10 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-83.522

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10 mai 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 21-83.522

N° U 21-83.522 FS-B

N° 00435

ECF
10 MAI 2022

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 MAI 2022

M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-8, en date du 25 mai 2021, qui, pour exercice illégal de la médecine, l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [R] [H], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat du conseil départemental de l’ordre des médecins de la ville de Paris, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, M. Samuel, Mme Goanvic, MM. Sottet, Coirre, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Rouvière, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite d’une séance de cryothérapie dispensée par l’institut de beauté exploité par la société [1], M. [D] [K] a subi des engelures lui ayant occasionné une incapacité totale de travail d’un mois et demi.

3. L’enquête a établi que la cryothérapie était pratiquée par la société [1] en dehors de toute supervision médicale, par des esthéticiennes ayant seulement suivi une formation assurée par l’installateur du matériel.

4. La société [1] et son gérant M. [R] [H] ont été poursuivis respectivement des chefs de blessures involontaires et d’exercice illégal de la médecine.

5. Le conseil départemental de l’ordre des médecins de la ville de [Localité 2] s’est constitué partie civile.

6. Le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenus coupables.

7. M. [H] et le ministère public ont relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, cinquième, septième et huitième branches

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et sixième branches, et sur le second moyen

Enoncé des moyens

9. Le premier moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [H] coupable d’exercice illégal de la médecine et l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, et, sur l’action civile, l’a condamné à payer diverses sommes au conseil départemental de l’ordre des médecins de la ville de Paris, partie civile, alors :

« 1°/ que la prestation accomplie dans un but esthétique et de confort, sans visée thérapeutique n’est pas soumise à prescription médicale de sorte que son accomplissement ne saurait constituer un exercice illégal de la médecine ; que la cour d’appel, en se bornant à relever que la technique de la cryothérapie ne peut être pratiquée que par des médecins, en application de l’article 2, 4°, de l’arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l’arrêté du 13 avril 2007, et que le moyen selon lequel « la pratique de la cryothérapie alléguée ne consisterait…qu’en un cryosauna à but purement esthétique ne saurait prospérer dès l’instant que l’appareil utilisé a vocation à délivrer, par injection d’azote sous forme de gaz, des températures extrêmes, soit pouvant atteindre, par pic, jusqu’à 190°C, voire 196°C, avec une température moyenne de la machine… s’établissant, par séance, à -150°C » sans expliquer en quoi les températures extrêmes délivrées excluraient le but esthétique sans visée thérapeutique de la cryothérapie corps entier ou cryosauna, a privé sa décision de base légale au regard dudit arrêté ;

3°/ qu’un motif inopérant équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d’appel, en relevant que M. [H] s’est effectivement livré aux traitements de maladies pour avoir recours à des décharges de responsabilité réservées en pareil matière de soins à des praticiens ou chirurgiens, a statué par des motifs inopérants pour justifier qu’il ne s’agissait pas simplement d’une prestation de bien-être à but esthétique sans visée thérapeutique et a violé l’article 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que sont tout aussi inopérants les motifs suivant lesquels le contrat de prestation de service reprenait en son article 7 « contre-indications médicales » et que la société [1], au titre de ses arguments publicitaires se prévalait de témoignages de clients ayant eu recours à la cryothérapie et déclarant avoir été guéris de pathologies ; que la cour d’appel a encore violé l’article 593 du code précité ;

6°/ que la cour d’appel, qui a relevé « que seul un médecin est habilité à pratiquer un acte de cryothérapie, ayant pour effet d’emporter la destruction des téguments, quelque limitée qu’elle puisse être, des téguments » ne pouvait déclarer M. [H] coupable d’exercice illégal de la médecine sans constater que l’appareil utilisé par la société [1] aurait emporté la destruction de téguments et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2, 4°, de l’arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l’arrêté du 13 avril 2007. »

10. Le second moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [H], sur l’action publique, coupable d’exercice illégal de la médecine, et l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, et, sur l’action civile, l’a condamné à payer diverses sommes au conseil départemental de l’ordre des médecins de la ville de Paris, partie civile, alors « qu’il résulte des articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), tels qu’interprétés par la Cour de Justice de l’Union européenne (cf. notamment CJUE, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes et autres, C-171/07 et C-172/07), que la liberté d’établissement et la libre prestation de services ne peuvent faire l’objet de restrictions justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, que si ces mesures s’appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir de façon cohérente, la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ; qu’en application des principes de primauté et d’effet direct du droit communautaire, il incombe au juge national, chargé d’appliquer les dispositions du droit communautaire, d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale ; qu’en déclarant M. [H] coupable d’exercice illégal de la médecine parce que la société [1] dont il était à l’époque le gérant, assurait une prestation de cryothérapie corps entier en raison de ce que cette prestation devait être encadrée par des médecins, voire autres professionnels de santé a écarté le moyen tiré de l’inconventionalité de toute interdiction de la cryothérapie quand l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, dans son édition 2018 du guide « Qualification et positionnement réglementaire des dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro », à la question « Quel est le statut d’une cabine de cryothérapie ? » avait répondu « … si un fabricant destine une cabine de cryothérapie uniquement à des fins non médicales telles que le bien-être, la récupération ou l’entraînement du sportif ou l’esthétique, le produit n’est pas un dispositif médical et ne requiert pas le marquage C au titre de la directive 93/42 CEE… », de sorte que les restrictions apportées, d’une part, étaient contraires aux libertés précitées et, d’autre part, à les supposer restreintes pour des motifs impérieux d’intérêt général, seraient totalement disproportionnées au but de protection de la santé publique avancé ; que la cour d’appel, en se fondant cependant sur les dispositions de l’article 2, 4°, de l’arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l’arrêté du 13 avril 2007, a méconnu la liberté d’établissement et la libre prestation de services garanties par les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

 


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