13 octobre 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02573

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13 octobre 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/02573
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

PAR DÉFAUT

Code nac : 39G

DU 13 OCTOBRE 2020

N° RG 19/02573

N° Portalis DBV3-V-B7D-TD4M

AFFAIRE :

SAS OVH

C/

Association JURISTES POUR L’ENFANCE

Société SUBROGALIA SL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/07633

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL LM AVOCATS,

-Me Adeline LE GOUVELLO DE LA PORTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS OVH

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20190148

assistée de Me Viviane GELLES substituant Me Blandine POIDEVIN de la SELARL JURISEXPERT, avocat plaidant – barreau de LILLE, vestiaire : 0256

APPELANTE

****************

Association JURISTES POUR L’ENFANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Adeline LE GOUVELLO DE LA PORTE, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 615 – N° du dossier 141104

Société SUBROGALIA SL

[Adresse 4]

[Localité 1]

Défaillante

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Septembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, Président chargé du rapport et Madame Anne LELIEVRE, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de VERSAILLES en date du 26 février 2019 qui a statué ainsi :

Fait injonction à la SAS OVH de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français ;

Déboute l’association Juristes Pour l’Enfance de sa demande d’astreinte ;

Condamne la SAS OVH à payer à l’association Juristes Pour l’Enfance la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts ;

Condamne la SAS OVH aux dépens de l’instance ;

Condamne la SAS OVH à payer à association Juristes Pour l’Enfance la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Vu la déclaration d’appel en date du 8 avril 2019 de la société OVH.

Vu les dernières conclusions en date du 5 juillet 2019 de la société OVH qui demande à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu’il :

-a considéré le site internet litigieux comme présentant un caractère manifestement illicite ;

-a retenu la responsabilité de la société OVH en raison de l’absence de prompt retrait du contenu dudit site ;

-a fait injonction à la société OVH de “rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français.”

-a considéré que l’absence de prompt retrait du contenu du site litigieux causait un préjudice moral direct à l’intimée ;

-a condamné la société OVH à verser à l’association Juristes Pour l’Enfance la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice.

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’association Juristes Pour l’Enfance de sa demande d’astreinte.

En conséquence :

Se prononcer sur le caractère manifestement illicite ou non du contenu litigieux ;

Ecarter toute faute de la société OVH en sa qualité d’hébergeur dudit contenu ;

Débouter l’association Juristes Pour l’Enfance de sa demande indemnitaire ;

Débouter l’association Juristes Pour l’Enfance de sa demande d’astreinte.

Vu les dernières conclusions en date du 6 octobre 2019 de l’association Juristes Pour l’Enfance qui demande à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamner la société OVH à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société OVH aux entiers dépens, d’instance et d’appel.

La déclaration d’appel a été signifiée à la société Subrogalia conformément à l’article 4 du Règlement CE 1393/2007 par acte du 8 juillet 2019.

Il n’est pas justifié d’une remise à personne.

Vu l’ordonnance de clôture du 9 juillet 2020.

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FAITS ET MOYENS

La SAS OVH est spécialisée dans l’offre de services et d’infrastructures internet.

Le 1er février 2016, l’association des Juristes Pour l’Enfance l’a mise en demeure, en sa qualité d’hébergeur de sites, de retirer sans délai le contenu du site internet http:// www. subrogalia.com:fr/ afin qu’il ne soit plus accessible sur le territoire français en application des dispositions de l’article 6-I-5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (ci- après dénommée LCEN).

L’association expliquait que le site incriminé mettait en ligne un contenu illicite puisqu’il se proposait de faire l’intermédiaire entre une mère porteuse et un client désireux d’accueillir l’enfant porté par elle, alors que la gestation pour autrui (ci- après dénommée GPA) est interdite en France et que l’article 227-12 alinéa 3 du code pénal prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en répression du délit d’entremise.

Le 13 juin 2016, le conseil de l’association des Juristes Pour l’Enfance a réitéré sa notification de contenu illicite à la société OVH.

Par courrier du 17 juin 2016 la société OVH a indiqué qu’en l’absence de contenu “manifestement illicite”, il ne lui appartenait pas de se substituer aux autorités judiciaires afin de trancher un litige opposant l’association des Juristes Pour l’Enfance et la société de droit espagnol Subrogalia S.L, éditeur du site internet http://subrogalia.com mais qu’elle exécuterait spontanément toute décision de justice qui serait portée à sa connaissance dans le cadre du dossier.

Par acte d’huissier en date du 18 août 2016, l’association des Juristes Pour l”Enfance a fait assigner la société OVH devant le tribunal de grande instance de VERSAILLES.

Par acte d’huissier en date du 27 décembre 2016, la société OVH a fait assigner en intervention forcée la société Subrogalia.

Celle-ci n’a pas constitué avocat.

