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Réagir 15 jours après la réception d’une notification de contenu illicite est tardif et engage la responsabilité de l’hébergeur du contenu en cause.
La demande de dommages et intérêts pour retrait tardif du terme injurieux dirigée contre la société Pepper France a été retenue. Celle-ci n’a accédé à la demande présentée par la société Webyseo le 18 novembre 2021 que le 2 décembre suivant, alors qu’elle a l’obligation légale d’agir promptement.
Le préjudice moral réparable et imputable à la faute commise par la société Pepper France n’avait toutefois pas l’ampleur alléguée, quelle que soit la notoriété du site, dès lors que l’extrait de l’avis qui figuraient dans les ‘résultats’ de Google n’en faisait pas mention et que le terme litigieux n’a été maintenu que durant moins de quinze jours.
Il a été alloué à la société Webyseo une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts.
Une plate-forme d’échange en ligne de commentaires est une activité neutre et technique, le rôle actif de l’hébergeur est de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées, ainsi qu’il ressort de la charte de transparence de ses plates-formes.
L’article 6 I-2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose : les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
Au 3 du I du même article, les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.
Enfin, le Conseil constitutionnel a émis, dans sa décision n°2004-496 du 10 juin 2004, la réserve d’interprétation suivante : les 2 et 3 du I de l’article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d’écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu’ils envisagent ; ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge.
Le caractère injurieux et donc illicite du terme tronqué ‘gros encu**’ était manifeste. A la lecture de l’avis litigieux, il s’appliquait aux services de la société Webyseo avec l’évidence nécessaire pour que le refus de le retirer ou un retard dans son retrait engage la responsabilité de l’hébergeur.
En effet, dans la phrase litigieuse (Fais gaffe aussi si tu fais une réclamation ou un litige Paypal, c’est vraiment des gros encu**, ils suppriment ton compte +IP BAN), l’article (ils) s’applique aux personnes désignées dans la phrase précédente (Chez eux je prenais la biotech qui est la moins cher sur tous sites confondus) soit les employés de la société appelante.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRET DU 14 DECEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05830 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPZL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2022 -Président du TJ de Paris – RG n° 21/58813
APPELANTE
S.A.S.U. WEBYSEO prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
N° SIRET : 534 19 1 4 40
représentée et assistée par Me Pierre DE ROQUEFEUIL de la SELASU LEGAL RLP, avocat au barreau de PARIS, toque : C0627
INTIMÉE
S.A.S.U. PEPPER FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 753 485 051
représentée par Me Paul KRAMER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1012
assistée par Me Virginie BRUNET de la SELARL BD AVOCATES, avocat au barreau de LYON, toque : 1209
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre
Jean-Christophe CHAZALETTE, Président
Patricia LEFEVRE, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX
ARRÊT :
— CONTRADICTOIRE
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Jean-Paul BESSON et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
******
La société Webyseo exploite le site de vente en ligne de compléments alimentaires zimfitness.com et se présente comme titulaire d’une licence exclusive des marques françaises Zimfit et Zimfitness déposées par les consorts [L], dont son dirigeant [R] [L].
La société Pepper France est propriétaire du site Dealabs qui propose un service de partage de bons plans et codes promotionnels en ligne et permet aux internautes d’échanger au sujet des dites offres au travers de fils de discussions.
Le 12 novembre 2021, dans une discussion sur le site Dealabs relative à une promotion sur le produit «Pot de protéines WheyIAFStore Supplements Blend ou Native Whey, le message suivant a été posté :
Alalal Zimfit -Zimfitness.
Oui j’ai déjà commandé chez eux, prix excellent par contre vraiment la roulette russe,
SAV plus que médiocre, c’est toi et ta chance, car sur 5 commandes 4 mauvaises expériences (mauvais produit envoyé, produit oublié ou même opercule du pot de whey transpercé et du coup whey alteré…).
Et au passage le prix de leur native a beau être nickel elle reste vraiment dégueulasse.
Chez eux je prenais la biotech qui est la moins cher sur tous sites confondus.
Fais gaffe aussi si tu fais une réclamation ou un litige Paypal, c’est vraiment des gros encu**, ils suppriment ton compte +IP BAN…
Bref voilà faites-vous votre avis.
édité par freezer le 12 novembre 2021.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 18 novembre 2021, le conseil de la société Webyseo a mis en demeure la société Pepper France de retirer le message litigieux aux motifs de ses caractères injurieux et dénigrant, de demander aux moteurs de recherche la suppression de ce message de leurs résultats et de lui communiquer les données d’identification relatives à « freezer ».
Le conseil de la société Pepper France a, dans son courrier en réponse du 24 novembre 2021, rappelé que sa cliente propose uniquement une plate-forme de partage en ligne et qu’en sa qualité d’hébergeur au sens de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qu’elle n’est pas éditrice et n’est pas responsable des contenus publiés par les membres du site sur lesquels elle n’exerce aucun contrôle a priori. Il explicite les motifs lui permettant de considérer que le commentaire litigieux ne peut pas être considéré comme dénigrant : freezer se contente de partager son expérience de consommateur et il souligne qu’il n’est accessible qu’en 2ème ou 3ème page des résultats de recherche sur le moteur Google, ce alors qu’un autre commentaire négatif posté sur un autre site figure en première page. Au constat d’une absence de démonstration d’un réel préjudice et du caractère manifestement illicite du commentaire litigieux, il informe la société Webyseo qu’il ne sera pas fait droit aux demandes de retrait et de communication des données d’identification de l’internaute, que seule la justice peut requérir et enfin, il avance que sa cliente n’étant pas responsable du référencement dans le moteur de recherche de Google, la demande de déréférencement est sans objet.
C’est dans ce contexte qu’après avoir fait dresser le 1er décembre 2021, un procès-verbal de constat, la société Webyseo a, par acte extra-judiciaire en date du 2 décembre 2021, fait assigner la société Pepper France devant le président du tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond afin d’obtenir sous astreinte, qu’il lui soit fait injonction sous astreinte de retirer le post de «freezer» dont l’adresse URL est précisée dans l’assignation, ou a minima d’en retirer les termes « dégueulasse » et « encu**», de demander aux moteurs de recherche la suppression de leurs résultats des liens pointant vers le dit post, de communiquer les données d’identification de l’auteur des propos «freezer» et obtenir l’allocation de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire en date du 4 février 2022, le juge a écarté l’irrecevabilité de l’action soulevée par la société Pepper France, a débouté la société Webyseo de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société Pepper France la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, rappelant que sa décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Le 18 mars 2022, la société Webyseo a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour, d’infirmer le jugement déféré et de débouter la société Pepper France de sa demande et de lui enjoindre sous astreinte de :
— retirer le post de «freezer» sous le permalien https://www.[05] et subsidiairement d’en retirer les termes « dégueulasse » et « gros encu**» ;
— bloquer l’accès au post incriminé par les moteurs de recherche, par l’ajout de balises de non-indexation adéquates ;
— communiquer les données d’identification de l’auteur des propos «freezer» et de son post, à savoir le log de connexion, l’adresse IP, l’adresse postale, le nom, le prénom, l’e-mail ;
Elle réclame également
— la condamnation de la société Pepper France à lui payer la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi pour non prompt retrait, malgré notification, du terme injurieux « gros encu**», celle de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile couvrant les frais irrépétibles dont les frais importants de constat d’huissier et les dépens ;
— la condamnation de la société Pepper France au paiement de la somme de 5 000 euros pour préjudice moral subi pour incitation au dénigrement, dénigrement et parasitisme.
Enfin, à titre subsidiaire, elle sollicite si elle est déboutée et condamnée à verser des sommes, l’octroi de délai de paiement de deux ans.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 octobre 2022, la société Pepper France demande à la cour au visa de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 et de l’article 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable, comme étant nouvelle et infondée, la demande en dommages et intérêts de la société Webyseo au titre du préjudice d’incitation au dénigrement, dénigrement et parasitisme, de confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions, de débouter la société Webyseo de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
A titre liminaire, il convient de relever que si la société Webyseo reproche à la société Pepper France de ne pas avoir indiqué sur son site internet quels étaient les directeurs de la publication, la privant ainsi de la possibilité d’identifier un directeur de la publication, d’y rattacher les responsabilités pénales et civiles qui lui sont propres en matière de retrait d’injure, et d’exercer sans délai les poursuites correspondantes, mais elle n’a saisi la cour d’aucune demande indemnitaire au titre du préjudice moral spécifique qui résulterait de ce manquement que ce soit dans le corps de ses dernières conclusions, ou dans leur dispositif qui en application de l’article 954 du code de procédure civile fixe les limites du litige dont la cour est saisie.
En premier lieu, la société Webyseo reprend devant la cour les demandes formulées en première instance, expliquant qu’elle prétend au retrait du propos litigieux, à l’indemnisation des préjudices liés à la défaillance de la société Pepper France ainsi qu’à la communication des données d’identification de l’auteur des propos. Elle avance également que l’ensemble du propos est illicite en ce qu’il est dénigrant et que l’injure qu’il contient révèle l’intention de l’auteur d’appeler au boycott de l’ensemble de son activité. Elle ajoute qu’à supposer que le caractère dénigrant ne soit pas reconnu ‘ manifestement illicite ‘ et ne puisse à lui seul (hormis l’injure proférée) engager la responsabilité de Dealabs, il justifie à minima ses demandes de retrait de l’ensemble du propos et de communication des données d’identification de son auteur.
La société Pepper France objecte que la demande de retrait du terme injurieux, qui ne s’adresse pas à la société Webyseo mais au service PayPal est sans objet puisqu’elle a modéré le propos avant l’audience de plaidoiries. Elle nie que tout caractère dénigrant à l’avis du consommateur utilisant le pseudonyme Freezer.
La société Webyseo recherche la responsabilité de la société Pepper France, à titre principal, en tant qu’hébergeur, qualité que l’intimée revendique à juste titre. En effet, elle exerce s’agissant de la plate-forme d’échange en ligne de commentaires une activité neutre et technique, sans rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées, ainsi qu’il ressort de la charte de transparence de ses plates-formes (sa pièce 11).
L’article 6 I-2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose : les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
Au 3 du I du même article il est précisé : les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.
Enfin, ainsi que l’évoque l’intimée le Conseil constitutionnel a émis, dans sa décision n°2004-496 du 10 juin 2004, la réserve d’interprétation suivante : les 2 et 3 du I de l’article 6 de la loi déférée ont pour seule portée d’écarter la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dans les deux hypothèses qu’ils envisagent ; que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge.
Le caractère injurieux et donc illicite du terme tronqué ‘gros encu**’ est manifeste et d’ailleurs non-contesté. A la lecture de l’avis litigieux, il s’applique aux services de la société Webyseo avec l’évidence nécessaire pour que le refus de le retirer ou un retard dans son retrait engage la responsabilité de l’hébergeur.
En effet, dans la phrase litigieuse (Fais gaffe aussi si tu fais une réclamation ou un litige Paypal, c’est vraiment des gros encu**, ils suppriment ton compte +IP BAN), l’article (ils) s’applique aux personnes désignées dans la phrase précédente (Chez eux je prenais la biotech qui est la moins cher sur tous sites confondus) soit les employés de la société appelante.
En revanche, la société Webyseo ne soutient pas à hauteur d’appel que le terme familier dégueulasse utilisé par l’internaute pour exprimer son avis sur le produit s’appliquerait à sa personne et serait de ce fait injurieux.
Le commentaire litigieux a été dénoncé par la société Webyseo à l’hébergeur par un courrier recommandé daté du 18 novembre 2021 auquel il a répondu le 24 novembre suivant.
La société Pepper France a procédé à la modération du message en supprimant le terme injurieux, le 2 décembre 2021 (ses pièces 6 et 7) la phrase étant désormais la suivante : fais gaffe aussi si tu fais une réclamation ou un litige PayPal, ils suppriment ton compte +IP BAN.
La société Webyseo prétend que les captures d’écran produites pour justifier de la modération (dont une éditée en 2021 a été communiquée en première instance) seraient suspectes. Elle n’apporte aux débats aucun élément venant démentir la suppression du message le 2 décembre 2021, ainsi qu’il ressort du message édité par la modération ou établissant son rétablissement dans sa forme originelle alors qu’elle fait dresser un constat d’huissier destiné à établir la satisfaction de ses clients, le 8 décembre suivant. Ses craintes sont d’ailleurs démenties par la capture d’écran qu’elle communique en pièce 11 datant selon son bordereau de communication de pièce du mois d’octobre 2022 puisqu’il en ressort que l’avis de freezer sur le site Dealabs.com est celui édité par la modération.
Ce constat rend sans objet la demande de retrait du terme injurieux.
Le caractère injurieux du propos est susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur et seule la société Pepper France détient en tant qu’hébergeur les données d’identification de la personne qui utilise le pseudonyme freezer, qu’elle doit conserver en application de l’article 6-II de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004. La société Pepper France ne conteste pas que ces données peuvent être communiquées sur injonction judiciaire.
Il sera par conséquent fait droit à la demande de la société Webyseo d’obtenir les données nécessaires à l’identification de freezer et elles seules (adresse IP, l’adresse postale, nom, prénom et e-mail).
Il n’y a pas lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte en l’absence de démonstration d’une volonté de la société Pepper France de s’y soustraire. La décision déférée sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de communication des données d’identification.
La société Webyseo soutient le caractère dénigrant du message de freezer. Elle estime que l’injure qu’il contient révèle son intention d’appeler au boycott de l’ensemble de son activité et que le terme ‘dégueulasse’ ajouté à l’injure et au terme Zimfitness vise à dénigrer l’ensemble de son offre, plus qu’à émettre une critique constructive ou même une réelle appréciation subjective de son produit phare. Elle prétend ne pas avoir trouvé de client qui aurait comme celui qui écrit sur le pseudonyme de freezer aurait procédé à cinq commandes, formé un litige Paypal et eu son compte Zimfitness supprimé et ayant fait l’objet d’un ‘IP ban’. Elle en déduit qu’elle est face à un concurrent malveillant, d’autant que ses produits sont unanimement appréciés. Elle procède à de longs développements pour soutenir que la responsabilité de l’internaute peut être recherchée sur le fondement d’incriminations pénales, citant les dispositions du code de la consommation sur la publicité comparative et les pratiques commerciales interdites et les prescriptions relatives à la modération qui figurent sur le site Dealabs.com et dont la société Pepper France a fait application lors d’un précédent avis de freezer édité début 2020. Elle conclut au bien fondé de ses demandes de retrait de l’avis et communication des coordonnées de son auteur, mais également de condamnation de la société Pepper France pour incitation au dénigrement, dénigrement et parasitisme. Puis visant les articles L. 111-7-2 et L. 121-4 du code de la consommation, elle fait valoir que l’absence de mise en place par la société Pepper France d’un contrôle efficace des avis postés et surtout l’absence d’une information claire sur les conditions de la garantie apportée par l’hébergeur sur la fiabilité des avis collectés constitue à tout le moins une incitation, par la plate-forme Dealabs, au dénigrement et à la malveillance et que la société intimée se rend coupable de pratiques commerciales trompeuses, faits à l’origine d’un préjudice dont elle sollicite la réparation.
La société Pepper France, reprenant la motivation de la décision déférée écarte tout dénigrement et soutient que s’agissant de la demande indemnitaire au titre de l’incitation au dénigrement, dénigrement et parasitisme formée à son encontre qu’elle est nouvelle à hauteur d’appel.
En application des articles 564 et 566 du code de procédure civile, les demandes nouvelles en cause d’appel sont irrecevables, les parties ne pouvant ajouter aux prétentions soumises au premier juge que des demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Aucun de ces qualificatifs ne peut être retenu s’agissant d’une demande de dommages et intérêts fondée sur l’allégation de pratiques commerciales prohibées imputées à la société Pepper France ou qu’elle aurait facilitées et qui engageraient sa responsabilité alors que celle-ci n’était jusqu’alors recherchée que sur le fondement de ses obligations en tant qu’hébergeur. La demande de dommages et intérêts pour incitation au dénigrement, dénigrement et parasitisme est par conséquent irrecevable.
S’agissant du caractère dénigrant du message litigieux, les moyens développés par la société Webyseo ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la cour adopte.
Il convient simplement d’ajouter que :
— les éléments retenus par le premier juge – un message venant répondre à une demande d’avis d’un consommateur, l’intérêt légitime de cet échange s’agissant d’un partage d’expérience sur une plate-forme dédiée, la référence à une expérience personnelle et la balance faite entre des éléments négatifs et positifs et l’invitation de l’interlocuteur à se faire son idée du produit, ce qui vient limiter la portée du message à un simple avis pouvant nourrir la réflexion – excluent que la société Webyseo puisse prétendre à être confrontée à un avis malveillant ou dénigrant ;
— à hauteur d’appel, la société Webyseo n’apporte aux débats aucune preuve étayant ses allégations relatives à une intention malveillante de l’internaute voire qu’il s’agirait d’un sous-traitant direct ou d’un concurrent sur le marché des compléments alimentaires.
La décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de retrait en tout ou partie du message litigieux et elle le sera également en ce qu’elle rejette la demande de déréférencement, dès lors que ne subsiste qu’un message expurgé du terme injurieux qu’il contenait.
S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour retrait tardif du terme injurieux, la société Pepper France n’a accédé à la demande présentée par la société Webyseo le 18 novembre 2021 que le 2 décembre suivant, alors qu’elle a l’obligation légale d’agir promptement.
Le préjudice moral réparable et imputable à la faute commise par la société Pepper France n’a pas l’ampleur alléguée, quelle que soit la notoriété du site, dès lors que l’extrait de l’avis qui figurent dans les ‘résultats’ n’en fait pas mention (oui j’ai déjà commandé chez eux… bref voila après faites vous votre avis) et que le terme litigieux n’a été maintenu que durant moins de quinze jours. Il sera alloué à la société Webyseo une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts.
Les condamnations prononcées en première instance au titre des frais irrépétibles seront infirmées. La société Pepper France sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Webyseo la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable comme nouvelle en cause d’appel la demande de dommages et intérêts de la société Webyseo pour incitation au dénigrement, dénigrement et parasitisme ;
Dans la limite de l’appel dont la cour est saisie,
Infirme le jugement rendu le 4 février 2022 en ce qu’il a, en déboutant la société Webyseo de l’ensemble de ses demandes, rejeté la demande de communication des coordonnées d’identification de l’internaute utilisant le pseudonyme freezer et celle tendant à l’allocation de dommages et intérêts pour défaut de retrait du post injurieux et a minima du terme ‘ enc** ‘ et en ce qu’il a condamné la société Webyseo au paiement de la somme de 1800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Ordonne à la société Pepper France de communiquer dans les huit jours de la signification du présent arrêt, les données d’identification de la personne utilisant le pseudonyme auteur du message du 12 novembre 2021 ((adresse IP, l’adresse postale, nom, prénom et e-mail) ;
Condamne la société Pepper France à payer à la société Webyseo la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société Pepper France à payer à la société Webyseo la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT