ARRÊT N°238
N° RG 20/01397
N° Portalis DBV5-V-B7E-GBAV
S.A.S. M6 CREATIONS
C/
S.C.E.A. [R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 03 MAI 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 avril 2020 rendu par le Tribunal Judiciaire de SAINTES
APPELANTE :
S.A.S. M6 [L]
N° SIRET : 493 905 814
89 Avenue Charles de Gaulle
92575 NEUILLY SUR SEINE CEDEX
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DUMONT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.C.E.A. STURGEON
N° SIRET : 401 692 801
Pisciculture du Carillon
17240 SAINT FORT SUR GIRONDE
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Patrick LEDOUBLE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 21 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame [H] VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon contrat signé le 16 novembre 2016 prenant effet du ler janvier au 31 décembre 2016, la SCEA [R], avant pour activité la production et la commercialisation sous la marque [Z] de caviar d’esturgeon et de ses produits dérivés, a conclu avec la SAS M6 [L] un accord de licence portant sur les droits d’exploitation sur divers supports pendant l’année 2016 de l’image du chef cuisinier [W] [J] moyennant une redevance de 45.000 € HT, et prévoyant la fourniture par ce dernier de quatre propositions de recettes moyennant une rémunération de 60.000 € HT.
Par mail en date du 20 décembre 2016, M. [O] [S], directeur général de la SCEA [R], a informé la société M6 [L] de sa volonté de poursuivre sa collaboration avec M. [J] durant l’année 2017.
Les parties ont échangé jusqu’au 10 mai 2017, date à laquelle Mme [H] [E], responsable marketing et communication au sein de la SCEA [R], a informé la société M6 [L] qu’il ne serait pas donné suite au contrat.
Par acte d’huissier délivré le 16 janvier 2018, la société M6 [L] a assigné la SCEA [R] devant le tribunal de commerce de PARIS pour entendre, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– juger qu’un contrat relatif à l’exploitation de l’image du chef [J] a été formé entre les parties,
– juger fautive la rupture unilatérale et anticipée du contrat par la société [R],
– condamner cette dernière au paiement des sommes suivantes
. 105.000 € HT, soit 129.000 € en réparation du gain manqué du fait de la rupture du contrat
. 15.000 € au titre des fautes commises dans la rupture du contrat
. 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement en date du 16 octobre 2018, le tribunal de commerce de PARIS a fait droit à l’exception soulevée par la SCEA [R] et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de SAINTES, auquel le dossier a été transmis à défaut d’appel dans le délai prescrit par l’article 84 du Code de procédure civile.
La société M6 [L] sollicitait alors que le tribunal :
– juge qu’un contrat relatif à l’exploitation de l’image du chef [J] pour l’année 2017 a été formé entre les parties,
– juge fautive la rupture unilatérale et anticipée de ce contrat par la société [R],
– juge que la société [R] a exploité l’image du chef [J] au-delà de l’autorisation résultant du contrat de 2016,
– condamne en conséquence la société [R] au paiement des sommes suivantes :
. 105.000 € en réparation du gain manqué du fait de la rupture du contrat 2017
. 15.000 € au titre des fautes commises dans la rupture du contrat 2017
. 15.000 au titre du non respect du contrat 2016
– ordonne l’exécution provisoire,
déboute la société [R] de ses demandes,
– condamne la société [R] aux dépens et au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
En défense, la société [R] sollicitait que le tribunal :
– enjoigne à la société M6 [L] de communiquer le contrat de gestion du droit à l’image de M. [W] [J],
– rejette l’ensemble des demandes de la société M6 [L],
– condamne la société M6 [L] au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de Maître Pierre BOISSEAU.
Par jugement contradictoire en date du 10/04/2020, le tribunal judiciaire de SAINTES a statué comme suit :
‘DÉBOUTE la société M6 [L] de ses demandes,
DÉBOUTE la société [R] de sa demande reconventionnelle en communication de pièce,
CONDAMNE la société M6 [L] aux dépens de l’instance, avec distraction au profit de Maître Pierre BOISSEAU,
CONDAMNE la société M6 [L] à payer à la société [R] la somme de SEPT MILLE MIROS (7.000 €) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’avoir lieu à exécution provisoire.
Le premier juge a notamment retenu que :
– il résulte des échanges des parties que le directeur général de la société [R] a informé le 20 décembre 2016 la société M6 [L] de sa ‘volonté de poursuivre [sa] collaboration avec le chef durant l’année 2017″.
