« Formule brevetée » : la parabole publicitaire est tolérée 

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« Formule brevetée » : la parabole publicitaire est tolérée 

Affaire Marius Fabre 

Il ressort de la communication commerciale de la société MARIUS FABRE qu’elle présente son savon comme un «savon noir mou à l’huile d’olives » dont la « formule exclusive à l’huile d’olive est brevetée » et qu’elle affirme sur son site internet être « le seul fabricant français de savon noir à l’huile d’olive » dont la formule « très concentrée » est donc très économique, et invite les consommateurs à «se méfier des contrefaçons ».

Cependant, il ressort de la présentation de l’art antérieur déjà examiné que traditionnellement, si l’huile de grignons d’olive est considérée comme un « sous-produit» issu des résidus – pulpe, peau, noyaux – de l’olive, elle est néanmoins présentée dans la catégorie des huiles dites «huile d’olive», au même titre que d’autres types d’huile utilisée, telle l’huile de lin, de palme, de coprah.

Pas de tromperie du consommateur

A ce titre, le règlement (UE) n°29/2012 du 13 janvier 2012 concerne les huiles destinées à l’alimentation. C’est en conséquence à juste titre que le tribunal en a déduit que l’emploi de ce terme ne peut être considéré en soi comme trompeur, ni de nature à influencer l’achat d’un produit essentiellement destiné au nettoyage de la maison.

Une formule brevetée unique  

Il ne peut davantage être reproché à la société MARIUS FABRE des actes de publicité trompeuse lorsqu’elle mentionne « la savonnerie Marius Fabre est le seul fabricant français de savon noir à l’huile d’olive, dont la formule est brevetée », puisque le brevet en cause avait bien été délivré par l’INPI et qu’il ne peut se déduire que cette information publicitaire, d’ordre assez général, et dont le propos est clairement de promouvoir le produit autant que de le décrire, présente un contenu s’écartant des usages habituels de la vie des affaires, comme l’a analysé le tribunal.

Le dénigrement écarté

La juridiction a également considéré que des faits de dénigrement imputés à la société MARIUS FABRE ne peuvent résulter de l’envoi de courriers alertant de manière générale leurs clients sur les risques de contrefaçon de ses produits, sans viser aucun de ses concurrents. 

En effet, ces courriers d’une part, ne peuvent s’analyser comme une opération massive visant à déstabiliser les autres opérateurs du marché, et d’autre part, restent dans des termes mesurés se limitant à mentionner « des informations (…) » selon lesquelles les procédés de fabrication visés « entreraient dans la portée de la demande de brevet », ce qui constitue une formulation classique de mise en connaissance de cause qu’il appartient au destinataire de contester, selon les modalités qu’il estime appropriées.

C’est donc à juste titre que le tribunal a débouté les sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRE PROVENDI de leurs demandes reconventionnelles formulées au titre de la concurrence déloyale. 


COUR D’APPEL DE PARIS 

ARRET DU 21 septembre 2022 

Pôle 5 – Chambre 1 (n° 133/2022) Numéro d’inscription au répertoire général : 20/01532 –��N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKR6 

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 novembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 17/09503

APPELANTE 

SAS ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SALON DE PROVENCE sous le numéro 635 680 291 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 148 avenue Paul Bourret 13300 SALON DE PROVENCE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée de Me Loul ig BRETEL de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES,

INTIMEES

SAS BRUNEL CHIMIE DERIVES Société au capital de 591 600 euros Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LILLE METROPOLE sous le numéro 378 517 148 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 14 Rue Harald Stammbach 59290 WASQUEHAL

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010 Assistée de Me Gwenola GUIZIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1889

SASU LABORATOIRES PROVENDI Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de THONON LES BAINS sous le numéro 411 860 182 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège 

341 rue du Grand Viré 74890 BONS EN CHABLAIS

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090 Assistée de Me Jean-Christophe GUERRINI de la SELARL PLASSERAUDAVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

COMPOSITION DE LA COUR : 

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseil ère et Mme Déborah BOHÉE, conseil ère, chargée d’instruire l’affaire, laquel e a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabel e DOUILLET, présidente de chambre Mme Françoise BARUTEL, conseil ère Mme Déborah BOHÉE, conseil ère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine A

ARRÊT : 

— Contradictoire 

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Isabel e DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine A, Greffière, à laquel e la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE 

La société ETABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE S.A.S. (ci- après « MARIUS FABRE ››), immatriculée le 27 septembre 1956, se présente comme exploitant une savonnerie traditionnel e de savon de Marseil e depuis 1900. El e a progressivement diversifié son activité pour proposer des gammes variées de savons (savons d’Alep, noir ou au beurre de karité) – ainsi que des produits cosmétiques, et indique réaliser en 2016 un chiffre d’affaires global de 7,4 mil ions d’euros dont 30 % à l’international avec un effectif de 38 salariés.

La société MARIUS FABRE expose avoir développé un nouveau produit qu’el e désigne comme « savon mou» autrement appelé «savon noir», présentant la particularité d’être fabriqué à base d’huile de grignons d’olive – qu’el e définit comme un sous-produit issu du processus d’extraction de l’huile d’olive composé des peaux, des résidus de la pulpe et des fragments des noyaux d’olives – au lieu et place de l’huile de lin traditionnel ement utilisée comme base des savons noirs, et présenté comme ayant à la fois des propriétés hydratantes et un pouvoir lavant intéressant.

El e est titulaire du brevet français FR 2 963 935 (ci-après FR 935) déposé le 5 octobre 2010 et dont la délivrance a été publiée le 17 août 2012, ayant pour intitulé « savon noir à l’huile de grignons d’olives », qui comporte 10 revendications dont les 3 premières sont relatives à un produit dit « savon mou », les 4 et 5 à son procédé de fabrication, la 6 au procédé de fabrication d’un savon liquide par dilution du précédent, et la 7 au dit savon liquide (viscosité). Les revendications 8, 9 et 10 portent enfin respectivement sur une composition cosmétique, un produit d’entretien ménager et un produit naturel destiné au lavage et soin des animaux domestiques, et comprenant « un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la revendication 7 ».

Ce brevet a fait l’objet d’un rapport de recherches préliminaires de l’INPI le 8 juin 2011 quant à la brevetabilité de l’invention, l’examinateur indiquant notamment que les revendications ne semblaient pas résulter d’une activité inventive au regard des documents relevés mais de l’application connue des connaissances de l’art antérieur ou de l’évidence, puis, suite à la réponse de la société MARIUS FABRE, a été effectivement enregistré.

Ce titre est maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités.

La société BRUNEL CHIMIE DERIVES (ci-après « BRUNEL CHIMIE »), immatriculée le 5 août 2010, se présente comme issue d’une entreprise familiale créée en 1946 et spécialisée dans les produits d’entretien, détergents et de soin de la maison, dont le fonds de commerce BRUNEL FRERES a été transféré en 1983 à la société SA CHIMIE DERIVES, laquel e a ensuite été absorbée par le groupe BRUNEL ayant adopté la dénomination sociale BRUNEL CHIMIE DERIVES. El e est située dans la région lil oise et emploie environ 270 personnes, notamment au sein de son usine située à Noyel es les Seclin. El e expose être engagée dans une démarche écologique et de développement durable.

La société LABORATOIRES PROVENDI, laboratoire et artisan savonnier, a été immatriculée le 6 mai 1997. El e fabrique et commercialise notamment des savons noirs à l’huile d’olive qu’el e fournit à la société BRUNEL CHIMIE.

Ayant découvert au début de l’année 2012 la commercialisation par la société BRUNEL CHIMIE de savons noirs liquides à base d’huile d’olive dont el e estimait qu’ils portaient atteinte aux droits issus de sa demande de brevet, la société MARIUS FABRE lui a adressé le 6 mars 2012 une lettre l’informant de l’existence de ce titre et la mettant en demeure de cesser la production des savons noirs liquides en cause, ce qui a donné lieu à une réponse du 5 avril suivant puis à différents échanges entre les parties, au terme desquels la société BRUNEL CHIMIE n’a pas estimé devoir se soumettre à cette injonction.

Sur la base des résultats d’une analyse chimique de quatre échantil ons des produits litigieux communiqués le 28 septembre 2012, la société MARIUS FABRE a ensuite, par acte délivré le 24 juil et 2014, fait assigner les sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRES PROVENDI pour voir constater des actes de contrefaçon du brevet FR 935, et sol iciter des mesures indemnitaires et d’interdiction.

L’affaire a été radiée le 29 octobre 2015 et rétablie le 7 juil et 2017 à l’initiative de la société BRUNEL CHIMIE.

Le 15 septembre 2017, la société MARIUS FABRE a sol icité et obtenu l’autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société BRUNEL CHIMIE, lesquel es se sont déroulées le 22 septembre 2017 et ont conduit à l’appréhension de deux types de produits de savon noir portant la marque STARWAX, qui ont été soumis à d’autres analyses dont les résultats ont été jugés «aberrants» par la demanderesse qui a donc fait procéder à de nouveaux examens, cette fois sur la base d’articles obtenus au moyen d’un constat d’achat réalisé le 9 avril 2018, dont les résultats ont été obtenus le 22 mai 2018.

Par jugement du 8 novembre 2019, dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a rendu la décision suivante : 

– DECLARE RECEVABLES les demandes tendant à la nul ité des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 963 935 de la société MARIUS FABRE ;

– REJETTE l’exception d’incompétence du tribunal au profit du juge de la mise en état pour la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 615-5-l du code de la propriété intel ectuel e ;

– REJETTE les demandes de nul ité du brevet FR 2 963 935 pour insuffisance de description et défaut de nouveauté ;

– PRONONCE la nul ité des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 963 935 pour défaut d’activité inventive ;

– DIT que la décision une fois définitive sera transmise à l’INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l’initiative de la partie la plus diligente ;

– DIT n’y avoir lieu de statuer sur les demandes fondées sur la contrefaçon et prétentions subséquentes s’y rattachant ;

– DEBOUTE la société MARIUS FABRE de ses demandes fondées sur la concurrence parasitaire ; 

— DEBOUTE la société BRUNEL CHIMIE de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

– DEBOUTE la société LABORATOIRES PROVENDI de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

– REJETTE les demandes présentées au titre de la procédure abusive ;

– CONDAMNE la société MARIUS FABRE à verser 50.000 euros à la société BRUNEL CHIMIE et 30.000 euros à la société LABORATOIRES PROVENDI au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE la société MARIUS FABRE aux dépens qui seront recouvrés par Maître Gwenola GUIZIOU et Maître Jean-Christophe GUERRINI conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société MARIUS FABRE a interjeté appel de ce jugement le 14 janvier 2020. Vu les dernières conclusions n°5 remises au greffe et notifiées par RPVA le 8 avril 2022 par la société ETABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE, appelante et intimée incidente, qui demande à la cour, de :

— Réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 8 novembre 2019 en ce qu’il a :

o déclaré recevables les demandes tendant à la nul ité des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 963 935 de la société MARIUS FABRE ; o prononcé la nul ité des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 963 935 pour défaut d’activité inventive ; o dit que la décision une fois définitive sera transmise à l’INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l’initiative de la partie la plus diligente ; o dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes fondées sur la contrefaçon et prétentions subséquentes s’y rattachant ; o débouté la société MARIUS FABRE de ses demandes fondées sur la concurrence parasitaire; o condamné la société MARIUS FABRE à verser 50 000 euros à la société BRUNEL CHIMIE et 30 000 euros à la société LABORATOIRES PROVENDI au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; o condamné la société MARIUS FABRE aux dépens qui seront recouvrés par Maître Gwenola GUIZIOU et Maître Jean- Christophe GUERRINIconformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 8 novembre 2019 pour le surplus.

Et statuant de nouveau : 

— Juger irrecevable et rejeter la demande d’annulation des revendications 1 à 5 et 8 à 10 du brevet n° 2 963 935 formée par les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI.

À titre principal, 

– Débouter BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRES PROVENDI de toutes leurs demandes formulées dans leurs conclusions d’appel.

– Dire et juger que les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI ont commis des actes de contrefaçon des revendications 6 et 7 du brevet n° 2 963 935, notamment en fabriquant et en mettant dans le commerce les savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous ».

– Interdire aux sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI de poursuivre les actes de contrefaçon des revendications 6 et 7 du brevet n° 2 963 935, notamment la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation ou la détention à ces fins des savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous », sous astreinte de 100 euros par savon contrefaisant concerné.

– Ordonner à la société BRUNEL-CHIME DÉRIVÉS de retirer des circuits commerciaux les savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous » contrefaisants et de les remettre à la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE dans un délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et de 100 euros par infraction constatée pour les savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous » persistants sur le marché.

— Avant dire droit sur le préjudice : o Ordonner une expertise aux frais avancés par les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI. o Désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :

– Prendre connaissance des éléments de la cause ;

– Se faire remettre tous documents et pièces contractuel es ou comptables et, plus généralement, tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;

– Déterminer la masse contrefaisante des savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous », en particulier les quantités produites et les quantités vendues ;

– Déterminer le chiffre d’affaires et le bénéfice réalisés par les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI sur la vente des savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous » ;

– Déterminer le gain manqué par la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE sur la vente des savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous » ; 

— Fournir tous éléments de nature à permettre à la Cour d’évaluer les préjudices causés à la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE ;

– Réunir les parties en tout lieu qu’il jugera utile ;

– Recueil ir contradictoirement les explications des parties ainsi que de tout sachant ;

– Faire connaître aux parties ou à leurs conseils, par écrit ou à l’occasion d’une réunion de synthèse, ses conclusions en vue de recueil ir leurs dernières observations avant le dépôt de son rapport ; y joindre une évaluation de ses frais et honoraires.

o Faire injonction aux sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI de produire tous documents et toutes informations nécessaires à la détermination de l’origine et des réseaux de distribution des savons noirs liquides « Starwax » et « Starwax The fabulous ».

o En conséquence, ordonner que les documents et informations susvisés porteront notamment sur :

– les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des savons noirs liquides contrefaisants ainsi que des grossistes et des détail ants destinataires ;

– les quantités produites, offertes en vente, vendues, livrées et reçues des savons noirs liquides contrefaisants ;

– les prix et tous autres avantages financiers obtenus en contrepartie des actes mentionnés aux points précédents. o Dire que l’expert désigné pourra recueil ir l’avis d’autres techniciens dans des spécialités distinctes de la sienne à charge de respecter le principe du contradictoire et de joindre l’avis obtenu à son rapport. o Dire que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour dans les six mois de sa saisine. o Dire qu’en cas de difficulté, l’expert saisira la Cour en tant que juge désigné pour le contrôle de l’expertise. o Donner acte à la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE que sur la base du résultat de l’expertise, el e se réserve le droit de préciser ses chefs de demande et/ou de compléter le quantum de ses préjudices.

— Condamner les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI, in solidum, à verser à la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE la somme de 100000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts réparant les préjudices résultant des actes de contrefaçon.

À titre subsidiaire, 

– Condamner la société BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS à verser à la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE la somme de 25 

000 euros à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice résultant des actes de parasitisme.

En tout état de cause, 

– Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE et aux frais avancés des sociétés BRUNEL- CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI, in solidum, pour un montant maximal de 5 000 euros HT par publication.

– Condamner les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI, in solidum, à payer à la société ÉTABLISSEMENTS MARIUS FABRE JEUNE la somme de 75000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner in solidum les sociétés BRUNEL-CHIMIE DÉRIVÉS et LABORATOIRES PROVENDI aux entiers dépens.

– Dire que le cabinet Lexavoué Paris-Versail es pourra recouvrer les dépens directement aux conditions prévues à l’article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 décembre 2021 par la société BRUNEL CHIMIE DERIVES, intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de:

— Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu’il a : o Rejeté les demandes en nul ité des revendications 1 à 10 du brevet FR 2 963 935 de la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE pour insuffisance de description, absence de caractère spéculatif et défaut de nouveauté ; o Ecarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action formée par la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE au titre des actes de concurrence déloyale et du parasitisme ; o Débouté la société BRUNEL CHIMIE DERIVES de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ; o Rejeté les demandes de la société BRUNEL CHIMIE DERIVES au titre de la procédure abusive ; o Rejeté les demandes de la société BRUNEL CHIMIE DERIVES visant à ordonner la publication de la décision à intervenir, en entier ou par extraits, dans dix journaux ou périodiques au choix de la société BRUNEL CHIMIE DERIVES et aux frais avancés de la société MARIUS FABRE et ce à raison de la somme de 10 000 (dix mil e) euros TTC par publication.

— Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 8 novembre 2019 pour le surplus ;

Et statuant à nouveau :

— Dire et juger que le brevet publié sous le N°FR 2 963 935 enregistré sous le N°10 58065 dont la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE 

JEUNE est titulaire est dénué de validité pour insuffisance de description et présente un caractère spéculatif ;

– Déclarer nul en toutes ses revendications le brevet publié sous le N°FR 2 963 935 enregistré sous le N°10 58065 pour insuffisance de description et caractère spéculatif ;

– Dire et juger que le brevet publié sous le N°FR 2 963 935 enregistré sous le N°10 58065 dont la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE est titulaire est nul pour défaut de nouveauté ;

– Déclarer nul es les revendications 1 à 10 du brevet publié sous le N°FR 2 963 935 enregistré sous le N°10 58065 pour défaut de nouveauté ;

– Dire que la décision une fois définitive sera transmise à l’INPI pour être inscrite au Registre National des Brevets à l’INPI à l’initiative de la partie la plus diligente ;

– Dire et juger irrecevable car prescrite l’action en concurrence déloyale formée par la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE à l’encontre de la société BRUNEL CHIMIE DERIVES ;

– Déclarer la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE irrecevable en ces demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

– Dire et juger que la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE a commis des actes de concurrence déloyale, de dénigrement et un abus du droit d’ester en justice dont el e doit réparation ;

– Condamner la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE à verser à la société BRUNEL CHIMIE DERIVES la somme de 200.000 (deux cent mil e) euros au titre des actes de concurrence déloyale, des actes de dénigrement et ce en application des articles 1240 et suivants du Code Civil ;

– Condamner la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE à verser à la société BRUNEL CHIMIE DERIVES la somme de 40 000 (quarante mil e) euros à titre indemnitaire pour procédure abusive ;

– Ordonner la publication de l’arrêt, en entier ou par extraits, dans dix journaux ou périodiques au choix de la société BRUNEL CHIMIE DERIVES, et aux frais avancés de la société MARIUS FABRE, et ce à raison de la somme de 10 000 (dix mil e) euros TTC par publication ;

– Condamner la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE à verser à la société BRUNEL CHIMIE DERIVES la somme de 100.000 (cent mil e) euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Condamner la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE aux entiers dépens ;

– Dire que Maître Vincent RIBAUT, avocat au barreau de Paris pourra recouvrer les dépens directement aux conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

– Recevoir la société BRUNEL CHIMIE DERIVES en ses demandes en garantie à l’encontre de la société LABORATOIRES PROVENDI ;

– Condamner la société LABORATOIRES PROVENDI à garantir la société BRUNEL CHIMIE DERIVES de l’ensemble des condamnations 

qui pourraient être prononcées à son encontre du fait de l’action en contrefaçonde la société ETABLISSEMENT MARIUS FABRE JEUNE.