Après jonction, le tribunal a prononcé le jugement dont appel.

Aux termes de ses écritures précitées, la société OVH rappelle les échanges intervenus avec l’association et la procédure.

Elle précise que, dans son courrier du 17 juin 2016, elle a indiqué avoir signalé l’illicéité du site internet litigieux par le biais de la plate-forme de signalement mise à disposition par les services publics à l’adresse https://www.internet-signalement.gouv.fr, sans qu’aucune réponse n’y soit apportée et déclaré avoir transmis le courrier de l’association à l’éditeur du site internet http://www.subrogalia.com/fr/, la société de droit espagnol Subrogalia S.L, qui lui a indiqué que ce site était parfaitement légal dans son pays, l’Espagne, et qu’elle ne développait aucune activité en France.

Elle relève que l’association n’a pas assigné la société de droit espagnol Subrogalia SL.

Elle estime que c’est avec celle-ci que le débat relatif à la licéité du contenu aurait dû s’engager et non avec elle qui ne dispose d’aucune maîtrise sur le contenu et se contente d’assurer des prestations techniques d’hébergement.

Elle considère qu’il appartient à la société Subrogalia S.L de justifier du caractère licite du site internet qu’elle a conçu et du contenu qu’elle a mis en ligne.

Elle rappelle qu’elle a assigné la société Subrogalia en intervention forcée.

L’appelante invoque sa qualité d’hébergeur et son rôle neutre.

Elle relève que l’association aurait pu attraire l’éditeur.

Elle déclare qu’en sa qualité d’hébergeur, son rôle est neutre et en infère qu’elle ne peut prendre part au litige opposant l’association des Juristes Pour l’Enfance et la société de droit espagnol Subrogalia.

Elle souligne qu’elle se contente d’assurer des prestations techniques d’hébergement.

Elle en conclut que ses seules obligations relèvent des aspects techniques de la prestation d’hébergement du site internet litigieux, consistant à assurer son hébergement et à intervenir en cas d’incident technique.

Elle se prévaut de la convention passée avec la société Subrogalia aux termes de laquelle elle ne pourra être tenue responsable, à aucun titre et en aucune circonstance, des informations ou des données accessibles sur le site web hébergé.

Elle fait valoir que, si la loi prévoit une responsabilité de l’hébergeur, le débat relatif à la licéité du contenu publié sur le site internet http://www.subrogalia.com doit s’engager avec la société Subrogalia, en sa qualité d’éditeur, et non avec elle dont le rôle est neutre et purement technique.

Elle souligne que cette société a conçu le site internet http://www.subrogalia.com et intervient dans la création et dans la sélection du contenu qui y est diffusé.

Elle en infère qu’il lui appartenait de justifier du caractère licite du site internet qu’elle a conçu et du contenu qu’elle a mis en ligne.

Elle rappelle que la société Subrogalia s’est engagée, dans leur convention, à intervenir, sur demande d’OVH, à toute instance engagée contre cette dernière et à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle à cette occasion.

Elle conteste vouloir échapper à sa responsabilité et affirme uniquement rappeler qu’elle n’intervient pas sur les contenus du site internet http://www.subrogalia.com/fr et qu’elle n’est pas partie au litige opposant l’association à la société espagnole.

S’agissant du retrait du contenu, elle rappelle qu’elle n’a que la qualité d’hébergeur et déclare que l’ action de l’association ne peut avoir pour effet que de suspendre l’hébergement du site internet accessible à l’adresse http://www.subrogalia.com.

Elle soutient que l’injonction prononcée par le tribunal de “rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français” est matériellement inadaptée.

Elle expose qu’en sa qualité d’hébergeur, elle n’a à sa disposition que la possibilité de débrancher le serveur sur lequel l’hébergement du site litigieux est assuré.

Elle déclare que ce débranchement aura des conséquences sur le site indépendamment du public concerné, français ou autre.

Elle souligne que le site internet ne sera plus visible nulle part sur Internet, en France mais également partout ailleurs.

Elle qualifie donc la mesure d’inappropriée.

La société conteste toute responsabilité.

Elle rappelle que le Conseil Constitutionnel a, dans une décision du 10 juin 2004 n°2004/496, donné une réserve d’interprétation de l’article 6-I-2 de la LCEN pour ce qui concerne le caractère illicite des données hébergées, précisant que ” ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers, si celle-ci ne présente pas, manifestement, un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge “.

Elle conclut que l’hébergeur n’engage sa responsabilité que s’il n’agit pas promptement pour retirer un contenu présentant un caractère ” manifestement ” illicite.

Elle en conclut également qu’il appartient à l’intimée de démontrer le caractère manifestement illicite du contenu litigieux ou de produire une décision de justice ordonnant à la société OVH le retrait dudit contenu.

Elle soutient que les éléments évoqués dans les courriers adressés à la société OVH par le conseil de l’association intimée ne lui ont pas permis de relever le caractère ” manifestement ” illicite du contenu du site internet litigieux.

Elle rappelle que la société Subrogalia lui a indiqué que le site était parfaitement légal dans son pays, l’Espagne, et qu’elle ne développait aucune activité en France.

Elle rappelle également qu’elle a signalé l’illicéité invoquée du site internet litigieux par le biais de la plate-forme mise à sa disposition par les services publics sans qu’aucune réponse soit apportée.

Elle fait donc valoir qu’elle n’avait pas la possibilité, au vu des informations communiquées par l’association de se prononcer sur le caractère manifestement illicite ou non du contenu du site internet litigieux, cette charge devant incomber au juge.

Elle ajoute qu’il ne lui appartenait pas de se substituer aux autorités judiciaires pour trancher un litige entre l’association et l’éditeur du site internet litigieux.

Elle souligne que c’est en ce sens qu’elle a répondu le 17 juin 2016 au conseil de l’association, en précisant, néanmoins, qu’elle exécuterait spontanément toute décision de justice qui serait rendue en ce sens et qui serait portée à sa connaissance dans le cadre de ce dossier.

Elle fait également valoir qu’à aucun moment, elle n’a apprécié le caractère licite ou non du site internet ou indiqué que ce dernier était licite.

Elle affirme que si elle avait dû juger de ce caractère, elle aurait considéré que l’activité exercée par la société était légale en Espagne, lieu où elle est établie, et qu’aucune activité interdite par le droit français n’était exercée en France par la société.

Elle rappelle que le code pénal français sanctionne, dans son article 227-12, “le fait de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître”.

Elle prétend que l’activité de la société ne peut être qualifiée ainsi.

Elle expose qu’aucune mise en relation entre une mère porteuse et un couple désirant se voir remettre un enfant n’est accomplie sur le territoire français et que la société lui a indiqué que les contrats conclus avec les parents intéressés par un processus de GPA n’étaient pas conclus en France.

Elle soutient donc qu’aucun acte matériel caractérisant l’infraction d’entremise ne pourrait avoir été accompli sur le territoire français.

Elle considère, en conséquence, que c’est de manière légitime qu’elle a entendu s’en référer à l’appréciation souveraine du juge et rappelle qu’elle s’engage à exécuter spontanément la décision à intervenir.

La société conteste le préjudice causé par l’absence de retrait du contenu.

Elle indique que la société ne justifie pas du montant réclamé.

Elle affirme qu’elle ne démontre pas l’existence d’un lien de causalité direct entre, d’une part, le fait qui lui est reproché- s’en être remis à l’appréciation souveraine d’un juge pour apprécier le caractère manifestement illicite d’un contenu litigieux- et le dommage que l’association prétend avoir subi au nom de “l’intérêt supérieur de l’enfant”.

Elle estime que si l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’elle prétend représenter, est atteint, c’est en raison des activités de la société, le cas échéant, mais non en raison de la décision qu’elle a prise en présence d’un contenu dont l’illicéité ne lui paraissait pas manifeste, de laisser un juge prendre une décision souveraine.

Elle estime que sa faute prétendue consisterait dans l’absence de suspension prompte de l’hébergement du site litigieux à la suite de la notification reçue, mais pas dans l’activité d’entremise en matière de Gestation pour Autrui, imputable à la seule société Subrogalia.

Elle conclut qu’elle ne peut être condamnée à indemniser l’association du dommage résultant de l’activité illicite de GPA.

Elle ajoute que l’esprit de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 n’est pas d’ériger les hébergeurs en juges de ce qui est licite ou illicite mais de permettre que des contenus “odieux” (pédopornographie, incitation à la haine raciale etc.) puissent être rapidement retirés du réseau Internet.

Elle estime qu’au contraire, lorsqu’un contenu fait débat, le rôle de l’hébergeur est de s’en remettre à la justice pour qu’elle établisse les contours de ce qui doit être considéré comme manifestement illicite, sans laisser à l’hébergeur une liberté d’appréciation qui pourrait facilement mener à la censure.

Elle conteste, par ailleurs, bénéficier “dans le cadre de son développement commercial des retombées économiques de l’exploitation du contenu illicite”.

Elle affirme qu’en sa qualité de simple prestataire technique, elle a une activité économique indépendante des contenus qu’elle héberge, mettant seulement à la disposition de ses clients une infrastructure technique.

Elle s’oppose à l’astreinte demandée compte tenu de son engagement à exécuter spontanément la décision, engagement figurant en outre à l’article 8 de ses conditions générales.

La société soutient enfin qu’il n’était pas nécessaire de l’attraire.

Elle expose que l’article 8 de ses conditions générales de service stipule qu’elle suspendra tout service si elle se voit notifier par tout tiers intéressé une décision ordonnant une telle suspension, sans qu’il soit nécessaire de l’appeler en la cause.

