérentes à son statut,
En conséquence,
Rejeter les prétentions de M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET, dès lors que la société DAILY MOTION n’a pas qualité à défendre au titre de la présente instance,
Si par extraordinaire, le tribunal devait considérer que la société DAILY MOTION a qualité à défendre à quelque titre que ce soit,
Constater l’irrecevabilité des demandes de la société KOROKORO et de la société COCOJET au titre de la contrefaçon des droits patrimoniaux des vidéos litigieuses du fait de l’absence de démonstration effective de la mise en cause de tous les co-auteurs, et en raison de leur cession à titre exclusif des droits d’exploitation sur support internet.
Constater l’irrecevabilité de l’exercice de l’action oblique,
Quand bien même la qualité à agir de la société KOROKORO et la société COCOJET serait retenue,
Constater l’absence de démonstration de préjudices allégués par les demandeurs tant dans leur existence que dans leur quantum,
Les débouter de l’ensemble de leurs demandes.
A titre reconventionnel,
Dire qu’en procédant à une notification de contenu dont ils ne s’étaient pas assurés être effectivement titulaires des droits y afférents et en intentant la présente action en l’absence de toute notification quant à l’existence du contenu litigieux au titre de la présente instance, les demandeurs ont fait preuve de légèreté blâmable.
Condamner solidairement les demandeurs à verser à la société DAILY MOTION la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamner solidairement M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET, à verser à la société DAILY MOTION la somme de 15. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamner les demandeurs aux entiers dépens dont distraction au profit du Cabinet Taylor Wessing en application de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS
-sur le rejet des pièces et des conclusions.
Les conclusions d’intervention volontaire de M. B… et de Mme A… ont pour but de régulariser la procédure et sont en tant que telles recevables puisqu’aucun moyen de droit ne peut interdire à une partie de régulariser une procédure de sorte à pouvoir soumettre le litige au juge du fond, et conformément aux dispositions de l’article 30 du Code de procédure civile.
Il convient de constater que les pièces communiquées au pied de l’assignation sont au nombre de 17 et que les nouvelles pièces communiquées par les demandeurs sont les pièces 18, 19 et 20 et non les pièces 19, 20 et 21 dont la société DAILY MOTION demande au tribunal de les écarter.
La pièce 18 est le contrat de cession des droits d’exploitation vidéographique en date du 5 juillet 2007 conclu entre la société STUDIO CANAL et la société KOROKORO et la société COCOJET pour la captation audiovisuelle du spectacle.
La pièce 19 est un accord de défense judiciaire commune en date du 24 janvier 2008 aux termes duquel les demandeurs se sont vu rétrocéder les droits d’exploitation de la société CANAL STUDIO pour les besoins de la procédure engagée devant le tribunal de grande instance par assignation du 28 janvier 2008.
La pièce 20 est un procès-verbal de constat dressé par Mo ALBOU, huissier de justice, le 14 février 2008 tendant à démontrer que le téléchargement de vidéos sur le disque dur des internautes est possible à partir du site de dailymotion.
Les pièces 19 et 20 sont versées au débat pour répondre aux fins de non recevoir soulevées par la société DAILY MOTION et elles sont en tant que telles recevables puisqu’elles ont été contradictoirement communiquées.
La pièce 20 est un élément supplémentaire versé au débat par les demandeurs pour fonder leur qualification juridique du site dailymotion en tant qu’éditeur ; elle a été communiquée avant l’audience de plaidoiries et la société DAILY MOTION qui en a eu connaissance, peut tout à fait utilement y répondre à l’audience puisqu’en matière de procédure à jour fixe, la procédure est orale.
Les pièces 18, 19 et 20 ne seront pas écartées des débats.
sur la recevabilité des demandeurs du fait de leur apport à la SACEM.
La société DAILY MOTION conteste aux co-auteurs et aux sociétés demanderesses leur qualité à agir au titre de leurs droits patrimoniaux d’auteur au motif qu’ils ont tous fait apport de leur droits à la SACEM qui, de ce fait, a seule qualité à agir.
En adhérant à la SACEM, les auteurs, réalisateurs et compositeurs et les éditeurs font apport de leurs droits patrimoniaux de reproduction mécanique et de représentation publique ; pour autant, si la SACEM n’agit pas, les auteurs sont bien évidemment investis à nouveau de leur intérêt à agir ;
En l’espèce, il n’est contesté par aucune des parties que la SACEM n’a pas agi pour défendre les droits VOD des demandeurs du fait des contrefaçons alléguées sur le site internet DAILYMOTION.