– le 23 janvier 2017, Mme [E], responsable marketing et communication au sein de la société [R], a ensuite détaillé de « nouveaux éléments à apporter au renouvellement du contrat 2017 » dans un mail adressé à mesdames [I] [Y] et [X] [K] de la société M6 [L], avec copie à M. [J], Mme [V], et M. [S].
Ce mail précisait : ‘Nous aimerions, en outre, que soit ajouté à la fin du contrat une clause d’exclusivité sur le produit pendant la durée du contrat et au terme de celui-ci’.
– la suite des échanges démontre qu’une incompréhension exclusive de toute rencontre d’une offre et d’une acceptation dans des termes communs a perduré entre les parties concernant la clause d’exclusivité
Le document transmis ‘projet confidentiel’comporte en caractères rouges soulignés la clause d’exclusivité suivante « Il est entendu entre les Parties que l’exclusivité consentie au licencié sur l’Image du Chef concerne uniquement le secteur des produits de caviar d’esturgeon et ses produits dérivés’.A ce titre, le chef s’engage de manière exclusive envers le licencié à ne pas associer tout ou partie de son Image à toute communication publicitaire visant à promouvoir un produit ou une marque du secteur des produits de caviar d’esturgeon, et ce pour la Durée de l’Opération Promotionnelle et les Territoires », soit jusqu’au 31 décembre 2017 inclus.
– seul ce projet pourrait être considéré, par la précision de ses termes et son caractère exhaustif, comme une contre-proposition constitutive d’une nouvelle offre. Il n’a cependant été suivi d’aucune acceptation de la part de la société [R], en raison notamment du différend qu’il traduit concernant la durée de la clause d’exclusivité.
– Mme [E] a été destinataire d’un nouveau «projet de contrat modifié» le 13 mars 2017 mais avec une clause d’exclusivité identique à la précédente. Elle a répondu être en relecture, puis indiquait par mail du 3 avril : ‘nous souhaiterions que le contrat comporte une clause de non concurrence après la fin de celui-ci (c’est-à-dire une interdiction pendant 2 ans de contracter avec un autre caviar sur les mêmes cibles de clientèle)’.
– Mme [E] n’a formulé au mois d’avril 2107 aucune exigence nouvelle concernant la clause d’exclusivité, mais a simplement réitéré une demande formulée dès le 23 janvier 2017 relative à la durée de la clause d’exclusivité.
– ces éléments ne reflètent aucun accord intervenu entre la société M6 [L] et la SCEA [R] sur les conditions essentielles d’un nouvel engagement, mais traduisent uniquement l’existence de négociations dans le cadre de l’accord de principe donné le 20 décembre 2016, négociations qui n’ont pas abouti, Mme [E] indiquant le 10 mai 2017 à Mme [N]: « Suite à un rendez-vous avec [W] [F], je vous informe que nous avons pris la décision de ne pas donner suite au contrat’.
– la société M6 [L] ne peut se prévaloir d’une rupture fautive du dit contrat le 10 mai 2017.
– sur le commencement d’exécution, les éléments de captures d’écran, de devis pour séance photo et d’échanges de mail pour organisation d’événements ne relatent que des préparatifs ou annonces en vue de prestations dont il n’est pas établi ni même soutenu qu’elles aient effectivement eu lieu.
Aucun commencement d’exécution relatif aux prestations envisagées (exploitation de l’image, fourniture d’une ou plusieurs recettes sur les 4 prévues, présence à un événement) n’ est donc démontré.
– le fait que les recettes élaborées en 2016 par M. [J] dans ce cadre contractuel soient toujours visibles sur le site [Z] ne constitue pas un non-respect du contrat de 2016.
– la société M6 [L] sera donc déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.
LA COUR
Vu l’appel en date du 21/07/2020 interjeté par la société SAS M6 [L]
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 21/01/2022, la société SAS M6 [L] a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les articles 1103, 1104, 1113, 1114, 1118, 1172, 1173 et 1217 du Code civil ;
La société M6 [L] demande à la Cour de :
DÉCLARER le présent appel bien fondé,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Débouté la société M6 [L] de ses demandes,
– Condamné M6 [L] aux dépens de l’instance,
– Condamné M6 [L] à payer à la société [R] la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
ET STATUANT A NOUVEAU :
JUGER qu’un contrat relatif à l’exploitation de l’image du chef [J] pour l’année 2017 a été formé entre les sociétés M6 [L] et [R] ;
JUGER fautive la rupture unilatérale et anticipée du contrat par la société [R];
JUGER que [R] a exploité l’image du Chef au-delà de l’autorisation résultant du Contrat 2016;
CONDAMNER la société [R] à payer à M6 [L] la somme de cent cinq mille (105.000) euros, en réparation du gain manqué du fait de la rupture du contrat 2017 ;
CONDAMNER la société [R] à payer à M6 [L] la somme de quinze mille (15.000) euros au titre des fautes commises dans la rupture du contrat 2017 ;
CONDAMNER la société [R] à payer à M6 [L] la somme de quinze mille (15.000) euros au titre du non-respect du contrat 2016 ;
CONDAMNER la société [R] au paiement de la somme de quinze mille (15.000) euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et au paiement des dépens ‘.