Elle estime donc inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager et de mettre à sa charge ceux exposés par l’association.

Elle se prévaut d’une décision.

Elle rappelle qu’elle avait indiqué à l’intimée qu’elle exécuterait spontanément toute décision qui serait portée à sa connaissance.

Elle estime sans incidence le but non lucratif de l’association qui ne l’empêche pas de réaliser des bénéfices et d’exercer une activité économique.

Elle ajoute que ce critère ne peut constituer une exception au principe selon lequel la charge des frais irrépétibles pèse sur la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès.

Aux termes de ses écritures précitées, l’association des Juristes Pour l’Enfance expose que le site internet http://www.subrogalia.com/fr/ propose des prestations de gestation pour autrui, présentant la société Subrogalia comme une agence internationale pour laquelle la gestation pour autrui est la ” réalisation d’un rêve rempli de beaucoup d’espérance, du c’ur et d’argent ” et présentant le processus de la maternité de substitution de manière détaillée.

Elle ajoute que le site internet fait référence à tous les pays avec lesquels elle travaille et souligne sa particularité de ne pas être seulement un simple intermédiaire entre des agences de mères porteuses et les parents intentionnels, mais au contraire de tout prévoir et d’accompagner les parents intentionnels du début du parcours jusqu’à l’obtention des papiers.

Elle déclare que, ces pratiques étant prohibées par le droit français et leur contenu étant ainsi illicite, elle a mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 mai 2015, la société Subrogalia, éditeur du site, de retirer ce contenu afin qu’il ne soit plus accessible sur le territoire français.

Elle fait état de la réponse négative de la société et de ses démarches, conformes à l’article 6-I-5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, auprès de l’hébergeur du site http://www.subrogalia.com/fr/, la société OVH, localisée en France.

Elle rappelle la procédure.

Elle cite l’article 6-1-2 de la LCEN relatif à la responsabilité, limitée, des hébergeurs.

Elle en infère que la loi pose un principe d’irresponsabilité pénale de l’hébergeur quant au contenu mais que cette irresponsabilité s’efface lorsqu’il a connaissance de l’activité ou de l’information illicite et qu’il n’agit pas pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.

Elle invoque le caractère manifestement illicite du contenu.

Elle conclut de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel qu’il convient de déterminer les cas dans lesquels le contenu est ” manifestement illicite “.

Elle indique que cette appréciation relève des juges du fond et souligne que les juridictions ont eu tendance à retenir comme manifestement illicites les contenus dits odieux visés à l’article 6.I, 7 de la LCEN soit l’apologie des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine, l’incitation à la violence, les infractions prévues à l’article 24, alinéas 5 et 8, de la loi sur la presse, et les infractions prévues par les articles 227-23 et 227-24 du code pénal.

Elle indique également que, de manière générale, la jurisprudence a jugé que le caractère manifestement illicite ne peut être la conséquence que d’un manquement délibéré à une disposition de droit positif explicite et dénuée d’ambiguïté.

Elle conclut que les types de contenus illicites peuvent être divers et variés et cite des arrêts et jugements.

Elle souligne que le caractère manifestement illicite n’est pas cantonné à la pédo pornographie ou à l’incitation à la haine raciale.

Elle fait valoir que la GPA est une pratique qui consiste à faire objets de marché le corps de la femme et de l’enfant, ce qui va à l’encontre de tous les principes éthiques de notre loi.

Elle en infère que le contenu proposant de tels services est particulièrement grave.

Elle soutient que non seulement l’activité du site est manifestement illicite au regard de la loi française, mais en outre qu’elle vise expressément à contourner la prohibition édictée par ladite loi.

Elle expose que le site est non seulement accessible mais aussi dirigé vers le public français, s’affichant soit directement en français, soit à l’aide d’un simple clic sur le drapeau français situé en haut à droite de la page d’accueil.

Elle ajoute qu’il affirme disposer de traducteurs et d’avocats français compétents pour tout régler et qu’il propose une page concernant la maternité de substitution en France et donne tous les détails concernant les effets de la circulaire ” Taubira ” et de l’arrêt de la CEDH du 26/06/2014.

Elle ajoute également qu’il permet aux clients français de bénéficier d’un accompagnement.

Elle soutient donc que, destiné au public de France en violation de la loi française, il est susceptible de causer un dommage sur le territoire français.

Elle conclut de l’article 4 du Règlement Rome II (Règlement (CE) n° 864/2007 que la loi française s’applique, peu important que la GPA soit autorisée par la loi dans d’autres pays dont l’Espagne, lieu où se situe le siège social de la société Subrogalia.

Elle cite la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 à l’origine de l’article 16-7 du code civil et de l’article 227-12 du code pénal et l’article 511-9 du code pénal qui réprime le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention de gamètes contre un paiement, ou de remettre à des tiers, à titre onéreux des gamètes provenant de dons, la tentative d’entremise étant également punissable.