En conséquence, les demandeurs sont recevables à agir et les sommes qui leur seraient allouées au titre des atteintes aux droits patrimoniaux étant des dommages et intérêts, ils ont également qualité pour les percevoir directement.
S’agissant des auteurs, leur adhésion et apport à la SACEM n’a trait qu’aux droits patrimoniaux, ils restent titulaires de leur droit moral et sont, en tout état de cause, toujours recevables à agir sur ce fondement.
Sur la recevabilité des demandeurs.
Seul le DVD ” le spectacle d’Omar et Fred ” est dans la cause et versé au débat.
Il s’agit d’une oeuvre audiovisuelle et conformément aux dispositions de l’article L 113-7 du Code de la propriété intellectuelle, sont auteurs M. Omar X…, M. Fred Y… et M. Bertrand Z… comme écrivains du scénario, M Serge B… comme réalisateur, Mme A… comme metteur en scène du spectacle vivant capté.
Le DVD du spectacle a été commercialisé en mentionnant sur la jaquette tous ces noms.
L’ensemble des co-auteurs étant partie au litige conformément aux dispositions de l’article L 113-3 du Code de la propriété intellectuelle, les demandes formées par ces derniers sont recevables en cette qualité.
La société KOROKORO et la société COCOJET, titulaires des droits patrimoniaux du spectacle vivant et mentionnées comme telles sur la jaquette du DVD, ont cédé régulièrement les droits d’exploitation vidéos à la société STUDIO CANAL selon contrat du 5 juillet 2007 ; cette dernière a rétrocédé les droits VOD qu’elle détient sur ce DVD à M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET selon accord de défense du 24 janvier 2008, qui prévoit un partage à hauteur de 50 % entre la société STUDIO CANAL et les demandeurs des indemnités éventuellement obtenues dans le cadre de cette instance.
En conséquence, les demandeurs sont titulaires pour les besoins de l’instance des droits d’exploitation des VOD du DVD ” le spectacle d’Omar et Fred ” et la clé de répartition des sommes devant revenir à chacun est clairement identifiable.
La société KOROKORO et la société COCOJET sont donc recevables à agir sur le fondement de l’atteinte au droit patrimonial.
M. Omar X… et M. Fred Y… sont les seuls interprètes de ce spectacle vivant capté sous forme d’oeuvre audiovisuelle ; ils sont mentionnés comme tels sur la jaquette du DVD.
L’article L 212-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’artiste interprète doit obtenir rémunération pour chaque mode d’exploitation.
Ils sont donc recevables également à agir en qualité d’artiste interprète.
Les fins de non recevoir soulevées par la société DAILY MOTION seront rejetées.
– sur la qualité d’éditeur de la société DAILY MOTION
Les demandeurs font valoir pour établir que la société DAILY MOTION serait éditeur et non hébergeur de contenu qu’elle sélectionne la taille des fichiers et en modifie le contenu par réencodage et qu’elle fait des choix éditoriaux en imposant une certaine architecture au site et en percevant pour son compte des revenus publicitaires du fait des publicités qu’elle publie sur le site, et ce en application de l’article 9 de la loi du 21 juin 2004 dite LCEN.
L’article 6-1- 2o définit les hébergeurs comme étant des personnes qui ” mettent à la disposition du public par les services de communication au public en ligne, le stockage de signaux d’écrits, d’images, de son ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services “.
L’article 6-1-7 de la LCEN dispose ensuite :
Les personnes mentionnées aux 1 et 2 (fournisseurs d’accès et hébergeurs) ne sont pas soumises à une obligation générale de surveillance et les informations qu’elles transmettent ou qu’elles stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. ”
Les éditeurs sont définis comme étant ” la personne qui détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu’elle a créé ou dont elle a la charge. ”
L’article 6-3- 1o de la LCEN vise le cas de personnes éditeurs à titre professionnels et non professionnels.
Il n’est pas contesté que la société DAILY MOTION a créé un site à l’adresse www. dailymotion. com qui offre aux internautes un service de mise en ligne de leurs vidéos postées par eux-mêmes ; que les internautes choisissent de partager largement ou de façon restreinte leurs vidéos. Le succès de ce site est tel que 15. 000 vidéos nouvelles sont postées chaque jour par les internautes.
