14 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10241

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14 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10241

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10241 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYR4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° 18/00306

APPELANTE

Madame [B] [F]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence IMBERT, avocat au barreau de MELUN

INTIMEE

SARL AMBULANCES TOM prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier LAURENT, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Nicolas TRUC, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Anne MEZARD, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 28 avril 2022

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Ambulances Tom a engagé Mme [F] à compter du 24 novembre 2014 en qualité d’ambulancière auxiliaire dans le cadre d’un contrat à durée déterminée sans terme précis pour assurer le remplacement d’un salarié absent.

La relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à partir du 5 avril 2015.

Mme [F] a été victime d’un accident du travail le 17 mars 2016 (torsion de la cheville) ayant ultérieurement donné lieu à plusieurs avis et préconisations du médecin du travail.

La salariée, qui a fait l’objet d’avertissements notifiés par lettres datées des 15 novembre 2016 et 3 juillet 2017, a été licenciée pour faute grave suivant lettre du 5 janvier 2018.

Le conseil de prud’hommes de Melun, saisi par Mme [F] le 24 mai 2018, a, par jugement du 18 septembre 2019, refusé d’annuler les avertissements, dit le licenciement fondé et rejeté toutes les demandes.

Mme [F] qui a relevé appel de cette décision par déclaration de son conseil au greffe de la cour d’appel de Paris le 8 octobre 2019, soutient, dans ses dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2022, les demandes suivantes ainsi présentées :

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Melun le 18 septembre 2019 en ce qu’il a dit le licenciement de Mme [F] fondé, en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et condamné aux dépens,

Statuant à nouveau :

– Annuler les avertissements des 15 novembre 2016 et 3 juillet 2017,

– Juger que le licenciement de Mme [F] est nul car discriminatoire,

– Subsidiairement, juger que le licenciement de Mme [F] est intervenu sans cause réelle et sérieuse,

– Fixer la moyenne des salaires à la somme de 1 828,75 euros brut (moyenne des 12 derniers mois entièrement travaillés de mars 2015 à mars 2016, soit avant l’accident de travail et les périodes d’arrêts maladie),

– Condamner la société Ambulances Tom à régler à Mme [F] les sommes suivantes :

* 3 657,50 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 365,75 euros au titre des congés payés afférents

* 1 447,76 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

* 646,41 euros bruts à titre de rappel de prime exceptionnelle (moyenne 2015/2016). En effet, à compter des arrêts maladie de la concluante, l’employeur a cessé de lui régler cette prime

* 21 944,95 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement discriminatoire (12 mois)

– Dire et Juger que lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir

– Ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil

– Condamner la société Ambulances Tom à régler à Mme [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner la société Ambulances Tom aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Me Laurence Imbert conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 février 2022, la société Ambulances Tom conclut à la confirmation du jugement prud’homal, au rejet de toutes les demandes de Mme [F] et à sa condamnation au paiement de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 février 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé pour plus ample explication aux conclusions des parties évoquées ci-dessus.

SUR CE :

1) Sur l’avertissement du 15 novembre 2016

Mme [F] conteste le bien-fondé de l’avertissement dont elle a reçu notification par lettre du 15 novembre 2016 qu’elle estime ne reposer sur « aucun fait matériellement précis » et qui est ainsi motivé :

« (…) Depuis quelques temps vous faites preuve de nombreuses insubordinations aussi bien verbales que par sms, vous engorgez régulièrement mes 2 téléphones (bureau et régulation) de sms allant jusqu’à me demander des comptes et des explications sur les décisions que je prends au sein de mon entreprise. Je vous rappelle que vous êtes salariée et non gérante ou actionnaire de l’entreprise, ce qui implique que vous devez respecter votre place hiérarchique ainsi les consignes qui vous sont données. (‘) en conséquence je suis contraint de vous notifier ici un avertissement (…) ».

La société Ambulances Tom objecte la tardiveté de la contestation de Mme [F] et explique ne pas avoir conservé les messages incriminés du fait du changement régulier des téléphones dans l’entreprise (ses écritures page 34).

De fait, aucun élément objectif ne permet de vérifier la réalité des insubordinations reprochées et aucune pièce ne permet de constater que la salariée aurait admis le principe de la sanction.

L’avertissement, étant observé qu’aucune prescription n’est explicitement opposée par l’intimée, sera annulé faute de pouvoir en constater, en l’état des éléments produits, le bien-fondé.

2) Sur l’avertissement du 3 juillet 2017

La lettre de notification de cet avertissement est ainsi rédigée :

« (‘) Le 10 avril dernier, le médecin du travail vous a déclarée apte à la reprise de votre poste dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, en précisant que ce mi-temps pourrait s’effectuer par journée complète en alternant les jours travaillés et les jours non travaillés, et sans faire état d’aucune autre restriction médicale.

A la suite de cet avis, vous avez donc repris votre poste de travail conformément aux indications fournis par le médecin du travail.

Cependant, dans ce cadre, il est apparu au regard des constats de vos collègues, et à en

croire les propos que vous teniez vous-même dans différents services, que vous n’étiez pas

apte à aider les patients pour leurs déplacements,notamment en les portant ou en les

soutenant, et que votre état de santé n’était pas compatible avec la conduite d’un véhicule.

Nous avons donc sollicité une nouvelle visite auprès de la médecine du travail pour éclaircir ces différents points, et d’autres relatifs à votre temps de travail et aux propos que vous prêtiez à cet organisme. Une nouvelle visite a donc été organisée le 12 juin dernier, à l’issue de laquelle le médecin du travail a confirmé l’absence de contre-indication dans le cadre de votre activité en mi-temps thérapeutique avec exécution de votre travail par journée complète en alternant les jours travaillés et les jours non travaillés et en recommandant uniquement la limitation de la durée journalière du temps de travail à 10 heures.

Mais postérieurement à cet avis, vous avez persisté à prétendre que votre état de santé ne

vous permettait pas d’assumer pleinement vos fonctions en allant jusqu’à refuser d’effectuer

certaines missions.

Ainsi, le 2 juillet 2017 au soir, après transmission de votre planning de ce lundi 3 juillet, vous nous avez informés de votre refus d effectuer le transport qui vous était attribué le matin au motif que vous ne pouviez pas porter la patiente, refus que vous avez réitéré le lendemain matin.

Nous avons donc été contraints, dans l’urgence, d’assurer non seulement le transport aller

mais également le transport retour en fin de matinée de cette patiente, de réorganiser le

planning du matin de l’ensemble des ambulanciers ce qui a engendré des retards pour

plusieurs patients.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous mettons en demeure par la présente d’effectuer

pleinement le travail pour lequel vous êtes rémunérée en assurant l’intégralité des missions

qui vous incombent dans ce cadre pendant vos horaires de travail conformément aux avis

rendus par le médecin du travail.

A défaut, il nous sera difficile d’envisager la poursuite de votre contrat de travail au sein de notre société (…) ».

La salariée soutient que cet avertissement est injustifié du fait que sa blessure à la cheville n’étant pas consolidée, elle n’était pas en mesure d’effectuer le transport de la patiente, corpulente et habitant au 3ème étage d’un immeuble sans ascenseur, ce dont elle avait préalablement avisé le régulateur des transports.

La société Ambulances Tom soutient que la correspondance susvisée n’est pas un avertissement. Néanmoins la mise en garde dépourvue d’ambiguïté qu’elle contient autorise à retenir qu’il s’agit bien d’une sanction prise par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire.

Il sera cependant relevé que si les derniers avis du médecin du travail des 10 avril et 12 juin 2017, antérieurs à l’avertissement (pièce 9 ), prévoyaient un mi-temps thérapeutique en faveur de Mme [F] (travail un jour sur deux), il ne comportait, en revanche, aucune restriction quant aux tâches à accomplir ou à la manutention des personnes transportées.

Les éléments médicaux produits par la salariée ne permettent pas, non plus, de constater, au-delà de ses affirmations, que son état de santé pouvait être incompatible avec la tâche demandée.

La sanction de son refus de l’accomplir par un avertissement n’apparaît ainsi ni abusif ni disproportionné.

Celui-ci ne sera pas annulé.

