ARRÊT DU
05 JUILLET 2022
BF/CO**
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N° RG 21/00089 –
N° Portalis DBVO-V-B7F-C3IB
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[O] [V]
C/
S.A.R.L. BORDENEUVE CHATEAUX ET COLLECTIONS
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 79 /2022
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Benjamin FAURE, conseiller faisant fonction de président assisté de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
[O] [V]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Pierre THERSIQUEL, avocat inscrit au barreau du GERS
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001126 du 02/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AGEN)
APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – formation paritaire d’AUCH en date du 20 janvier 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00094
d’une part,
ET :
La SARL BORDENEUVE CHATEAUX ET COLLECTIONS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nadège BEAUVAIS, avocat inscrit au barreau du GERS
INTIMÉE
d’autre part,
A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 08 mars 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assisté de Chloé ORRIERE, greffier, les parties ayant été avisées de ce que l’arrêt serait rendu le 10 mai 2022, lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à disposition. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Elisabeth SCHELLINO, présidente de chambre et Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mme [V] a été embauchée par la Sarl Bordeneuve Châteaux et Collections, par contrat à durée déterminée du 16 septembre 2015 au 31 décembre 2016 en qualité de préparatrice de commandes, catégorie ouvrier, niveau 1, échelon A de la classification fixée par la convention collective des vins, cidres et jus de fruits sirops, spiritueux et liqueurs de France. La relation contractuelle s’est poursuivie après l’échéance du terme convenu.
Le 1er février 2017, les parties ont ensuite conclu un contrat à durée indéterminée, visant le statut d’employée, niveau 1, échelon C prévu par la classification fixée par la convention collective.
Le 13 avril 2017, Mme [V] a été victime d’un accident du travail : alors qu’elle passait la serpillière, elle s’est bloquée le dos en voulant la ramasser. Elle a été placée en arrêt maladie jusqu’au 24 avril, puis à nouveau à compter du 28 juin 2017 en raison d’une rechute.Le caractère professionnel de cet accident a été reconnu par la caisse d’assurance – maladie du Tarn et Garonne, selon décision notifiée le 24 avril 2017.
Le 22 août 2017, Mme [V] a été licenciée pour faute grave dans les termes suivants :
‘ à la suite de notre entretien du 26 juillet 2017, pour lequel vous vous êtes présenté accompagnée, nous vous informons des motifs nous contraignant à procéder à votre licenciement pour faute grave :
Vous avez entamé depuis plusieurs semaines une campagne de dénigrement vis-à-vis de ma personne et de notre société, envers vos collègues mais également envers des personnes extérieures à celle-ci.
Cette attitude est grave, contraire à la bonne image et à la notoriété de notre société, et lui porte donc un préjudice important.
Dans un courrier adressé au bureau national interprofessionnel de l’armagnac (BNIA) le 13 juin 2017, dont j’ai pris connaissance début juillet, vous écrivez que « beaucoup de choses dans notre chaîne ne sont pas faites dans les règles de l’art ».
Ainsi, sans vous être aucunement entretenu du sujet avec le chef d’entreprise, vous dénoncez auprès d’un tiers de prétendues « malfaçons » dans la production de notre entreprise, étant précisé que ce tiers possède un pouvoir de contrôle et de sanctions sur notre entreprise.
D’autre part, j’ai constaté de graves erreurs dans les déclarations mensuelles de stock que vous avez établies à l’attention des douanes sur le dernier mois puisqu’une mauvaise imputation apportait l’inventaire de certains millésimes en négatif.
Vous savez pourtant que des stocks ne peuvent être négatifs et qu’une telle déclaration auprès des autorités (douane, répression des fraudes, BNP) signifie implicitement que l’entreprise a vendu des millésimes qu’elle ne possédait pas.
Ces déclarations erronées, même si elles ont été régularisées depuis lors, peuvent avoir des conséquences néfastes pour la société.
J’ai également été surpris de recevoir un appel de la part du BNP qui m’a informé de votre visite en leurs locaux, alors même que vous étiez en arrêt maladie.