A l’appui de ses prétentions, la société SAS M6 [L] soutient notamment que :
– [R] a formulé ses souhaits sur le « détail des opérations/enseignes » relatifs au partenariat de 2017 dans un émail du 23 janvier 2017 à 10h56 de sa responsable marketing et communication, Mme [H] [E], comprenant notamment l’ajout d’une clause d’exclusivité liée au produit.
– le même jour, Mme [C] [V], responsable commerciale et communication du restaurant du chef [J], confirmait à M6 [L] l’acceptation des souhaits de [R], par commentaires insérés en rouge à la suite des demandes de [R], sous la seule réserve de limiter la clause d’exclusivité aux produits de caviar.
– le 23 février, des échanges avaient lieu, et Mme [A] a fait suivre à Mme [E], l’émail d’acceptation de l’équipe du chef [J] des souhaits de [R] pour le contrat 2017, mentionnant pour seule réserve le champ de la clause d’exclusivité souhaitée par [R] qui devait se limiter aux seuls produits de caviar et ses dérivés.
– le même jour, Mme [E] pour [R] acceptait cette réserve sur le champ de l’exclusivité ‘Pour la clause : oui sur le caviar et ses dérivés, pas sur les autres produits’.
Il en résulte un accord de volonté.
– le 23 février, Mme [N] adressait un contrat reprenant l’accord des parties, et les échanges ultérieurs ne portaient que sur des points de détail.
– le 29 mars 2017, après l’ajout à la demande de [R] d’un point accessoire (le nombre de PLV sur les lieux de vente) M6 [L] lui demandait de lancer le processus de signature et le contrat commençait à être exécuté.
– alors que le contrat était déjà formé et exécuté, [R] souhaite un amendement afin notamment d’ajouter une clause de non-concurrence, selon mail du 3 avril de Mme [E].
– il s’agit d’une proposition d’amendement au contrat déjà formé.
– M6 [L] n’a pas refusé l’ajout d’une clause de non-concurrence, au-delà du terme du contrat, mais l’a conditionnée à une contrepartie financière.
Le 4 mai 2017, M6 [L] réadressait la dernière version du contrat (sans l’allongement de la durée de l’exclusivité).
– il y a donc rupture fautive du contrat, selon mail de 10/05/2017, soit la veille de la séance de prises de photographies du chef [J] organisée entre les parties au contrat, le chef et tous les prestataires.
– le chef [J] atteste que M. [S] lui aurait proposé une somme d’argent pour contracter directement avec lui.
– [R] a simulé un désaccord tardif avec sa proposition d’amendement du 3 avril au contrat déjà formé le 23 février pour tenter le 10 mai de se libérer de ses engagements vis-à-vis de M6 [L].
– la formation d’un contrat ne nécessite pas de formes particulières.
– en l’espèce l’accord de volontés valant formation du contrat est patent.
Il y a une offre ferme et précise de la part de [R] fin 2016, avec reconduction des conditions essentielles du contrat 2016 s’agissant des prix et de la durée.
Les pourparlers pour le contrat 2017 n’ont donc porté que sur quelques aménagements au contrat de 2016, sur des détails d’exécution.
– par mail du 23 janvier 2017 est transmise l’offre de contracter de [R] énumérant les aménagements à intégrer au contrat de 2016.
– par mail du 23 janvier 2017 à 10 h 56, Mme [E] a précisé les « quelques nouveaux éléments à apporter au renouvellement du contrat 2017, dont l’ajout d’une clause d’exclusivité.
Il vaut offre ferme et précise de contracter de [R] à M6 [L] et [R] n’a jamais demandé que les conditions financières de 2017 soient revues à la baisse par rapport à celles de 2016.
– le 23 février 2017 à 16h16, [R] par mail revenait vers M6 [L] en acceptant cette seule réserve relative au champ de l’exclusivité et en fournissant les précisions souhaitées par M6 [L], cela sans autre réserve, marquant la rencontre parfaite des volontés.
Il n’y avait plus alors qu’à formaliser le contrat ainsi formé et le contrat a été transmis le jour même à [R].
