28 avril 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01449

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28 avril 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01449

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 28/04/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 20/01449 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S6U5

Jugement n°2018016432 rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTS

Monsieur [I] [B]

né le 26 juin 1957 à Hénin Beaumont (62110) de nationalité française

demeurant place Gandhi – Appartement 23 – 59160 Capinghem

Bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/20/06704 du 17/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai

SAS GKIP, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social 2 rue du Luyot 59113 Seclin

représentés par Me Faten Chafi-Shalak, avocat au barreau de Lille, constitué aux lieu et place de Me Jean-François Pétigny, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [J] [P]

né le 29 septembre 1984 à Croix (59170) de nationalité française

demeurant 26 rue de l’Abbé Stahl 59700 Marcq en Baroeul

représenté par Me Etienne Chevalier, avocat au barreau de Lille

Société Caisse de Crédit Mutuel de Roubaix Leclercq, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social 55-57 boulevard du Général Leclerc 59100 Roubaix

représentée et assistée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil Me Yves Sion, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 02 février 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d’instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Audrey Cerisier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022 après prorogation du délibéré initialement prévu le 31 mars 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles président en remplacement de Véronique Renard, présidente de chambre empêchée, en vertu de l’article 456 du code de procédure civile et Valérie Roelofs, greffier lors du délibéré, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 janvier 2022

****

La SAS GKIP exerçant une activité de commerce de gros en meubles et appareils d’éclairages a ouvert en 2013 un compte courant dans les livre de la Caisse de crédit mutuel de Roubaix. La même année, la société GKIP a souscrit un prêt professionnel n°325741-02 auprès de la même banque, d’un montant de 10 000 euros remboursable au taux nominal de 3,35% l’an, assorti d’une garantie de BPI France à hauteur de 50%. MM. [B] et [P] se sont chacun portés caution solidaire en garantie du remboursement de ce prêt dans la limite de 2 500 euros chacun. Ces mêmes personnes physiques ont souscrit chacune un contrat d’assurance de prévoyance individuelle auprès des Assurances Crédit Mutuel Nord Vie. Le 13 août 2016, la Caisse de crédit mutuel de Roubaix a consenti à la société GKIP un nouveau prêt professionnel n°325741-03, d’un montant de 40 000 euros, remboursable a taux nominal de 4,050% l’an en 48 mensualités, également assorti de la garantie partielle de BPI France. MM. [B] et [P] se sont chacun portés caution solidaire en garantie du remboursement de ce prêt dans la limite de 24 000 euros et pour une durée de 72 mois.  La société GKIP a été défaillante malgré mise en demeure dans le respect de la limite de l’autorisation de découvert consentie ainsi que dans le remboursement des prêts. Les cautions ont été appelées en vain à se substituer au débiteur principal. Par actes extrajudiciaires délivrés à compter du 17 octobre 2018, la Caisse de crédit mutuel de Roubaix Leclerc a assigné en paiement M. [P], M. [B] et la société GKIP.

C’est dans ces conditions que, par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a :

– condamné la SAS GKIP à payer à la Caisse de crédit mutuel de Roubaix les sommes suivantes :

.15 920,31 euros au titre du compte courant professionnel, outre intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2018,

.1 553,85 euros au titre du prêt professionnel n°325741-02, outre intérêts au taux contractuel de 8,350% sur la somme de 1 431,74 euros à compter du 07 juin 2018,

.27 468,76 euros au titre du prêt professionnel n°325741-03, en principal, intérêts, frais et accessoires, outre les intérêts au taux contractuel de 9,050% à compter du 07 juin 2018,

– condamné M. [B] en qualité de caution solidaire de la SAS GKIP à payer à la Caisse de crédit mutuel de Roubaix les sommes suivantes :

.1 553,85 euros au titre du prêt professionnel n°325741-02, outre intérêts au taux contractuel de 8,350% sur la somme de 1 431,74 euros à compter du 07 juin 2018,

.24 000 euros au titre du prêt professionnel n°325741-03, outre les intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2018,

– débouté M. [B] de sa demande en échelonnement des sommes dues,

– débouté la SAS GKIP de sa demande en nullité des deux contrats d’assurance Family prévoyance pro,

– condamné M. [P], en qualité de caution solidaire de la SAS GKIP, à payer à la Caisse de crédit mutuel de Roubaix la somme de 1 553,85 euros au titre du prêt professionnel n°325741-02, outre intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2018,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

– débouté la Caisse de crédit mutuel de Roubaix-Leclerc de sa demande en paiement par M. [P] de la somme de 24 000 euros au titre du prêt professionnel n°325741-03,

– condamné solidairement la SAS GKIP et M. [B] à payer à la Caisse de crédit mutuel de Roubaix-Leclerc la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Caisse de crédit mutuel de Roubaix à payer 3 000 euros à M. [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– ordonné le partage égal des dépens entre la SAS GKIP et M. [B], tenus solidairement, d’une part et la Caisse de crédit mutuel de Roubaix-Leclerc, d’autre part.

M. [B] et la SAS GKIP ont interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 13 mars 2020.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 30 juillet 2020, la société GKIP et M. [B] demandent à la Cour, les formulations en français incorrect ou incomplètes ou possiblement erronées contenues au dispositif de ces écritures étant reproduites et placées entre guillemets :

– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société GKIP,

– de constater la rupture fautive des relations commerciales de la Caisse de Crédit Mutuel avec la société concluante, ayant occasionné un préjudice pour celle-ci, et par conséquent, entraînant ipso facto les ruptures des crédits souscrits et la mise en jeu des cautions solidaires,

– « la condamnation de la Caisse de crédit mutuel de Roubaix, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à des dommages-intérêts en raison de la rupture de ses relations avec la Caisse de crédit mutuel et en l’absence de toute notification écrite, à hauteur de 44 000 euros représentant le montant de ses engagements   totaux   envers   le Crédit mutuel, en principal, intérêts, frais et accessoires,

– sur la demande reconventionnelle, la société GKIP :

– prononcer la nullité des deux contrats souscrits par Monsieur [J] [P], Contrat n° d’adhésion 8T 6753493, date de souscription : 12 Juin 2013, et par Monsieur [I] [B], contrat n° d’adhésion 8T 6753490, Date de souscription : 12 Juin 2013 

– le remboursement   de   la   totalité   des   primes   réglées   indûment   se montant à la somme de sept mille soixante-huit euros et six centimes (7 068,06 euros), productif d’intérêts au taux légal depuis le début de la souscription.

– demande de condamner la Caisse de Crédit mutuel à des dommages et intérêts à hauteur de 7 068 euros pour réparer le préjudice subi,

– ordonner toute compensation avec toute créance due,

– condamner la Caisse de crédit mutuel de Roubaix au paiement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

– condamner la Caisse de crédit mutuel de Roubaix aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés comme prescrit par l’article 699 du code de procédure civile ».

 

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 22 mars 2021, la Caisse de crédit mutuel de Roubaix Leclerc demande à la Cour de :

– vu les articles 1134, 1103 et 2298 du code civil,

– dire irrecevable la demande de M. [P] en irrecevabilité de l’appel provoqué,

– dire recevable cet appel provoqué,

– débouter la société GKIP, débiteur principal et MM. [P] et [B] de toutes leurs demandes,

‘ infirmer le jugement entrepris en ce que :

.il l’a déboutée de sa demande en paiement par M. [P] de la somme de 24 000 euros au titre du prêt professionnel n° 325741-03,

.il a prononcé la déchéance des intérêts échus,

.il l’a condamnée à payer à M. [P] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner MM. [P] et [B] en leur qualité de caution solidaire de la société GKIP et dans la limite de leur engagement de caution au paiement des sommes suivantes :

 .1 553,85 euros au titre du prêt professionnel n°325 741 02, outre les intérêts au taux contractuel de 8,350 % courant sur la somme de 1 431,74 €, à compter du 7 juin 2018, date de la mise en demeure et ce, jusqu’à parfait paiement,