Vu les dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 avril 2022 par la société LABORATOIRES PROVENDI, intimée et appelante incidente, qui demande à la cour de:

— Débouter la société Marius Fabre de ses demandes,

— Confirmer le jugement du 8 novembre 2019 en ce qu’il a :

– annulé le brevet n° FR 2 963 935 en toutes ses revendications, au besoin par substitution de motifs, pour insuffisance de description ou défaut de nouveauté, 

– dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes fondées sur la contrefaçon et prétentions subséquentes s’y rattachant, 

– condamné la société Etablissement Marius Fabre Jeune à payer la somme de 30.000 euros à la société Laboratoires Provendi au titre de l’article 700 du code de procédure civile 

– condamné la société Etablissement Marius Fabre Jeune aux dépens

— Infirmer le jugement du 8 novembre 2019 en ce qu’il a :

– débouté la société LABORATOIRES PROVENDI de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale ;

– rejeté les demandes présentées au titre de la procédure abusive

Statuant à nouveau, 

– Condamner la société Etablissement Marius Fabre Jeune à payer à la société Laboratoires Provendi la somme de 50.000 € à titre indemnitaire en réparation du préjudice souffert du fait des actes de concurrence déloyale, 

– Condamner la société Etablissement Marius Fabre Jeune à payer à la société Laboratoires Provendi la somme de 10.000 € à titre indemnitaire pour procédure abusive, 

– Ordonner la publication de l’arrêt dans 3 journaux ou revues au choix de Laboratoires Provendi et aux frais avancés d’Etablissement Marius Fabre Jeune, sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser la somme de 10.000 € H.T,

En tout état de cause, 

– Débouter la société Brunel Chimie de sa demande de condamnation de la société Laboratoires Provendi à la garantir de toutes condamnations, 

– Condamner la société Etablissement Marius Fabre Jeune à payer à la société Laboratoires Provendi la somme de 110.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, 

– Condamner la société Etablissement Marius Fabre Jeune aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT 

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’el es ont transmises, tel es que susvisées.

Sur le chef du jugement non contesté en appel 

La cour constate que le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence du tribunal au profit du juge de la mise en état pour la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 615-5-l du code de la propriété intel ectuel e et doit en conséquence être confirmé de ce chef.

Sur l’étendue de la recevabilité à agir en nullité du brevet FR 935 des sociétés BRUNEL-CHIMIE et LABORATOIRES PROVENDI

La société MARIUS FABRE soutient que les demandes reconventionnel es en nul ité des revendications 1 à 5 et 8 à 10 du brevet n°935 sont irrecevables dès lors que l’objet de sa demande a toujours concerné uniquement la contrefaçon des revendications 6 et 7 du brevet FR 935. El e précise que le seul fait qu’un chef de demande du dispositif de ses conclusions devant le tribunal porte sur l’interdiction de la poursuite des actes de contrefaçon et d’exploitation de tout savon reproduisant « les revendications du brevet n°935 », sans autre précision, ne permet pas de considérer que l’objet de la demande porte sur la contrefaçon de ce brevet dans son ensemble. El e ajoute que les revendications en cause sont totalement indépendantes des revendications 6 et 7 opposées. El e relève en outre que les sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRES PROVENDI ne justifient d’aucun intérêt à demander l’annulation des revendications 1 à 5 et 8 à 10 dès lors qu’el es ne démontrent pas en quoi ces revendications constitueraient un obstacle à leur activité ou un risque d’action en contrefaçon.

En réponse, les sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRES PROVENDI font valoir que la société MARIUS FABRE a formé, dans le dispositif de son assignation et de ses dernières conclusions, une demande générale d’interdiction de fabrication, d’importation, d’offre, de mise sur le marché, d’utilisation ou de détention à ces fins « de tout savon reproduisant les revendications du brevet FR-B-2 963 935 », l’interprétant comme une demande fondée sur l’intégralité des revendications dudit brevet. El es soutiennent ensuite disposer d’un intérêt à sol iciter la nul ité de l’ensemble des revendications du brevet FR 935 dès lors qu’il existe un lien de dépendance et d’interconnexion entre les revendications 6 et 7, d’une part, et 1 à 3, d’autre part, dont les revendications 4 et 5 dépendent et qu’en tout état de cause le 

maintien du brevet est susceptible de causer une entrave à leur activité économique et au développement de la gamme de leurs produits.

Sur ce, c’est par de justes motifs adoptés par la cour que les premiers juges après avoir constaté que dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société MARIUS FABRE demandait au tribunal d’interdire aux sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRES PROVENDI notamment la fabrication de tout savon reproduisant les revendications du brevet FR 935, en ont déduit la recevabilité à agir en nul ité de l’ensemble des revendications du brevet en cause de ces dernières. Il y a seulement lieu pour la cour d’ajouter que les deux intimées démontrent en outre leur intérêt à agir dans la mesure où le maintien de ce brevet est susceptible de causer une entrave à leur activité économique et au développement de la gamme de leurs produits, au regard notamment de l’engouement des consommateurs pour le recours aux produits d’entretien traditionnels, la société BRUNEL CHIMIE commercialisant une large gamme d’articles de nettoyage et d’entretien s’y référant et la société LABORATOIRES PROVENDI fabriquant depuis de nombreuses années des produits d’entretien notamment à base de produits naturels, en tant qu’artisan savonnier.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a écarté la fin de non- recevoir opposée par la société MARIUS FABRE sur ce point, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Présentation, objet et portée du brevet FR 935 : 

Le brevet n°935 concerne le domaine des savons et leurs applications.

Il est rappelé dans sa partie descriptive que la matière première ancestrale pour la réaction de saponification du savon dur est l’huile d’olive de Provence et la soude provenant des cendres des plantes des milieux salins connu sous le nom de « Savon de Marseil e » fabriqué dans cette vil e depuis le XIIe siècle (page 1, lignes 13 à 18). D’autres savons dits « mous » sont fabriqués à partir d’huile et de potasse (ou d’un mélange potasse/soude majoritaire en potasse), parmi lesquels figurent les savons noirs, dont la coloration provient des huiles utilisées comme matière première, le plus souvent de l’huile de lin.

La description précise que malgré un avantage économique conséquent, l’utilisation d’huile de lin dans la fabrication des savons noirs présente le désavantage de les rendre très détergents et agressifs et que le brevet résulte de la recherche d’une amélioration de la base lavante de ces savons afin de proposer un savon ayant de meil eures propriétés, notamment un meil eur pouvoir lavant, associé à un bon pouvoir hydratant, et qui présente des avantages par rapport à l’huile de lin (lignes 26 à 30). L’huile de grignons d’olive s’est avérée dans ce cadre constituer une base lavante intéressante et la saponification de cette huile conduit à un savon mou très sombre, ayant des propriétés hydratantes inattendues susceptibles d’être dues à la présence à la fois de matières saponifiées et de matières insaponifiables piégées, à l’origine des propriétés du produit fini (page 2, lignes 7 à 17).

L’invention du brevet n° 2 963 935 a ainsi pour objet un savon mou caractérisé en ce qu’il est susceptible d’être obtenu par saponification d’une matière huileuse « comprenant au moins 5 %, de préférence de 10 % à 90 %, très préférentiellement de 30 à 72 %, encore plus préférentiellement au moins 50 % d’huile de grignons d’olive de couleur noire, en poids par rapport au poids total de matière huileuse, avec de la potasse, et en ce qu’il est mou, à savoir d’une viscosité comprise entre 50000 et 100000 mPa-s1. De préférence, le savon mou de l’invention comprend 35 à 70 % de sels d’acides gras, de préférence choisis parmi le potassium olivate, le potassium cocoate et le potassium palmate. Avantageusement, la saponification est conduite en présence de potasse et/ou de carbonate de potassium, et de soude »(page 2, lignes 22 à 30). Suivant un mode de réalisation préféré, le savon obtenu est de couleur sombre, de préférence vert bronze à noir et cette couleur vient de l’huile de grignons d’olive, utilisée dans ce mode de réalisation.

L’invention a également pour objet un procédé de fabrication de savon mou tel que décrit, caractérisé en ce que « l’on saponifie de l’huile de grignon d’olive, seule ou en combinaison avec d’autres huiles, avec de la potasse et/ou de la soude dans un chaudron à chaud (de préférence à température d’ébullition du mélange, très préférentiellement à 100°C). Suivant un mode de réalisation préféré, l’on saponifie 30-50 % d’huile de grignons d’olives, 0- 20 % d’huile de coprah-palme 80/20, avec 0-5 % de carbonate de potassium, 10-20 % de potasse, 0-4 % de soude et jusqu’à 100 % d’eau », les pourcentages étant donnés en poids par rapport au poids total du mélange réactionnel avant le début de la réaction (page 3, lignes 4 à 12).

L’invention a également pour objet un procédé de fabrication d’un savon liquide par dilution d’un savon mou tel que ci-dessus décrit, caractérisé par un « mélange 25 à 45 %, de préférence 30 à 38 % de savon mou dans 55 à 75 %, de préférence 62 à 70 %, d’eau, les pourcentages étant exprimés en volume par rapport au volume total de produit fini, et que l’on porte ce mélange à ébullition » ainsi qu’ « un savon liquide obtenu par le procédé décrit ci- avant, caractérisé en ce qu’il a une viscosité comprise entre 500 et 20000 mPa-s, préférentiellement entre 1000 et 15000 mPa-s, plus préférentiellement entre 1900 et 11000 mPa-s» (page 3, lignes 12 à 19).

Différents usages (ménagers, cosmétiques) de ces préparations sont ensuite suggérés.

1 Mesure de la viscosité. 

Le brevet se compose ainsi de dix revendications, qui sont les suivantes : 1. Savon mou caractérisé en ce qu’il est susceptible d’être obtenu par saponification d’une matière huileuse comprenant au moins 5 % d’huile de grignons d’olive de couleur noire, en poids par rapport au poids total de matière huileuse, avec de la potasse, et en ce qu’il est mou, à savoir d’une viscosité comprise entre 50000 et 100000 mPa-s.

2. Savon mou selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit savon comprend 35 à 70 % de sels d’acides gras, de préférence choisis parmi le potassium olivate, le potassium cocoate et le potassium palmate.

3. Savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que ladite saponification est conduite en présence de potasse et/ou de carbonate de potassium, et de soude.

4. Procédé de fabrication de savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l’on saponifie de l’huile de grignon d’olive, seule ou en combinaison avec d’autres huiles, avec de la potasse et/ou de la soude dans un chaudron à chaud.

5. Procédé selon la revendication 4, caractérisé en ce que l’on saponifie 30-50 % d’huile de grignons d’olives, 0-20 % d’huile de coprah-palme 80/20, avec 0-5 % de carbonate de potassium, 10-20 % de potasse, 0- 4 % de soude et jusqu’à 100 % d’eau, les pourcentages étant donnés en poids par rapport au poids total du mélange réactionnel avant le début de la réaction.

6. Procédé de fabrication d’un savon liquide par dilution d’un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l’on mélange 25 à 45 %, de préférence 30 à 38 % de savon mou dans 55 à 75 %, de préférence 62 à 70 %, d’eau, les pourcentages étant exprimés en volume par rapport au volume total de produit fini, et que l’on porte ce mélange à ébullition.

7. Savon liquide obtenu par le procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce qu’il a une viscosité comprise entre 500 et 20000 mPa-s, préférentiellement entre 1000 et 15000 mPa-s, plus préférentiellement entre 1900 et 11000 mPa-s.

8. Composition cosmétique comprenant un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la revendication 7, ladite composition cosmétique étant de type notamment produit de toilette pour la peau et/ou les cheveux, par exemple un shampooing, un gel douche, ou une lotion nettoyante pour le corps ou le visage.

9. Produit d’entretien ménager comprenant un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la 

revendication 7, ledit produit étant utile pour nettoyer ou détacher des surfaces ou des vêtements.

10. Produit naturel comprenant un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la revendication 7, ledit produit étant notamment destiné au lavage, nettoyage et soin des animaux, en particulier des animaux domestiques et des chevaux.

Le brevet FR 935 porte en conséquence sur un savon, son procédé de fabrication, un procédé de fabrication de savon liquide, le savon liquide obtenu et ses différents usages.

Sur la portée du brevet 

Les parties débattent sur l’objet et la portée du brevet et plus particulièrement sur la définition ou la composition de l’huile de grignons d’olive. Dans la description détail ée du brevet, il est précisé que « l’huile de grignons d’olive diffère de l’huile d’olive classique par sa composition. En effet, l’huile de grignons d’olive contient des molécules issues de la peau des olives ou de la pulpe, qui donnent sa couleur noire à cette huile. (…) Selon un mode préféré de réalisation, l’huile de grignons d’olive utilisée dans l’invention est une huile de grignons d’olive brute de couleur noire, extraite par traitement physique (pressage) ou chimique (par actions de solvants) des grignons d’olive. Avantageusement, l’huile de grignons d’olive est obtenue par traitement physique (pressage) des grignons. » Dans la partie « Définition » du brevet, le grignon d’olive est défini comme un « sous-produit du processus d’extraction de l’huile d’olive, composé des peaux, des résidus de la pulpe et des fragments de noyaux des olives » et l’huile de grignons d’olive comme « une huile végétale obtenue lors de la pression des grignons d’olive. L’huile de grignons d’olive correspond donc à une pression des olives qui n’est pas la première ni la seconde pression. »

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société MARIUS FABRE, rien dans le brevet ne permet de retenir que l’huile de grignons d’olive serait définie au regard de la norme ISO 8088 de 1994, soit une huile obtenue uniquement par traitement aux solvants des grignons d’olive. La cour relève en outre que s’agissant d’une norme édictée bien antérieurement au brevet, la société déposante n’aurait pas manqué de s’y référer si el e avait entendu limiter ainsi la composition du produit. En conséquence, il n’y a pas lieu de restreindre la définition de cette huile de grignons d’olive, au regard de cel e mentionnée dans le brevet.

Sur l’homme du métier L’homme du métier est celui qui possède les connaissances normales du domaine technique en cause et est capable, à l’aide de ses seules 

connaissances et aptitudes professionnel es, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l’invention.

L’homme de métier en l’espèce est un professionnel capable de fabriquer du savon, quel qu’en soit le procédé, disposant de compétences en chimie et en cosmétique. Son champ de compétence recouvre les procédés de saponification de différents types de savons destinés à des utilisations cosmétiques, détergente ou bactéricide. Cette définition du « maître savonnier » suggérée par la société BRUNEL CHIMIE n’est pas contestée par la société MARIUS FABRE.

Sur l’art antérieur pertinent

L’état de la technique le plus proche à sélectionner doit être pertinent, c’est-à-dire qu’il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurel es et fonctionnel es pour parvenir à l’invention revendiquée. Cet état de la technique le plus proche doit donc viser à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l’invention ou au moins appartenir au même domaine technique que l’invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié.

Dans son introduction, le brevet mentionne le document GR1005921 qui décrit un savon à base de pulpe d’olive en phase de changement de couleur utilisant des olives impropres à la consommation, indiquant que ce procédé n’apporte pas d’avantage économique et ne permet pas d’obtenir un savon « mou » noir.

Les sociétés BRUNEL CHIMIE et PROVENDI soutiennent que plusieurs documents de l’art antérieur divulguent l’utilisation de grignons d’olive pour la fabrication de savon et notamment :

– le rapport sur la fabrication des savons de d’A, P, L de 1794, 

– le traité Pratique de Savonnerie d’Edouard M, datant de 1895, 

– le document X « Le marché et la production de l’huile d’olive en Tunisie ››, annales de géographie 1953, 

– le document sur les savons et savonniers à Nyons au XVIIème siècle, daté de 2001, 

– le concours régional de 2009 des Olympiades de la chimie de l’académie de Rouen.

La société MARIUS FABRE soutient que l’état de la technique pertinent est celui des savons noirs mous ou liquides et non celui des savons solides.

La cour retient cependant qu’il n’existe aucun argument pertinent justifiant de cantonner l’état de la technique aux seuls savons mous, l’art des maîtres savonniers revendiqué par la société MARIUS FABRE el e-même s’appliquant quel e que soit la texture du produit fabriqué destiné au même usage et portant sur le même domaine technique.

– Sur la validité du brevet FR 935 : 

Sur l’insuffisance de description : La société BRUNEL CHIMIE et la société LABORATOIRE PROVENDI soutiennent que l’invention revendiquée est spéculative et insuffisamment décrite dès lors que :

– le brevet invoqué ne comprend aucune démonstration des effets qu’il al ègue s’agissant notamment de ses meil eurs pouvoirs lavant et hydratant, au regard des savons qui existaient antérieurement, alors qu’il s’agit du problème technique qu’il prétend résoudre ;

– la couleur (uniquement liée à l’utilisation d’une huile de grignons d’olive noire), la viscosité du savon (le fait que le savon soit mou est inhérent aux mesures de viscosité) ou encore l’avantage économique consistant à utiliser une huile issue du traitement des grignons d’olive ne supportent aucun effet technique. El es ajoutent également que le brevet ne comporte aucun descriptif précis du procédé de saponification utilisé pour l’obtention de ce savon mou, (durée de cuisson, pourcentage des bases utilisées, teneur en potasse, couleur, indice de saponification), outre qu’il comporte des contradictions quant à l’emploi ou non de la soude.

La société MARIUS FABRE répond que l’éventuel e imprécision d’une description n’est pas une cause de nul ité, que cel e-ci est suffisante si l’homme du métier lisant le brevet peut réaliser l’invention avec ses connaissances professionnel es normales théoriques et pratiques et qu’au cas d’espèce, il n’est pas démontré en quoi les imprécisions al éguées empêcheraient la réalisation des savons noirs brevetés. El e ajoute que son brevet ne présente pas de caractère spéculatif soulignant que les intimées ne sont pas fondées à exiger l’existence de tests relatifs à l’effet revendiqué par le brevet, uniquement opposable en matière de médicament.

Aux termes de l’article L.612-5 du code de la propriété intel ectuel e “l’invention doit être exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter. ” Celui qui invoque la nul ité du titre pour ce motif doit établir que l’exposé du brevet – constitué de la description el e-même, des revendications et des dessins – n`est pas suffisamment clair et complet et qu’il en résulte une impossibilité pour l’homme du métier de reproduire l’invention et de la mettre en œuvre, avec ses connaissances professionnel es normales théoriques et pratiques, au moyen d’un effort raisonnable de réflexion et/ou en procédant à des essais de routine.

L’homme de métier, comme déjà vu, est un professionnel capable de fabriquer du savon quel qu’en soit le procédé, disposant de compétences en chimie et en cosmétique.

La cour considère, comme le tribunal, que la réalisation de l’invention n’est pas compromise par l’imprécision des données contenues dans le brevet relevé par les intimées en ce que le maître savonnier est 

capable, à l’aide de ses connaissances générales, de procéder à des essais de routine de différents dosages selon les paramètres définis par les revendications, qui ne peuvent être qualifiés de «véritable programme de recherche», comme le soutient à tort la société BRUNEL CHIMIE, au regard du domaine technique considéré, soit:

-la saponification d’une matière huileuse comprenant au moins 5 % d’huile de grignons d’olive avec de la potasse et une viscosité comprise entre 50000 et 100000 mPa-s (revendication 1) ;

-un savon comprenant 35 à 70 % de sels d’acides gras (revendication 2) ;

-une saponification conduite en présence de potasse et/ou de carbonate de potassium, et de soude (revendication 3) ;

-une saponification de l’huile de grignons d’olive, seule ou en combinaison avec d’autres huiles, avec de la potasse et/ou de la soude dans un chaudron à chaud (revendication 4) ;

-une saponification de 30-50 % d’huile de grignons d’olive, 0-20 % d’huile de coprah-palme 80/20, avec 0-5 % de carbonate de potassium, 10-20 % de potasse, 0-4 % de soude et jusqu’à 100 % d’eau (revendication 5) ;

-le mélange de 25 à 45 %, de préférence 30 à 38 % de savon mou dans 55 à 75 %, de préférence 62 à 70 %, d’eau, les pourcentages étant exprimés en volume par rapport au volume total de produit fini, porté à ébul ition (revendication 6), 

-une viscosité comprise entre 500 et 20000 mPa-s, préférentiel ement entre 1000 et 15000 mPa-s, plus préférentiel ement entre 1900 et 11000 mPa-s (revendication 7). Par ail eurs, la description du brevet comprend deux exemples de procédé de fabrication pour le savon mou et le savon liquide décrivant le pourcentage en poids des ingrédients par rapport au poids total du milieu réactionnel, ainsi que le procédé de cuisson, « l’ensemble des ingrédients ci-dessus est placé dans le chaudron et chauffé à une température de 100°C, sous mélange doux, jusqu’à issue de la réaction de saponification. Le mélange réactionnel est récupéré et refroidi à température ambiante, puis conditionné. »

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, le brevet ne présente pas davantage de caractère spéculatif quant à ses effets techniques faute de contenir des résultats expérimentaux démontrant que le savon noir breveté offre effectivement « des propriétés hydratantes inattendues et un pouvoir lavant intéressant», s’agissant de critères retenus dans le domaine des brevets de médicaments de seconde application thérapeutique, le brevet contenant en tout état de cause, l’indication du résultat recherché.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a retenu qu’il n’est pas établi par la société BRUNEL CHIMIE et la société LABORATOIRE PROVENDI que l’homme du métier ne serait pas en mesure de réaliser l’invention tel e que décrite, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur le défaut de nouveauté 

Les intimées soulignent d’abord que l’insuffisance de description et l’absence de preuve des effets al égués rendent plus difficile l’appréciation de la nouveauté al éguée du brevet en cause. Puis, el es soutiennent que la revendication 1 du brevet n°935 est antériorisée par la divulgation dans le Traité Pratique de Savonnerie d’Edouard M, datant de 1895, d’une recette de savon mou obtenue à partir de la saponification de l’huile de grignons avec de la potasse dans une proportion de plus de 5% d’huile de grignons d’olive. El es font valoir que le rapport sur la fabrication des savons de 1794 décrit également un savon mou préparé à partir d’huile d’olive, qui n’est pas de « l’huile vierge » mais de « l’huile que l’on sépare des olives par un second travail, et dont, par une première expression, l’on a retiré l’huile vierge », à savoir de l’huile de grignons d’olive. El es soutiennent également que le concours régional de 2009 des Olympiades de la chimie de l’académie de Rouen décrit l’utilisation d’huile d’olive (ou reste d’olives, qui sont donc a priori des grignons d’olives puisque qu’il s’agit des restes d’olives pressées une première fois) pour la préparation d’un savon mou ou noir par saponification avec l’hydroxyde de potassium (potasse). La société BRUNEL CHIMIE soutient, au regard des mêmes antériorités, que les revendications 2 et 3 dépendantes de la revendication 1 sont également dénuées de nouveauté. El e ajoute que la société MARIUS FABRE commercialisait antérieurement au brevet FR 935 «un savon noir liquide en bidon de 1 litre résultant de la saponification traditionnel e de l’huile d’olive par la potasse » en 2008, et « un savon noir mou à l’huile d’olive » en 2009, et revendiquait élaborer de tels produits selon un procédé de saponification traditionnel e au chaudron, ce qui, selon la société BRUNEL CHIMIE, constituent des divulgations antérieures anéantissant la nouveauté des revendications 1 à 4 et 6 à 9 du brevet FR 935.

L’appelante considère qu’aucun des documents invoqués au titre de l’art antérieur ne divulgue tant le produit que le procédé protégés par le brevet et réfute de même l’existence d’auto- divulgations antérieures soulignant, en outre, que la plupart des documents opposés ne sont que des documents internes et donc non susceptibles d’être connus de l’homme du métier

La cour rappel e qu’en vertu de l’article L.611-11 du code de la propriété intel ectuel e, « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Est également considéré comme compris dans l’état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu’elles ont été 

déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n’ont été publiées qu’à cette date ou qu’à une date postérieure. (…)» Pour être comprise dans l’état de la technique et être privée de nouveauté, l’invention doit s’y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

Sur ce, c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour que les premiers juges après avoir analysé l’ensemble des antériorités invoquées en défense, ont retenu que si el es témoignent incontestablement de ce que l’huile de grignons d’olive est traditionnel ement utilisée en savonnerie depuis une période bien antérieure à cel e du dépôt de la demande du brevet en cause, aucun de ces documents ne divulgue, à lui seul, ni dans quel e proportion el e est employée, ni si el e entre dans la composition des savons mous, sauf de manière incidente et très peu explicite. Ils ne révèlent pas davantage l’objectif que se propose d’atteindre l’invention, soit un meil eur pouvoir lavant associé à des propriétés hydratantes, ni le procédé de fabrication revendiqué. Il y a seulement lieu pour la cour d’ajouter que le document issu du concours régional de 2009 des Olympiades de chimie de l’académie de Rouen ne permet pas davantage d’y retrouver l’invention, mentionnant uniquement l’ajout de soude aux restes des olives pour fabriquer des savons blancs.

Les actes d’auto-divulgations invoqués par la société BRUNEL CHIMIE ne ressortent pas des extraits du site internet de la société MARIUS FABRE démontrant la commercialisation dès 2008 d’un savon noir liquide à l’huile d’olive, aucune information n’étant fournie quant à l’usage des grignons d’olive revendiqué notamment. Les articles de presse cités ou la brochure de présentation de la société MARIUS FABRE sont par trop généraux pour permettre de caractériser une divulgation des enseignements du brevet, même au vu de la facture datée du 23 février 2004 attestant de la livraison par la société MARIUS FABRE à la société LABORATOIRE PROVENDI de 350 kg de grignons d’olive pour qu’el e lui fabrique un savon liquide, dont on ignore tout de la composition. Ces éléments ne permettaient nul ement à l’homme du métier, même à l’aide de ses connaissances, de reproduire l’invention revendiquée.

S’agissant des divulgations antérieures invoquées, la société LABORATOIRE PROVENDI verse aux débats une fiche technique sur le savon liquide d’Alep (datée du 25 février 2010) ne mentionnant pas la présence d’huile de grignons d’olive et une fiche de spécification de «la composition des produits» datée du 11 mars 2010 décrivant notamment la composition du produit «NEUTRE GRIGNON D’OLIVE» et «ALEP 15%» sans mention de dosage précis quant à l’ajout d’huile de grignons d’olive, ni précision quant à sa texture et qui constituent des 

documents internes à la société LABORATOIRE PROVENDI et non accessibles au public. El e verse également une facture datée du 30 juil et 2009 portant sur un « savon noir liquide » lot n° 1760709 sans mention de destinataire, le même numéro de lot apparaissant sur des fiches de suivi de fabrication et de traçabilité datées de juin et juil et 2009 indiquant, pour la saponification, de l’huile de grignons d’olive et de baie de laurier associée à de la potasse, qui n’établissent pas davantage que le produit en cause reproduirait les revendications du brevet ni son accessibilité au public. Il en est de même pour la facture du 4 mars 2010 et les pièces de suivi de fabrication et de traçabilité. Enfin, sont produites des factures en date du 21 et 27 novembre 2006, mentionnant cette fois un destinataire pour une livraison de « SAVON PATE GRIGNON OLIVE / COPRAH EUCALYPTUS FUT » qui porte sur un savon jaune, avec un document intitulé « Contrôle Laboratoire Bul etin d’analyse » qui n’apportent cependant aucune précision sur la composition des produits, leur viscosité et leur procédé de fabrication.

C’est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que ni la communication d’une antériorité de toutes pièces, ni la démonstration de la commercialisation d’un produit présentant la composition décrite et obtenue par le procédé breveté ne sont susceptibles de détruire la nouveauté des revendications 1 à 10 du brevet, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur le défaut d’activité inventive 

Les sociétés intimées considèrent que le brevet FR 935 est dénué d’activité inventive n’apportant aucune solution technique au problème posé à savoir la production d’un savon mou ou liquide de couleur noire par la saponification à chaud d’une base d’huile de grignons d’olive, tel e que définie au brevet, et de la potasse ou un mélange potasse/soude qui était connu de l’homme du métier au regard de l’ensemble des éléments résultat de l’art antérieur ainsi que des divulgations. El es ajoutent que l’appelante ne démontre nul ement l’existence d’un préjugé pour l’homme du métier quant à l’utilisation de l’huile de grignons d’olive pour préparer un savon mou. La société PROVENDI souligne en outre que le problème technique présenté dans le brevet, à savoir l’obtention d’un meil eur pouvoir lavant, a été formulé de façon arbitraire pour masquer l’absence d’activité inventive.

L’appelante soutient qu’aucun des documents cités au titre de l’art antérieur ne permet de contester l’activité inventive de l’ensemble des revendications de son brevet soulignant que l’homme du métier qui aurait cherché à résoudre le problème des savons mous noirs de l’état de l’art antérieur à l’aide de ses connaissances normales aurait été incité à utiliser les bases lavantes traditionnel ement préconisées pour faire des savons mous avec de la potasse et non pas à utiliser de l’huile d’olive traditionnel ement utilisée pour fabriquer des savons durs avec de la soude. El e souligne, au contraire, que l’utilisation d’une base 

lavante composée d’au moins 5% d’huile de grignons d’olive saponifiée avec de la potasse, marque une rupture par rapport à l’état de l’art antérieur.

La cour rappel e qu’en vertu de l’article L.611-14 du code de la propriété intel ectuel e, « Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. Si l’état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l’appréciation de l’activité inventive. »

Afin d’apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si, eu égard à l’état de la technique, l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnel es et en effectuant de simples opérations. L’activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l’homme de métier.

Ainsi que l’a relevé le tribunal, le problème technique posé par l’invention est celui de rechercher un ingrédient susceptible d’entrer dans la fabrication d’un savon mou ou liquide et permettant, à moindre coût, d’aboutir à un produit ayant à la fois un meil eur pouvoir lavant et des propriétés hydratantes. À cet égard, dans la description, la société MARIUS FABRE expose avoir «cherché une matière première adaptée à la fabrication traditionnelle de savon mou et qui présente des avantages par rapport à l’huile de lin»› et qu’«à sa grande surprise» el e a mis en évidence « que l’huile de grignons d’olive constituait une base lavante intéressante et a cherché à la saponifier conformément à son savoir-faire» précisant que «la réaction de saponification a alors conduit à un savon mou très sombre ayant des propriétés hydratantes inattendues.»

Or, le traité pratique de savonnerie d’Édouard M de 1895, qui dresse un état des connaissances en matière de savonnerie, présente les différents corps gras utilisés pour fabriquer des savons et consacre une partie à l’huile d’olive qui «exige, en raison de son importance et des qualités qu’elle comporte que nous l’examinions d’une façon plus complète que les huiles précédentes. On fait usage en savonnerie des qualités dites : Huile d’Enfer, à fabriquer, de fond de piles, de pulpes, de ressence.» Puis, ces huiles sont définies ; ainsi l’huile d’Enfer est «le résidu extrait des eaux résultant du traitement des tourteaux de grignons par l’eau bouillante, lors de l’élimination des dernières parties de l’huile à manger ordinaire. Son odeur est repoussante. (…) Cette huile est, avec d’autres, employée à la fabrication de savons marbrés. » L’huile de ressence est définie comme « le produit des grignons d’olive traités par l’eau, c’est à dire de tourteaux de la deuxième pression. Sa couleur est verte, son odeur très caractéristique. Elle est pâteuse et sa densité est de 0;922 à +15. On en fait usage en savonnerie pour 

contrebalancer la faiblesse des huiles de graine et fabriquer des savons marbrés à coupe ferme. (….) Indépendamment de la fabrication des savons durs, elles sont employées quelques fois à celle des savons mous2. » En outre, le document X « Le marché et la production de l’huile d’olive en Tunisie », annales de géographie 1953 vol.62, mentionne page 278 que «l’huile de grignons est utilisée principalement pour la fabrication du savon» et page 283 que « de puissantes maisons françaises pratiquent l’extraction du grignon, le raffinage et la fabrication du savon.»

L’article intitulé « Savons et savonneries à Nyons au XVIIe siècle » daté de 2001 mentionne en outre : « Toutefois, l’ensemble de l’huile d’olive produite n’intéresse pas les savonniers. En effet, les huiles de qualité supérieure, destinées à la consommation alimentaire et recueillie après une première série de pressions à froid, ne conviennent pas à l’industrie du savon. Seule une huile plus grasse, obtenue après une deuxième pression des grignons mélangés à de l’eau chaude est utilisée en savonneries », (…) « le grignon (du provençal, grignoun, pépin) est le nom donné à la pâte formée par les olives après que celles-ci aient été broyées et pressées une première fois. Les grignons donnent une fois mélangés à de l’eau chaude une huile de qualité médiocre destinée à la savonnerie ou à l’éclairage et pour cela appelée huile claire et lampante. »

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal en a déduit qu’à la date de dépôt de la demande du brevet en cause, l’huile de grignons d’olive est traditionnel ement utilisée en savonnerie, sans que son usage puisse être exclu pour la fabrication de savons mous, aucun des documents antérieurs n’excluant un tel usage ou dissuadant particulièrement l’homme du métier d’y recourir, le traité d’Edouard M mentionnant au contraire un tel usage. La société MARIUS FABRE ne peut être suivie lorsqu’el e affirme que les caractéristiques propres de l’huile d’olive auraient dissuadé l’homme du métier d’utiliser cel e-ci pour concevoir un savon mou, en particulier au vu de son coefficient INS (pour Iodine Nimber Saponification value), et ce alors que la texture d’un savon est liée à l’ajout de potasse et que l’huile d’olive est traditionnel ement considérée comme un ingrédient de choix pour fabriquer des savons.

Le même traité pratique de savonnerie d’Édouard M décrit la fabrication des savons mous, connue depuis l’antiquité, étant citée par Y dans son « Histoire naturel e», comme fabriqués à partir d’un mélange d’huile et de potasse en indiquant au demeurant les proportions en acides gras à hauteur de 43% et en potasse à hauteur de 8,60%/ eau et en eau et sels neutres pour 48,40% et ajoute que «si l’on compare les savons mous aux savons durs, on remarque que les premiers l’emportent sur 

2 Soulignement ajouté par la cour.

les seconds par une solvabilité supérieure, une action détersive plus active et qu’ils communiquent aux matières textiles une souplesse exceptionnelle.» Ainsi, le problème technique mis en avant dans le brevet est manifestement lié au choix d’un savon mou traditionnel ement considéré comme plus détergent tout en faisant preuve d’une « souplesse » exceptionnel e, incitant à envisager ses propriétés hydratantes. Le concours régional de 2009 des Olympiades de la chimie de l’académie de Rouen indique en outre que « l’idée d’ajouter de la soude aux restes de solives qui venaient d’être pressées une première fois permit aux habitants de Gallipoli de fabriquer des savons blancs et de diversifier leurs activités. » Il y est également relaté les travaux du chimiste Eugène C de 1823 qui a étudié et expliqué la réaction de saponification en ces termes : « Le savon est ainsi le produit de la réaction d’une solution concentrée de base (hydroxyde de sodium ou de potassium) sur un corps gras. Lorsqu’on utilise de l’hydroxyde de sodium, on obtient un savon dur et si l’on travaille avec l’hydroxyde de potassium, on obtient un savon mou ou noir. »

Ces éléments de l’art antérieur attestent à suffisance que l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnel es et en effectuant de simples opérations notamment pour déterminer la quantité nécessaire d’huile de grignons d’olive dans la composition du savon mou, étant établi que l’huile de grignons d’olive est utilisée de manière ancestrale, que le procédé de saponification est connu depuis l’antiquité, que la couleur noire résulte d’évidence de l’huile de grignons utilisée et ne peut constituer une caractéristique technique, les études citées mentionnant les proportions nécessaires, l’usage de la potasse étant enfin traditionnel ement connu pour la fabrication d’un savon mou, ayant une viscosité prédéfinie.

Par ail eurs, pour soutenir que la revendication 1 du brevet FR 935 procède d’une activité inventive, la société MARIUS FABRE expose -ce que mentionne la partie descriptive précitée du titre – qu’el e résulte des propriétés particulières lavantes et hydratantes de l’huile de grignons d’olive, lesquel es ne sont cependant nul ement explicitées ni il ustrées par des essais dont les résultats viendraient conforter cette affirmation.

En conséquence, la revendication 1 du brevet en ce qu’el e porte sur un « savon mou caractérisé en ce qu’il est susceptible d’être obtenu par saponification d’une matière huileuse comprenant au moins 5 % d’huile de grignons d’olive de couleur noire, en poids par rapport au poids total de matière huileuse, avec de la potasse, et en ce qu’il est mou, à savoir d’une viscosité comprise entre 50000 et 100000 mPa-s», contrairement à ce que soutient la société MARIUS FABRE, ne marque pas une rupture par rapport à l’état de l’art antérieur, et est donc nul e pour défaut d’activité inventive.

La revendication 2 en ce qu’el e porte sur un «savon mou selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit savon comprend 35 à 70 % de sels d’acides gras, de préférence choisis parmi le potassium olivate, le potassium cocoate et le potassium palmate », est antériorisée par les enseignements du Traité pratique de savonnerie d’Edouard M qui mentionne l’existence d’un savon d’huile de pulpes d’olive composé de 63,60% d’acide gras ou d’un savon mou qui comprend 43% d’acides gras et 8,6% de potasse, outre que l’homme du métier est parfaitement informé du rôle de la potasse, sous ses différentes formes, dans la réalisation d’un savon mou.

La revendication 3 qui décrit un « savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que ladite saponification est conduite en présence de potasse et/ou de carbonate de potassium, et de soude » ne fait pas davantage preuve d’inventivité en ce que tant le traité de 1895 déjà cité que le rapport sur la fabrication des savons de 1794 relatent déjà la fabrication de savons, y compris mou ou liquide, avec un mélange de soude et de potasse.

La revendication 4 qui mentionne un « procédé de fabrication de savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l’on saponifie de l’huile de grignon d’olive, seule ou en combinaison avec d’autres huiles, avec de la potasse et/ou de la soude dans un chaudron à chaud» ne peut être qualifiée d’inventive en ce qu’el e décrit un procédé de saponification à chaud avec des produits connus du maître savonnier depuis de nombreuses années, outre que le traité de savonnerie d’Edouard M de 1895 décrit ce type de préparation à chaud en chaudière.

La revendication 5 qui relate un « procédé selon la revendication 4, caractérisé en ce que l’on saponifie 30-50% d’huile de grignons d’olives, 0-20% d’huile de coprah-palme 80/20, avec 0-5% de carbonate de potassium, 10-20% de potasse, 0-4% de soude et jusqu’à 100% d’eau, les pourcentages étant donnés en poids par rapport au poids total du mélange réactionnel avant le début de la réaction» n’est pas davantage inventive, en ce que, si el e mentionne une plage de valeurs, el e n’y associe pour autant aucun effet technique, et que les composants et dosages suggérés sont connus du maître savonnier ou facilement accessibles au moyen de ses connaissances générales, de son savoir- faire et en procédant à de simples essais, l’art antérieur décrivant dans le détail de nombreux mélanges pour aboutir à la texture de savon désirée.

Les revendications 6 et 7 décrivant un « procédé de fabrication d’un savon liquide par dilution d’un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que l’on mélange 25 à 45 %, de préférence 30 à 38 % de savon mou dans 55 à 75 %, de préférence 62 à 70 %, d’eau, les pourcentages étant exprimés en volume par rapport au volume total de produit fini, et que l’on porte ce mélange à ébullition», puis, un «savon liquide obtenu par le procédé selon la revendication 6, 

caractérisé en ce qu’il a une viscosité comprise entre 500 et 20000 mPa-s, préférentiellement entre 1000 et 15000 mPa-s, plus préférentiellement entre 1900 et 11000 mPa-s» ne peuvent être qualifiées d’inventives, l’obtention d’un savon liquide par dilution d’un savon mou dans de l’eau portée à ébul ition décrivant une dilution à chaud relevant du travail de routine d’un maître savonnier, outre que la littérature afférente au domaine de la savonnerie la décrit, la mesure de la viscosité ne comportant aucun effet technique mais décrivant l’état du produit obtenu.

Les revendications 8, 9 et 10 décrivant une « composition cosmétique comprenant un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la revendication 7, ladite composition cosmétique étant de type notamment produit de toilette pour la peau et/ou les cheveux, par exemple un shampooing, un gel douche, ou une lotion nettoyante pour le corps ou le visage», un «produit d’entretien ménager comprenant un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la revendication 7, ledit produit étant utile pour nettoyer ou détacher des surfaces ou des vêtements» et un «produit naturel comprenant un savon mou selon l’une quelconque des revendications 1 à 3 ou un savon liquide selon la revendication 7, ledit produit étant notamment destiné au lavage, nettoyage et soin des animaux, en particulier des animaux domestiques et des chevaux», ne sont pas inventives en ce qu’el es ne décrivent que des usages du savon ainsi obtenu, depuis longtemps connu et utilisé comme produit de toilette, d’entretien ménager ou pour le nettoyage des animaux.

Enfin, la cour constate, comme le tribunal, que la commercialisation plusieurs années avant la date de dépôt du brevet litigieux d’un savon liquide fabriqué au moyen d’huile de grignons d’olive est reconnue par la brevetée el e-même, lorsqu’el e expose dans le cadre de son acte introductif d’instance en communiquant les pièces supposées démontrer qu’el e « fournit la société LABORATOIRES PROVENDI en huile de grignons d’olive afin qu’elle lui fabrique un savon liquide parfumé comprenant également de l’huile de coprah», ce qui, sans pouvoir constituer l’acte d’auto-divulgation invoqué de l’invention dans tous les éléments la composant et aux mêmes fins, n’en établit pas moins que, dès 2004, des savons mous et liquides contenant de l’huile de grignons d’olive étaient bien disponibles sur le marché.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a annulé les revendications 1 à 10 du brevet FR 935 pour défaut d’activité inventive, le jugement querel é étant confirmé de ce chef.

– Sur les actes de contrefaçon

Le brevet FR 935 ayant été déclaré nul pour défaut d’activité inventive, il n’y a pas lieu d’examiner les demandes formulées au titre de la contrefaçon, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef. 

– Sur les actes de parasitisme 

A titre subsidiaire, la société MARIUS FABRE invoque la commission d’actes de parasitisme à son encontre rappelant avoir investi pour une communication spécifique pour le lancement de son savon à l’huile de grignons d’olive autour d’un savoir faire traditionnel et conçu une gamme spécifique en terme de conditionnement, ensemble d’éléments qui ont été repris, selon el e, à l’identique par ses concurrents.

La société BRUNEL CHIMIE soulève d’abord la prescription des demandes ainsi formulées soulignant que l’appelante n’a agi sur ce fondement que le 22 mars 2018 alors qu’el e connaissait les faits dénoncés au moins depuis la mise en demeure qu’el e lui a adressée le 6 mars 2012. Sur le fond, el e conteste tout acte de parasitisme, soulignant que la société MARIUS FABRE ne peut s’arroger un monopole sur un type de conditionnement ou sur une communication vintage autour d’un savoir-faire ancien relatif à la conception de produits d’entretien alors qu’el e même communique sur ce thème depuis de nombreuses années, constatant par ail eurs que la présentation de leurs produits respectifs mis en vente diffère notablement excluant tout risque de confusion. La société LABORATOIRE PROVENDI ajoute que la société MARIUS FABRE n’a agi dans la présente instance que pour prolonger artificiel ement l’annulation inéluctable de son brevet.

Sur la prescription des demandes 

Dans la mesure où dans le cadre de la présente action en parasitisme, la société MARIUS FABRE n’incrimine pas la commercialisation du savon noir en lui-même mais les conditions de cel e-ci (packaging, communication), il ne peut être déduit de la mise en demeure adressée le 6 mars 2012 concernant précisément la contrefaçon arguée de son brevet, que cette dernière avait connaissance dès cette date, des éléments dénoncés dans le cadre de l’action distincte en parasitisme.

Le jugement querel é doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par la société BRUNEL CHIMIE.

Sur le bien-fondé des demandes 

La cour rappel e que le parasitisme, fondé sur l’article 1240 du code civil qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, est caractérisé dès lors qu’une personne morale ou physique, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir- faire, d’un travail intel ectuel et d’investissements, et ce, indépendamment de tout risque de confusion. 

Or, il convient de constater que la société MARIUS FABRE, qui fonde ses demandes uniquement sur le parasitisme, ne justifie pas de l’existence d’une valeur économique fruit d’investissements particuliers, aucune pièce comptable n’étant fournie à cet égard, s’agissant du lancement d’une gamme de savon noir liquide à l’huile de grignons d’huile d’olive, dont il a déjà été vu qu’il ne bénéficie pas d’une protection au titre de la propriété intel ectuel e, dans un conditionnement assez usuel en aspect et en volume, soit en tube, bouteil e d’un litre puis bidon de cinq litres, alors que les produits commercialisés par la société BRUNEL CHIMIE présentent un visuel et des éléments de communication différents qui sont pour certains très anciens et notamment l’emploi du visuel de la ménagère des années 50. En outre, le fait de mettre en avant les mêmes utilisations du savon noir ou les mêmes recettes ou mode d’emploi courantes et basiques selon les emplois envisagés (ménage, jardin…) ne saurait être qualifié de comportement suiviste, s’agissant d’usages anciens et traditionnels que la société MARIUS FABRE ne peut s’accaparer. C’est en conséquence à juste titre que le tribunal en a déduit qu’aucune reprise fautive ne peut être retenue du fait de la présentation des articles de la société BRUNEL CHIMIE, qui de la même façon que beaucoup de ses concurrents du même secteur, remet au goût du jour des produits ménagers traditionnels considérés comme plus naturels et respectueux de l’environnement, et a débouté la société MARIUS FABRE des demandes formulées à ce titre.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ce chef.

– Sur l’appel en garantie 

Dans la mesure où la société MARIUS FABRE a été déboutée de l’ensemble de ses demandes formulées contre la société BRUNEL CHIMIE, il n’y a pas lieu d’examiner l’appel en garantie formé par cette dernière à l’encontre la société LABORATOIRE PROVENDI.

Sur les demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale 

La société LABORATOIRES PROVENDI soutient que la société MARIUS FABRE se livre à des actes de concurrence déloyale en ce qu’el e propose son savon noir en indiquant qu’il « se distingue des autres savons noirs par sa forte concentration en huile d’olive, qui lui donne sa jolie couleur brun foncé » et qu’el e est «le seul fabricant français de savon noir à l’huile d’olive, dont la formule unique est brevetée», ce alors qu’el e ne justifie d’aucune concentration supérieure en huile d’olive par référence aux valeurs du marché, et que son brevet porte sur une fabrication à base d’huile de grignons d’olive. El e ajoute que l’article 6.3 du règlement d’exécution (UE) n°29/2012 de la Commission du 13 janvier 2012 relatif aux normes de commercialisation de l’huile d’olive prescrit que lorsque de l’huile de 

grignons d’olive est présente, les mots « huile d’olive » sont remplacés par les mots « huile de grignons d ‘olive ». Enfin el e fait valoir que l’envoi en nombre de courriers de mise en demeure aux autres acteurs du marché et notamment à ses clients a entamé leur confiance dans ses produits.

La société BRUNEL CHIMIE soutient que l’appelante, qui distribue ses produits au moyen des mêmes circuits commerciaux que ceux qu’el e utilise pour ses propres articles présents dans les grandes surfaces de bricolage, jardineries et drogueries, a tenté par le dépôt du brevet litigieux de monopoliser le marché des savons noirs mous et liquides à l’huile d’olive et de faire pression sur les sociétés concurrentes, ce qui ressort de nombreuses mises en garde à divers fabricants qu’el e n’a pas hésité à adresser et ce, alors qu’el e ne pouvait ignorer la fragilité de ses droits.

La société MARIUS FABRE répond que le fait que le brevet n° 2 963 935 porte sur un savon noir mou ou liquide à base de grignons d’olives ne rend pas la mention critiquée trompeuse dès lors que son produit contient bien de l’huile d’olive, et que la formule reposant sur une base de grignons d’olive est brevetée. El e conteste présenter son savon comme étant exclusivement composé d’huile d’olive et estime n’avoir commis aucune pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation ni aucune tromperie au sens de l’article L 213-1 du même code. Enfin, el e conteste avoir exercé la moindre pression sur la clientèle de la société LABORATOIRES PROVENDI, ces accusations étant uniquement fondées sur trois lettres de mises en demeure adressées aux intimées et à la société AB 7.

Sur ce, la cour constate comme le tribunal qu’il ressort de la communication commerciale de la société MARIUS FABRE qu’el e présente son savon comme un «savon noir mou à l’huile d’olives » dont la « formule exclusive à l’huile d’olive est brevetée » et qu’el e affirme sur son site internet être « le seul fabricant français de savon noir à l’huile d’olive » dont la formule « très concentrée » est donc très économique, et invite les consommateurs à «se méfier des contrefaçons ».

Cependant, il ressort de la présentation de l’art antérieur déjà examiné que traditionnel ement, si l’huile de grignons d’olive est considérée comme un « sous-produit» issu des résidus – pulpe, peau, noyaux – de l’olive, el e est néanmoins présentée dans la catégorie des huiles dites «huile d’olive», au même titre que d’autres types d’huile utilisée, tel e l’huile de lin, de palme, de coprah, étant précisé, comme l’a relevé justement le tribunal que le règlement (UE) n°29/2012 du 13 janvier 2012 concerne les huiles destinées à l’alimentation. C’est en conséquence à juste titre que le tribunal en a déduit que l’emploi de ce terme ne peut être considéré en soi comme trompeur, ni de nature à 

influencer l’achat d’un produit essentiel ement destiné au nettoyage de la maison.

Il ne peut davantage être reproché à la société MARIUS FABRE des actes de publicité trompeuse lorsqu’el e mentionne « la savonnerie Marius Fabre est le seul fabricant français de savon noir à l’huile d’olive, dont la formule est brevetée », puisque le brevet en cause avait bien été délivré par l’INPI et qu’il ne peut se déduire que cette information publicitaire, d’ordre assez général, et dont le propos est clairement de promouvoir le produit autant que de le décrire, présente un contenu s’écartant des usages habituels de la vie des affaires, comme l’a analysé le tribunal.

Enfin, la cour retient comme les premiers juges que les faits de dénigrement imputés à la société MARIUS FABRE ne peuvent résulter de l’envoi de courriers aux sociétés intimées et à la société AB7, ou de mentions alertant de manière générale leurs clients sur les risques de contrefaçon, sans viser aucun de ses concurrents. En effet, ces courriers d’une part, ne peuvent s’analyser comme une opération massive visant à déstabiliser les autres opérateurs du marché, et d’autre part, restent dans des termes mesurés se limitant à mentionner « des informations (…) » selon lesquel es les procédés de fabrication visés « entreraient dans la portée de la demande de brevet », ce qui constitue une formulation classique de mise en connaissance de cause qu’il appartient au destinataire de contester, selon les modalités qu’il estime appropriées.

C’est donc à juste titre que le tribunal a débouté les sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRE PROVENDI de leurs demandes reconventionnel es formulées au titre de la concurrence déloyale, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive 

La société BRUNEL et la société LABORATOIRE PROVENDI estiment que la société MARIUS FABRE a abusé de son droit d’ester en justice alors qu’el e ne pouvait ignorer l’absence de brevetabilité des procédés et produits revendiqués, qu’el e a manifestement adopté un comportement dilatoire dans le but de ralentir la procédure judiciaire pour faire pression sur el es et retarder l’annulation de son brevet.

La société MARIUS FABRE conteste toute procédure abusive de sa part, soulignant n’avoir fait que défendre ses droits de brevetée et avoir dû faire réaliser des tests complexes pour caractériser les faits de contrefaçon al égués.

La cour rappel e que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnel es que le fait d’agir en justice ou 

d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, les sociétés BRUNEL CHIMIE et LABORATOIRE PROVENDI ne démontrent pas la faute commise par la société MARIUS FABRE qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits de brevetée, protégeant un titre en cours de validité, étant relevé en outre que c’est à l’initiative de la société BRUNEL CHIMIE que l’instance s’est finalement poursuivie. El es ne justifient pas en outre de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’al ocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté l’ensemble des demandes formulées en conséquence, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes : 

La société MARIUS FABRE, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Nathalie SENECHAL et Maître Vincent RIBAUT conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’el e a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société MARIUS FABRE à verser à la société BRUNEL CHIMIE et à la société LABORATOIRE PROVENDI, chacune, une somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société MARIUS FABRE aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Nathalie SENECHAL et Maître Vincent RIBAUTconformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société MARIUS FABRE à verser à la société BRUNEL CHIMIE et à la société LABORATOIRE PROVENDI, chacune, une somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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