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Les dispositions de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige posent une prescription de 2 ans des actions portant sur l’exécution d’un contrat de travail, « à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit »
En l’espèce, l’action de l’employeur était prescrite.
Il peut être considéré que le 24 mai 2018, la société SERAP Industries est bien en possession d’éléments pouvant être produits en justice à l’encontre de M. [W] au regard du respect de la règle de confidentialité. À cette date, elle aurait pu agir encore dans le délai de la prescription biennale.
En effet, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 16 septembre 2016, date à laquelle la société SERAP Industries reproche officiellement à la société Galactea-MCSP d’avoir contrefait plusieurs de ses pièces et reconnaît l’implication de M. [W].
En disposant d’informations supplémentaires à ce sujet par des messages du 24 mai 2018, la société SERAP Industries avait tout le loisir de saisir le conseil de prud’hommes avant le 16 septembre 2018. Or elle ne l’a fait que le 15 février 2019. Avec les deux procès-verbaux d’huissier de justice du 16 septembre 2016 et du 31 juillet 2018, elle ne peut utilement se prévaloir d’aucun autre constat d’huissier postérieur pour justifier du retard dans la saisine de la juridiction prud’homale.
De plus, les messages électroniques de M. [C] de mai 2018 ne peuvent avoir fait courir un nouveau délai de deux ans au bénéfice de la société SERAP Industries après sa mise en cause officielle et devant la justice de M. [W] en septembre 2016.
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00148 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EU2V
numéro d’inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 06 Mars 2020, enregistrée sous le n° F 19/00024
ARRÊT DU 09 Février 2023
APPELANTE :
S.A.S. SERAP INDUSTRIES
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Maître JAUREL, avocat substituant Maître Renaud ROQUETTE, avocat postulant au barreau de LAVAL – N° du dossier 18041
INTIME :
Monsieur [U] [W]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 30200090 et par Maître MESTEK, avocat plaidant au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Octobre 2022 à 9 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
du 09 Février 2023, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Estelle GENET, conseiller faisant fonction de président et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS SERAP Industries emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
M. [U] [W] a été engagé par la société SERAP Industries suivant contrat à durée indéterminée du 4 octobre 2004, modifié par avenant du 9 février 2010, en qualité de technicien assistance technique.
Le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ainsi qu’une clause de secret professionnel par laquelle M. [W] s’est engagé ‘à consacrer la discrétion professionnelle la plus absolue sur les éléments de son activité dans la société SERAP Industries, ceci même après l’expiration du présent contrat’.
M. [W] a présenté sa démission le 17 juin 2013 avec effet le 20 septembre 2013 entraînant la levée de la clause de non-concurrence par la société SERAP Industries.
À compter du 23 septembre 2013, M. [W] a été engagé par la société Milk Coolers Spare Parts / Galactea (ci-après dénommée la société Galactea-MCSP), société concurrente de la société SERAP Industries.
En juillet 2016, la société SERAP Industries a eu connaissance de la commercialisation par la société Galactea-MCSP de cartes électroniques compatibles RL20. Le 13 septembre 2016, elle a fait constater par un huissier la commercialisation sur le site de la société Galactea-MCSP des cartes électroniques RL10 et RL20 ressemblant à celles qu’elle produit.
Le 14 septembre 2016, la société SERAP Industries a saisi le tribunal de grande instance de Rennes et a obtenu une ordonnance sur requête l’autorisant à procéder à une saisie-contrefaçon au sein du salon Space, portant sur la supposée reproduction illicite par la société Galactea-MCSP du dessin et modèle français numéro 991232-001 ainsi que les couvercles plastron RL 10 et RL 20. Dans ce cadre, l’huissier a été autorisé à connecter l’ensemble des ordinateurs locaux ou distants de la société Galactea-MCSP et plus particulièrement ceux appartenant à M. [W].
La société SERAP Industries a ensuite saisi le conseil de prud’hommes de Laval le 15 février 2019 afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de M. [W] à lui verser des dommages et intérêts pour préjudice professionnel et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [W] s’est opposé aux prétentions de la société et a sollicité la condamnation de cette dernière au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 6 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Laval a :
— constaté que l’action de la société SERAP Industries est prescrite ;
— déclaré irrecevable les demandes de la société SERAP Industries ;
— débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle d’indemnité pour procédure abusive et dilatoire ;
— condamné la société SERAP Industries à verser à M. [W] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
— condamné la société SERAP Industries aux dépens.
Pour statuer en ce sens, le conseil de prud’hommes a notamment considéré que le délai de prescription de deux ans prévu pour toute action portant sur l’exécution du contrat de travail selon l’article L. 1471-1 du code du travail, débutait par le procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 septembre 2016 et que plus de deux ans se sont écoulés avant sa saisine intervenue le 15 février 2019.
La société SERAP Industries a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 24 mars 2020, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration.
M. [W] a constitué avocat en qualité d’intimé le 4 juin 2020.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2022.
Le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 7 avril 2022.
Par arrêt du 12 juillet 2022, la cour d’appel d’Angers a :
— ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 23 mars 2022 ;
— renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 13 octobre 2022 à 9h, la décision valant convocation à cette audience ;
— réservé le surplus des demandes et les dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 septembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société SERAP Industries, dans ses conclusions n°3, adressées au greffe le 16 mars 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour :
— d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
— de dire son action recevable et bien fondée ;
— de condamner M. [W] à lui payer la somme de 500 000 euros à titre des dommages et intérêts pour préjudice professionnel ;
— débouter M. [W] de sa demande ;
— condamner M. [W] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner M. [W] aux dépens, en ce compris les frais de constat d’huissier de justice de Me [H] [I], Me [H] [B], Me [V] [Y] du 11 février 2019 et le constat de Me [H] [I] des 10, 11 et 29 décembre 2021.
Au soutien de son appel, la société SERAP Industries fait valoir que son action trouve son origine dans la clause de confidentialité inscrite dans le contrat de travail de M. [W] de sorte que le délai de prescription biennale est applicable. Elle prétend qu’elle ignorait le rôle joué par M. [W] lors du salon Space de 2016 et que sa responsabilité dans la commercialisation des cartes RL 20 par la société MCSP, et donc la violation du secret professionnel, n’a été mise en évidence que le 25 juin 2018 lors de la déclaration de M. [C] sur ses agissements déloyaux. Elle souligne alors qu’elle a saisi le conseil de
prud’hommes le 15 février 2019, soit quatre jours après les opérations de saisie du 11 février 2019.
La société SERAP Industries soutient par ailleurs que M. [W] est complice de M. [O], son employeur actuel, dans la fraude accomplie à son préjudice. Elle fait observer que les fichiers informatiques saisis chez Nemet sont des copies de ceux figurant sur son réseau informatique et que la responsabilité de M. [W] dans la transmission des informations techniques des cartes RL 10 et RL 20 vers le fabricant Nemet a été confirmée par son dirigeant. Elle ajoute que M. [W] a violé la clause de confidentialité de son contrat de travail et le secret professionnel en remettant au groupe Galactea les documents commerciaux et techniques confidentiels stratégiques ainsi que les tarifs des tanks à lait. Elle soutient ensuite que l’évolution des ventes de Galactea confirme la concomitance de la transmission des informations par M. [W] et la perte par la société SERAP Industries de son marché.
La société SERAP Industries fait ensuite observer que l’impact de la fuite massive des données de M. [W] vers son nouvel employeur est directement visible par l’évolution du chiffre d’affaires du groupe Galactea. Elle prétend enfin que le lien de causalité est établi puisque M. [W] a quitté la société puis a communiqué à son nouvel employeur les prix des compresseurs avec le taux de remise maximal, ce qui a eu pour conséquence la perte du marché des compresseurs Lactalis au profit de la société Galactea.
**
M. [W], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 28 septembre 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Laval en ce qu’il :
— a constaté que l’action de la société SERAP Industries est prescrite ;
— a déclaré irrecevables les demandes de la société SERAP Industries ;
— l’a débouté de sa demande reconventionnelle d’indemnité pour procédure abusive et dilatoire ;
— a condamné la société SERAP Industries à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— a débouté les parties de toutes les autres demandes ;
statuant à nouveau (sur les demandes nouvelles) :
In limine litis de :
— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Laval en ce qu’il a :
— constaté que la société SERAP Industries reconnaît avoir pris connaissance de la prétendue contrefaçon en septembre 2016 ;
— constaté que la société SERAP Industries a saisi le conseil de prud’hommes de Laval plus de deux ans après cette constatation ;
— constaté que l’action de la société SERAP Industries est prescrite ;
Par conséquent :
— déclarer irrecevables les demandes de la société SERAP Industries ;
À titre subsidiaire :
— constater qu’il a respecté la clause de secret professionnel résultant de son contrat de travail avec la société SERAP Industries ;
Par conséquent :
— dire et juger qu’il n’a commis aucune faute lourde ;
— constater que la société SERAP Industries n’apporte pas d’éléments de nature à prouver sa faute et le préjudice prétendument causé ;
— débouter, en conséquence, la société SERAP Industries de sa demande d’indemnisation d’un montant de 500 000 euros au titre du préjudice professionnel ;
En tout état de cause :
— débouter la société SERAP Industries du surplus de ses demandes ;
— débouter la société SERAP Industries de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner la société SERAP Industries au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
— condamner la société SERAP Industries à lui verser une indemnité de 50’000 euros pour procédure abusive et dilatoire à son encontre.
À titre liminaire, M. [W] fait valoir que la société SERAP Industries a eu connaissance de la prétendue violation de la clause de secret professionnel dès le 15 septembre 2016 à la suite de la procédure de saisie-contrefaçon et non le 25 juin 2018 comme elle le prétend. Il indique alors que la société SERAP Industries avait jusqu’au 13 septembre 2018 pour exercer une action à son encontre de sorte que l’action introduite le 15 février 2019 est prescrite.
M. [W] affirme ensuite qu’il n’a violé ni le secret professionnel auquel il était soumis, ni la clause l’engageant à ‘conserver la discrétion professionnelle (…), ceci-même après l’expiration du contrat’ lorsqu’il a pris ses fonctions au sein de la société Galactea. Il souligne que ses fonctions au sein de cette dernière sont différentes de celles qu’il a exercées au sein de la société SERAP Industries, lesquelles n’avaient pas une dimension commerciale et qu’il n’avait pas à utiliser de procédés dont il aurait eu connaissance au sein de la société SERAP Industries.
Il prétend ensuite que les documents techniques nécessaires à l’utilisation des cartes RL20 étaient connus de toutes les personnes utilisant des tanks à lait et que les pratiques tarifaires sont connues par l’ensemble des concurrents de la société. En tout état de cause, il relève l’absence de preuve démontrant son implication dans l’origine de la fabrication, par la société Galactea, des pièces RL20 identiques à celles de la société SERAP Industries. Il souligne aussi la présence de la pièce RL 20 dans tout tank à lait vendu en France.
M. [W] prétend par ailleurs qu’aucun préjudice lié à la prétendue transmission de données concernant les cartes RL20 n’est démontré par son ancien employeur et que le tableau produit ne fait que montrer une évolution du chiffre d’affaires sur la vente des compresseurs. Il conteste par ailleurs être responsable de la baisse du chiffre d’affaires de la société SERAP Industries. Il souligne enfin que la société Galactea a toujours vendu des compresseurs et ce, bien avant son arrivée au sein de cette société.
En tout état de cause, M. [W] soutient que la société SERAP Industries a levé la clause de non-concurrence par courrier du 20 juin 2013 lui précisant qu’il était libre d’exercer toutes activités professionnelles.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l’action de la société SERAP Industries
Les parties conviennent de l’application des dispositions de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige et de la prescription de 2 ans des actions portant sur l’exécution du contrat de travail, « à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit », s’agissant d’un litige portant sur le respect de la clause de confidentialité présente dans le contrat de travail de M. [W].
Il convient désormais de déterminer le point de départ de la prescription biennale, étant rappelé que la société SERAP Industries a saisi le conseil de prud’hommes de Laval le 15 février 2019 afin d’obtenir la condamnation de M. [W] à lui verser des dommages et intérêts en raison de la prétendue divulgation à une société concurrente de secrets professionnels.
La société SERAP Industries prétend qu’elle n’a été informée de l’implication supposée de M. [W] dans les faits de contrefaçon reprochés à la société Galactea-MCSP que le 25 juin 2018, date à laquelle elle a été alertée par M. [C] sur les agissements déloyaux de son ancien salarié. À cet égard, il convient de rappeler que M. [C] a été administrateur de la filiale espagnole Jimmotores du groupe Galactea du 10 avril 2010 au 17 octobre 2017.
En revanche, M. [W] prétend que la société SERAP Industries était informée dès le 14 septembre 2016, date de la procédure sur requête de saisie contrefaçon, de sa prétendue responsabilité dans ces faits.
Il est ainsi versé aux débats le procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 septembre 2016 à la suite d’une ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de grande instance de Rennes en date du 15 septembre 2016. Dans cette ordonnance, l’huissier est notamment autorisé « à se connecter sur l’ensemble des ordinateurs locaux ou distants, à tout matériel et/ou tout logiciel lui permettant de mener à bien sa mission, y compris sur les Smartphones, tablettes numériques et ordinateurs portables de la société Galactea-MCS et plus particulièrement ceux appartenant à M. [U] [W] ».
Dans la requête aux fins de saisie contrefaçon en date du 14 septembre 2016 (en annexe de la pièce 3 appelante), il est noté en page 3 : « ces agissements sont sans doute à rapprocher du fait que la société GALACTEA a récemment débauché M. [U] [W], technicien en assistance technique employé pendant près de 9 années au sein de la société SERAP. »
Dès septembre 2016, il apparaît que la société SERAP Industries fait un lien entre l’embauche de son ancien salarié et les faits de contrefaçon dont elle se prétend victime de la part d’une société concurrente.
Dans le procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 septembre 2016, il est mentionné qu’un certain nombre d’éléments ont été recueillis par l’huissier, dont notamment des documents numériques à partir de l’ordinateur portable de M. [O], gérant de la société Galactea-MCSP, copiés sur une clé USB.
Cependant, la société SERAP Industries ne produit aux débats aucun autre élément se rapportant au procès-verbal établi le 16 septembre 2016.
L’appelante produit ensuite le procès-verbal de constat d’huissier du 31 juillet 2018. L’huissier a constaté, à la demande de M. [T], directeur administratif et financier de la société SERAP Industries, l’existence et l’origine dans sa boîte mail professionnelle, de messages électroniques que lui a adressés M. [C] les 24 mai, 18 juin et 12 juillet 2018, présentant des informations qui auraient été transmises dès le mois de novembre 2013, par M. [W] à son nouvel employeur concernant la société SERAP Industries.
Ainsi, il est difficilement contestable que la société SERAP Industries nourrit dès le mois de septembre 2016 de forts soupçons à l’égard de M. [W] en lien avec les opérations de contrefaçon qu’elle souhaite faire constater dès le 16 septembre 2016 pendant un salon réunissant tous les opérateurs du secteur, ce, alors même que M. [W] avait quitté les effectifs de la société près de 3 années auparavant et que certaines attestations de salariés produites aux débats par la société elle-même mettent en cause un autre salarié comme étant à l’origine de fuites d’informations confidentielles au profit de la société Galactea-MCSP.
Le 24 mai 2018, le directeur financier de la société SERAP Industries est rendu destinataire de plusieurs messages électroniques émanant de M. [C], prouvant selon elle la déloyauté de M. [W] et la violation par ce dernier de la clause de confidentialité. Il est notamment relevé un message électronique adressé par M. [W] le 23 novembre 2013 à M. [C] dans les termes suivants : « Bonjour [M], voici les listes de pièces avec prix et correspondance entre SERAP et GALACTEA. Cordialement. [U] »
Or, il peut être considéré que le 24 mai 2018, la société SERAP Industries est bien en possession d’éléments pouvant être produits en justice à l’encontre de M. [W] au regard du respect de la règle de confidentialité. À cette date, elle aurait pu agir encore dans le délai de la prescription biennale. En effet, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 16 septembre 2016, date à laquelle la société SERAP Industries reproche officiellement à la société Galactea-MCSP d’avoir contrefait plusieurs de ses pièces et reconnaît l’implication de M. [W]. En disposant d’informations supplémentaires à ce sujet par des messages du 24 mai 2018, la société SERAP Industries avait tout le loisir de saisir le conseil de prud’hommes avant le 16 septembre 2018. Or elle ne l’a fait que le 15 février 2019. Avec les deux procès-verbaux d’huissier de justice du 16 septembre 2016 et du 31 juillet 2018, elle ne peut utilement se prévaloir d’aucun autre constat d’huissier postérieur pour justifier du retard dans la saisine de la juridiction prud’homale. De plus, les messages électroniques de M. [C] de mai 2018 ne peuvent avoir fait courir un nouveau délai de deux ans au bénéfice de la société SERAP Industries après sa mise en cause officielle et devant la justice de M. [W] en septembre 2016.
Au surplus, M. [C] a établi le 25 juin 2018 une attestation en faveur de la société SERAP Industries (pièce 6 appelante) dans laquelle il explique que la société Galactea a commercialisé des pièces détachées contrefaites de la société SERAP Industries. Il ajoute que ces pièces n’ayant pas fait l’objet d’homologation faisaient courir un risque sanitaire à l’entreprise. Il décrit, selon lui, l’implication de M. [W] dans ces faits de contrefaçon. Là également, avec cette information qui conforte les soupçons à l’encontre de M. [W], il convient de considérer que la société pouvait encore agir dans les délais contre son ancien salarié et que rien ne vient justifier de repousser le point de départ de la prescription biennale à cette date ou après.
C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes de Laval a considéré que l’action de la société SERAP Industries à l’encontre de M. [U] [W] est prescrite.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande d’indemnité présentée par M. [W] pour procédure abusive et dilatoire
La cour constate que dans ses dernières conclusions adressées par RPVA le 28 septembre 2022, M. [W] sollicite en premier lieu dans le dispositif la confirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande reconventionnelle d’indemnité pour procédure abusive et dilatoire. Il ne peut donc présenter en tout état de cause, dans ce même dispositif, une demande de condamnation de la société SERAP à lui verser une indemnité de 50’000 euros pour procédure abusive et dilatoire.
Cette demande doit être rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement est confirmé s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société SERAP Industries est condamnée au paiement des dépens d’appel.
Elle est également condamnée à verser à M. [W] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande présentée par la société SERAP Industries sur ce même fondement doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Laval du 6 mars 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Rejette la demande d’indemnité présentée par M. [U] [W] pour procédure abusive et dilatoire ;
Condamne la SAS SERAP Industries à payer à M. [U] [W] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SAS SERAP Industries de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS SERAP Industries au paiement des dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Estelle GENET