.24 000 euros au titre du prêt professionnel n°325 741 03 avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018, date de la mise en demeure et ce, jusqu’à parfait paiement,

 – les condamner en outre solidairement au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

 – les condamner enfin aux entiers frais et dépens tant de première instance que d’appel, conformément aux termes de l’article 699 du code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 31 décembre 2020, M. [P] demande à la Cour de :

– vu les articles L.332-1 du code de la consommation, L.313-22 du code monétaire et financier,538, 528, 908 « et suivants », 550 et 385 du code de procédure civile,

– dire irrecevable l’appel provoqué,

– subsidiairement,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à payer 1 5553,85 euros au titre du prêt professionnel n°325741-02 avec intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2018,

– constater le caractère manifestement disproportionné des cautionnements litigieux compte tenu de l’actif et du passif de la caution,

– dire la Caisse de crédit mutuel mal fondée en ses demandes,

– subsidiairement,

– dire que la Caisse a failli à son devoir de mise en garde et rejeter la demande en paiement,

– dire que la Caisse a failli à son devoir d’information annuelles des cautions,

– réduire la dette et prononcer la déchéance du droit aux intérêts en vertu de l’article L.313-22 du code monétaire et financier,

– dans tous les cas condamner la Caisse à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 12 janvier 2022

* * * * *

SUR CE

LA COUR

S’agissant de l’irrecevabilité de l’appel provoqué contre M. [P], la Caisse de crédit mutuel soutient à juste titre que cet intimé est lui-même irrecevable en sa demande, dès lors qu’il n’en a pas saisi le conseiller de la mise en état pendant la période où celui-ci était seul compétent pour en connaître.

L’irrecevabilité soulevée sera donc déclarée irrecevable.

S’agissant de l’appel de la société GKIP, celle-ci sollicite l’infirmation du jugement entrepris en ce que ce celui-ci l’a condamnée.

Le moyen articulé dans les conclusions d’appelant est pris du défaut de notification écrite de la prise de position fautive de la banque concernant la rupture des concours.

La société GKIP soutient qu’entre novembre 2017 et fin février 2018, elle ne savait quelle attitude adopter vis-à-vis de la banque, faute d’information officielle de la part de celle-ci.

La société GKIP explique qu’après avoir ouvert dans les livres de la banque un compte courant professionnel en juin 2013, puis après avoir souscrit, le 9 août 2013, un premier prêt professionnel de 10 000 euros remboursable en 60 mensualités au taux de 3,35% l’an et, le 13 août 2016, un second prêt professionnel de 40 000 euros remboursable en 48 mensualités au taux de 4,05% l’an, l’ensemble des concours sous forme de découvert en compte courant et de ligne d’escompte, à échéance du 30 juin de chaque année, n’ont pas été renouvelés en juillet 2017, la ligne d’escompte ayant néanmoins fonctionné jusqu’à mi- novembre 2017, date à laquelle elle a été coupée.

Toutefois, il est établi que par acte sous seings privés du 27 février 2018, la société GKIP et la banque ont signé un engagement de régularisation d’un solde débiteur en compte courant prévoyant de ramener le découvert de 15 000 euros au 04 mars 2018 à 13 750 euros jusqu’au mois d’avril, pour atteindre, au terme de douze paliers une position créditrice à compter du 5 février 2019. Cet engagement nouveau a été stipulé comme se substituant aux ouvertures de crédit précédemment accordées. Le débiteur s’est engagé par le même acte à poursuivre l’amortissement normal des prêts et à ne pas mettre en ‘uvre les engagements par signature (cautionnement bancaire, aval’), sous peine de rejet des valeurs présentées au paiement et à l’exigibilité immédiate de la totalité des sommes dues.

Il n’est nullement établi que la rupture des concours alléguée soit intervenue avant cette date, ni que le comportement de la banque ait été fautif avant la conclusion de cet engagement de régularisation, dont le non-respect a entraîné la mise en demeure de la société GKIP et l’appel des cautions.