Vous m’avez précisé au cours de notre entretien que cela avait été fait pour vérifier les erreurs concernant l’inventaire des stocks.
Cependant, nous avons été informés que l’origine de votre visite était surtout d’étoffer la liste d’éventuelles carences (les malfaçons que vous évoquiez dans votre courrier du 13 juin), ceci afin d’instruire un dossier à charge contre votre entreprise, au lieu, si vous avez connaissance de défaillances dans la production, d’en informer votre hiérarchie afin que nous puissions ensemble en apporter consciencieusement et immédiatement les corrections.
Vous avez notamment répété à plusieurs personnes et à de multiples reprises que nous ne respections pas les règles élémentaires de sécurité et que nous mettions en danger le salarié.
Lorsque j’ai eu connaissance de ces faits et que je vous ai demandé de m’exposer les carences en cause, vous ne m’avez jamais répondu.
Or, si ces carences existent réellement, je ne peux accepter que vous les passez sous silence et que vous mettez en danger la sécurité de votre collègue.
Au contraire, si ces carences n’existent pas, les propos tenus à l’égard de la société sont graves.
Ces propos non démentis ont été indirectement soutenus dans votre courrier du 18 juillet, lorsque vous affirmez que « n’étant pas délégué, vous n’étiez pas en mesure de fournir cette liste ».
De plus, le 12 juillet 2017, vous m’avez envoyé votre conjoint à mon domicile personnel, puis en suivant à l’entreprise afin de me menacer et de m’insulter.
Cette attitude nous a beaucoup perturbé ma famille et moi, ce qui est intolérable.
Enfin quelques jours après votre départ en congé maladie le 27 juin, nous avons trouvé deux tuyaux improprement vidés contenant plusieurs litres de produit : d’une part, le produit a été perdu et l’action de vider parfaitement les tuyaux après usage fait partie des consignes les plus élémentaires liés à votre poste, et d’autre part vous ne pouviez pas ignorer que cela peut entraîner une contamination par migration de phtalates ainsi qu’une détérioration irréversible de tuyaux particulièrement onéreux.
Pour l’ensemble de ses actes, vous avez failli à votre engagement contractuel, et commis une faute professionnelle grave que nous ne pouvons tolérer davantage.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 22 août 2017 sans préavis sans indemnité de préavis, ni de licenciement».
Contestant son licenciement , Mme [V] a saisi le 6 juillet 2018 le conseil des prud’hommes d’Auch pour solliciter, dans le dernier état de ses écritures, la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et la condamnation de la Sarl Bordeneuve Châteaux et Collections à lui payer une indemnité de requalification, une indemnité de fin de contrat, une indemnité de requalification de la classification, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis et de congés payés afférents, une indemnité de licenciement, une somme au titre de la suppression de la mutuelle santé.
Par jugement en date du 20 janvier 2021, auquel le présent arrêt se réfère précisément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil des prud’hommes de Auch a :
– condamné la Sarl Bordeneuve Châteaux et Collections à payer à Madame [V] la somme de 600 € au titre de la suppression de la mutuelle santé, de 900 € à titre d’indemnité de procédure ;
– débouté Mme [V] du surplus de ses demandes ;
– débouté la défenderesse de sa demande reconventionnelle ;
– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Selon déclaration enregistrée au greffe de la cour le 4 février 2021, Madame [V] a relevé appel des dispositions du jugement la déboutant du surplus de ses demandes et disant que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Par ordonnance du 21 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté la SARL Bordeneuve Châteaux et Collections de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la déclaration d’appel et constater l’effet dévolutif limitée de cette déclaration d’appel, en condamnant la SARL Bordeneuve Châteaux et Collections aux dépens de l’incident.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 6 janvier 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE MADAME [O] [V], APPELANTE PRINCIPALE ET INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 28 avril 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, Madame [O] [V] demande au CPH de Auch (sic, simple erreur de plume résultant d’un copier-coller) , en fait à la présente cour :
1°) de constater le défaut de motivation du contrat à durée indéterminée (sic) et de condamner la SARL Châteaux et Traditions à lui payer la somme de 2 921,10 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat de CDD en CDI en faisant valoir :
– que l’objet de son contrat relevait de l’activité normale de l’entreprise et que l’employeur ne démontre pas un surcroît temporaire d’activité de septembre à décembre 2015 ;