Ce contrat fait notamment apparaître clairement la clause d’exclusivité relative aux produits de caviar pendant la durée du contrat, soit la durée de l’opération promotionnelle.
– sur le commencement d’exécution, en parallèle de la formalisation, le calendrier voulu par [R] imposait au Chef [J] de prévoir des recettes dès le mois de mars 2017. Les équipes de communications de M. [J] avaient commencé à travailler sur les dressages des plats pour illustrer les recettes proposées par le chef.
– des événements étaient annoncés par [R] sur les réseaux sociaux et également par le chef [J] sur son compte INSTAGRAM.
– le 22 mars 2017, [R] écrivait à Mme [C] [V], responsable Commercial et communication du Chef [J], afin de confirmer les dates pour la réalisation des photographies et le 5 mai 2017, [C] [V] confirmait la date du 11 mai 2017 et des propositions de dressage étaient transmises à [R] ainsi qu’un devis pour les proses de vue.
Ce début d’exécution du contrat atteste en tant que de besoin de sa formation et les parties avaient largement dépassé le stade des pourparlers, après une acceptation sans réserves de [R] le 27 février 2017.
– le contrat étant formé, la rupture unilatérale avant son terme est fautive de la part de la société [R], d’autant qu’elle intervient la veille de la séance photo prévue, après un déjeuner ou le dirigeant de [R] a tenté de contracter directement avec M. [J] alors qu’il a mandaté M6 [L] pour gérer son image.
– l’absence de signature ne remet pas en cause la formation du contrat. Le seul échange des consentements suffit à conclure le contrat et la volonté de contracter peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur (article 1113 du code civil).
– les interlocuteurs de M6 [L] étaient habilités à engager la société [R] et Mme [E] a toujours été l’interlocutrice de M6 [L] lors des négociations et M. [S] était en copie des échanges.
En outre, si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté, ce dernier est valablement engagé.
– le désaccord sur la proposition d’avenant de [R] ne peut pas défaire l’accord déjà intervenu entre les parties, dès lors que cette proposition est postérieure à l’accord intervenu la 23 février 2017.
La restriction de l’exclusivité au caviar et à ses produits dérivés a été accepté par [R] et aucune réserve n’a été faite pour demander un engagement de non-concurrence au-delà du contrat.
– la demande par [R] le 3 avril 2017 « Nous souhaiterions que le contrat comporte une clause de non-concurrence après la fin de celui-ci (c’est-à-dire une interdiction pendant 2 ans de contracter avec un autre caviar sur les mêmes cibles de clientèle)’ n’avait jamais été formulée et il s’agit d’une demande de modification de l’accord intervenu.
– M6 [L] n’a pas opposé une fin de non-recevoir, mais a proposé à [R] soit de signer le contrat convenu, soit de le modifier en y insérant la clause de non-concurrence à condition de prévoir une compensation financière liée au manque à gagner qui en résulte.
– la discussion sur cet amendement au contrat sollicité par [R] le 3 avril n’est pas de nature à défaire le contrat déjà formé.
– sur le non-respect du contrat pour 2016 par [R] résultant de la poursuite de l’utilisation de l’image du Chef au-delà du 31 décembre 2016, le droit d’utiliser l’« Image » du Chef [J], c’est-à-dire non seulement son image mais également son nom, devait cesser le 1er janvier 2017. Cet usage a perduré au-delà comme Mme [E] l’a reconnu le 24 mai 2017 en indiquant à M6 [L] l’avoir cessé le 10 mai 2017.
L’exploitation de l’image du Chef au-delà du contrat 2016 cause là aussi un préjudice à M6 [L] qu’il convient de réparer par le versement d’une somme de 15 000 €.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 19/01/2021, la société SCEA [R] a présenté les demandes suivantes :
‘Vu les articles 1102 et 1112 du Code Civil,
Vu les pièces,
Vu la jurisprudence,
Il est demandé à la cour de :
– ENJOINDRE la société M6 [L] à communiquer le contrat de gestion du droit à l’image de M. [W] [J],
– CONSTATER que les parties étaient toujours en pourparlers au 10 mai 2017,
– CONSTATER que le service juridique de la société M6 [L] et la société [R] avaient choisi un formalisme écrit par le biais d’un contrat écrit afin de constater un éventuel accord entre les deux sociétés,
– CONSTATER que Mme [E] n’avait pas le pouvoir d’engager la société ce qui était parfaitement connu de la société M6 [L] et de son service juridique,
– CONSTATER que la clause d’exclusivité, clause essentielle pour la société [R], n’était pas déterminée ni dans sa durée, ni dans son étendue, ni dans son montant,
En conséquence,
– JUGER que la société [R] a rompu les pourparlers en cours avec la société M6 [L] par le biais de son courrier électronique en date du 10 mai 2017,
– JUGER que la société [R] n’a commis aucune faute du fait de la rupture des pourparlers en cours,
– JUGER qu’aucun contrat n’a été conclu entre la société [R] et la société M6 [L] pour l’année 2017,
En conséquence,
– CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de SAINTES du 10 avril 2020 en toutes ses dispositions en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de la société M6 [L] à l’encontre de la société [R],
Y ajoutant,
– CONDAMNER la société M6 [L] à verser à la société [R] la somme de 15.000,00 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNER la même aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître Yann MICHOT, Avocat au Barreau de POITIERS, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, la société SCEA [R] soutient notamment que :
– dès le début des échanges avec la société M6 [L], la société [R] a expressément demandé selon mail du 23 janvier 2017.:
* une clause de non-concurrence après la fin du contrat, c’est-à-dire l’interdiction pendant 2 années de contracter avec une autre société de caviar sur les mêmes cibles de clientèle.
* une clause d’information préalable à l’égard de la société [R], cette dernière voulant se prémunir d’une association de l’image du chef avec un produit pouvant impacter l’image du caviar.
Ces demandes ont été renouvelées et notamment en avril 2017.
– ces clauses étaient essentielles pour la société [R] dans la mesure où elle avait appris l’existence de discussions entre M. [J] et d’autres sociétés pour des campagnes publicitaires pour des produits dont l’image pouvait impacter de manière négative celui de son caviar.
Ces clauses n’ont pas été acceptées par la société M6 [L] dans le projet de contrat adressé à la concluante le 4 mai 2017, puisqu’elle ne proposait qu’une exclusivité limitée à la durée du contrat et uniquement sur le caviar d’esturgeon ce que la société [R] ne pouvait pas accepter. Elle ne voulait pas que le public puisse trop rapidement associer l’image du chef [J] avec un caviar concurrent.
La société M6 [L] n’a pas voulu intégrer une clause d’information préalable selon projet de contrat du 4 mai 2017.
– la société M6 [L] passe rapidement sous silence la question du coût du nouveau contrat qui devait être supporté par la société [R], même si elle indique qu’elle n’a pas refusé cette demande, mais a sollicité légitimement une compensation financière.l Or, les clauses demandées n’étaient pas chiffrées.
– l’image du chef [J] a cessé d’être utilisée au terme du contrat expiré soit le 31 décembre 2016. Seule une recette du chef [J] de l’année 2016 apparaissait encore sur le site internet de la concluante.
Le service juridique de la société M6 [L] n’a pas hésité à adresser un e-mail reprenant, selon elle, les termes d’une conversation téléphonique avec Mme [E].
Or, ce mail relatait de façon inexacte et orientée l’échange intervenu et Mme [E] a été contrainte d’apporter une réponse circonstanciée par e-mail du 7 juin 2017, précisant ‘notre société s’est abstenue de toute utilisation commerciale de l’image du Chef dès la fin du contrat soit dès le 31 décembre 2016″.
– le prix de la clause souhaité était une charge non définie précisément mais de toute évidence trop lourde pour sa petite structure.
– la société [R] soutient l’absence de contrat conclu entre les deux sociétés et celui qui refuse de contracter n’est pas tenu de justifier des motifs de sa décision.
– la rupture des pourparlers entre les deux sociétés date du 10 mai 2017.
Cette rupture fait suite à une dernière réunion tenue le 9 mai 2017 au cours de laquelle les parties n’ont pu se rapprocher.
La société [R] était donc parfaitement libre de cesser les pourparlers et de ne pas signer un projet de contrat qui ne lui convenait pas.
– le partenariat de 2016 n’a pas été reconduit puisqu’il prévoyait une communication de cette intention le 1er. Décembre 2016 au plus tard, ce qui n’a pas été fait. La négociation d’un nouvel accord était alors nécessaire.
– l’e-mail de Mme [E], en date du 23 janvier 2017 n’est pas une offre mais un document de travail ouvrant les négociations sur le partenariat envisagé pour 2017.
– le 23 février 2017, M6 création ne fait que confirmer que la clause d’exclusivité ne s’appliquera que pour le caviar et produits dérivés, mais rien n’est défini quant à sa durée et son coût. Elle ne s’est pas positionnée sur ces points ni sur la clause d’information préalable.
– seul M. [S] pouvait valablement engager la société [R] et pas Mme [E], et la juriste de la société M6 [L] a pris le soin d’adresser les projets de contrat en demandant leur validation par la Direction de la société [R].
– 4 projets de contrats ont été transmis par M6 [L] : Un projet de contrat le 23 février 2017 – Un projet de contrat le 13 mars 2017 – Un projet de contrat le 29 mars 2017 – Un projet de contrat le 4 mai 2017. Indiquant à chaque envoi qu’il s’agissait d’un projet de contrat ou de licence, éventuellement modifié.
– la société M6 [L] savait pertinemment que certains points majeurs étaient toujours en discussion à savoir la clause d’exclusivité au-delà du terme du contrat et son coût et la clause d’information préalable.
Il s’agissait d’une clause essentielle, exprimée dès le début des négociations.
– il n’y a pas eu de début d’exécution du contrat 2017 et il n’est pas démontré par M6 [L] une utilisation de l’image du chef postérieurement au 31 décembre 2016.
La société [R] avait parfaitement le droit d’utiliser les recettes créées par le chef [J] les années précédentes et propriété de la société [R].
– aucune des prestations prévues dans le projet de contrat n’a fait l’objet d’une exécution.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 24/01/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article 1134 ancien du code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,’ et 1104 du code civil ‘les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’.
L’article 1353 du même code dispose que ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
S’agissant de la conclusion d’un contrat, l’article 1101 du code civil dispose que ‘un contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations’.
L’article 1102 du même code dispose : ‘ chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public’.
Enfin, et s’agissant des négociations, l’article 1112 du code civil précise que ‘ l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles son libres.
Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.
En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages’.
En l’espèce, le contrat de licence conclu le 16 novembre 2016 entre la société SCEA [R] et la société SAS M6 [L] prévoyait dans son article ‘B Durée ‘ :
‘ Le licencié communiquera à M6 [L] sa volonté de renouveler l’Opération Promotionnelle à dispositif équivalent pour une année supplémentaire aux mêmes conditions notamment de prix de cession de l’Image du Chef 45.000 € H.T.), le 1 er décembre 2016 au plus tard.
…
Il est précisé que le non renouvellement du présent Contrat, l’absence ou le refus de M6 [L] et/ou du Chef et/ou l’absence de notification par le Licencié dans le délai visé ci-dessus entraînera l’extinction de l’option de renouvellement pour l’année 2017, le présent Contrat venant alors à expiration à la date prévue à l’article a) ci-dessus le 31 décembre 2016″.
Il ne résulte pas des pièces des débats que la société SCEA [R] ait communiqué à la société M6 [L] sa volonté de renouvellement du contrat 2016 au plus tard le 1er. Décembre 2016 et ce contrat n’a donc pas été reconduit, la négociation d’un nouvel accord pour l’année 2017 étant nécessaire.
Dans ce cadre, le 20 décembre 2016, le directeur général de la société [R] a informé la société M6 [L] de sa ‘volonté de poursuivre sa collaboration avec le chef durant l’année 2017″.
Cette volonté exprimée a donc ouvert une phase de négociations, et par un mail en date du 23 janvier 2017, Mme [E], responsable marketing et communication au sein de la société [R], a fait état de ‘nouveaux éléments à apporter au renouvellement du contrat 2017″ :
‘ Nous allons supprimer l’image du Chef sur les produits (caviars et produits dérivés) j’entends par image le nom, la signature et la photo lorsqu’elle y était.
Son image ne figurera plus que sur les éléments de PLV (chevalet en l’occurrence), le dossier de presse et les tracts (si les enseignes choisissent de faire figurer sa photo)
Concernant la presse, j’aimerais avoir votre confirmation que nous aurons cette année 4 nouvelles recettes, et la présence du Chef pour la réalisation du déjeuner de presse ‘ .I1 me faudrait les recettes courant mois de mars afin que je planifie la réalisation des photos et du dossier.
Le déjeuner presse ayant lieu, dans l’idéal et selon les contraintes des uns et des autres, en juin.
Par ailleurs, j ‘aimerais savoir s’il est possible de prévoir un événement supplémentaire.
Celui-ci consisterait à une rencontre BtoB entre le Chef et quelques acheteurs GMS sélectionnés par nos soins. Le tout autour d’un déjeuner (à Paris) dont la forme reste à définir.
Enfin, concernant les tracts, le dispositif est identique à l’année dernière. Nous aurons le nombre d’enseignes à l’issue des négociations.
Nous aimerions, en outre, que soit ajouté à la fin du contrat une clause d’exclusivité sur le produit pendant la durée du contrat et au terme de celui-ci.’
L’article 1113 du code civil dispose que ‘le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager.
Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque’.
L’article 1114 du même code précise que ‘l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur en cas d’acceptation.
A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation’.
Enfin, l’article 1118 du code civil prévoit que ‘l’acceptation est la manifestation de la volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre…
L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle’.
Il ne ressort pas des termes du mail de Mme [E] en date du 23 janvier 2017 que ce document comprenne l’ensemble des éléments essentiels à la formation du contrat, notamment en terme de prix puisque des modifications importantes étaient souhaitées par comparaison avec le contrat 2016.
Si ce mail ne fait pas état d’une demande de clause d’information préalable, il s’agissait notamment de la modification de l’utilisation de l’image du chef, du nombre d’enseignes impliquées, restant à déterminer à l’issue de négociations, et également de la mise en oeuvre d’une clause d’exclusivité ‘ pendant la durée du contrat et au terme de celui-ci’.
Il n’est pas question ici d’équivoque mais de précisions insuffisantes quant à des données essentielles du contrat.
A la suite de cette entrée en négociation, Mme [Y] pour M6 [L] a indiqué à Mme [E] par mail du 23 janvier 2017 qu’elle reviendrait vers elle dans les meilleurs délais concernant ses demandes.
La société M6 [L] a alors communiqué avec Mme [C] [V], responsable commercial et communication du Chef [J] qui a répondu sur la clause d’exclusivité sollicitée ‘ok uniquement sur le caviar et produits dérivés mais pas sur les autres produits (cf autres contrats du Chef)’.
Il y a lieu de relevé que la question de la durée de la clause n’était pas répondue expressément par Mme [V] et il ne peut être considéré, s’agissant des enjeux de ces modalités, que son silence valait acceptation, faute d’une manifestation de la volonté de son auteur d’être lié dans les termes de cette demande de la société [R].
S’agissant toujours de la clause d’exclusivité, le mail de Mme [E] à Mme [A] le 23 février 2017 faisant suite à des conversations téléphoniques ne mentionne que : ‘ pour la clause : oui sur le caviar et ses dérivés, pas sur les autres produits. Dans l’attente de votre retour’.
Cette réponse ne vaut acceptation qu’en ce qui concerne le périmètre des produits concerné par la clause d’exclusivité, mais la question de la durée de la clause n’est pas abordée, la société M6 [L] ne démontrant pas qu’elle aurait répondu à la demande expressément formulée le 17 janvier précédent, relative à la survie de l’exclusivité au terme du contrat.
En suite, Mme [N] a envoyé le 23 février 2017 à Mme [E] le mail suivant : ‘vous trouverez ci-joint le projet de contrat pour l’opération [Z]/[W] [J] 2017. Je suis à votre disposition pour en discuter’.
Or, ce projet de contrat tel que dénommé par son envoyeur précisait :
‘ Il est entendu entre les parties que l’exclusivité consentie au licencié sur l’Image du Chef concerne uniquement le secteur des produits de caviar d’esturgeon et ses produits dérivés.
A ce titre, le chef s’engage de manière exclusive envers le licencié à ne pas associer tout ou partie de son Image à toute communication publicitaire visant à promouvoir un produit ou une marque du secteur des produits de caviar d’esturgeon, et ce pour la Durée de l’Opération Promotionnelle et les Territoires ‘, soit jusqu’au 31 décembre 2017.
Il ressort de cet élément que la société M6 [L] n’a pas répondu favorablement à la demande de la société [R] relative à la poursuite de l’exclusivité au terme du contrat, les effets de la clause proposée prenant fin au plus tard le 31 décembre 2017.
Pour cette raison, et après réception d’un nouveau ‘projet de contrat modifié’ transmis par M6 [L] le 13 mars 2017, Mme [E] pour la société [R] indiquait par mail du 16 mars ‘Je vous remercie j’ai bien reçu le contrat, nous sommes en relecture’, ce qui ne saurait valoir accord de la société [R].
Puis, par mail du 3 avril 2017, Mme [E] indiquait à Mme [N] : ‘Je reviens vers vous après relecture du contrat en interne. Nous souhaiterions que le contrat comporte une clause de non concurrence après la fin de celui-ci (c’est-à-dire une interdiction pendant 2 ans de contracter avec un autre caviar sur les mêmes cibles de clientèle)’.
Il y a lieu de retenir que par le même message la société [R] formait une autre demande ‘d’ajouter au contrat une clause d’information préalable à notre égard » sur tous les contrats d’image du Chef [J], y compris pour des entreprises non-concurrentes de [R] dont il n’est pas établi qu’elle aurait été présentée par la société [R] préalablement et notamment par le mail du 23 janvier.
Part contre, la demande relative à la clause d’exclusivité n’est pas nouvelle mais constitue la suite précisée de sa demande du 23 janvier 2017 demeurée sans réponse, visant à la poursuite des effets de la clause d’exclusivité après la fin du contrat le 31 décembre 2017, soit selon précision apportée pendant 2 ans.
Par son mail en date du 4 mai 2017, Mme [N] a ainsi répondu: « Suite à notre discussion téléphonique de mi-avril, est-ce que vous pourriez revenir vers nous pour nous dire si votre direction souhaite signer le contrat tel que vous le trouverez en pièce jointe ou si elle envisage d’étendre l’exclusivité au terme du contrat »
Dans ses écritures, la société M6 [L] indique qu’elle n’a pas opposé une fin de non-recevoir, mais a proposé à [R] soit de signer le contrat convenu, soit de le modifier en y insérant la clause de non-concurrence à condition de prévoir une compensation financière liée au manque à gagner qui en résulte.
En conséquence de ces éléments, la société M6 [L] ne peut soutenir qu’il s’agirait de la part de la société [R] d’une demande de modification d’un accord déjà intervenu.
Il en résulte que la demande relative à la poursuite des effets de la clause d’exclusivité formulée dès le 23 janvier par la société [R] n’a jamais reçu de réponse favorable de M6 [L] qui présentait au contraire à la signature de [R] à 4 reprises le 23 février 2017, le 13 mars 2017, le 29 mars 2017 puis le 4 mai 2017 des documents dénommés projet de contrat ou de licence, éventuellement modifié, comportant une fin des effets de la clause au 31 décembre 2017.
S’agissant d’une condition essentielle du contrat, compte tenu de ses implications stratégiques et en ce que’elle participe à la détermination du prix à payer, il n’est pas démontré par la société SAS M6 [L] l’existence en l’espèce d’une offre effectivement acceptée par la société SCEA [R], et donc d’un contrat consensuellement souscrit, sans qu’il y ait lieu de considérer l’absence effective de signature d’un contrat écrit.
En outre, la société SAS M6 [L] ne démontre pas l’existence pour l’année 2017 d’une exploitation de l’image de M. [J], ni sa présence à un événement au bénéfice de la société SCEA [R].
La simple prise de date et la préparation d’un rendez-vous de prise de vues ne sauraient constituer un commencement d’exécution, dans le cadre de négociations pré-contractuelles qui demeuraient libres.
Aucune utilisation de l’image du chef sur les éléments PLV, dans les dossier de presse et sur des tracts, n’est démontrée, ni la transmission d’une recette par le chef à la société [R] et utilisée par cette dernière, ni une présence à un déjeuner de presse ou à une manifestation ou à un événement dans le restaurant de Bordeaux « Le quatrième mur ».
Faute d’accord des parties sur les conditions essentielles du contrat projeté, la rupture des négociations ne peut être qualifiée de fautive, et la société SAS M6 [L] ne saurait en conséquence prétendre à indemnité au titre des négociations relatives au contrat 2017.
S’agissant de sa demande présentée au titre d’une poursuite de l’utilisation de l’image de M. [J] au-delà du 31 décembre 2016, ce point n’est pas démontré par les éléments versés par la société SAS M6 [L].
En effet, le retranscription de propos téléphoniques de Mme [E] tenus selon cette société la 24 mai 2017 est strictement contredite par Mme [E] elle-même, et cette transcription ainsi que les mail qui en résultent sont dépourvus de force probante.
En outre, il ne peut être reproché à la société SCEA [R] que ses réseaux sociaux fassent référence au partenariat avec le chef [J], selon constat d’huissier de justice du 26 août 2019, dès lors que le contrat de licence du 16 novembre 2016 prévoyait la fourniture par M. [J] de 4 propositions de recettes que la société [R] était autorisée à reproduire sur le site internet de sa marque [Z], sans limite de durée et moyennant une rémunération de 60.000 €.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société SAS M6 [L] de ses demandes.
Au regard de cette décision de confirmation, il y a lieu également de confirmer le débouté de la demande de communication de pièce de la société SCEA [R].
Sur les dépens et l’application de l’article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de la société SAS M6 [L].
Il sera fait application de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Yann MICHOT, avocat au Barreau de POITIERS.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner la société SAS M6 [L] à la société SCEA [R] payer à la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE la société SAS M6 [L] à la société SCEA [R] la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
CONDAMNE la société SAS M6 [L] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Maître Yann MICHOT, avocat au Barreau de POITIERS, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,