4) Sur la nullité du licenciement

Mme [F] soutient, à titre principal, que son licenciement est nul car discriminatoire du fait qu’il a été prononcé en raison de son état de santé.

Mais il convient d’observer que si l’appelante conteste la réalité et le caractère fautif des comportements reprochés par la lettre de licenciement, elle n’évoque cependant aucun fait, dans ses écritures, pouvant laisser penser qu’il existe un lien entre son état de santé ou le mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail à compter du 10 avril 2017 jusqu’au 9 novembre 2017, date à compter de laquelle elle a été, à nouveau, reconnue apte sans réserve à ses fonctions, et la décision de licenciement prise par l’employeur.

En l’absence de tout élément objectif permettant de retenir une relation de cause à effet entre l’état de santé de Mme [F] et la rupture de son contrat de travail et de faire ainsi supposer, au sens de l’article L 1134-1 du code du travail, une discrimination, la décision prud’homale ayant écarté la nullité du licenciement, sera confirmée.

5) Sur les motifs du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave du 5 janvier 2018 qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

«(‘) nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour les motifs évoqués à l’occasion de cet entretien constitutifs de comportements non professionnels fautifs à savoir :

– le 17 novembre 2017 vous avez effectué le transport de Madame [G] pour le compte des ambulances LACOSTE avec votre équipier, Monsieur [A].

A la suite de ce transport, quand Monsieur [N], responsable des ambulances LACOSTE, s’est présenté à la clinique pour assurer le transport retour, il a été interpellé par une personne du service où Madame [G] avait eu sa consultation sur le comportement extrêmement désagréable avec le personnel soignant de l’équipe qui avait amené la patiente, en vous mettant particulièrement en cause, en faisant état d’un comportement impoli, hautain et extrêmement arrogant.

Madame [G] a ensuite confirmé à Monsieur [N] la réalité de ces faits en lui précisant que vous n’aviez pas été plus aimable avec elle lors de son transport.

A son arrivée à la maison de retraite, Monsieur [N] a dû rendre des comptes à la secrétaire et à l’infirmière de l’établissement qui, informées de la situation, l’ont interrogé sur la qualité du prestataire auquel il avait confié le transport avant de lui préciser que ce type d’incident pourrait avoir des répercussions sur l’avenir de leur collaboration.

Monsieur [N] n’a pas manqué ensuite de nous faire part de son mécontentement.

A l’occasion de notre entretien, vous avez prétendu n’avoir aucun souvenir de ces faits.

– le 27 novembre 2017, les ambulances LACOSTE nous ont chargés d’assurer le

transport de Madame [H].

Pour tenter de rassurer Monsieur [N] sur la qualité de nos services, nous

avons décidé de vous confier ce transport avec votre collègue, Monsieur [A], en attirant votre attention sur la nécessité d’assurer un transport irréprochable.

Vous avez pris en charge la patiente à la maison de retraite du [Localité 5] dans son fauteuil roulant mais en laissant ce fauteuil sur place alors que cette patiente ne marche pas, avant de la déposer dans le service de consultation en la laissant sur une chaise métallique sans prendre la peine de la laisser en sécurité ni de prévenir le service de son arrivée.

La maison de retraite du [Localité 5] a alors reçu un appel du médecin furieux car sa patiente avait failli chuter en s’endormant sur sa chaise.

Le responsable des ambulances LACOSTE a été immédiatement informé de ces faits par la responsable de la maison de retraite qui l’a alerté sur le fait qu’un tel comportement de l’équipage d’ambulanciers remettait en cause leur partenariat.

Informée du fait que c’est notre société qui avait assuré ce transport, la maison de retraite nous a immédiatement adressé un courrier de réclamation nous reprochant la mise en péril de Madame [H] et Monsieur [N] nous a téléphoné pour nous faire part de cette situation et de son nouveau mécontentement.

De tels faits nuisent bien évidemment à la réputation de notre société et par voie de conséquence à son activité.

Lors de notre entretien, vous avez prétendu que ce n’était pas votre genre de travailler ainsi avant de nous demander si nous avions des preuves alors même que nous venions de vous dire que nous avions dus faire face aux reproches de Monsieur [N] et que nous avions reçu un courrier de plainte de la maison de retraite.

– Le 4 décembre 2017, nous avons repris la régulation des appels et des véhicules du fait de l’absence pour congés de Monsieur [U] chargé de la permanence téléphonique.

Ce jour-là, vous-même et votre collègue Monsieur [A] n’avez donné aucune nouvelle pendant toute la journée alors qu’il vous a été demandé à maintes reprises de nous tenir informés de vos mouvements journaliers pour permettre la meilleure organisation de notre activité et qu’un téléphone portable avait été mis à votre disposition pour assurer cette mission.

Cette absence de nouvelles a bien évidemment eu des répercussions négatives puisqu’à 12h40, Madame [K] que vous deviez prendre en charge à 12h30 nous a contactés pour s’étonner de votre absence sans que nous soyons en mesure de la renseigner sur les causes de cette absence et sur le retard à prévoir.

Lors de notre entretien, vous avez prétendu qu’un tel reproche ne pouvait pas vous être adressé aux motifs que c’est votre équipier, Monsieur [A], qui gérait le téléphone et que vous n’aviez paspersonnellement demandé la mise à disposition de ce dernier ce qui ne pouvait en aucun cas vous dédouaner puisque le téléphone est mis à disposition danschaque véhicule sans affectation particulière à l’un ou l’autre des membres de l’équipage.

– Le 5 décembre 2017, malgré nos demandes de la veille de nous tenir informés, vous avez attendu 11h07 pour nous faire part de la dépose de votre 3ème transport à la suite de votre prise de poste à 7h45.

7 Vous ne nous avez en revanche tenu informés d’aucune de vos prises en charge alors que vous vous êtes trouvée en attente au nord de [Localité 6] à 15h10 sans nous fournir la moindre information pour nous permettre de gérer notre planning.

– Le 11 décembre 2017, vous êtes partie avec votre équipier, Monsieur [A] à 8h17 en laissant la porte d’entrée et le portail de la société ouverts alors qu’une note de service du 30 mai 2017 stipule expressément que le local doit être fermé à clé au moment de chaque départ et que les équipages quittant la société avant 9h00 et après 17h00 doivent fermer le portail de la société à clé.

Lors de notre entretien, vous avez prétendu ne pas vous souvenir de ces faits tout en précisant que vous n’aviez pas à respecter la note de service car vous ne

l’aviez pas signée.

– Le même jour, 11 décembre 2017, vous avez assuré le transport de Madame [C] pour le compte des ambulances ABCR.

Cette patiente s’est ensuite plainte auprès de l’équipe de retour du fait que vous aviez été désagréable avec elle et que vous n’aviez même pas répondu à son bonjour.

Lors de notre entretien, vous avez prétendu que vous n’aviez jamais aucun problème avec vos patients ce qui n’est pas crédible au regard des faits susvisés.

– Parallèlement, au cours de la première quinzaine de décembre, après avoir été informée que vous travailleriez la semaine entre noël et le jour de l’an, vous avez indiqué à plusieurs collègues que si tel était le cas, vous vous feriez arrêter, menace que vous avez mis à exécution.

A l’issue de notre entretien, vous avez sollicité une rupture conventionnelle de votre

contrat de travail.

Cependant, les faits qui vous sont reprochés aujourd’hui ne permettent pas votre maintien à votre poste même pendant la durée limitée nécessaire à la mise en place d’une telle procédure ou pendant votre préavis de sorte que les faits susvisés sont constitutifs de fautes graves et ce d’autant plus que vous aviez fait l’objet de nombreuses alertes.

Nous vous rappelons en effet qu’après avoir été embauchée au sein de notre société à compter du 1er décembre 2014, vous avez adopté un comportement professionnel répréhensible à compter de la fin de l’année 2016 qui vous a valu un avertissement oral au mois de novembre 2016 après que vous ayez remis à un patient un stylo publicitaire d’une société concurrente puis un avertissement écrit en date du 15 novembre 2016 compte tenu de votre comportement général vis-à-vis de votre Direction et une mise en demeure au mois de juillet 2017 d’effectuer l’ensemble des missions vous incombant dans le cadre du mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail sans restriction particulière quant à vos fonctions.

Mais, après que le médecin du travail ait confirmé le 9 novembre 2017 que votre état

de santé était compatible avec la reprise de votre poste sans aucune restriction, vous avez persisté dans un comportement professionnel fautif qui nous a amené à envisager votre licenciement caractérisé par les faits susvisés (…) ».

Les comportements reprochés par cette correspondance et dont la preuve incombe à l’employeur sont les suivants :

a) une attitude désagréable le 17 novembre 2017

Il s’agit d’une mise en cause par des membres du personnel d’une clinique et d’une cliente transportée, Mme [G], du comportement « extrêmement désagréable » de l’équipe d’ambulanciers l’ayant prise en charge, lesquels n’attestent pas directement en la procédure.

Cette appréciation péjorative de l’attitude de l’appelante est évoquée par l’attestation de M. [L] [N] (pièce 28 de l’employeur), responsable de la société d’ambulances ayant assuré le transport retour de Mme [G] qui rapporte des propos tenus par du personnel sur place selon lesquels « (‘) les membres qui composé cet équipage ce jour là avaient été très impolis, hautin et extrêmement arrogant » et que (‘) la jeune femme qui composait cet équipage n’avait pas été très sympa (…) ».

Cette attestation, rapportant des propos d’interlocuteurs anonymes, manque de précision et d’objectivité pour pouvoir être retenue.

En outre, il apparaît que le collègue de Mme [F] a lui-même été sanctionné pour un motif semblable, ce qui est de nature à instiller un doute sur le salarié de l’équipage à qui le reproche peut être attribué.

Le grief, insuffisamment démontré, sera ainsi écarté.

b) le transport du 27 novembre 2017

Il est reproché à Mme [F] d’avoir laissé sans son fauteuil roulant et sans surveillance une personne âgée non-autonome, Mme [H], sur une chaise de la salle d’attente d’un établissement hospitalier au sein duquel elle avait un rendez-vous médical.

Mme [F] fait valoir que l’équipage dont elle faisait partie, ayant été initialement chargé du transport aller et retour de Mme [H], il avait été décidé de ne pas prendre le fauteuil roulant de la patiente, mais que le gérant de l’entreprise a ultérieurement décidé alors qu’ils étaient à l’hôpital qu’ils n’assureraient pas le retour.

Une attestation convaincante sur ce point de M. [A] (pièce 38 de l’appelante) alors équipier de Mme [F], indique qu’étant alors le seul ambulancier diplômé d’Etat de l’équipage (le diplôme de l’appelante est daté du 1er juillet 2019 ‘ pièce 54), il était l’unique décisionnaire des conditions du transport, ce qu’aucune pièce de l’employeur ne dément.

Les conditions et circonstances du transport ne pouvant ainsi être reprochées à Mme [F] qui n’avait pas la responsabilité de son déroulement, le reproche ne sera pas retenu.

c) la journée du 4 décembre 2017

Il est reproché à Mme [F] de n’avoir donné « aucune nouvelle pendant toute la journée », ce qui a eu pour conséquence un retard dans la prise en charge de Mme [K] qui devait intervenir à 12 h 30.

Les pièces produites ne permettent pas de vérifier ni l’emploi du temps ni les informations données par l’équipage de Mme [F] à la régulation le 4 décembre 2017 et d’autre part, s’il apparaît que la patiente [K] a été prise a été prise en charge avec un retard de 10 minutes, cette dernière est malgré tout arrivée en avance à son rendez-vous médical (pièce 34), de sorte que le grief reproché manque, en toute hypothèse, de gravité pour justifier la rupture du contrat de travail.

d) les faits du 5 décembre 2017

La lettre de licenciement évoque une information tardive ou insuffisante sur les transports du jour dont la salariée était chargée, ce qui ne peut faire l’objet d’aucune vérification à l’examen des pièces produites.

e) la porte d’entrée et le portail laissés ouverts le matin du 11 décembre 2017

A tenir le fait avéré, les documents produits par l’employeur ne permettent pas d’imputer avec certitude cette négligence à Mme [F] qui la conteste.

f) une attitude désagréable lors du transport de Mme [Y] le 11 décembre 2017

Deux attestation de salariés (M. [U], M. [X] ‘ pièces 36 et 37) évoquant le mécontentement exprimé par la cliente [J] [Y] (la lettre de licenciement mentionne le nom [C]) envers laquelle l’appelante et son coéquipier, ne lui ayant pas dit bonjour, auraient été impolis. Ces attestations manquent cependant de précision et d’objectivité pour pouvoir être retenues.

Le grief insuffisamment établi, ne sera pas retenu.

g) la menace de «se faire arrêter » la semaine entre Noël et le jour de l’an

L’employeur reproche à Mme [F] d’avoir annoncé par avance à ses collègues qu’elle se « ferait arrêter » si elle était planifiée la semaine entre Noël et le jour de l’an en 2017, menace mise à exécution en dépit d’un signalement adressé à la caisse primaire d’assurance maladie.

S’il n’est pas formellement contesté par la salariée qu’elle ait manifesté, par avance, sa volonté d’obtenir un arrêt de travail pour la fin de l’année 2017, qui lui a été prescrit, les éléments produits ne permettent pas cependant de constater son caractère complaisant ou frauduleux.

La cour ne retient donc pas un manquement de Mme [F] à ses obligations pouvant justifier la rupture de son contrat de travail

En l’état de l’ensemble des constatations susvisées, il ne sera pas constaté l’existence d’un motif de licenciement réel et sérieux.

La décision prud’homale sera infirmée en ce qu’elle a dit la rupture du contrat de travail justifiée.

Compte tenu de l’ancienneté de Mme [F], soit approximativement 3 ans et 2 mois au service d’une entreprise employant moins de 11 salariés, du salaire mensuel brut dont elle a été privé (1 828,75 euros), et des éléments produits sur son évolution professionnelle, il lui sera alloué, en application de l’article L 1235-3 du code du travail, une indemnité de licenciement abusif fixée à 5 000 euros.

Il sera également fait droit aux indemnité de préavis et de licenciement sollicitées qui ne sont pas discutées dans leur montant en cause d’appel.

6) Sur la prime exceptionnelle

Mme [F] reprochant à l’employeur d’avoir cessé de lui régler cette prime à compter de ses arrêts maladie (page 18 de ses conclusions), sollicite, à ce titre le paiement de 646,41 euros sur la base d’une moyenne des primes perçues en 2015 et 2016.

La société Ambulances Tom objecte que l’octroi d’une telle prime, résultant d’une décision unilatérale de sa part, ne constitue pas un usage et que la dégradation du comportement de la salariée ne justifiait plus son versement.

Les éléments produits ne permettent pas de constater que la prime revendiquée, n’ayant pas de fondement contractuel ou conventionnel, remplissait les conditions de constance, fixité et généralité caractérisant un usage qui n’est d’ailleurs pas évoqué par l’appelante.

Cette dernière ne démontrant pas ainsi le bien-fondé de sa réclamation, son rejet sera confirmé.

7) Sur les autres demandes

L’équité exige d’allouer à Mme [F] 3 000 euros en compensation de ses frais non compris dans les dépens par application de l’article 700 du code de procédure civile

Il sera fait droit à la demande de Mme [F] qui souhaite que l’intérêt légal soit fixé à compter de l’arrêt.

La capitalisation des intérêts échus sera ordonnée conformément à l’article 1343-2 du code du travail.

Les entiers dépens seront laissés à la charge de la société Ambulances Tom qui succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Melun du 18 septembre 2019 en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation du licenciement et de l’avertissement du 3 juillet 2017 et de paiement d’une prime exceptionnelle ;

Infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Annule l’avertissement du 15 novembre 2016

Dit le licenciement de Mme [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Ambulances Tom à payer à Mme [F] :

– 5 000 euros à titre d’indemnité de licenciement abusif,

– 3 657,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 365,75 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 447,76 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de cet arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus conformément à l’article 1343-2 du code du travail.

Rejette toute demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société Ambulances Tom aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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