Faute de preuve de la rupture de concours à la date alléguée, le moyen pris de l’absence de notification écrite de la rupture est inopérant.

Par conséquent et par adoption de motifs, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société GKIP.

La demande formée par les appelants à hauteur de 44 000 euros dont, malgré l’insuffisante rédaction du dispositif, il est présumé qu’elle a été faite au profit de la société GKIP – et qui, en toute hypothèse, ne fait pas de sens à supposer qu’elle ait été formée au bénéfice de M. [B] puisque celui-ci figure à la procédure en sa seule qualité de caution- sera rejetée.

S’agissant de la demande en nullité des contrats Famili prévoyance pro, les moyens développés par la société GKIP au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.

A ces justes motifs, il sera ajouté que si la société GKIP affirme que ces contrats ont été conclus auprès de la société ACMN-Vie, sur la proposition de la banque et tel que prévu par les conditions générales des prêts, dans le but de faire adhérer MM. [P] et [B] en vue de leur procurer une garantie en cas d’incapacité de travail sous forme d’indemnités journalières, contrats dont les primes ont payées par la concluante, il est affirmé sans preuve que ces contrats étaient inadaptés à la situation des assurés et que les souscripteurs ont été trompés.

Il est affirmé et non démontré, sur la seule base d’un encart publicitaire figurant sur le site Internet du Crédit mutuel, que le bénéfice du contrat était réservé aux artisans, commerçants, professions libérales, gérants majoritaires et conjoints collaborateurs. Or, cet encart publicitaire ne prouve pas que les adhérents étaient hors du champ d’application de la garantie à raison de leur statut connu par la banque.

La demande de la société GKIP en nullité des contrats d’assurance, en remboursement des primes versées et en dommages-intérêts est donc mal fondée.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris doit encore être approuvé d’avoir débouté la société GKIP et M. [B] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Une telle demande n’est pas justifiée non plus en appel et ils en seront également déboutés.

S’agissant de l’appel incident de la banque, celui-ci porte d’une part sur les demandes contre M. [P], en ce que les premiers juges ont considéré que le cautionnement afférent au second prêt était manifestement disproportionné, ont condamné la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; l’appel incident porte, d’autre part, sur la déchéance de la banque du droit aux intérêts, pour défaut d’information annuelle de la caution.

S’agissant des demandes contre M. [P], celui-ci reproche au jugement entrepris de l’avoir condamné à raison du cautionnement afférent au premier prêt.

Sur ce et s’agissant du premier prêt les premiers juges doivent être approuvés d’avoir considéré que l’engagement de M. [P] n’était pas manifestement disproportionné.

En effet, M. [P] a, le 27 mai 2013, établi et signé une fiche de renseignement indiquant qu’il était célibataire en concubinage avec une personne à charge, qu’il gagnait 1 500 euros par mois et qu’il remboursait, au titre d’un prêt, 220 euros par mois soit un revenu disponible calculé de sa main de 1 360 euros par mois. La fiche indique que la situation patrimoniale est négligeable.

Dans ces conditions, alors que la banque n’avait pas à s’immiscer dans les rapports patrimoniaux entre concubins, la fiche ne présente aucune anomalie ayant dû la conduire à procéder à des vérifications sur les éléments ainsi déclarés. Par conséquent, M. [P] se prévaut de manière inopérante de son avis d’imposition 2014 sur les revenus de 2013 pour soutenir qu’il n’a déclaré en réalité que 10 004 euros.

C’est également vainement que M. [P] se prévaut désormais de charges de loyer, d’eau, d’électricité, de taxe d’habitation, de frais d’assurance et de garde, qu’il a passées sous silence et dont la banque ne pouvait se douter qu’il devait les supporter. En particulier, si véritablement M. [P] avait un loyer à payer, il lui appartenait de le signaler dans la rubrique prévue à cet effet sur le formulaire de déclaration établi par la banque. Or, il s’est manifestement abstenu de le faire.

En conséquence, les premiers juges ont exactement raisonné, en fonction des éléments de la fiche de renseignement contenant des éléments certifiés sincères et véritables, pour retenir que le cautionnement de la somme de 2 500 euros n’était nullement disproportionné aux revenus.

Il sera ajouté que les critiques adressées au questionnaire établi par la banque quant à l’imprécision des questions et au manque de formalisme juridique sont sans emport concernant ce premier cautionnement, ainsi que le démontre l’omission par M. [P] du loyer que désormais il prétend avoir dû payer. Rien n’oblige non plus la banque à donner un avis sur les conditions et modalités de la fourniture des informations ou les conditions de traitement des informations. Il est soutenu sans aucun fondement qu’avis devrait être donné de se faire assister par un professionnel du droit pour remplir la fiche de renseignement. Il ne peut être davantage soutenu que la caution ne serait pas assez informée sur le fait que le questionnaire doit servir à apprécier la proportionnalité de l’engagement à la situation globale de ses revenus et biens.

M. [P] invoque en outre à mauvais escient l’obligation de mise en garde de l’établissement bancaire, car s’agissant de la garantie du modeste prêt professionnel de 10 000 euros en cause, garanti dans une proportion exclusive de toute disproportion avec ses capacités, même à supposer qu’il fût une caution non- avertie, il n’allègue ni ne prouve aucune circonstance qui aurait dû déterminer la banque à l’avertir d’un risque particulier de défaillance de l’entreprise garantie dont il n’aurait pas eu conscience en raison de son manque de connaissances financières.

En outre, il n’est pas valablement soutenu que le cautionnement aurait été trompeur entraînant l’exigibilité de dommages-intérêts payés à la caution par la banque, pour perte de chance de ne pas contracter, au moyen que la banque n’aurait pas spécifié lors de la conclusion que la garantie apportée par la BPI à l’emprunt litigieux ne bénéficiait qu’à l’établissement financier et non à la caution. L’acte de cautionnement souscrit de manière manuscrite par M. [P] suffit à empêcher toute erreur légitime de ce chef.  

Ni le dol ni l’erreur déterminante sur la portée de ce cautionnement ne sont établis en l’espèce, faute de preuve.

L’action de M. [P] en dommages-intérêts venant compenser la dette et conduisant au rejet de la demande en paiement est donc mal fondé. M. [P] sera dons débouté de toute demande à ce titre et le jugement confirmé sur ce point.

S’agissant du second cautionnement donné par M. [P], à hauteur de 24 000 euros, la banque soutient que celui-ci n’était pas manifestement disproportionné non plus au moyen que dans la fiche de renseignement établie par la caution le 15 juillet 2016, celle-ci a indiqué percevoir 10 800 euros par an soit 900 euros par mois pour 525 euros de revenu disponible sans charge de famille ni autre engagement.

Toutefois, la fiche de renseignement présente une anomalie évidente qui aurait dû déclencher des diligences de la banque. En effet le revenu disponible mentionné par la caution de 525 euros est manifestement inexact au regard des charges déclarées. Pour un revenu mensuel de 900 euros, les charges mensuelles de remboursement de crédit en cours pour 77 euros et de loyer pour 375 euros conduisent à un revenu disponible inférieur à 525 euros (448 euros).

Par ailleurs, il n’y a toujours aucun élément de patrimoine déclaré.

Le nouveau montant garanti, sans même tenir compte du premier engagement, représente plus de 53 fois le revenu disponible mensuel arithmétiquement rectifié selon les informations déclarées par la caution dans la fiche de renseignement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que cet engagement de caution était manifestement disproportionné aux revenus et aux biens de M. [P].

En outre, rien n’établit qu’à ce jour M. [P] est en mesure de payer la somme correspondant à ce second cautionnement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu que la banque ne peut pas s’en prévaloir et en ce qu’il a débouté la banque de sa demande contre M. [P] au titre de ce second cautionnement.

S’agissant de la déchéance du droit aux intérêts pour défaut d’information annuelle des cautions, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation  bénéficiant  de  la  caution,  ainsi  que  le  terme  de  cet  engagement  ;  si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment  et  les  conditions  dans  lesquelles  celle-ci  est  exercée.  Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de  communication  de  la  nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. Les établissements de crédits doivent se conformer aux prescriptions de ce texte jusqu’à l’extinction de la dette garantie.

En l’espèce, les premiers juges doivent être approuvés d’avoir retenu que la banque n’était pas en mesure de justifier de l’envoi de lettres d’information, dès lors que la production des seules copies de lettres d’information prétendument envoyées par la banque, bien que leur contenu soit conforme aux exigences légales, ne peuvent faire présumer de ce qu’elles ont été envoyées à M. [B] et à M. [P].

Les lettres recommandées, notamment de mise en demeure adressées adressées par la banque aux cautions, ne comportent pas les informations exigées par la loi et déjà rappelées.

Par conséquent, faute de tout autre élément de preuve de l’envoi des prétendues lettres d’information, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance de la banque du droit aux intérêts contractuels.

La Cour relève que M. [B] ne forme pas de demande concernant sa condamnation en qualité de caution de la société GKIP. Le jugement entrepris ne peut donc qu’être confirmé pour ce qui le concerne.

Concernant M. [P], compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts et au vu du décompte du 7 juin 2018 qui n’est nullement contesté, il convient d’allouer à la banque, au titre du cautionnement afférent au premier prêt et sur le fondement de son décompte du 7 juin 2018, la totalité du capital restant dû hors échéances en retard, outre la part en capital des mensualités échues impayées, outre les primes échues de l’assurance du prêt et l’indemnité forfaitaire, mais hors tous intérêts contractuels sur les échéances impayées, soit la somme de 1 531,33 euros, avec affectation des sommes versées par le débiteur principal par priorité au règlement du principal de la dette.

Pour le surplus, le jugement qui a exactement statué sera confirmé.

En équité, il y a lieu de débouter les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront supportés par la société GKIP, M. [B] et la banque de la même manière qu’en première instance.

* * * * *

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel ;

Déclare M. [P] irrecevable en sa demande d’irrecevabilité de l’assignation en appel provoqué qui lui a été délivrée par la Caisse de crédit mutuel de Roubaix-Leclerc ;

Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a condamné :

-M. [P], en qualité de caution solidaire de la SAS GKIP, à payer à la Caisse de crédit mutuel de Roubaix la somme de 1 553,85 euros au titre du prêt professionnel n°325741-02, outre intérêts au taux légal à compter du 07 juin 2018 ;

Pour le surplus et y ajoutant,

Confirme le jugement entrepris ;

Statuant de nouveau sur les chefs réformés,

Précise que la déchéance de la banque du droit aux intérêts contractuels concernant le cautionnement donnés par M. [P] le 22 juillet 2013, ne concerne que la période commençant le 31 mars 2014 ;

Condamne M. [P] à payer à la Caisse de Crédit mutuel de Roubaix les sommes suivantes :

-1 431,74 euros correspondant au capital dû sur les échéances en retard à la date du 7 juin 2018 et au capital restant dû à cette même date hors échéance en retard, ladite somme étant augmentée des intérêts au taux contractuel jusqu’au 31 mars 2014 pour la part échue avant cette date et étant augmentée des intérêts au taux légal pour la part échue après cette date, toute somme payée par le débiteur principal à compter du 31 mars 2014 étant affectée par priorité au règlement du principal de la dette,

-73,99 euros au titre de l’indemnité forfaitaire,

-25,60 euros au titre de l’assurance-vie ;

Déboute la société GKIP de sa demande en infirmation du jugement entrepris ;

Déboute la société GKIP et M. [B] de leurs autres demandes ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Ordonne le partage égal des dépens d’appel entre la SAS GKIP et M. [B], tenus solidairement, d’une part et la Caisse de crédit mutuel de Roubaix-Leclerc, d’autre part ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

Le greffierPour le président de chambre empêché 

 

Valérie RoelofsDominique Gilles

 


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