Elle estime que ces dispositions sont dénuées de toute ambiguïté.

Elle fait valoir que, comme l’a constaté un huissier de justice, le site permet, et même incite, les citoyens français à recourir à la GPA.

Elle réitère que le site a pour objet de mettre en relation de futurs parents avec une mère porteuse ou un établissement permettant d’avoir recours à une mère porteuse et que la société Subrogalia indique opérer un suivi personnalisé des futurs parents dans leur démarche de recours à une mère porteuse et excipe d’autres mentions du site dont celle faisant état du caractère onéreux des prestations.

Elle en infère que ce site vise expressément à proposer des ” prestations ” de GPA sur le territoire français, au public français, en contrariété directe avec les lois de ce pays.

Elle se prévaut des motifs du jugement et en conclut au caractère manifestement illicite de ce contenu.

Elle estime que la responsabilité de l’hébergeur, qui n’a pas retiré promptement ce contenu, est engagée.

Elle invoque l’absence de retrait par la société OVH.

Elle expose que la loi pose une présomption de connaissance des faits litigieux par l’hébergeur lorsqu’il reçoit notification de différents éléments énumérés par la loi LCEN (art. 6.I.5) qu’elle cite.

Elle fait valoir que plusieurs mises en demeure ont été envoyées à la société OVH dans le respect des conditions énoncées par cet article afin d’obtenir de celle-ci le retrait des contenus litigieux.

Elle souligne qu’un nouveau courrier lui a été envoyé avec les documents demandés par elle le 15 février 2016 et n’a pas reçu de réponse et que la demande a été réitérée par une dernière lettre recommandée de son conseil du 13 juin.

Elle estime donc que la société OVH a parfaitement eu connaissance du contenu et que c’est de manière délibérée qu’elle a refusé de retirer le contenu, non parce qu’elle est ” neutre “, mais parce qu’elle a estimé que ce contenu n’était pas illicite.

Elle invoque la faute de la société.

Elle fait valoir que lorsque le fournisseur d’hébergement a eu connaissance de l’activité ou de l’information illicites, il commet une faute s’il persiste à la diffuser et s’il n’agit pas promptement.

Elle soutient que l’objet même de la loi est d’engager la responsabilité de l’hébergeur dès l’instant où il a eu connaissance du contenu manifestement illicite qu’il héberge et qu’il perd alors toute prétendue ” neutralité ” puisque précisément le contenu a été porté à sa connaissance.

Elle rappelle ses développements sur le contenu manifestement illicite du site qui a été porté à la connaissance de l’hébergeur.

Elle considère que l’absence de réponse de la plate-forme de signalisation des contenus ne peut exonérer l’hébergeur de sa responsabilité.

Elle fait valoir que la faute de la société est manifeste compte tenu de son refus, dans sa lettre en date du 18 juin 2016, de retirer le contenu, au motif que celui-ci n’était pas manifestement illicite.

Elle estime qu’elle aurait dû rendre le site internet litigieux inaccessible en France, un prompt délai de retrait devant être respecté.

Elle se prévaut de décisions d’où il résulte que le ” prompt délai ” ne dépasse jamais quelques jours.

Elle invoque l’absence de pertinence du critère de neutralité et l’absence d’obligation d’attraire l’éditeur.

S’agissant de la ” neutralité ” de l’hébergeur, elle prétend que cette neutralité ne permet pas, au vu des dispositions précitées, d’écarter sa responsabilité.

Elle souligne que la loi prévoit cette mise en jeu de la responsabilité de l’hébergeur sans avoir à attraire l’éditeur dans la cause, du fait de l’inertie des éditeurs de sites aux contenus illicites, basés à l’étranger, et de l’impossibilité de faire exécuter une décision à leur encontre.

Elle déclare que tel est le cas de la société Subrogalia qui, depuis l’étranger, édite un contenu illicite en France.

Elle fait valoir que l’objectif même de la loi de 2004 est de prévoir une mise en jeu de la responsabilité de l’intermédiaire technique qu’est l’hébergeur, dans des conditions strictement prévues, réunies en l’espèce.

Elle ajoute qu’en interjetant appel en ce qui concerne l’obligation de retrait, elle est sortie de sa neutralité.

Elle estime qu’il en est de même par ses arguments sur l’absence d’illicéité du site.

Elle considère que ses arguments démontrent, comme l’a relevé le tribunal, que la société OVH entend protéger l’activité illicite de ces sociétés étrangères sur le territoire français.

Elle invoque l’absence d’obligation d’action à l’encontre de l ‘éditeur.

Elle excipe des dispositions de la LCEN qui conditionne uniquement la mise en jeu de la responsabilité de l’hébergeur à une mise en demeure préalable de l’éditeur et non pas à une procédure préalable.