– que la circonstance que le contrat de travail à durée déterminée a été poursuivi après l’échéance du terme et que les parties ont conclu un mois plus tard un contrat à durée indéterminée ne la prive pas du droit de demander la requalification du contrat à durée déterminée initial et l’indemnité de requalification prévue par l’article L.1245 ‘ 2 du code du travail ;
2°) de constater que la complémentaire santé a été supprimée à compter du 1er septembre 2017 ;
3°) de condamner la SARL Châteaux et Collections à lui payer les sommes de 596,79 € au titre de l’indemnité de fin de contrat en soutenant que cette indemnité demeure acquise au salarié, même en cas de requalification du CDD en CDI ;
4°) de condamner la SARL Châteaux et Collections à lui payer les sommes de 6950,99 € au titre de l’indemnité de requalification de la classification (sic) en exposant :
– qu’elle exerçait en réalité l’emploi de maître de chai, niveau VI échelon B de la convention collective, compte tenu des fonctions exercées et de la formation que l’employeur lui avait fait suivre ;
– qu’elle est fondée à solliciter un réajustement de sa rémunération à compter du mois de janvier 2016, soit 6950,99 euros à titre d’indemnité pour la requalification de sa classification ;
5°) de condamner la SARL Châteaux et Collections à lui payer les sommes de 7 173,85 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 2 040,67 € au titre du mois de préavis, outre 204,97 € au titre des congés payés, et de 1 076,90 € au titre de l’indemnité de licenciement en contestant formellement l’intégralité des griefs formulés dans la lettre de licenciement et en ajoutant que son licenciement étant intervenu avant le 24 septembre 2017, elle est fondée à solliciter une indemnité calculée en fonction du préjudice nécessairement subi ;
6°) d’ordonner la délivrance de nouveaux bulletins de salaire sous astreinte de 50 € par jour et par document à compter du 14e jour après la notification du jugement ;
4°) de condamner la SARL Châteaux et Collections à lui payer une somme de 1800 € à titre d’indemnité de procédure et d’ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du conseil des prud’hommes pour les indemnités à caractère salarial et à compter de la présente décision pour celles à caractère indemnitaire.
II. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE LA SARL BORDENEUVE CHÂTEAUX ET COLLECTIONS, INTIMÉE SUR APPEL PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDENTE
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 26 juillet 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de la Sarl Bordeneuve Châteaux et Collections, celle-ci conclut au rejet de toutes les demandes et prétentions de Mme [V] et à la condamnation de celle-ci aux dépens de première instance et d’appel et au payement d’une indemnité de procédure de 2 500 euros en exposant :
1°) que le recours à un contrat à durée déterminée était parfaitement justifiée dès lors :
– que l’activité de l’entreprise est marquée par une très forte saisonnalité de fin d’année et un accroissement d’activité durant cette période et que Mme [V] a été embauchée légitimement pour surcroît temporaire d’activité et ne justifie nullement avoir été engagée sur un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise ;
– que le contrat à durée déterminée s’étant poursuivi au-delà du terme convenu, il s’est transformé en contrat à durée indéterminée, avant que lui soit proposé le poste de Mme [C] à compter du 1er février 2017 ;
– subsidiairement, qu’à supposer que la cour fasse droit à la requalification, l’indemnité due à ce titre devrait être limitée à 1460,55 euros en application de l’article L.1245-2 du code du travail ;
2°) que la classification appliquée correspond à l’emploi effectivement exercé par Mme [V] qui revendique vainement la rectification de ses bulletins de salaire sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) que Mme [V] revendique vainement sa classification en qualité de maître de chai, se contentant de procéder par voie d’affirmations sans rapporter la preuve de ce qu’elle faisait et sans établir qu’elle remplirait les conditions posées par la convention collective, qu’elle ne possédait ni formation, ni expérience dans les métiers de chai avant son entrée dans l’entreprise ; qu’elle n’a débuté une formation que fin 2016 et n’avait suivi que 20 % de celle-ci au jour de son licenciement ;
4°) que les griefs listés dans la lettre de licenciement sont parfaitement établis et justifient le licenciement pour faute grave prononcé et par voie de conséquence le rejet des demandes en payement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Sarl Chateaux et Collections, formant appel incident, sollicite la réformation du jugement en ses dispositions portant condamnation au titre de la portabilité de la mutuelle et au rejet de la demande d’allocation de la somme de 4 099,34 euros pour violation par l’employeur de l’article 911-8 du code du travail puisque l’entreprise a notifié à Mme [V] son droit à la portabilité et ne peut être responsable des manquements de la salariée, qui n’a pas répondu aux demandes de PREVIFRANCE.
