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Le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique a été mise en mouvement devant le juge pénal.
Dans le cadre d’une double action civile et pénale pour fraude à une appellation d’origine (mélange de vins) le pénal ne tient pas systématiquement le civil en l’état.
Une société a été citée devant le Tribunal correctionnel pour avoir procédé à un mélange interdit avec un autre vin d’appellation d’origine, tromperie du consommateur pour avoir apposé sur des vins des étiquetages comportant des allégations fausses et étiquetages sur des vins de négoce faussement présentés comme « étant mis en bouteille à la propriété ».
La société a également été poursuivie au civil. En raison de l’existence de la procédure pénale, son adversaire a demandé en vain un sursis à statuer.
Aux termes de l’article 378, le sursis à statuer suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis. Le juge peut selon les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai (article 349).
La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil (article 4 du code de procédure pénale).
Le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique a été mise en mouvement devant le juge pénal.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Cet intérêt sera caractérisé quand une décision à rendre dans le cadre d’une autre instance pendante est de nature à influer sur la solution de la contestation.
Au cas présent, il n’était justifié d’aucune mise en mouvement de l’action publique visant des faits de nature pénale pour lesquels la société était victime. C’est cette dernière qui a pris l’initiative de se porter partie civile dont elle justifiait par la seule lettre de son conseil au parquet.
COUR D’APPEL
D’AIX-EN-PROVENCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 3-1
N° RG 18/13943 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BC66B
Ordonnance n° 2022/ M 112
SARL TERRES DES CAMBON, anciennement dénommée CHATEAU DE VALCYRE BENEZECH GAFFINEL,
Représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN- PROVENCE, assistée de Me Marie-Laure MARLE-PLANTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Appelante
SARL TEYRAN AGRI SERVICES
Représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Fabrice BABOIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
Intimée
ORDONNANCE D’INCIDENT
du 11 Octobre 2022
Nous, Marie-Christine BERQUET, magistrat de la mise en état de la Chambre 3-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assistée de Alain VERNOINE, Greffier,
Après débats à l’audience du 06 Septembre 2022, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 11 Octobre 2022, l’ordonnance suivante :
EXPOSE DU LITIGE
La société CHATEAU DE VALCYRE BENEZECH GAFFINEL, actuellement dénommée TERRES DES CAMBON, a fait assigner la société TEYRAN AGRI SERVICES devant le Tribunal de Grande instance de MARSEILLE pour contrefaçon.
Par jugement du 29 mars 2018, le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a :
— rejeté la demande de la société TEYRAN AGRI SERVICES tendant au prononcé de la nullité du procès-verbal de contrefaçon,
— rejeté la demande de la société TEYRAN AGRI SERVICES tendant au prononcé de la nullité de l’attestation rédigée par monsieur [G] le 16 janvier 2018,
— débouté la société TERRES DES CAMBON de son action en contrefaçon et des demandes subséquentes,
— débouté la société TEYRAN AGRI SERVICES de sa demande reconventionnelle en indemnisation pour procédure abusive,
— condamné la société TERRES DES CAMBONS aux entiers dépens et à payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société TERRES DES CAMBON a interjeté appel de cette décision par déclaration du 22 août 2018.
L’affaire a fait l’objet d’une fixation pour plaidoirie à l’audience du 13 janvier 2022, avec ordonnance de clôture prévue le 13 décembre 2021, puis d’une révocation de l’ordonnance de clôture et d’un renvoi à la mise en état.
Par conclusions du 10 décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société TERRES DES CAMBON a demandé au conseiller de la mise en état d’ordonner le sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive dans le cadre de la procédure pénale actuellement pendante devant le Tribunal Correctionnel de MONTPELLIER, et de reporter le prononcé de l’ordonnance de clôture prévue le 13 décembre 2021.
Elle fait valoir que la société TEYRAN AGRI SERVICES a été citée devant le Tribunal Correctionnel, de même que son dirigeant M. [R], notamment pour des usages frauduleux d’appellations d’origine et d’indication géographique protégée pour des vins ayant fait l’objet d’un mélange interdit avec un autre vin, des faits de tromperie du consommateur pour avoir apposé sur des vins des étiquetages comportant des allégations fausses, la qualité mensongère d’éleveur, des étiquetages sur des vins de négoce faussement présentés comme « étant mis en bouteille à la propriété », M [R] étant également notamment poursuivi pour avoir établi des factures de vente non conformes portant des dénonciations de vente fausse.
Par conclusions du 17 février 2022, la société TEYRAN AGRI SERVICES, au visa des articles 378 du code de procédure civile et 4 alinéa 2 du code de procédure pénale, demande au conseiller de la mise en état de débouter la société TERRES DES CAMBON de sa demande de sursis à statuer, de condamner la société TERRES DES CAMBON à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle soutient que le sursis à statuer ne se justifie pas, que la société TERRES DES CAMBON n’est pas partie civile à la procédure pénale qu’elle invoque, que l’action pénale et l’action civile ne sont relatives ni aux mêmes personnes, ni aux mêmes faits, que l’action pénale en l’occurrence n’a aucune incidence sur l’action civile en contrefaçon de marque intentée par la société TERRES DES CAMBON.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l’article 378, le sursis à statuer suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
Aux termes de l’article 349, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis. Le juge peut selon les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.
Aux termes de l’article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. Le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique a été mise en mouvement devant le juge pénal.
Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Cet intérêt sera caractérisé quand une décision à rendre dans le cadre d’une autre instance pendante est de nature à influer sur la solution de la contestation.
Au cas présent, il n’est justifié d’aucune mise en mouvement de l’action publique visant des faits de nature pénale pour lesquels la société TEYRAN AGRI SERVICESou M. [R] sont mis en cause, et dont la société TERRES DES CAMBON aurait été victime. C’est la société TERRES DES CAMBON qui a pris l’initiative de se porter partie civile dont elle justifie par la seule lettre de son conseil au parquet en date du 2 septembre 2022.
Si des analogies peuvent être faites en raison de la nature des faits donnant lieu à la procédure pénale et du contexte des faits de contrefaçon que la société TERRES DES CAMBON impute à la société TEYRAN AGRI SERVICES, l’issue de la procédure civile portant sur la contrefaçon de marque par reproduction n’est pas dépendante de celle de la procédure pénale susvisée qui ne porte pas sur les produits identifiés dans la procédure civile, ni ne vise la société TERRES DES CAMBON.
Dès lors la demande de sursis à statuer sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LE MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande visant à prononcer un sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive et irrévocable dans le cadre de la procédure pénale actuellement pendante devant le Tribunal Correctionnel de MONTPELLIER.
Réserve les dépens.
Fait à Aix-en-Provence, le 11 Octobre 2022
Le greffier Le magistrat de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
Le greffier