Le service d’éditeur de la société DAILY MOTION proposé aux motion makers ou aux official users n’est pas en cause dans ce litige.
Il convient donc d’apprécier au regard des seules dispositions de la LCEN si la société DAILY MOTION détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public.
La limite imposée par la société DAILY MOTION quant à la taille des fichiers acceptés est une contrainte technique et n’implique aucun regard sur le contenu du fichier posté mais seulement une limite à ce que le serveur peut intégrer.
Le réencodage opéré par la société DAILY MOTION pour rendre compatible les fichiers postés est également une opération purement technique qui ne demande aucun choix quant au contenu de la vidéo postée.
Les deux premiers moyens soulevés par les demandeurs ne démontrent pas que la société DAILY MOTION détermine les contenus mis à la disposition du public mais établissent les limites techniques auxquelles sont confrontés la société DAILY MOTION et les internautes.
La société DAILY MOTION revendique avoir conçu l’architecture de son site en thèmes qu’elle a appelés chaînes pour proposer aux internautes un classement des vidéos de façon à pouvoir y retrouver les vidéos recherchées.
Les demandeurs soutiennent que l’organisation du site est un choix éditorial.
Or, au regard des dispositions de la LCEN ne constitue un choix éditorial que le choix des contenus des fichiers mis en ligne.
Le fait de structurer les fichiers mis à la disposition du public selon un classement choisi par le seul créateur du site ne donne pas à ce dernier la qualité d’éditeur tant qu’il ne détermine pas les contenus des fichiers mis en ligne.
Ainsi, il n’est pas démontré qu’un internaute qui choisirait de classer sa vidéo dans une rubrique inadaptée se verrait rejeter a priori son envoi.
La commercialisation d’espaces publicitaires ne permet pas davantage de qualifier la société DAILY MOTION d’éditeur de contenu dès lors que rien dans le texte de loi n’interdit à un hébergeur de tirer profit de son site en vendant des espaces publicitaires tant que les partenariats auxquels il consent, ne déterminent pas le contenu des fichiers postés par les internautes.
La LCEN n’a pas interdit aux hébergeurs de gagner de l’argent en vendant des espaces publicitaires et a volontairement limité au seul critère du choix du contenu effectué par la société créatrice du site, la condition à remplir pour être éditeur.
En refusant aux hébergeurs de vivre de la publicité, et en ajoutant ce critère à celui fixé par la loi, les demandeurs détournent le texte et tendent à dire qu’un hébergeur devrait refuser les revenus publicitaires alors que leur statut est défini dans une loi qui traite du commerce électronique.
Enfin, le moyen relatif à la possibilité d’un téléchargement offert par la société DAILY MOTION aux internautes, outre qu’il n’est pas établi par le procès-verbal de constat de l’APP du 14 février 2008 qui ne précise pas comment l’huissier est allé chercher le lien ” keepvid “, est inopérant au regard du seul critère dégagé par la LCEN, car il n’offre qu’un moyen technique aux internautes de conserver la vidéo sur leur disque dur ; il n’implique aucun contrôle du contenu du fichier par la société DAILY MOTION.
En conséquence, le contrôle des contenus des vidéos envoyées par les internautes selon des choix fixés par un comité de rédaction propre au site n’étant pas démontré, la demande de qualification de la société DAILY MOTION comme éditeur sera rejetée.
– sur la responsabilité de la société DAILY MOTION comme hébergeur
Les dispositions à prendre en compte sont donc celles des articles 6 et 7 de la loi du 21 juin 2004.
La société défenderesse qui n’est pas éditeur a le statut d’hébergeur ; elle n’est en conséquence pas responsable a priori du contenu des vidéos proposées sur son site ; seuls les internautes le sont ; elle n’a aucune obligation de contrôle préalable du contenu des vidéos mises en ligne et elle remplit sa mission d’information auprès des internautes puisqu’elle démontre d’une part avoir mis en place des systèmes d’alerte et de signalement des vidéos à contenu illicite et d’autre part, qu’elle les avertit qu’ils ne peuvent proposer aucune vidéo reproduisant des émissions de télévision, de clips musicaux, de concerts ou de publicités sans avoir obtenu d’autorisation préalable.
Elle ne peut être tenue pour responsable que si les vidéos ont un caractère manifestement illicite ce qui dans ce cas, l’oblige à dé-référencer d’elle-même et sans attendre une décision de justice, les vidéos en matière de pédophilie, de crime contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale.
