Les promesses de faire de son prestataire informatique son actionnaire, en échange de prix bas, ne sont opposables que si elles sont prouvées, précises et fermes.
Sommaire
Travail assorti d’une facturation
En l’occurrence, aucun des autres documents produits par la société, ne permettait d’établir la réalité d’un travail réalisé pour le compte de la société Seeqle qui n’aurait pas fait l’objet d’une facturation.
La preuve de l’enrichissement sans cause
La preuve de l’enrichissement sans cause n’était ainsi pas rapportée, étant rappelé de surcroît qu’au regard du caractère subsidiaire de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause, celle-ci ne peut être admise pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter faute d’apporter les preuves qu’elle exige.
Contexte du litige
La société Jemoco affirmait que la société Seeqle avait exécuté ses obligations contractuelles avec une particulière mauvaise foi, prétendant que cette dernière a délibérément fait croire à son dirigeant qu’il pourrait devenir son actionnaire à des conditions avantageuses et qu’en conséquence, en sa qualité de futur associé, il lui appartenait d’accepter de travailler à moindre coût.
Elle soutenait qu’elle avait ainsi non seulement accepté de baisser ses prix mais qu’elle a aussi sous-facturé le temps passé dans l’accomplissement de ses tâches, en forfaitisant ses premiers travaux et en appliquant un taux journalier de 400 euros HT, voire de 200 euros HT au lieu des 500 euros HT qu’elle facture habituellement.
Elle expliquait que ce n’est que le 16 décembre 2017 qu’elle a pris conscience de la ‘mystification’ et a pris la précaution de mettre par écrit les termes de ce qu’elle croyait être un accord et que ce n’est que le 12 mars 2018 que la société Seeqle lui a adressé un projet d’accord dans lequel elle proposait, en contrepartie d’une entrée au capital, qu’elle renonce à tout ou partie des factures émises et qu’elle continue à travailler ‘gratuitement’ pour la société, ce à quoi elle s’est formellement opposée.
Elle estime que les échanges entre les parties constituent la preuve que la société Seeqle a entrepris des manoeuvres déloyales à la seule fin d’obtenir d’elle des conditions contractuelles avantageuses, que ce soit en termes de prestations, de prix que de délais de paiement.
Elle faisait valoir que la société Seeqle avait engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, ce qui justifiait qu’elle soit condamnée à l’indemniser de l’ensemble de ses préjudices résultant de ses manoeuvres déloyales, à savoir un manque à gagner sur les factures émises et les travaux exécutés mais non rémunérés.
Preuve insuffisante
Conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
Si des pourparlers ont eu lieu pour l’entrée du gérant de la société prestataire au capital de la société Seeqle, les négociations n’ont pas abouti.
Aucun des mails ou des échanges via la messagerie Messenger ne permettait d’établir l’existence d’un lien entre la relation contractuelle des sociétés Jemoco et Seeqle résultant du devis et les discussions entre la société Seeqle et celles relatives à son entrée au capital qui ont débuté après.
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 56B
13e chambre
ARRET DU 25 OCTOBRE 2022
N° RG 21/02583
N° Portalis DBV3-V-B7F-UOR5
AFFAIRE :
S.A.S. JEMOCO
C/
SAS SEEQLE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2020F00491
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me François AJE
Me Claire RICARD
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. JEMOCO
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413
Représentant : Me Nathalie CORREIA DA SILVA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2301
APPELANTE
****************
SAS SEEQLE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2211376
Représentant : Me Juliette HEINZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS vestiaire : P108
INTIMEE
****************
Monsieur [G] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me François AJE de l’AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413
Représentant : Me Nathalie CORREIA DA SILVA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2301
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
La SAS Seeqle, présidée par M. [W] [D], est une start-up spécialisée dans le recrutement RH.
La SAS Jemoco, présidée par M. [G] [B], est spécialisée dans la programmation informatique, l’édition de sites internet et la conception d’application mobiles et de sites internet.
Cette dernière a réalisé des prestations d’hébergement et de développement informatique au profit de la première dans le cadre de la réalisation de son site internet et d’outils web.
Ces prestations ont fait l’objet de trois factures, une première n° 2017/0001 du 29 août 2017 d’un montant de 1 680 euros TTC, une deuxième n° 2017/0002 du 14 septembre 2017 d’un montant de 31 200 euros TTC et une troisième n° 2018/0003 du 19 mars 2018 d’un montant de 6 000 euros TTC.
La société Seeqle a réglé un total de 10 000 euros mais n’a pas réglé le solde.
Après des mises en demeure demeurées infructueuses, la société Jemoco a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 21 novembre 2018, a condamné la société Seeqle à payer à la société Jemoco la somme de 27 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2018, la société Seeqle étant autorisée à se libérer de sa dette en douze mensualités égales.
Un échéancier de règlement comprenant onze mensualités de 2 267 euros et une douzième de 2 488,64 euros tenant compte des intérêts de retard a été mis en place.
La société Seeqle a réglé les onze mensualités de 2 267 euros du 13 décembre 2018 au 18 octobre 2019; le 4 novembre 2019, elle a réglé à la société Jemoco la somme de 2 588,64 euros correspondant à la dernière mensualité de l’échéancier, augmentée de 100 euros versés par erreur ; et le virement automatique mensuel de 2 267 euros s’est poursuivi le 12 novembre 2019 au profit de la société Jemoco.
La société Seeqle a alors demandé à cette dernière la répétition de l’indu d’un montant de 2 367 euros, ce que la société Jemoco a refusé, invoquant la compensation de ce dernier règlement avec une autre créance non réglée.
C’est dans ces circonstances que la société Seeqle a assigné la société Jemoco devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 4 mars 2021, a :
— condamné la société Jemoco à payer à la société Seeqle la somme de 2 367 euros au titre de la répétition de 1’indu, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019 ;
— débouté la société Jemoco de sa demande de règlement au titre de sa facture FAC/2017/0001 du 29 août 2017 d’un montant de 1 680 euros ;
— débouté la société Seeqle de sa demande de dommages et intérêts ;
— débouté la société Jemoco de sa demande de dommages et intérêts ;
— condamné la société Jemoco à payer à la société Seeqle la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné la société Jemoco aux entiers dépens.
Par déclaration du 20 avril 2021, la société Jemoco a interjeté un appel partiel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 juin 2022, la société Jemoco et M. [B], intervenant volontairement à l’instance, demande à la cour de :
— infirmer le jugement et, ce faisant, statuant à nouveau :
— condamner la société Seeqle à lui payer la somme de 1 680 euros TTC au titre de la facture n° FAC/2017/0001 du 29 août 2017 et dire que cette somme sera augmentée des intérêts au taux BCE majoré de dix points, et ce, à effet, à compter du 14 mai 2019, date de la lettre de mise en demeure ;
— condamner la société Seeqle à lui payer la somme de 8 600 euros au titre du manque à gagner sur les prestations facturées ;
— condamner la société Seeqle à lui payer la somme de 8 600 euros à titre d’indemnisation des frais générés par la résistance abusive de la société Seeqle à payer les factures qu’elle a émises ;
— condamner la société Seeqle à lui payer la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’ensemble des prestations exécutées pour le compte de la société Seeqle et non rémunérées à ce jour;
— donner acte de l’intervention volontaire de M. [B] à la présente procédure ;
— la déclarer recevable ;
subsidiairement,
— condamner la société Seeqle à payer à M. [B] la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’ensemble des prestations réalisées pour le compte de la société Seeqle et non rémunérées à ce jour ;
— débouter la société Seeqle de l’ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre ;
— condamner la société Seeqle à payer à la société Jemoco la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— la condamner aux entiers dépens et dire qu’ils pourront être recouvrés, par l’AARPI All Partners-AJE Lenglen Lawyers, représentée par maître François Aje, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Seeqle, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le18 mai 2022, demande à la cour de :
sur l’appel principal,
— confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
statuant à nouveau,
— condamner la société Jemoco à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
en tout état de cause, sur l’article 700 du code de procédure civile,
— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Jemoco à lui payer la somme de 1200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— débouter la société Jemoco de toutes ses demandes ;
à titre subsidiaire,
— déclarer irrecevable les demandes de M. [B] ;
— débouter M. [B] de toutes ses demandes ;
y ajoutant,
— condamner la société Jemoco à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner la société Jemoco aux entiers dépens, et dire qu’ils pourront être recouvrés par maître Claire Ricard conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 juin 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
A titre liminaire, la cour relève qu’elle n’est pas saisie de la disposition du jugement qui a condamné la société Jemoco à payer à la société Seeqle la somme de 2 367 euros au titre de la répétition de l’indu, outre intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019.
1) sur l’appel principal
* sur la facture n° 2017/0001 du 29 août 2017 d’un montant de 1 680 euros
La société Jemoco soutient que les premières diligences qu’elle a effectuées pour le compte de la société Seeqle dans le cadre de la création de la plate-forme SAAS ont donné lieu à l’émission d’une facture en date du 27 août 2017 de 1 680 euros qui est demeurée impayée. Elle ne conteste pas l’absence de devis signé mais indique qu’à cette date, elle n’était pas encore constituée, raison pour laquelle elle n’a pas pu émettre de devis, précisant que les pièces qu’elle produit justifient que la société Seeqle a eu recours à ses services alors qu’elle était en cours de formation. Elle relève que la société Seeqle n’a jamais contesté cette facture lorsqu’elle lui a transmise. Elle ajoute qu’en reconnaissant expressément dans ses conclusions de première instance que ‘les prestations relatives à la première facture sont incluses dans la seconde’, la société Seeqle admet qu’elle lui a commandé les prestations facturées à hauteur de 1 680 euros. Elle souligne que les diligences visées dans la seconde facture émise le 14 septembre 2017 pour un montant de 31 200 euros sont distinctes de celles visées dans la facture du 27 août 2017 laquelle n’a d’ailleurs donné lieu à aucun avoir. Enfin, elle soutient qu’aucune renonciation au paiement de cette facture ne peut lui être valablement opposée.
La société Seeqle répond que la société Jemoco n’apporte pas la preuve de la réalisation des prestations au titre de la facture du 29 août 2017 pour un montant de 1 680 euros, faisant valoir que celle-ci a établi un devis en date du 30 juin 2017 d’un montant de 31 200 euros pour la réalisation d’un ensemble de prestations et que celles facturées le 29 août 2017 sont similaires à une partie de celles figurant dans ce devis lequel a donné lieu à une facture du 14 septembre 2017 d’un montant de 31 200 euros. Elle prétend que de l’aveu même de M. [B], président de la société Jemoco, figurant dans un courriel en date du 16 décembre 2017, la facture d’un montant de 1 680 euros a été annulée et remplacée par la facture de 31200 euros, soulignant que cette facture n’est pas visée dans les mises en demeure qui lui ont été adressées les 14 juin 2018 et 26 juillet 2018 pas plus que dans l’assignation en référé. Elle rappelle que la Cour de cassation a jugé à maintes reprises que la preuve d’une prestation ne peut résulter exclusivement de la facture du prestataire.
Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En l’espèce, la facture litigieuse n° 2017/0001, en date du 29 août 2017, d’un montant de 1 680 euros TTC, est relative à :
— configuration de la plateforme AWS,
— migration de OVH vers AWS,
— formation développeur.
Aucun devis relatif à cette facture n’a été établi. Il résulte d’un échange de mails entre M. [B] et la société Seeqle en janvier et février 2017 que des prestations ont commencé a être réalisées pour le compte de la société Seeqle, alors que la société Jemoco était en cours de constitution, ayant été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 30 juin 2017.
Le 30 juin 2017, la société Jemoco a établi un devis N° SO005 d’un montant de 31 200 euros TTC, pour les prestions suivantes :
— changement d’hébergeur,
— mise en place de la nouvelle infrastructure,
— mise en place d’une usine de développement,
— mise en place d’outils de supervision,
— recherche et développement Machine Learning,
— finalisation des algorithmes,
— gestion de projet,
— développement de l’API,
— conseil sur les développements,
— support technique aux développeurs,
— maintenance informatique.
Si les prestations énumérées dans ce devis ne se recoupent pas exactement avec celles facturées le 29 août 2017, M. [B], dans un mail adressé à la société Seeqle le 16 décembre 2017, reconnaissait qu’il avait été convenu entre les deux sociétés que la facture de 26 000 euros HT (31 200 euros TTC) englobait la précédente facture de 1 680 euros TTC.
Par ailleurs, comme l’a justement relevé le tribunal, les lettres de mise en demeure adressées par la société Jemoco à la société Seeqle les 14 juin et 26 juillet 2018 sont relatives aux factures des 14 septembre 2017 et 19 mars 2018 d’un montant respectif de 31 200 euros et de 6 000 euros mais ne font aucune référence à la facture de 1 680 euros, la première lettre de relance de la facture 2017/0001 de 1 680 euros n’étant intervenue que le 14 mai 2019. D’ailleurs dans la première de ces mises en demeure, il était précisé qu’en raison du non-règlement des deux factures visées, ‘votre compte client présente toujours un solde débiteur de 27 200 euros TTC, hors pénalités de retard’.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la société Jemoco ne rapporte pas la preuve de l’obligation de la société Seeqle de payer la facture litigieuse en sorte que c’est à bon droit que le tribunal l’a déboutée de sa demande à ce titre.
* sur la demande de dommages et intérêts
La société Jemoco affirme que la société Seeqle a exécuté ses obligations contractuelles avec une particulière mauvaise foi, prétendant que cette dernière a délibérément fait croire à son dirigeant qu’il pourrait devenir son actionnaire à des conditions avantageuses et qu’en conséquence, en sa qualité de futur associé, il lui appartenait d’accepter de travailler à moindre coût. Elle soutient qu’elle a ainsi non seulement accepté de baisser ses prix mais qu’elle a aussi sous-facturé le temps passé dans l’accomplissement de ses tâches, en forfaitisant ses premiers travaux et en appliquant un taux journalier de 400 euros HT, voire de 200 euros HT au lieu des 500 euros HT qu’elle facture habituellement. Elle explique que ce n’est que le 16 décembre 2017 qu’elle a pris conscience de la ‘mystification’ et a pris la précaution de mettre par écrit les termes de ce qu’elle croyait être un accord et que ce n’est que le 12 mars 2018 que la société Seeqle lui a adressé un projet d’accord dans lequel elle proposait, en contrepartie d’une entrée au capital, qu’elle renonce à tout ou partie des factures émises et qu’elle continue à travailler ‘gratuitement’ pour la société, ce à quoi elle s’est formellement opposée. Elle estime que les échanges entre les parties constituent la preuve que la société Seeqle a entrepris des manoeuvres déloyales à la seule fin d’obtenir d’elle des conditions contractuelles avantageuses, que ce soit en termes de prestations, de prix que de délais de paiement. Elle prétend que ce faisant la société Seeqle a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, ce qui justifie qu’elle soit condamnée à l’indemniser de l’ensemble de ses préjudices résultant de ses manoeuvres déloyales, à savoir un manque à gagner sur les factures émises et les travaux exécutés mais non rémunérés. S’agissant de ces derniers, la société Jemocodécrit les travaux réalisés pour le compte de la société Seeqle par M. [B] et elle-même. Elle précise que faute d’avoir été payée par la société Seeqle pour ces prestations, elle a été contrainte de mettre un terme à sa mission et a accepté une mission de consultant pour une autre société à compter de la mi-mars 2018. Elle prétend que c’est sur la demande insistante de la société Seeqle que M. [B] a continué de travailler pour la société Seeqle les soirs et week-end au cours des mois de mai et juin 2018 jusqu’au lancement du logiciel Saas par la société Seeqle, raison pour laquelle celui-ci a effectué une demande de rappel de salaire devant la juridiction prud’homale dont il a été débouté, la juridiction ayant considéré qu’il n’existait pas de lien de subordination et que M. [B] n’avait donc pas le statut de salarié de la société Seeqle. Elle souligne que devant le conseil des prud’homes, la société Seeqlea reconnu expressément que les prestations fournies par ‘M. [B]/la société Jemoco’ étaient rémunérées au prix de 500 euros HT par jour. Elle estime que la société Seeqle se doit de l’indemniser au titre des prestations qui lui ont permis de lancer son application et donc son activité sociale et qu’elle n’a pas payées à ce jour et ce sur le fondement de l’action in rem verso. Elle souligne que la valorisation d’un travail accompli par M. [B] ressort expressément du projet d’association établi par la société Seeqle le 12 mars 2018. Enfin, elle demande l’indemnisation des préjudices générés par la résistance abusive de la société Seeqle à payer ses factures qu’elle ne contestait pas.
La société Seeqle se défend de toute manoeuvre déloyale. Elle fait valoir que les discussions qui ont eu lieu et qui ont perduré de décembre 2017 à juin 2018 portaient sur l’entrée au capital de M. [B], personne physique, pour lui permettre d’acquérir des actions à une valeur décotée, soulignant que ces discussions n’ont jamais concerné la société Jemoco. Elle précise que les négociations intervenues entre les parties pour l’entrée de M. [B] à son capital n’ont fait l’objet d’aucun accord juridique et se sont cantonnées à de simples pourparlers.
Sur l’indemnisation du manque à gagner, elle relève que le devis et la facture de 26 000 euros HT mentionnaient un prix unitaire global pour la rémunération des prestations y mentionnées et qu’il s’agit donc d’un forfait pour l’ensemble de ces prestations. Elle estime que la société Jemoco ne peut revenir sur le montant convenu dans le cadre de négociations commerciales en produisant des devis soumis à d’autres clients.
S’agissant de la demande au titre de l’enrichissement sans cause, elle relève que M. [B] l’a assignée devant le conseil des prud’hommes pour obtenir la requalification des prestations réalisées par la société Jemoco en contrat de travail. Elle souligne qu’aucun devis ou contrat n’a été échangé ou signé et affirme qu’aucune autre prestation que celles déjà réglées n’a été réalisée. Elle rappelle qu’il incombe à la partie qui invoque l’enrichissement sans cause d’établir que l’appauvrissement par elle subi et l’enrichissement corrélatif du défendeur ont eu lieu sans cause.
Enfin, elle explique qu’elle n’a pas pu exécuter son obligation de paiement en raison des difficultés de trésorerie qu’elle a rencontrées et a ainsi réclamé des délais de paiement auxquels le juge des référés a fait droit. Elle conteste les difficultés financières alléguées par la société Jemoco.
Conformément aux dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
— sur l’indemnisation du manque à gagner
Il est constant que des pourparlers ont eu lieu pour l’entrée de M. [B] au capital de la société Seeqle.
Un projet d’association a ainsi été adressé par la société Seeqle à M. [B] le 12 mars 2018 prévoyant l’octroi de parts à M. [B] pour un euro symbolique mais les négociations n’ont pas abouti.
Aucun des mails ou des échanges via la messagerie Messenger entre MM. [B] et [D], dirigeant de la société Seeqle, versés aux débats par l’appelante, tous postérieurs au devis du 30 juin 2017, ne permet d’établir l’existence d’un lien entre la relation contractuelle des sociétés Jemoco et Seeqle résultant du devis du 30 juin 2017 et les discussions entre la société Seeqle et M. [B] relatives à son entrée au capital qui ont débuté après. Les manoeuvres déloyales de la part de la société Seeqle pour obtenir de la société Jemoco des conditions contractuelles prétendument avantageuses, notamment un tarif bas, ne sont pas démontrées, étant observé que la facturation a été faite au forfait s’agissant du devis du 30 juin 2017 et que le devis du 24 février 2018 ayant pour objet de rémunérer la journée de prestation de la société Jemoco, sans que le détail en soit précisé, fait état d’une rémunération à hauteur de 500 euros HT par jour, ce qui n’est pas un tarif particulièrement faible.
— sur l’enrichissement sans cause
Il incombe à la partie qui invoque l’enrichissement sans cause d’établir l’appauvrissement par elle subi et l’enrichissement corrélatif du défendeur, et qu’ils ont eu lieu sans cause.
En l’espèce, dans le préambule du projet d’association en date du 12 mars 2018, il est mentionné : ‘conscient de la plus value apportée par M. [B], les fondateurs de la société Seeqle décident d’octroyer des parts à M. [B], en nom propre, en tant qu’associé de la société Seeqle’. Il est prévu en contre-partie des parts octroyées, dans la première hypothèse d’une levée de fonds entre 1,5 et 2 M€, que ‘M. [B] s’engage à accompagner la société Seeqle en tant que conseiller à titre gratuit au sein du board et appliquer une décote de 50 % sur son tarif journalier passé, actuel et futur au titre du temps passé mais payé + parts (pour le risque pris)’. Dans la seconde hypothèse, 5 % sur la levée de fonds non plafonnée, il est prévu que ‘M. [B] s’engage à accompagner la société Seeqle en tant que conseiller à titre gratuit au sein du board et appliquer une décote à 100 % de la dette et de ses prestations envers la société Seeqle, passée, actuelle et future au titre du time-funding : temps passé gratuit en échange de parts.’
Il ne peut être déduit de la rédaction de ce projet d’association que le travail de M. [B] n’a pas été rémunéré.
L’échange de mails qui a suivi l’envoi de ce projet entre M. [B] et M. [D] montre qu’au 19 mars 2018, les prestations réalisées par la société Jemoco étaient facturées puisqu’à cette date, M. [B] reconnaissait que sur la facture 2018/0003 il restait devoir à la société Seeqle 1,2 jours sur les jours commandés.
Aucun des autres documents produits par la société Jemoco, notamment l’attestation rédigée par M. [N], ne permet d’établir la réalité d’un travail réalisé pour le compte de la société Seeqle qui n’aurait pas fait l’objet d’une facturation. La preuve de l’enrichissement sans cause n’est ainsi pas rapportée, étant rappelé de surcroît qu’au regard du caractère subsidiaire de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause, celle-ci ne peut être admise pour suppléer à une autre action que le demandeur ne peut intenter faute d’apporter les preuves qu’elle exige.
— sur la résistance abusive de la société Seeqle à payer les factures
La société Seeqle a justifié devant le juge des référés et justifie devant la cour des difficultés de trésorerie auxquelles elle a été confrontée en sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir abusivement résisté au paiement des sommes dues à la société Jemoco, étant observé qu’elle a respecté l’échéancier accordé par le juge des référés.
En conclusion de ce qui précède, la décision doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande indemnitaire formée par la société Jemoco. Il convient également de rejeter les demandes indemnitaires complémentaires formées à hauteur d’appel.
2) sur la recevabilité de l’intervention volontaire de M. [B]
M. [B], qui prétend être recevable à intervenir en cause d’appel sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile, indique qu’il intervient dans la procédure ni en qualité d’associé de la société Jemoco ni en qualité de représentant légal de celle-ci mais en son nom personnel puisque la société Seeqle affirme que c’est uniquement avec lui qu’elle est entrée en pourparlers. Il précise que sa demande en cause d’appel est le complément ou l’accessoire des demandes formulées en première instance relatives à la violation des engagements pris par la société Seeqle aux termes du projet d’accord du 12 mars 2018 et des différents courriers qui ont suivi ayant pour objet la rémunération des prestations informatiques par un apport ‘gratuit’ de titres.
La société Seeqle fait valoir que l’associé qui souhaite obtenir la réparation de son préjudice doit établir l’existence d’un préjudice distinct de celui de la société pour que son action soit recevable. Elle relève que M. [B] sollicite la réparation du même préjudice que celui réclamé par la société Jemoco, en sorte que le préjudice qu’il invoque ne se distingue pas de celui allégué par la société Jemoco dont il est l’associé unique. Elle ajoute, au visa des dispositions de l’article 554 du code de procédure civile, que M. [B] ne justifie pas d’un intérêt à intervenir, rappelant que l’intervention volontaire ne peut pas permettre à un intervenant de soumettre un nouveau litige et de présenter des demandes de condamnations personnelles qui n’ont pas fait l’objet d’un examen en première instance.
Enfin, elle relève que la demande n’a été soulevée pour la première fois que dans les conclusions d’appelant n°3 de la société Jemoco contrairement à ce que prévoit l’article 910-4 du code de procédure civile.
A raison du principe du respect du double degré de juridiction, l’article 554 du code de procédure civile ne permet pas à un intervenant en cause d’appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles non soumises aux premiers juges.
Tel est le cas en l’espèce des demandes de dommages et intérêts présentées par M. [B], intervenant volontairement en cause d’appel en son nom personnel, qui auraient pu être présentées en première instance et, dont, quel que soit l’intérêt invoqué par le dirigeant de la société Jemoco, l’objet est en réalité de soumettre à la cour d’appel un litige nouveau entre lui-même et la société Seeqle, peu important que le jugement du conseil des prud’homes lui déniant la qualité de salarié de la société Seeqle ait été rendu le 19 novembre 2021 après le jugement déféré à la cour.
M. [B] ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article 566 du code de procédure civile dès lors que, n’étant pas partie en première instance, les prétentions qu’il soumet à la cour ne peuvent être l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de celles soumises au tribunal par la société Jemoco.
L’intervention volontaire de M. [B] est donc irrecevable.
3) sur l’appel incident de la société Seeqle
La société Seeqle prétend que la société Jemoco n’a eu pour principale intention que de porter atteinte à sa santé financière et à sa réputation. Elle fait valoir que la société Jemoco et M. [B] multiplient les procédures judiciaires à son égard, que le dirigeant de la société Jemoco, en sa qualité de représentant légal, a contacté sur Linkedin un de ses investisseurs associés pour l’informer des procédures en cours, portant directement atteinte à l’image et à la réputation de ses associés fondateurs. Elle soutient que ce dénigrement et ces menaces d’intenter des actions en justice formulées de mauvaise foi par la société Jemoco auprès de ses investisseurs ont eu un impact néfaste direct pour elle du fait de la méfiance de ces derniers par suite de ces propos. Elle invoque la pression constante et la menace permanente que la société Jemoco fait peser sur elle, ce qui affecte psychologiquement ses fondateurs et porte atteinte à ses performances opérationnelles et financières dès lors que ceux-ci sont accaparés par les manoeuvres entreprises par la société Jemoco. Elle ajoute que les charges liées à la défense de ses intérêts dans le cadre des multiples procédures intentées à son encontre sont venues alourdir ses pertes notamment au titre des exercices 2019 et 2020. Elle demande en conséquence réparation de son préjudice moral et financier.
La société Jemoco n’a pas répondu sur ce point.
La conversation sur Messenger produite sous la pièce n°18 de l’intimée, entre M. [B] et M. [Z], dont il n’est pas démontré par la société Seeqle qu’il était alors un de ses investisseurs, ne permet pas d’établir l’impact néfaste qu’a pu avoir la révélation par le dirigeant de la société Jemoco des procédures opposant les deux sociétés. Ni le dénigrement allégué ni l’atteinte aux performances de la société ne sont établis. En tout état de cause, ces propos sont le fait de M. [B] et non pas de la société Jemoco en sorte que la société Seeqle ne peut rechercher sa responsabilité à ce titre.
Enfin, la société Seeqle ne démontre pas l’abus du droit d’agir en justice dans le cadre des diverses actions en paiement intentées par la société Jemoco à son encontre auxquelles au demeurant les juridictions ont fait droit.
Dans ces conditions, sa demande indemnitaire ne peut prospérer. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement ;
Déclare irrecevable l’intervention volontaire de M. [G] [B] ;
Y ajoutant,
Déboute la société Jemoco de ses demandes de dommages et intérêts ;
Condamne la société Jemoco aux dépens de la procédure d’appel qui pourront être recouvrés directement par maître Ricard pour ceux dont elle a fait l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Jemoco à payer à la société Seeqle la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller, pour la Présidente empêchée et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le conseiller,