Elle affirme que la société OVH critique en réalité non le jugement mais le dispositif légal lui-même.

Elle qualifie donc d’inutile l’intervention forcée de la société Subrogalia.

Elle déclare qu’elle n’a fait qu’application des dispositions légales, justifiées, qui prévoient la mise en jeu de la responsabilité de l’hébergeur, en l’espèce la société OVH.

Elle estime justifiée l’injonction à la société OVH de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français.

Elle l’estime adaptée à la réalité et déclare que la société OVH a rendu ce contenu inaccessible à partir du territoire français.

Elle en infère qu’il n’existe aucune difficulté technique à exécuter cette injonction.

Elle soutient, en tout état de cause, qu’un tel argument ne pourrait faire obstacle à l’obligation pour l’hébergeur de rendre inaccessible le contenu illicite puisque cette obligation est l’objet même de la loi de 2004 et, citant des jugements et arrêts, qu’elle a été appliquée de nombreuses fois le but étant de rendre inaccessible un site au contenu illicite à partir du territoire français.

L’association invoque le préjudice causé par l’absence de retrait du contenu.

Elle réitère qu’en violation de l’article 16-7 du code civil et des articles 227-12, 511-9, 511-26 du code pénal, le site http://www.subrogalia.com/ permet, et même incite, les citoyens français à recourir à la GPA, offre des services contre paiement pour avoir obtenir des gamètes.

Elle soutient que la société hébergeant le site internet litigieux en France viole le droit positif français et porte atteinte à l’intérêt collectif et supérieur des enfants protégé par la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 dont l’article 7 prévoit que, sauf accident de la vie, un enfant a le droit de connaître son père et sa mère et d’être élevé par eux.

Elle se prévaut de témoignages sur les conséquences négatives de la GPA.

Elle considère que laisser un site internet permettant de recourir à la GPA accessible en France cause donc un dommage, au vu notamment de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Elle affirme que la société OVH bénéficie dans le cadre de son développement commercial des retombées économiques de l’exploitation du contenu illicite et indique que son chiffre d’affaires s’est élevé à plus de 250 millions pour l’année 2015 et qu’elle entend dépasser le milliard d’euros de chiffre d’affaire d’ici 2020.

Elle fait valoir que cette croissance ne peut se faire sur l’exploitation d’un contenu manifestement illicite qui porte atteinte à la dignité humaine et aux droits des enfants.

Elle rappelle qu’elle promeut et défend les droits des enfants et sollicite l’octroi de dommages et intérêts.

En cas d’infirmation du jugement, elle demande en équité à ne pas être condamnée au paiement de frais irrépétibles.

Elle souligne qu’elle est une association à but non lucratif, contrairement à la société commerciale OVH dont le chiffre d’affaires est très important et que le but de son action vise à protéger l’intérêt des enfants.

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Sur l’illicéité du contenu du site

Considérant que l’article 16-7 du code civil, d’ordre public, dispose que ” toute convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui est nulle ” ;

Considérant que l’article 227-12 du code pénal dispose :

” Le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d’autorité, les parents ou l’un d’entre eux à abandonner un enfant né ou à naître est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Le fait, dans un but lucratif, de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Est puni des peines prévues au deuxième alinéa le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double.

La tentative des infractions prévues par les deuxièmes et troisièmes alinéas du présent article est punie des mêmes peines. ” ;

Considérant que la société OVH héberge le site de la société de droit espagnol Subrogalia ;

Considérant que l’intimée verse aux débats des captures d’écran du site et un constat dressé par la SCP Bariani Brachet, huissier de justice à VERSAILLES, le 27 juillet 2016 ;

Considérant que les informations contenues sont accessibles en français ;

Considérant qu’il ressort de ce constat que, sur le site ” Gestation pour autrui Subrogalia ” apparaîssent en première page la mention ” Transformez votre rêve de devenir parent en réalité de la main du premier cabinet spécialisé en GPA ” ainsi qu’un encart intitulé ” Les 27 raisons pour lesquelles confier en Subrogalia ” et un sommaire ;

Considérant que les captures d’écran réalisées par l’huissier font apparaître, notamment, les affirmations suivantes : ” Au cabinet Subrogalia nous ne sommes pas des intermédiaires. Nous ne nous limitons pas à vous mettre en contact avec une agence ou une clinique dans un pays étranger et vous faire payer pour cela des honoraires. (..) Contrairement à de nombreuses soi-disant ” agences” nous ne dépendons d’aucune clinique ou agence. Recevoir une commission de leur part nous hypothéquerait et nous empêcherait de défendre les intérêts de notre client (vous) quand il y a un conflit d’intérêts entre vous et la clinique. Au lieu de dépendre d’eux, nous faisons qu’ils dépendent de nous puisque nous réalisons plus de 150 processus par an, ce qui nous rend leur plus gros client ” ;