Le texte ne vise expressément que ces trois cas pour ce qui est des documents ayant un caractère manifestement illicite qui entraînent une obligation de retrait immédiat volontaire de la société hébergeuse.
Pour tous les autres cas et notamment les cas de contrefaçon, le fournisseur d’accès qui stocke en vue de leur mise en ligne des signaux
d’écrits, d’images et de sons de toute nature fournis par des destinataires de ces services, n’est tenu responsable que pour autant qu’il ait eu une connaissance effective du caractère manifestement illicite des vidéos stockées ou de faits faisant apparaître ce caractère.
La connaissance effective du caractère manifestement illicite d’une atteinte aux droits patrimoniaux ou moraux des auteurs ou producteurs ne relève d’aucune connaissance préalable et nécessite de la part des victimes de la contrefaçon qu’ils portent à la connaissance de la société qui héberge les sites des internautes, les droits qu’ils estiment bafoués, dans les conditions prévues à l’article 6-5 de la loi du 21 juin 2004.
En l’espèce, des internautes ont envoyé à la société DAILY MOTION des vidéos représentant le spectacle d’Omar et Fred pour les voir mettre en ligne pour les rendre accessibles à d’autres internautes sur le site DAILY MOTION.
M. Omar X…, M. Fred Y… et M. Bertrand Z… ont envoyé une mise en demeure en date du 14 novembre 2007 et un projet d’assignation en référé du 16 janvier 2008 à la société DAILY MOTION lui demandant de cesser de diffuser les vidéos contrefaisant leurs oeuvres et lui demandant de communiquer les éléments permettant d’identifier les internautes indélicats.
Un dernier procès-verbal de l’APP a été dressé le 24 janvier 2008.
L’article 6-5 de la loi du 21 juin 2004 prévoit explicitement que l’internaute qui veut faire cesser une mise en ligne qu’il estime constituer une atteinte à ses droits, doit adresser à l’hébergeur une demande qui identifie clairement les vidéos litigieuses de façon à permettre à la société qui n’a pour objet que de stocker et mettre en ligne ces oeuvres, de les reconnaître dans la masse des documents mis en ligne et de les retirer. Il doit faire la description des faits litigieux et donner leur localisation précise ainsi que les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits.
La société DAILY MOTION indique avoir retiré les vidéos litigieuses qu’elle avait pu identifier mais elle n’a eu connaissance de la localisation des contenus litigieux, des droits des demandeurs et du contenu du DVD original qu’avec la délivrance de l’assignation à jour fixe et des pièces qui y étaient jointes.
Force est de constater que les demandeurs se sont toujours refusés, avant la délivrance de cette assignation, à lister avec précision les vidéos litigieuses, se contenant d’affirmer que leurs droits étaient bafoués mais sans donner les adresses url litigieuses et sans apporter les justifications des contrefaçons alléguées (preuve de la titularité sur les oeuvres et mentions des dispositions légales applicables).
La lecture des procès-verbaux de constat permet de comprendre que sans la communication des ces documents la société DAILY MOTION qui reçoit 30. 000 nouvelles vidéos par jour ne peut pas faire le travail d’investigation nécessaire et notamment ne peut apprécier le caractère contrefaisant de certaines vidéos mises en ligne ; elle ne peut notamment pas comparer sans avoir reçu le DVD argué de contrefaçon, le contenu de celui-ci et celui des vidéos litigieuses ; enfin, parmi les vidéos postées, certaines qui répondent au mot-clé ” omar et Fred ” ne contrefont pas des extraits du spectacle mais reproduisent des interviews télévisées auxquelles ces derniers ont participé et sur lesquels ils ne détiennent aucun droit d’auteur ou de producteur.
En conséquence, faute pour les demandeurs d’avoir respecté eux-mêmes les dispositions de la LCEN et donné les moyens effectifs à la société défenderesse d’apprécier le caractère manifestement illicite des vidéos litigieuses et d’agir promptement, ils ne peuvent reprocher à la société DAILY MOTION d’avoir engagé sa responsabilité.
Enfin, il ne démontre pas que la société DAILY MOTION a maintenu en ligne les contenus contrefaisants après la réception de l’assignation du 28 janvier 2008.