MOTIVATION DE L’ARRÊT
I. SUR LA REQUALIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL
A titre liminaire il convient de rappeler :
– que la circonstance que le contrat à durée déterminée ait été poursuivi après l’échéance du terme ou que les parties aient conclu un contrat à duré indéterminée ne prive pas le salarié du droit de demander la requalification du contrat de travail à durée déterminée initial, qu’il estime irrégulier et l’indemnité spéciale de requalification prévue par l’article L.1245-2 du code du travail.
– que l »article L.1245-1 du code du travail dispose qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, qui énoncent que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et que le contrat à durée déterminée ne peut intervenir que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire.
– que l’article L.1242-12 du dit code précise encore que le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit, qu’il doit comporter la définition précise de son motif et qu’à défaut d’énonciation d’un motif ou si ce motif ne correspond pas à la réalité, le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée.
– qu’en cas de litige sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat, étant ajouté que la cause du recours au contrat à durée déterminée s’apprécie à la date de conclusion de celui-ci.
En l’espèce, Mme [V] sollicite la requalification du contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée en soutenant que le motif invoqué par l’employeur, à savoir un surcroît temporaire d’activité lié aux commandes de fin d’année, ne correspond pas à la réalité, l’objet de son contrat relevant de l’activité normale de l’entreprise et l’employeur ne démontrant pas un surcroît temporaire d’activité de septembre à décembre 2015.
Pour rejeter cette argumentation et confirmer le jugement rejetant la demande de requalification du contrat initial, il suffira de relever :
– que l’accroissement temporaire d’activité n’a pas à présenter un caractère exceptionnel et peut correspondre à des variations cycliques de production ou à une augmentation, pour une durée limitée, de l’activité habituelle de l’entreprise qui ne peut être absorbée par l’effectif permanent de l’entreprise ;
– que l’activité de la société Bordeneuve Châteaux et Collections, société familiale de très longue tradition, est la production, le vieillissement et la commercialisation d’eaux de vie fines et rares, bénéficiant d’appellation d’origine contrôlée ;
– que cette activité est marquée par une très forte saisonnalité, liée à l’augmentation des commandes faites en vue des cadeaux de fin d’année ;
– qu’elle justifie qu’une part importante de sa production est exportée, les ventes augmentant considérablement à partir du mois de septembre, générant durant les 4 derniers mois de l’année une augmentation temporaire de son activité ;
– que Mme [V] ne le discute d’ailleurs pas, se limitant simplement à dire que son emploi s’inscrivait dans l’activité normale de l’entreprise, ce qui est dépourvue de pertinence dès lors que l’augmentation temporaire d’activité n’est pas contestée ;
– que le motif mentionné dans le contrat de travail étant réel, la demande de requalification du contrat à durée déterminée initial ne peut qu’être rejetée.
II. SUR LES INDEMNITÉS DE REQUALIFICATION ET DE FIN DE CONTRAT
La transformation du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est intervenue automatiquement à compter du 1er janvier 2016, du fait de la poursuite de la relation contractuelle après le terme fixé.