Considérant que la société revendique donc être davantage qu’un intermédiaire dans le processus de gestation pour autrui auquel souhaitent avoir accès certains couples ;

Considérant qu’il ressort également de ces captures d’écran que le site invoque ” 5 années d’expérience ” et ” 864 clients heureux ” et vante son équipe ;

Considérant que la société précise que ses clients n’ont qu’à se soucier de ” voyager et donner votre matériel génétique “, elle-même traitant ” du reste des gestions, des démarches, des négociations, des procédures, des traitements etc’ ” ;

Considérant que la prestation proposée par le site Subrogalia est donc bien une prestation d’entremise ” entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ” ;

Considérant que ce caractère habituel de l’entremise est établi par le nombre de clients revendiqués ; que son caractère lucratif n’est pas davantage contestable, la société indiquant avoir ” créé des packs qui ont un prix fixe, qui incluent la plupart des concepts prévisibles, pour éviter des surprises ” ;

Considérant que si la société précise qu’elle accompagne ” dans tous les pays où la maternité de substitution est légale “, elle n’indique nullement qu’elle ne retiendra pas la candidature de personnes ressortissant d’Etats interdisant la GPA ; qu’elle déclare même (page 25 du constat d’huissier) ” nous travaillons avec les clients de 4 pays (l’Espagne, le Royaume Uni, la France et l’Italie) ” ;

Considérant que ce site est donc destiné, notamment, à un public situé en France ;

Considérant que, violant la loi française, il est susceptible de causer un dommage sur le territoire français ;

Considérant que, conformément à l’article 4 du ” règlement Rome II n° 864/2007 “, la loi française s’applique, peu important le lieu du siège social de la société Subrogalia ;

Considérant que le contenu du site est donc illicite en France ;

Sur la responsabilité de la société OVH

Considérant que la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, dite loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) est destinée à transposer en droit national la directive européenne du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de l’information et notamment du commerce électronique ;

Considérant que l’article 6§7 prévoit, conformément à la directive précitée, que ni les fournisseurs d’accès, ni les hébergeurs ne sont soumis ” à une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ” ; qu’ils n’ont donc pas une obligation générale de surveillance ;

Considérant que l’article 6-1- 2 de la loi dispose :

” Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ” ;

Considérant qu’aux termes du 1de l’article 14 de la directive du 8 juin 2000 susvisée : ” Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire du service à condition que : – a) le prestataire n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n’ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparente – ou b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible ” ;

Considérant que, dans sa décision du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a constaté ” que les 2 et 3 du I de l’article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d’écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu’ils envisagent ; que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge ” ;

Considérant qu’il a, sous cette réserve, considéré que les 2 et 3 du I de l’article 6 se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises du 1 de l’article 14 de la directive susvisée ;

Considérant que la loi LCEN pose donc un principe d’irresponsabilité des hébergeurs ;

Considérant que la responsabilité d’un hébergeur ne peut, par exception, être retenue que s’il n’a pas agi promptement pour retirer des données ou rendu leur accès impossible si celles-ci présentent un caractère ” manifestement illicite ” ou si leur retrait a été ordonné par un juge ;

Considérant que la disposition précitée a pour objet de contraindre -sauf à engager sa responsabilité- l’hébergeur à agir promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible lorsque l’information mise en ligne est ” manifestement ” illicite ;

Considérant qu’il ne peut donc, en présence d’un tel contenu, s’exonérer de toute responsabilité en invoquant l’absence de mise en cause de l’éditeur du site ou les stipulations du contrat conclu avec lui ;

Considérant que cette illicéité manifeste n’est pas limitée aux hypothèses, visées dans un paragraphe distinct, d’apologie des crimes contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale, de pornographie enfantine, d’incitation à la violence ou d’atteintes à la dignité humaine etc’ contre lesquelles l’hébergeur doit mettre en place un dispositif spécial ;

Considérant, enfin, que l’appréciation de ce caractère ” manifestement illicite ” s’opère par rapport à la loi française et non à celle du lieu de résidence de l’éditeur du site, la loi se référant à l’accès aux contenus et non à leur émission ;

Considérant qu’un équilibre doit être trouvé entre l’obligation pour l’hébergeur de retirer promptement les contenus manifestement illicites et le risque que, pour éviter toute mise en cause, il se comporte en censeur ;

Considérant que ce caractère manifestement illicite ne peut être que la conséquence d’un manquement délibéré à une disposition de droit positif explicite et dénuée d’ambiguïté ;

Considérant que, aux termes de l’article 6 -1-5 ” La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants :

-la date de la notification ;

-si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;

-les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

-la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

-les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

-la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté ” ;

Considérant que l’association Juristes pour l’Enfance a, notamment, saisi la société OVH le 1er février 2016 ;

Considérant que, par lettre du 11 février 2016, la société a répondu qu’elle n’avait pas reçu la copie de la correspondance adressée à l’éditeur du site et précisé qu’elle avait signalé ce site sur une plate-forme de signalement mise à disposition par les services publics ;

Considérant que l’association a adressé à la société une nouvelle lettre recommandée avec avis de réception le 13 juin 2016 ;

Considérant qu’elle précise -et justifie- avoir notifié à l’éditeur la demande de retrait ; que son courrier expose les motifs pour lesquels le contenu du site est manifestement illicite ; qu’il est conforme aux prescriptions de l’article 6-1-5 ;

Considérant que ce courrier est accompagné de captures d’écran portant la date du 25 janvier 2016 ; que celles-ci présentent des mentions identiques à celles décrites par la SCP Bariani- Blanchet y compris celle précisant que la société travaille avec des clients de quatre pays dont la France ;

Considérant qu’en réponse, la société OVH a rappelé la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2004 et estimé que le contenu devait présenter un caractère manifestement illicite telles l’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine, l’incitation à la violence ou les atteintes à la dignité humaine ; qu’elle a déclaré que les éléments invoqués ne lui semblaient pas présenter un tel caractère manifestement illicite ;

Considérant qu’elle a réitéré qu’elle avait effectué un signalement quant à l’illicéité de ce site sur une plate-forme de signalement mise à disposition par les services publics et qu’elle n’avait pas eu de réponse ;

Considérant qu’elle a ajouté que la société Subrogalia, saisie par elle, lui avait répondu que le site était légal en Espagne et qu’elle ne développait aucune activité en France ;

Considérant qu’elle a conclu qu’en l’état, elle ne ferait pas droit à la demande de retrait car elle ne pouvait se substituer aux autorités judiciaires pour trancher le litige entre cette société et l’association mais qu’elle exécuterait spontanément toute décision de justice ;

Considérant que, au regard des captures d’écran précitées, le contenu du site était, à l’évidence, ” manifestement illicite ” en ce qu’il contrevenait explicitement aux dispositions de droit français- dépourvues d’ambiguïté- prohibant la gestation pour autrui ; que l’éditeur a, ainsi, manqué délibérément à une disposition de droit positif explicite et dénuée d’ambiguïté ;

Considérant que la société OVH en était informée par la notification adressée le 13 juin 2016 comprenant toutes les pièces utiles ;

Considérant qu’il incombait donc à la société OVH d’agir promptement ;

Considérant qu’il résulte de la réponse de la société que celle-ci a saisi une plate-forme de signalement et a invité la société Subrogalia à présenter ses observations dont elle s’est contentée ;

Considérant que la disposition précitée ne permet pas à l’hébergeur de se retrancher derrière la réponse de la société exploitant le site ;

Considérant que les seules affirmations de celle-ci sont insuffisantes à remettre en cause le caractère manifestement illicite du contenu de son site ;

Considérant que sa réponse est donc, de ce chef, insuffisante ;

Considérant que la société ne verse pas aux débats le document par lequel elle a, conformément à ses dires, saisi la plate-forme de signalement ;

Considérant, surtout, qu’elle ne justifie pas avoir saisi de nouveau cette plate-forme ou avoir ” relancé ” celle-ci à la réception de la lettre du 13 juin 2016 contenant les éléments requis ;

Considérant qu’elle ne démontre donc pas avoir réagi promptement pour rendre impossible l’accès à ce contenu manifestement illicite ;

Considérant qu’elle a, en conséquence, manqué à ses obligations prévues par l’article 6-1- 2 de la loi du 21 juin 2004 ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société OVH ;

Sur les conséquences de la faute de la société

Considérant que, conformément à l’article 6-1-.2 précité, l’hébergeur doit retirer les données illicites ou en rendre l’accès impossible ;

Considérant que, compte tenu du caractère illicite du contenu du site au regard de la loi française, la société doit rendre inaccessible le site sur le territoire français ;

Considérant qu’il lui appartient de prendre toutes mesures techniques à cet effet quelles qu’en soient les conséquences ;

Considérant que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant qu’il appartient à l’association de rapporter la preuve du préjudice que lui a causé la faute de la société ;

Considérant que, compte tenu de la nature des informations présentes sur le site, le maintien de celles-ci malgré la mise en demeure adressée par l’association a créé à l’association- dont l’objet est la défense de l’intérêt des enfants et la protection de l’enfance- un préjudice moral que le tribunal a exactement apprécié ;

Considérant que la société devra payer à l’association la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d’appel ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, la demande de l’appelante aux mêmes fins sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, par arrêt rendu par défaut et par mise disposition,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

CONDAMNE la SAS OVH à payer à association Juristes Pour l’Enfance la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les demande plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAS OVH aux dépens de l’instance ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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