Ils ont produit un procès-verbal de constat du 14 février 2008 établissant que certaines vidéos pouvaient être téléchargées sur le disque dur d’un ordinateur, en passant par un logiciel ” keepvid “, mais ce procès-verbal de constat n’a pas vérifié la présence de vidéos sur le site de dailymotion.
Ils seront en conséquence déboutés de l’intégralité de leurs demandes.
En tant que de besoin, il sera enjoint à la société DAILY MOTION à qui les contenus du DVD ” le spectacle d’Omar et Fred ” ont été communiqués de cesser par tout moyen toute rediffusion de ces contenus, et ce dans le délai de 48 heures à compter de la signification de la présente décision, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte.
– sur l’identification des internautes.
Les demandeurs font valoir que la société DAILY MOTION a engagé sa responsabilité car elle n’a pas donné les renseignements permettant d’identifier les internautes contrevenant et qu’elle ne met pas en place une procédure permettant de les identifier correctement.
En l’espèce, la mise en demeure du 14 novembre 2007 aux termes de laquelle la société DAILY MOTION était sommée de communiquer les renseignements permettant d’identifier les internautes, n’était pas respectueuse de la procédure mise en place par les textes qui prévoit le contrôle d’un juge des requêtes qui autorise la communication des dits
éléments et la société DAILY MOTION aurait commis une faute en les communiquant sans autorisation.
Le projet d’assignation en référé ne formait aucune demande d’identification des internautes.
Les prétentions des demandeurs fondées sur le défaut de communication des éléments permettant d’identifier les internautes contrefacteurs sont donc mal fondées.
– sur les droits de la personnalité.
Les atteintes aux droits de la personnalité que sont le droit à l’image et le droit au nom, alléguées par M. Omar X… et M. Fred Y… du fait de la mise en ligne des vidéos et des CD sur le site DAILYMOTION, sont le fait des internautes et non de la société DAILY MOTION qui n’ayant pas la qualité d’éditeur ne peut être tenue pour responsable de ces atteintes.
Ces demandes sont mal dirigées à l’encontre de la société DAILY MOTION.
De plus, les mises en demeure n’alertaient pas la société DAILY MOTION d’une éventuelle atteinte au droit à l’image et au droit au nom des demandeurs car elles ne visaient que la contrefaçon des oeuvres audiovisuelles.
En tant qu’hébergeur, la société DAILY MOTION n’a donc pas été avisée d’une atteinte qui pouvait entraîner sa responsabilité si elle n’y mettait pas fin.
M. Omar X… et M. Fred Y… seront déboutés de cette demande.
– sur la demande reconventionnelle de la société DAILY MOTION.
La société DAILY MOTION ne démontre pas l’intention de nuire des demandeurs en l’assignant devant le tribunal de grande instance de Paris, ni même la légèreté de leur action.
En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société DAILY MOTION sera rejetée.
– sur les autres demandes.
L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée.
Les conditions sont réunies pour condamner in solidum M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET à payer à la société DAILY MOTION la somme globale de 5. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par remise au greffe et par jugement contradictoire et en premier ressort,
Rejette la demande tendant à voir écarter les conclusions d’intervention volontaire de Mme A… et de M. B…, aux côtés des demandeurs en date du 14 février 2008 et les pièces 18, 19 et 20.
Déclare les demandes de M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET recevables sur les contrefaçons alléguées du DVD ” le spectacle d’Omar et Fred “.
Dit que la société DAILY MOTION n’a pas engagé sa responsabilité d’hébergeur.
En conséquence,
Déboute M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET de l’ensemble de leur demande.
En tant que de besoin,
Enjoint à la société DAILY MOTION à qui les contenus du DVD ” le spectacle d’Omar et Fred ” a été communiqué de cesser, par tout moyen, toute rediffusion de ces contenus, à l’adresse url www. dailymotion. com.
Déboute la société DAILY MOTION de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Condamne in solidum M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET à verser à la société DAILY MOTION la somme globale de 5. 000 euros (CINQ MILLE EUROS) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne M. Omar X…, M. Fred Y…, M. Bertrand Z…, la société KOROKORO et la société COCOJET aux dépens dont distraction au profit du cabinet TAYLOR WESSING, avocat, par application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
FAIT ET RENDU A PARIS LE QUINZE AVRIL DEUX MIL HUIT par Marie COURBOULAY, Vice Président assistée de Léoncia BELLON, Greffier. /.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT