Clip du rappeur Nick Conrad : les poursuites pour haine raciale irrecevables
Clip du rappeur Nick Conrad : les poursuites pour haine raciale irrecevables
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 Les auteurs de paroles de rap (vidéoclip) incitant à la haine raciale ne peuvent être poursuivis par des associations constituées partie civiles que si celles-ci font état, dans l’acte de poursuite, de la circonstance aggravante du caractère racial de la provocation, lequel conditionne la recevabilité de l’action engagée par les associations (article 132-76 du code pénal).  

Violences sexuelles dans les vidéoclips

Une association a été jugée irrecevable à agir du chef de provocation directe, non suivie d’effet, à commettre des atteintes volontaires à la vie, des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et des agressions sexuelles, délit prévu et réprimé par l’article 24, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, à la suite de la diffusion, le 17 mai 2019, sur les réseaux sociaux d’un clip vidéo intitulé « Doux pays », le mettant en scène « en train d’étrangler une femme de couleur blanche, allongée sur le sol », tandis qu’un commentaire indiquait notamment « Je baise la France, je brûle la France, je baise la France, je baise la France jusqu’à l’agonie, j’ai brûlé la France, j’ai brûlé la France ».

L’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881

Au regard des exigences de l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, lorsqu’une citation vise le délit de provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, prévu par l’article 24-1° de la même loi, il appartient à l’association poursuivante d’énoncer, dans cet acte, les faits susceptibles d’établir le caractère racial de la provocation au sens de l’article 132-76 du code pénal. Sans cette mention l’action est irrecevable.  

Recevabilité de l’action

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves et l’honneur de leurs descendants, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (alinéa 7), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que les délits de provocation prévus par le 1° de l’article 24, lorsque la provocation concerne des crimes ou délits commis avec la circonstance aggravante prévue par l’article 132-76 du code pénal.

Mention de la circonstance aggravante impérative 

Pour déclarer irrecevable la citation délivrée par l’association, l’arrêt attaqué énonce à raison que l’acte aurait dû faire clairement état de la circonstance aggravante prévue par l’article 132-76 du code pénal, tenant au caractère racial de la provocation, lequel conditionnait la recevabilité de l’action engagée par les associations, celles-ci étant irrecevables à se constituer partie civile du seul chef de provocation non suivie d’effet à commettre des infractions d’atteintes à la vie, sans une telle aggravation.


N° A 22-83.578 F-D

N° 00141

SL2

7 FÉVRIER 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 7 FÉVRIER 2023

Les associations [3] et [1] contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-7, en date du 31 mars 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [T] [D], a déclaré irrecevable la citation directe.

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat des associations [3] et [1] contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne, et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l’audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. L’association [3] a fait citer le rappeur M. [T] [D] devant le tribunal correctionnel, du chef de provocation directe, non suivie d’effet, à commettre des atteintes volontaires à la vie, des atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et des agressions sexuelles, délit prévu et réprimé par l’article 24, alinéa 1, de la loi du29 juillet 1881, à la suite de la diffusion, le 17 mai 2019, sur les réseaux sociaux [4], [2] et [5], d’un clip vidéo intitulé « Doux pays », mettant en scène M. [D] « en train d’étrangler une femme de couleur blanche, allongée sur le sol », tandis qu’un commentaire indique notamment « Je baise la France, je brûle la France, je baise la France, je baise la France jusqu’à l’agonie, j’ai brûlé la France, j’ai brûlé la France ».

3. [1] ([1]) s’est constituée partie civile.

4. Les juges du premier degré ont déclaré la citation irrecevable.

5. Les parties civiles ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable la citation délivrée le 8 août 2019 par l’association [3], alors « que pour justifier de la recevabilité, au regard des exigences de l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, d’une citation visant le délit de provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne, prévu par l’article 24-1° de la même loi, il appartient uniquement à l’association poursuivante d’énoncer, dans cet acte, les faits susceptibles d’établir le caractère racial de la provocation au sens de l’article 132-76 du code pénal, sans être tenue de qualifier juridiquement ces faits ; qu’en l’espèce, pour dire la citation de l’association [3] irrecevable au regard des dispositions susvisées, après avoir admis que cet acte était régulier au regard des prescriptions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d’appel s’est bornée à énoncer que ladite citation ne faitsait pas « clairement état » de la circonstance aggravante prévue par l’article 132-76 du code pénal ; qu’en statuant ainsi, tout en relevant que la citation indiquait expressément que les termes et images ainsi visés « incitent directement l’internaute à commettre des atteintes à la vie sur les femmes de couleur blanche », et précise que « l’on identifie clairement une femme de couleur blanche étranglée et violentée », ce dont il résultait que le caractère racial de la provocation était parfaitement établi par cet acte, peu important que la partie poursuivante n’ait pas qualifié juridiquement ce caractère ni visé l’article 132-76 du code pénal, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

7. Pour déclarer irrecevable la citation délivrée par l’association [3], l’arrêt attaqué énonce que l’acte aurait dû faire clairement état de la circonstance aggravante prévue par l’article 132-76 du code pénal, tenant au caractère racial de la provocation, lequel conditionnait la recevabilité de l’action engagée par les associations, celles-ci étant irrecevables à se constituer partie civile du seul chef de provocation non suivie d’effet à commettre des infractions d’atteintes à la vie, sans une telle aggravation.

8. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.

9. En effet, la seule mention, à trois reprises dans la citation, de ce que l’agression visait une femme «de couleur blanche» ne suffisait pas à établir le caractère racial de la provocation, indispensable à la recevabilité de la citation de l’association [3], dès lors que celle-ci et l’AGRIF ne se prévalaient ni n’affirmaient explicitement celui-ci.

10. Ainsi, le moyen doit être écarté.

11. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-trois.


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