La requalification du contrat de travail à durée déterminée d’origine ayant été rejetée et la transformation automatique en contrat à durée indéterminée n’ouvrant pas droit à l’indemnité de requalification fixée par l’article L.1245-2 du code du travail, la demande en payement d’une indemnité de requalification ne peut qu’être rejetée.
Par ailleurs, lorsque le contrat à durée déterminée initial n’est pas requalifié en raison d’une irrégularité, mais devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après le terme initialement fixé, le salarié ne peut prétendre au payement de l’indemnité de fin de contrat prévue par l’article L.1243-8 du code du travail.
Dès lors il y a lieu pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges de confirmer le jugement en ses dispositions déboutant Mme [V] de ses demandes en payement d’une indemnité de requalification et d’une indemnité de fin de contrat.
III. SUR LA CLASSIFICATION
Mme [V] revendique le statut de maître de chai, niveau VI ,échelon B de la convention collective et le réajustement de sa rémunération à compter du mois de janvier 2016, soit 6950,99 euros à titre d’indemnité pour la requalification de sa classification (sic).
Pour confirmer le rejet de cette prétention, il suffira de relever :
– qu’en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié il n’y a pas lieu de s’attacher aux mentions portées sur le contrat de travail ou les organigrammes, mais à la réalité des fonctions exercées par le salarié, à la nature de l’emploi effectivement occupé et à la qualification qu’il requiert ;
– que c’est à celui qui revendique une classification conventionnelle ou un coefficient différent de celui figurant sur son contrat de travail ou son bulletin de salaire de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il estime être la sienne ;
– qu’aux termes de la convention collective, le maître de chai, niveau VI, échelon B, est un agent qui effectue ou fait effectuer de sa propre initiative toutes les opérations nécessaires pour assurer la préparation, la conservation et la mise en état des produits dont il a la responsabilité (collage, filtrage, tirage, coupages, mise en fûts, mise en bouteille, dégustation) ;
– que les connaissances mises en oeuvre dans cet emploi correspondent au niveau BTS ou DUT complétées par une expérience professionnelle approfondie recouvrant plusieurs techniques et permettant au salarié de coordonner des activités différentes et complémentaires ;
– que Mme [V] n’était titulaire d’aucun de ces diplômes et a indiqué elle-même que lorsqu’elle a été embauchée elle n’avait travaillé dans ce domaine et n’avait strictement aucune connaissance, ni compétence dans le domaine vinicole ;
– qu’elle se borne à quelques généralités, mais ne détaille pas son activité quotidienne et la nature exacte de ses activités ;
– que les photos à vocation purement publicitaire produites par Mme [V] sont dépourvues de toute valeur probante ;
– que les conditions fixées par la convention collective n’étant pas réunies, les dispositions du jugement entrepris déboutant Mme [V] de sa demande de classification au niveau maître de chai et du rappel de salaire afférent à cette classification ne peuvent qu’être confirmées.
IV. SUR LE LICENCIEMENT
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du Travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur ;, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Toutefois, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat d travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée limitée du délai-congé.
En l’espèce, pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes en payement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnités de préavis, de congés payés afférents et de licenciement, il suffira de rappeler, respectivement d’ajouter :
– que les faits de dénigrement du chef d’entreprise sont établis par l’attestation de Mme [I], qui a indiqué que pendant les deux mois durant lesquels elle avait travaillé dans l’entreprise, en novembre et décembre 2016, elle avait entendu à plusieurs occasions Mme [V] proférer des réflexions négatives envers l’entreprise et son dirigeant,
– qu’invité par l’employeur à s’expliquer sur un courrier qu’elle avait adressé le 13 juin 2017 au bureau national interprofessionnel de l’armagnac (BNIA) dans lequel elle avait indiqué « beaucoup de choses dans notre chaîne ne sont pas faites dans les règles de l’art » et sur les manquements aux règles de sécurité qu’elle avait évoqués, Mme [V] a répondu qu’elle ne pouvait fournir aucune information sur les problèmes de sécurité, sous le fallacieux prétexte qu’elle n’était pas déléguée du personnel ;
– que pas plus qu’en première instance , elle ne produit en appel la moindre pièce pour justifier de la réalité des irrégularités et des problèmes de sécurité évoqués, de sorte que le grief de dénigrement est parfaitement établi ;
– que Mme [V] a adressé au service des douanes des déclarations mensuelles de stocks faisant apparaître un solde négatif pour certains millésimes, alors qu’elle ne pouvait ignorer qu’un stock ne peut être négatif, l’entreprise ne pouvant vendre plus de millésimes qu’elle n’en possède, et qu’une telle déclaration engendrerait des contrôles approfondis ;
– que ce comportement ne traduit pas une insuffisance ou une incompétence professionnelle, mais s’inscrit dans une volonté de nuire à l’entreprise, confirmée par l’attestation de Mme [I] qui a assisté à une discussion au cours de laquelle Mme [V] a déclaré à son interlocuteur ‘je vais tout faire pour couler la boîte… ils ne vont pas tarder à voir débarquer l’inspection du travail’,
– que sans même qu’il soit besoin de reprendre les autres fautes invoquées par l’employeur et retenues par les premiers juges, ce comportement fautif de Mme [V] rendait impossible le maintien de Mme [V] dans l’entreprise, même pendant la durée limitée du préavis, et justifie le licenciement pour faute grave prononcée par l’employeur ;
– que la faute grave est privative de préavis et d’indemnité de licenciement et exclut toute indemnisation des conséquences de la rupture du contrat de travail.
V. SUR LA RÉSILIATION DU CONTRAT D’ASSURANCE SANTÉ
Pour rejeter l’appel incident de la Sarl Châteaux et Collections, qui sollicite l’infirmation des dispositions du jugement allouant à Mme [V] la somme de 600 euros au titre de la suppression de la mutuelle santé, il suffira de relever :
– qu’en application de l’article L.911 -8 du code de la sécurité sociale Mme [V] devait, ainsi que cela était d’ailleurs mentionné dans le certificat de travail qui lui a été délivré par son employeur le 29 août 2017 après son licenciement, bénéficier du maintien à titre gratuit de l’ensemble des garanties en matière de protection sociale complémentaires souscrites par l’entreprise ;
– qu’il résulte du courrier de la Mutuelle Prévifrance en date du 24 août 2017 que c’est l’employeur qui a demandé à Prévifrance de résilier le contrat dont bénéficiait Mme [V], la date de ce courrier mettant d’ailleurs en évidence que cette demande de résiliation était antérieure à la délivrance du certificat de travail, ce qui interpelle sur la bonne foi de l’employeur ;
– que contrairement à ce que soutient la Sarl Châteaux et Collections la perte du bénéfice du contrat ne résulte pas d’une carence de Mme [V], mais de la demande de résiliation faite par son employeur, constitutive d’une faute ayant privé celle-ci du droit dont elle devait bénéficiait gratuitement en application de l’article L.911-8 précité ;
– que son préjudice, égal au montant de la cotisation que Mme [V] a été contrainte de verser pour s’assurer personnellement, a été justement évalué à 600 euros par les premiers juges.
VI. SUR LES FRAIS NON RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
La succombance de Mme [V] étant très largement dominante à hauteur d’appel, il y a lieu de laisser à sa charge les entiers dépens de première instance et d’appel.
L’équité n’impose pas de faire application de l’article 700 du code de procédure pénale dans la présente procédure, tant en première instance qu’en appel
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au dépens et condamnant la Sarl Bordeneuve Châteaux et Collections à payer une indemnité de procédure de 900 euros à Mme [V] ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,
DÉBOUTE Mme [V] de sa demande en payement d’une indemnité de procédure tant en première instance qu’en appel ;
DÉBOUTE la Sarl Bordeneuve Châteaux et Collections de sa demande en payement d’une indemnité de procédure à hauteur d’appel ;
CONDAMNE Mme [V] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Benjamin FAURE, conseiller, en l’absence du président empêché, et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT