Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 10 MAI 2022
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02434 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBX6C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F17/07390
APPELANTE
Société VORTEX
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stephanie FALZONE-SOLER, avocat au barreau d’AVIGNON, toque: C25
INTIMEES
Madame [V] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Hélène ECHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0368
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/020094 du 20/08/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
S.A.S. TALIESIN
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stephanie FALZONE-SOLER, avocat au barreau d’AVIGNON, toque: C25
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [V] [G], née en 1987, a été engagée par la société Vortex (nom commercial Skyrock, ayant pour activité l’exploitation de radiodiffusion production et édition d’oeuvres musicales), par un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (20 heures hebdomadaires) à compter du 19 septembre 2012 en qualité de télé-enquêtrice.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la radiodiffusion.
Le 20 juin 2017, une procédure de licenciement pour motif économique a été initiée par la société Vortex, prévoyant la suppression du poste de la salariée.
Par courrier en date du 28 juin 2017, Mme [G] s’est vue proposer un poste de reclassement pour exercer les fonctions de chargé de planning et a été transférée de la société Vortex à la société Taliesin à compter du 5 juillet 2017. La société Taliesin a pour objet la régie publicitaire, son siège social se situe à la même adresse que celui de la société Vortex et les deux sociétés ont le même dirigeant.
Par courrier en date du 6 septembre 2017, la société Taliesin a convoqué Mme [G] à un entretien préalable à un licenciement fixé au 14 septembre 2017.
Mme [G] a été placée en arrêt maladie du 8 septembre au 24 octobre 2017.
Le 22 septembre 2017, elle a été à nouveau convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé le 2 octobre 2017, avant d’être licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 5 octobre 2017.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [G] a saisi le 2 octobre 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 17 octobre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
– dit que l’employeur de Mme [G] est la SA Vortex,
– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SA Vortex à verser à Mme [G] les sommes suivantes:
* 5.000 euros à titre de rappel de salaire,
* 500 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la partie défenderesse, de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation,
* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du principe à travail égal salaire égal,
* 11.400 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ancienneté retenue au 19 septembre 2012,
avec intérêts au taux égal à compter du prononcé de la décision,
– dit qu’en application de l’article 1342-2 du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent des intérêts,
– ordonné la remise d’un bulletin de paie récapitulatif, d’une attestation destinée au Pôle Emploi, d’un certificat de travail, conformes au jugement,
– dit que cette remise s’effectuera sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le délai commençant à courir 15 jours après la notification du jugement, le Conseil se réservant le droit de la liquidation.
– condamné la SA Vortex à rembourser Pôle Emploi, les indemnités chômages versées à Mme [G] dans les conditions prévues à l’article L1235-4 du code du travail,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision, en application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné la SA Vortex aux dépens.
Par déclaration du 12 mars 2020, la société Vortex a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 14 février 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 novembre 2020, la société Vortex demande à la cour de :
– recevoir la société Vortex en son appel,
– réformer le jugement entrepris sur l’ensemble des chefs de jugements critiqués par la société Vortex,
– confirmer le jugement sur les chefs de jugement critiqués par Mme [G],
Statuant à nouveau,
– déclarer irrecevables pour défaut de qualité d’employeur :
* la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal,
* la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du CSP,
* la demande de d’indemnisation pour rupture brutale et vexatoire,
* la demande de condamnation à rembourser Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [G] dans les conditions prévues à l’article L 1235-4 du code du travail,
* la demande de remise d’un bulletin de paie récapitulatif d’une attestation destinée à Pôle emploi, d’un certificat de travail, conformes, sous astreinte.
* la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution déloyale,
– déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes en contestation de la classification, rappel de salaire et congés payés y afférents en dommages et intérêts pour violation du principe à travail égal salaire égal,
Au fond,
A titre principal:
– débouter Mme [G] de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire:
– dire et juger que l’ancienneté de la salariée est de 3 mois,
– rejeter l’exception d’inconventionnalité,
– fixer l’indemnité à 1 mois de salaire,
A titre subsidiaire :
– sur les demandes de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du CSP, dommages et intérêts pour préjudice morale en raison d’une rupture brutale et vexatoire, dommages et intérêts pour harcèlement ou à défaut pour exécution déloyale, juger que Mme [G] ne démontre pas l’étendue de ses préjudices à hauteur des sommes demandées.
En tout état de cause,
– condamner Mme [G] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 500 euros au titre de l’instance d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 novembre 2020, la société Taliesin demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société Taliesin,
A défaut,
Sur l’exécution du contrat de travail jusqu’au 5 juillet 2017 conclu avec la société Vortex:
– déclarer irrecevables pour défaut de qualité d’employeur,
– subsidiairement, déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes relatives à la classification, au rappel de salaire et au principe à travail égal salaire égal,
Sur le fond :
A titre principal:
– débouter Mme [G] de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire;
– dire et juger que l’ancienneté de la salariée est de 3 mois,
– rejeter l’exception d’inconventionnalité,
– fixer l’indemnité à 1 mois de salaire,
– sur les demandes de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du CSP, dommages et intérêts pour préjudice morale en raison d’une rupture brutale et vexatoire, dommages et intérêts pour harcèlement ou à défaut pour exécution déloyale, juger que Mme [G] ne démontre pas l’étendue de ses préjudices à hauteur des sommes demandées.
En tout état de cause,
– condamner Mme [G] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et 1000 euros au titre de l’instance d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2021, Mme [G] demande à la cour de :
Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 17 octobre 2019,
– en ce qu’il n’a pas prononcé de condamnation à l’égard de Taliesin,
– en ce qu’il a débouté Mme [G] :
* de sa demande de condamnation solidaire de Taliesin et Vortex au paiement des condamnations prononcées en faveur de Mme [G],
* en tout état de cause, de sa demande visant ce que Taliesin et Vortex soient jugées co-employeurs de Mme [G]
* Sur la demande de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du harcèlement moral et subsidiairement du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail :
– A titre principal, en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande visant à ce que Taliesin et Vortex soient condamnées solidairement à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du harcèlement moral
– A titre subsidiaire, en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande visant à ce que Taliesin et Vortex soient condamnées solidairement à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail
* Sur les demandes au titre de la nullité du licenciement et subsidiairement le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement :
– A titre principal, en ce qu’il a débouté Mme [G] :
– de sa demande visant à ce que son licenciement soit jugé nul
– de sa demande visant à ce que Taliesin et Vortex soient condamnées solidairement à lui payer une indemnité pour licenciement nul
– A titre subsidiaire, en ce qu’il a :
– débouté Mme [G] de sa demande de condamnation de Taliesin et Vortex à lui payer solidairement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– limité le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 11 400 euros
* Sur les autres demandes, en ce qu’il a débouté Mme [G] :
– de sa demande visant à ce que Taliesin et Vortex soient condamnées solidairement à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle
– de sa demande visant à ce que Taliesin et Vortex soient condamnées solidairement à payer à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait des circonstances brutales et vexatoires du licenciement
– de sa demande visant à ce qu’il soit ordonné solidairement à Taliesin et Vortex de rembourser les indemnités chômage versées à Mme [G] dans les conditions prévues à l’article L. 1235-4 du code du travail
– de sa demande visant à ce que Taliesin et Vortex soient condamnées solidairement à lui payer les rappels de salaire, congés payés incidents et dommages et intérêts pour violation du principe à travail égal salaire égal qui lui ont été alloués
– Confirmer le jugement du 17 octobre 2019 pour le surplus.
Et, statuant à nouveau :
1. Sur la demande de condamnation de Taliesin et Vortex
– condamner Taliesin et Vortex solidairement au paiement des condamnations prononcées en faveur de Mme [G],
– en tout état de cause, juger que Taliesin et Vortex étaient co-employeurs de Mme [G],
2. Sur la demande de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du harcèlement moral et subsidiairement de l’exécution déloyale du contrat de travail :
A titre principal, condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] 10.000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du harcèlement moral,
A titre subsidiaire, condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] 10.000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,
3. Sur les demandes au titre de la nullité du licenciement et subsidiairement le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement :
A titre principal :
– juger que le licenciement de Mme [G] est nul,
– condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] 30.000 euros d’indemnité pour licenciement nul,
A titre subsidiaire, condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] 30.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
4. Sur les autres demandes :
– condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] 10.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle,
– condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] 10.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,
– ordonner solidairement à Taliesin et Vortex de rembourser les indemnités chômage versées à Mme [G] dans les conditions prévues à l’article L. 1235-4 du code du travail,
– condamner solidairement Taliesin et Vortex à payer à Mme [G] :
* 5 000 euros bruts de rappel de salaire et 500 euros bruts de congés payés incidents,
* 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation du principe à travail égal salaire égal,
– ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document (la Cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte prononcée), la remise d’un dernier bulletin de salaire, d’une attestation POLE EMPLOI et d’un certificat de travail conformes à l’arrêt,
– assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande pour les sommes à caractère salarial et à compter du jugement de première instance pour les sommes à caractère indemnitaire et ordonner la capitalisation des intérêts pour les sommes dues pour plus d’une année entière,
– condamner solidairement Taliesin et Vortex :
* à payer à l’avocat de Mme [G] 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,
* aux dépens.
– condamner Vortex à payer à Mme [G] 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive du fait de l’inexécution du jugement du 17 octobre 2019 assorti dans sa totalité de l’exécution provisoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les rappels de salaire
Pour infirmation de la décision entreprise, la société Vortex soutient en substance que Mme [G] a contesté sa classification contractuelle à compter de septembre 2014 ; que l’action en reconnaissance d’une classification différente doit être intentée dans le délai de deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait du connaître les faits ; que Mme [G] a introduit sa demande le 2 octobre 2018 de telle sorte que cette dernière est prescrite ; qu’en tout état de cause la salariée ne rapporte pas la preuve de la réalité de l’exercice des fonctions correspondant à la classification sollicitée.
Mme [G] rétorque qu’à compter du 1er mars 2016 elle occupait le poste d’assistante de la responsable du service audio-maîtrise, puis les missions de responsable du service audio-maîtrise en remplacement ; qu’elle aurait du se voir attribuer un coefficient supérieur à celui qui était le sien, ce qui justifie, en soit seul, un rappel de salaire sur les trois dernières années précédant la rupture.
La société Taliesin demande la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause dès lors que la demande concernait l’exécution du contrat de travail conclu avec la société Vortex.
L’article L.3245-1 du code du travail prévoit un délai de prescription de 3 ans pour les actions en paiement ou en répétition du salaire à compter de chaque échéance de paie, pour le montant dû à cette date ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.
Mme [G] ayant été licenciée le 5 octobre 2017, le contrat prenant fin à l’issue du préavis de deux mois, la demande de rappel de salaire au titre de la classification sollicitée est prescrite pour les sommes dues antérieurement au 5 décembre 2014.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
La convention collective nationale de la radiodiffusion attribue les coefficients ainsi qu’il suit:
– coefficient 108 – 120 :
Définitions générales : Pas d’autonomie, absence de connaissances, répétitivité, adaptation rapide,
Emplois similaires ou assimilés,
Administratif et logistique : Dactylo débutant(e), employé(e) de bureau, employé(e) d’entretien, de manutention, coursier, hôte(sse)-standardiste, technicien de surface,
Artistique : Animateur(rice) débutant(e)
– Coefficient 131 – 144
Emplois repères :
– Animateur-réalisateur : animateur confirmé, réalise et enregistre également les messages publicitaires ;
– Comptable (1er échelon) : possédant un diplôme (niveau IUT) ou une expérience équivalente. Est capable, en plus des tâches de l’aide-comptable, de tirer des prix de revient, les balances statistiques, les prévisions budgétaires ou de trésorerie, de faire la centralisation des comptes et de fournir tous les éléments pour l’établissement du bilan ;
– Technicien d’exploitation : chargé de la mise en oeuvre et de l’exploitation des moyens techniques nécessaires à toute émission de radio conformément aux directives définies par la direction. Il peut être amené à effectuer une maintenance de premier degré sur le matériel dont il a la charge (réparation mineure, entretien de base).
Définitions générales : Emploi nécessitant une connaissance professionnelle établie. Peut impliquer une certaine polycompétence dans le cadre d’objectifs opérationnels.
Emplois similaires ou assimilés
Administratif et logistique : Comptable (1er échelon)
Technique : Technicien(ne) d’exploitation.
Artistique : Animateur(rice)-réalisateur(rice)
Selon ‘contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à terme précis’, Mme [G] a assuré les fonctions temporaires d’assistante de la responsable de service audio-maîtrise statut employé indice 120 à compter du 1er mars 2016 jusqu’au 30 avril 2017 à hauteur de 13 heures par semaine. Mme [G] justifie également avoir remplacé Mme [I] une journée au mois de juin 2017 et durant les congés de celle-ci l’été 2016. Pour autant, Mme [G] n’établit pas qu’elle a exercé de façon permanente des tâches et responsabilités relevant de la classification 131 qu’elle revendique étant au demeurant constaté que la salariée ne démontre pas qu’elle occupait les fonctions d’assistante de la responsable de service audio maîtrise au-delà des 13 heures hebdomadaires prévues par son contrat.
En conséquence et par infirmation de la décision entreprise, il convient de débouter Mme [G] de sa demande de rappel de salaire.
Sur la violation du principe à travail égal salaire égal
Pour infirmation de la décision sur ce point, à titre principal la société Vortex soutient que la demande à ce titre est prescrite ; que Mme [G] ne produit aucune pièce et ne rapporte la preuve d’aucun élément susceptible de caractériser une inégalité de rémunération. Enfin la société appelante relève que la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct qui ne serait pas réparé par sa demande de rappel de salaire.
Mme [G] rétorque que, eu égard à l’attribution du plus petit coefficient de la convention collective en méconnaissance du principe ‘à travail égal salaire égal’, elle s’est sentie dévalorisée malgré son évolution et son investissement, ce qui lui a causé un préjudice important.
La société Taliesin demande la confirmation du jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société dès lors que la demande concernait l’exécution du contrat de travail conclu avec la société Vortex.
En application de l’article L.1471-1 du code du travail, l’action portant sur l’exécution du contrat de travail doit être introduite dans les deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d’exercer ses droits.
En l’espèce, Mme [G] a eu connaissance des faits qui lui permettent d’exercer ses droits au plus tard au mois de juin 2017 lorsqu’elle a remplacé Mme [I]. Il s’ensuit que son action indemnitaire portée devant la juridiction prud’homale le 18 novembre 2018, n’est pas prescrite.
Il est de droit qu’en application du principe ‘à travail égal, salaire égal’ que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
En application de l’article’1315 devenu l’article 1353 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
En l’espèce, la demande de Mme [G] est fondée sur le seul fait que le coefficient 131 correspondant à ses réelles attributions ne lui a pas été attribué. La Cour n’ayant pas retenu que ses fonctions relevaient du coefficient 131, par infirmation de la décision entreprise, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur le harcèlement moral et l’exécution déloyale du contrat
Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [G] fait valoir à titre principal qu’elle a été victime de la part des deux sociétés, d’agissement répétés ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et qu’aucune mesure immédiate propre à faire cesser ce harcèlement n’a été prise. A titre subsidiaire, elle soutient que le contrat de travail a été exécuté de mauvaise foi par les deux sociétés.
La société Vortex fait valoir que les faits reprochés se sont produits après le 5 juillet 2017, date à laquelle la société n’était plus l’employeur de Mme [G] ; qu’en tout état de cause, la salariée ne rapporte aucune preuve d’une déloyauté quelconque de la part de la société Vortex dans l’exécution du contrat la liant à elle jusqu’au 5 juillet 2017, ni de l’existence d’un préjudice.
La société Taliesin soutient que la demande de harcèlement moral est purement fantaisiste, non fondée et qu’il n’est pas précisé à l’encontre de quelle partie elle est réellement formulée.
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, à l’appui de sa demande, Mme [G] présente les éléments suivants :
– l’exercice des fonctions de responsable du service audio maîtrise en titre, ce fait n’étant cependant pas matériellement établi, la Cour n’ayant pas fait droit à la demande de la salariée relative à l’attribution d’un coefficient plus élevé que celui dont elle bénéficiait motif pris qu’elle ne démontrait pas avoir réalisé de façon permanente d’autres fonctions que celles prévues par ses contrats ;
– une remise tardive de son contrat de travail par la société Taliesin, le 22 septembre 2017 pour une prise de poste au 5 juillet 2017,
– le rejet de ses candidatures pour le poste de chargé de planning par la société Vortex avant qu’elle ne soit reclassée en cette qualité au sein de la société Taliesin,
– l’absence de formation à son nouveau poste de chargée de planning au sein de la société Taliesin,
– un courrier du 20 octobre 2017 rappelant à la salariée ses obligations de discrétion et de loyauté et lui demandant de retourner l’intégralité des documents qu’elle a ‘cru devoir emporter malgré notre défense insistante’ et la clef du bureau de l’assistante du directeur des programmes, ce fait étant cependant postérieur au prononcé du licenciement,
– un avis d’arrêt de travail en date du 8 au 17 septembre 2018.
Le seul fait concernant la société Vortex, à savoir le rejet des candidatures de Mme [G] au poste de chargé de planning, relève du pouvoir de direction de la société.
Les autres faits pris dans leur ensemble et intéressant la société Taliesin, à savoir la remise du contrat de travail le 22 septembre 2017 et l’absence de formation au poste de chargé de planning, ne relèvent pas d’agissement répété de harcèlement moral.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande au titre du harcèlement moral.
En revanche, alors que le contrat de travail conclu avec la société Taliesin prévoyait une période probatoire d’un mois renouvelable une fois, constitue une exécution déloyale du contrat de travail le fait de ne pas assurer une réelle formation au poste de chargé de planning, ce que n’est pas la remise d’une liasse de copies d’écran et sans que l’attestation de Mme [F] directrice du planning et de la diffusion de Skyrock indiquant être intervenue pour corriger les lacunes ne vienne contredire la salariée de façon pertinente. Cette absence de formation a mis la salariée en difficulté, étant relevé que sa période dite probatoire n’a pas été renouvelée.
Eu égard au préjudice subi, il convient de condamner la société Taliesin à verser à Mme [G] la somme de 2.000 € de dommages-intérêts en réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail. La décision sera infirmée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Pour infirmation de la décision entreprise, Mme [G] fait valoir qu’en procédant à son reclassement sur le poste de chargé de planning chez Taliesin, qui l’a ensuite licenciée pour une prétendue cause réelle et sérieuse, tant la société Vortex que la société Taliesin ont procédé à son reclassement et ont contourné les règles du licenciement pour motif économique ; qu’à l’issue de la période probatoire au sein de la société Taliesin, la salariée aurait dû être réintégrée dans la société Vortex qui aurait dû engager une procédure de licenciement économique ; que la manière de procéder révèle une fraude et une faute des sociétés Vortex et Taliesin, qui leur a permis de ne pas appliquer les règles du licenciement économique (obligation de reclassement, priorité de réembauche dans l’année, déclaration à l’administration).
Les sociétés Taliesin et Vortex répliquent que Mme [G] ne rapporte pas la preuve d’une quelconque intention frauduleuse ; qu’en tout état de cause, la fraude ne fonderait une condamnation in solidum des deux sociétés qu’au titre des demandes relatives au licenciement à l’exclusion des demandes liées à l’exécution des demandes liées à l’exécution des contrats de travail conclus successivement avec ces deux employeurs.
Il est de droit que la fraude corrompt tout.
Il est constant que la société Vortex a envisagé le licenciement économique de Mme [G] compte tenu de ses difficultés financières non contestées en l’espèce ; que dans ce cadre, un document de présentation d’un contrat de professionnalisation et d’information sur les motifs économiques du licenciement envisagé lui a été remis le 28 juin 2017 ; qu’à cette même date, la société Vortex a proposé à Mme [G] un poste de chargé de planning radio au sein de la société Taliesin, société du même groupe. Par courrier du 30 juin 2017, Mme [G] a accepté ce poste.
Une convention de transfert a été conclue le 5 juillet 2017 entre Mme [G], la société Vortex et la société Taliesin rappelant notamment les difficultés économiques de la société Vortex, la recherche de reclassement auprès des sociétés des groupes Nakama et Cascadia, la proposition de poste de chargé de planning au sein de la société Taliesin et son acceptation par Mme [G].
Cette convention prévoit que Mme [G] ‘est mutée avec son accord à compter du 5 juillet 2017 de la société Vortex vers la société Taliesin ; l’intéressée bénéficie de l’ancienneté acquise au sein de la société Vortex des droits à congés payés et des avantages acquis depuis son entrée au sein de cette société ; l’intéressée continue de bénéficier de l’accord de participation aux résultats du groupe conclu le 30 juin 2000 ; l’intéressée demeure affiliée aux mêmes règles de prévoyance et de retraite complémentaire dont elle bénéficiait au sein de la société Vortex’ et précise que ‘la présente mutation qui ne constitue ni une démission de l’intéressée de la société Vortex, ni un licenciement par celle-ci a pour effet de mettre d’un commun accord un terme, le 5 juillet 2017, au contrat de travail qui lie l’intéressée à la société Vortex ; la société Taliesin devenant à compter de cette même date son nouvel employeur ; cette mutation est en conséquence exclusive de toute indemnité de licenciement et de tout préavis à la charge aussi bien de la société Vortex que de l’intéressée.’
Le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre Mme [G] et la société Taliesin précise que ‘la société Vortex faisant suite à des difficultés économiques a été contrainte d’entamer une procédure de licenciement pour motif économique de l’intéressée en date du 20 juin 2017″ et rappelle précisément les différentes étapes du reclassement de la salariée.
Ce contrat prévoit que Mme [G] est engagée en qualité de chargé de planning et qu’il est ‘expressément entendu entre les parties que cette fonction impose à l’intéressée d’intervenir pour le compte des groupes Nakama et Cascadia et notamment sur l’ensemble de leurs filiales existantes à ce jour outre la société (à savoir Vortex, Telefun, Nakama, France en ligne, Quinto Avenio et Ky production) ou futures, sans que cela constitue une modification d’un élément essentiel de son contrat ou de ses conditions de travail’.
Le contrat stipule en outre que Mme [G] ‘de par la procédure de mutation constatée par acte en date du 5 juillet 2017 suite à son reclassement sera soumis à une période probatoire d’une durée d’un mois renouvelable une fois ; que si pendant ou à l’issue de cette durée, la période probatoire est jugée non concluante par l’une ou par l’autre des parties, la société produira ses meilleurs efforts aux fins de procéder au reclassement de l’intéressée au sein des groupes Nakama et Cascadia’.
La période probatoire d’un mois a été prolongée à compter du 13 août 2017 (compte tenu des arrêts maladie de la salariée) jusqu’au 13 septembre 2017.
Or il résulte des courriels versés aux débats et non contredits par les sociétés que Mme [G] a remplacé Mme [D] [I], salariée de la société Vortex du 7 au 28 août 2017 après avoir pris une semaine de congé la première semaine du mois d’août étant relevé que la supérieure hiérarchique de Mme [G], Mme [M] [F] était en congé les trois dernières semaines du mois d’août comme précisé dans le compte rendu de l’entretien préalable, fait également non contredit par les sociétés.
Le 6 septembre 2017, Mme [G] était convoquée par la société Taliesin pour un entretien préalable le 14 septembre 2017. Mme [G] a été placée en arrêt de travail le 8 septembre 2017 et l’entretien préalable s’est finalement tenu le 2 octobre 2017.
Elle sera licenciée par courrier du 5 octobre 2017 ainsi rédigé:
‘Nous faisons suite à notre entretien du lundi 02 octobre 2017 pour lequel vous êtes venue assistée et au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous contraignent aujourd’hui de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
Dans le cadre de la procédure de licenciement économique initiée en date du 20 juin 2017, prévoyant la suppression du poste d’assistante de la responsable du service audio maîtrise de la Société VORTEX, un reclassement vous a été proposé par lettre remise en main propre contre décharge le 28 juin 2017 aux fins d’occuper les fonctions de chargée de planning au sein de notre Société, date à laquelle le document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle vous a été remis. Par lettre remise en main propre contre décharge en date 30 juin 2017 vous avez accepté la proposition de reclassement qui vous était faite. En date du 05 juillet 2017, vous avez signé votre nouveau contrat de travail à durée indéterminée aux fonctions de chargée de planning au sein de la Société TALIESIN, prévoyant en son article 3 une période probatoire de l (un) mois renouvelable une fois pour la même durée.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 03 août 2017 -non réclamée par vos soins et, de ce fait, qui a dû vos être remis en main propre contre décharge en date du 23 août 2017-, nous avons renouvelé ladite période probatoire jusqu’au 13 septembre 2017, inclus.
Au cours d’un entretien en date du 04 septembre 2017, votre responsable hiérarchique vous a fait connaître sa décision de ne pas vous confirmer dans vos nouvelles fonctions de chargée de planning. Pour rappel, votre poste ayant été supprimé le 15 juillet 2017 à l’issue de la procédure antérieure de licenciement économique, il ne peut, par conséquent, plus vous être restitué, des lors qu’il n’existe plus. En conséquence, dès le 04 septembre 2017, nous avons immédiatement effectué les recherches nécessaires, au sein des Groupes NAKAMA et CASCADIA, au vu d’un éventuel reclassement, conformément à l’article 3 de votre contrat de travail.
Toutes nos recherches se sont révélées infructueuses. Dès lors, la restitution de votre poste, anciennement occupé au sein de la Société VORTEX, comme votre reclassement au sein d’une autre société, faisant partie des Groupes NAKAMA et CASCADIA, s’avérant impossibles, la présente lettre constitue la notification de votre licenciement.
La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ de votre préavis. Conformément à l’article 15 de votre contrat de travail, votre préavis est d’une durée de 02 (deux) mois. Néanmoins, nous vous informons, dès à présent, que nous vous dispensons de toute activité pendant la durée de ce préavis qui vous sera intégralement rémunéré, et ce, à compter de la date de première présentation des présentes. Des présentation de cette lettre par la Poste, nous tiendrons à votre disposition certificat de travail, solde de tout compte et imprimé POLE EMPLOI.’
Il résulte de l’ensemble de ces éléments et de leur chronologie que si Mme [G] a certes bénéficié d’un nouveau poste de chargé de planning au sein d’une nouvelle société appartenant au même groupe que son précédent employeur, la salarié n’a en réalité exercé ses nouvelles fonctions que quelques jours de telle sorte que la société Taliesin ne peut prétendre que la salariée a bénéficié pleinement de la période probatoire prévue au contrat ; que le renouvellement de la période probatoire du 13 août au 13 septembre n’a guère été davantage efficient pour les mêmes raisons, Mme [G] ayant été de surcroît convoquée à l’entretien préalable à son licenciement dès le 6 septembre 2017.
En outre, d’une part, en rompant la période probatoire sous couvert d’une procédure de licenciement pour motif inhérent à la personne, au demeurant non établi en l’espèce, alors que la société Taliesin savait que le poste de Mme [G] avait été supprimé au sein de la société Vortex, raisons pour lesquelles cette dernière avait envisagé son licenciement et son reclassement et qu’en conséquence, la salariée ne pouvait pas réintégrer la société Vortex en cas d’échec de la période probatoire et d’autre part, en reclassant la salariée dans la société Taliesin alors que la société Vortex a en réalité continué à faire travailler cette même salariée pour elle, la privant ainsi de la possibilité de faire ses preuves pour cette société Taliesin tout en sachant qu’elle ne pourrait pas réintégrer la société Vortex et privant ainsi le reclassement de toute réalité et efficacité, les deux sociétés ont agi frauduleusement de concert afin de contourner les règles du licenciement économique dont la salariée aurait dû bénéficier de la part de la société Vortex.
Au constat que la Cour n’a pas retenu le harcèlement moral et que le fait de ne pas bénéficier d’un licenciement économique ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la salariée, une atteinte à une liberté fondamentale prévue par la Charte Sociale européenne du 3 mai 1996, le licenciement de Mme [G] n’est pas nul mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En outre, les deux sociétés ayant participé ensemble à la perte injustifiée de l’emploi de Mme [G], elles doivent ensemble en supporter les conséquences financières.
Mme [G] avait plus de 5 ans d’ancienneté au jour de son licenciement, l’ancienneté au sein de la société Vortex ayant été reprise par la société Taliesin en application de la convention de transfert, peu important que les bulletins de salaire de Mme [G] mentionnent une date d’entrée le 5 juillet 2017.
Selon l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l’Organisation internationale du travail, qui est d’application directe en droit interne :
« Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. »
Le terme »adéquat » doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation.
Selon l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°’2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris dans le barème légal, soit en l’espèce entre 3 et 6 mois.
Or, Mme [G] justifie avoir conclu un contrat à durée déterminée du 19 juin 2018 au 18 juin 2019 en qualité d’hôtesse d’accueil polyvalente à temps plein pour un salaire brut de 1.500 € brut et avoir ensuite bénéficié d’allocations chômage du 1er avril 2019 et le 30 septembre 2021, sans établir que le préjudice financier et moral subi par elle causé par la perte injustifiée de son emploi serait supérieur à celui fixé par le texte précité.
En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter l’application du barème résultant de l’article L.1235-3 du code du travail qui doit être considéré comme permettant une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Compte tenu des éléments déjà exposés et eu égard à la rémunération mensuelle brute de la salariée d’un montant de 1.900 €, par infirmation de la décision déférée, il convient de condamner in solidum les sociétés Taliesin et Vortex à verser à Mme [G] la somme de 9.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire
Mme [G] qui indique au titre des conditions dans lesquelles elle a été licenciée qu’elle n’a travaillé que 10 jours pour la société Taliesin, sans aucune remarque particulière sur son travail et qui évoque l’absence de reclassement par la société Taliesin, ne justifie pas de l’existence de conditions vexatoires du licenciement ni d’un préjudice distinct de celui qu’elle a subi du fait de son licenciement.
Mme [G] sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et il sera ajouté à la décision en ce sens, les premiers juges n’ayant pas statué sur cette demande.
Sur la demande de condamnation à rembourser les allocations chômage à pôle emploi
En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement in solidum par les sociétés Taliesin et Vortex des indemnités de chômage versées à Mme [G] dans la limite de 6 mois.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle
Au soutien de sa demande non examinée par le conseil de prud’hommes, Mme [G] fait valoir que contrairement à ses collègues, elle n’a pas pu bénéficier des dispositifs d’accompagnement renforcé et personnalisé par Pôle Emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ; qu’elle a de ce fait subi un préjudice.
Les sociétés Taliesin et Vortex répliquent que Mme [G] ne justifie d’aucun lien direct et certain entre la perte de chance qu’elle invoque et le caractère non fondé de son licenciement pour motif personnel ; que la seule sanction demeure l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En agissant frauduleusement de concert afin de contourner les règles du licenciement économique dont la salariée aurait dû bénéficier de la part de la société Vortex, les deux sociétés ont causé un préjudice à Mme [G] en la privant de la chance de pouvoir bénéficier d’un contrat de sécurisation de l’emploi et de l’accompagnement qui en résulte, ce préjudice étant distinct de celui causé par la perte injustifiée de son emploi. En réparation du préjudice causé par la perte de chance, les deux société Taliesin et Vortex seront condamnées à verser à Mme [G] la somme de 2.000 € de dommages-intérêts. Il sera ajouté en ce sens à la décision entreprise.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive à l’exécution provisoire
Au soutien de sa demande, Mme [G] fait valoir au visa de l’article 1240 du code civil que le jugement déféré avait condamné la société Vortex à lui payer des condamnations à hauteur de 26.400 € d’indemnités et de 5.500 € de rappels de salarie, le tout avec exécution provisoire ; que la société Vortex n’a pas exécuté le jugement sans intenter d’action en vue de la suspension de l’exécution provisoire et malgré la demande expresse de la salariée ; que cela constitue une résistance abusive qui a causé un préjudice moral et financier à celle-ci.
La société Vortex n’a pas conclu sur ce point.
Au constat que Mme [G] n’a pas saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de radiation du rôle de l’affaire en application de l’article 524 du code de procédure civile motif pris que l’appelant, la société Vortex, n’avait pas exécuté la décision des premiers juges, la salariée ne justifie pas de l’existence de son préjudice.
Elle sera déboutée de la demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur la remise des documents
La société Taliesin devra remettre à Mme [G] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision dans les 2 mois de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte. La décision des premiers juges qui ont prononcé une astreinte sera réformée de ce chef.
Sur la capitalisation des intérêts
En application de l’article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée. En l’espèce, c’est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à cette demande. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les frais irrépétibles
La société Vortex et la société Taliesin seront condamnées aux entiers dépens et devront verser à l’avocat de Mme [G], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, la somme de 3.000 € en application de l’article 700 2ème du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts et qu’il a dit le licenciement de Mme [V] [G] sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Mme [V] [G] de sa demande de rappel de salaire et des congés payés afférents ;
DÉBOUTE Mme [V] [G] de sa demande de dommages-intérêts au titre du principe ‘A travail égal, salaire égal ;
CONDAMNE la SAS Taliesin à verser à Mme [V] [G] la somme de 2.000 € de dommages-intérêts en réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNE in solidum la SAS Taliesin et la SA Vortex à payer à Mme [V] [G] la somme de 9.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
ORDONNE le remboursement in solidum par la SAS Taliesin et la SA Vortex à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [V] [G] dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SAS Taliesin à remettre à Mme [V] [G] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision dans les 2 mois de sa signification sans qu’il y ait lieu à astreinte ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Taliesin et la SA Vortex à verser à Mme [V] [G] la somme de 2.000 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier d’un contrat de sécurisation de l’emploi ;
DÉBOUTE Mme [V] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;
DÉBOUTE Mme [V] [G] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive ;
CONDAMNE in solidum la SAS Taliesin et la SA Vortex aux entiers dépens ;
CONDAMNE in solidum la SAS Taliesin et la SA Vortex à payer à Mme [V] [G] la somme 3.000 € en application de l’article 700 2ème du code de procédure civile, étant rappelé qu’il sera procédé comme il est dit aux aliénas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
La greffière, La présidente.