Défaut de paiement de la SPRE : la prescription de l’action 
Défaut de paiement de la SPRE : la prescription de l’action 

La prescription de 3 ans non applicable

En matière de défaut de paiement de la rémunération équitable SPRE, le gérant de l’établissement faut ne bénéficie de la prescription de 3 ans prévue par l’article L. 223-23 du code de commerce. 

L’article L.223-22 du code de commerce prévoit que ‘Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion’ et l’article L. 223-23 que ‘Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié de crime, l’action se prescrit par dix ans’.

La qualification de délit 

En effet, l’action en responsabilité personnelle contre le gérant de la société est fondée sur une faute constitutive d’un délit, de surcroît continu, qui n’est pas prescrit pénalement et n’a pu entraîner la prescription de l’action civile.

La responsabilité personnelle du gérant est recherchée, non pas pour une infraction à la législation ou à la réglementation régissant les sociétés à responsabilité limitée ou pour une violation des statuts de la société ou encore pour une faute de gestion, mais pour une faute intentionnelle incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions de gérant et détachable de ces fonctions, et dépassant par conséquent la simple mauvaise gestion.

Trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende

Il résulte de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle que le défaut de versement de la rémunération due à l’auteur, à l’artiste-interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ou de la communication publique ainsi que de la télédiffusion des phonogrammes est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

En la cause, la SPRE a adressé au moins trois mises en demeure à la société et à son gérant personnellement, ces courriers rappelant expressément les sanctions pénales encourues en cas de non paiement de la rémunération équitable et le risque pour le dirigeant de voir engagée sa responsabilité personnelle. Le gérant, en tant que professionnel, ne pouvait ignorer l’obligation légale à laquelle la société dont il est le gérant était tenue, ni le caractère délictuel du non-respect de cette obligation.

Une faute détachable des fonctions de dirigeant

En refusant, en toute connaissance de cause, de s’acquitter des redevances dues pour la diffusion de musique dans l’établissement qu’il exploitait, et ce, sur une longue période, le gérant a commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant, en ce que cette faute susceptible de revêtir une qualification pénale est d’une particulière gravité, dépassant les simples conséquences d’une mauvaise gestion. Il a ainsi engagé sa responsabilité personnelle à l’égard de la SPRE et doit être condamné solidairement avec sa société (26 139,52 euros TTC). 


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 09 MARS 2022

(n° 048/2022, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général: 20/05658 –��N° Portalis 35L7-V-B7E-CBWGT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS, 3ème chambre -1ère section – RG 18/02865

APPELANTS

Monsieur Y X

Né le […] à […]

De nationalité française

[…]

[…]

Représenté par Me Samuel CHEVRET de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729

[…]

Exerçant sous l’enseigne DUBLIN CAFE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CAEN sous le numéro 429 806 979

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Samuel CHEVRET de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729

INTIMÉE

SPRE – SOCIETEPOUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMESDU COMMERCE

Société civile au capital variable

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 334 784 865

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Jean MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0584

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire•

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

• signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société A:VASS exploite, sous l’enseigne ‘Dublin Café’, un bar de nuit à Caen, dans lequel est diffusée de la musique. M. Y X en est le gérant.

La société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (ci-après la SPRE) est une société civile qui perçoit et répartit par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes la rémunération dite ‘équitable’, due, selon l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, par toute personne utilisant dans un lieu public, sur le territoire français, un phonogramme publié à des fins de commerce.

L’article 24 de la loi du 3 juillet 1985, devenu l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, a prévu que le barème de la rémunération équitable est déterminé par voie d’accord entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes, et qu’à défaut d’accord intervenu avant le 30 juin 1986, le barème est fixé par une commission présidée par un représentant de l’Etat et composée à égalité de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires de la rémunération et de membres désignés par les organisations représentant les redevables de ladite rémunération. La même disposition prévoit que les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.

Le 4 avril 2016, la SPRE a sollicité de la société A:VASS le versement de la somme de 8091,61 € due pour l’utilisation des musiques de son répertoire au sein de son établissement.

Contestant la qualité de cet organisme à solliciter le paiement de la rémunération équitable, la société A:VASS et M. X ont, par acte d’huissier du 19 mai 2016, fait assigner la SPRE devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de restitution des sommes qu’ils estiment indûment perçues.

Par ordonnance du 22 juin 2017, le juge de la mise en état de ce tribunal a rejeté les demandes de la société A:VASS et de M. X de transmission de questions préjudicielles au Conseil d’Etat.

Dans un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal, devenu tribunal judiciaire de Paris, a :

– déclaré la SPRE recevable à agir comme justifiant de sa qualité à agir ;

– rejeté les contestations de la légalité des décisions de la commission chargée aux termes de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle de fixer le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération due aux artistes interprètes et producteurs de phonogrammes en contrepartie de la licence légale d’utilisation prévue à l’article L.214-1 du même code ;

– rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat saisi par requêtes des 8 mars 2018 et 22 octobre 2018 comme dans l’attente de la plainte pénale déposée par une société ESPACE LOISIRS MONTUDRAN ;

– condamné in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE au titre de la rémunération équitable arrêtée au 31 mai 2019 la somme de 26 139,52 euros TTC, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, sur la somme de 10 702, 06 € à compter du 10 octobre 2016 et sur la somme de 16 645,54 € à compter des conclusions signifiées le 29 octobre 2018 et pour le solde à compter du 5 juin 2019 ;

– rejeté les demandes de la société A:VASS et de M. X ;

– rejeté la demande de publication du jugement formée par la SPRE ;

– condamné in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par la SPRE ;

– condamné in solidum la société A:VASS et M. X aux dépens et au paiement à la SPRE de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Le 24 mars 2020, la société A:VASS et M. X ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs uniques conclusions transmises le 19 juin 2020, la société A:VASSet M. X, appelants et intimés incidents, demandent à la cour :

– à titre principal,

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné solidairement la société A:VASS et M. X à la somme de 26 139,52 € au titre de la rémunération équitable arrêtée au 31 mai 2019 avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts et à 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– en conséquence, statuant à nouveau :

– de débouter la SPRE de toutes ses demandes à l’encontre de la société A:VASS et de M. X et de juger la société A:VASS et M. X comme n’étant redevables d’aucune somme à l’égard de la SPRE,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la SPRE visant à ce que soit publiée la décision intervenue,

– à titre subsidiaire,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. X à la somme de 26 139,52 € au titre de la rémunération équitable arrêtée au 31 mai 2019 avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts et à 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– en conséquence, statuant à nouveau,

– de débouter la SPRE de toutes ses demandes à l’encontre de M. X et de juger M. X comme n’étant redevable d’aucune somme à l’égard de la SPRE,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la SPRE visant à ce que soit publiée la décision intervenue,

– en tout état de cause, de condamner la SPRE à la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions transmises le 21 septembre 2020, la SPRE, intimée et appelante incidente, demande à la cour :

– de juger la société A:VASS et M. X mal fondés en leur appel, en conséquence les débouter de tous moyens et fins,

– de juger la SPRE bien fondée en sa demande de confirmation du jugement entrepris en ce que ledit jugement a :

– condamné in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme en principal de 26 139,52 € en application de l’article L.214-1 du CPI, au titre de l’exploitation de l’établissement le « Dublin Café » jusqu’au 31 mai 2019, en application de l’article L.2 à14-1 du CPI, avec intérêts légaux sur la somme de 10 702, 06 € à compter des conclusions signifiées le 10 octobre 2016, sur la somme de 16 645,54 € à compter des conclusions signifiées le 29 octobre 2018 et pour le solde à la date de signification des présentes conclusions, dont la capitalisation pourra intervenir conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,

– condamné in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme ‘de 5 000 €’ en réparation de son préjudice complémentaire subi pour frais de gestion anormaux,

– condamné in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme de 10 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– de juger la SPRE recevable et bien fondée en son appel incident,

– en conséquence :

– de condamner in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la rémunération prévue par l’article L. 214-1 du CPI pour la période du 31 mai 2019 au 17 septembre 2020 la somme de 3 631 €, avec intérêts légaux à compter de la signification des présentes conclusions,

– de condamner in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE une indemnité de 5 000 € en réparation du préjudice subi pour frais de gestion anormaux,

– de condamner in solidum la société A:VASS et M. X à verser à la SPRE la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner in solidum la société A:VASS et M. X à verser à la SPRE aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL AVOCATS en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– d’ordonner la publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir dans un périodique professionnel, au choix de la SPRE et aux frais avancés de la société A:VASS, dans la limite de 10 000 euros.

L’ordonnance de clôture est du 16 novembre 2021.

MOTIFS DE L’ARRET

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés

La cour constate que, nonobstant les termes de la déclaration d’appel, le jugement n’est en réalité pas critiqué dans les conclusions des appelants en ce qu’il a :

– déclaré la SPRE recevable à agir comme justifiant de sa qualité à agir ;

– rejeté les contestations de la légalité des décisions de la commission chargée aux termes de l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle de fixer le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération due aux artistes interprètes et producteurs de phonogrammes en contrepartie de la licence légale d’utilisation prévue à l’article L.214-1 du même code,

– rejeté la demande indemnitaire de la société A:VASS et de M. X fondée notamment sur des pratiques commerciales trompeuses et l’exercice d’une activité dans des conditions de nature à créer une confusion avec l’exercice d’une fonction publique.

Il sera donc confirmé de ces chefs pour les justes motifs qu’il comporte.

La cour constate que le jugement n’est en outre pas contesté en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat saisi par requêtes des 8 mars 2018 et 22 octobre 2018, comme dans l’attente de la plainte pénale déposée par la société ESPACE LOISIRS MONTAUDRAN.

Sur le bien fondé des demandes en paiement de la SPRE

Sur le montant de la créance de la SPRE

La société A:VASS et M. X soutiennent que la SPRE ne rapporte pas la preuve du montant de sa créance. Ils exposent que jusqu’au 31 janvier 2010, la société était facturée en tant que bar à ambiance musicale selon le barème en vigueur à l’époque ; qu’à compter du 1er janvier 2010,le barème applicable aux bars à ambiance musicale a été modifié par décision réglementaire du 5 janvier 2010 qui a entraîné une augmentation des sommes dues à la SPRE ; que la société a alors été facturée d’office faute d’avoir transmis à la SPRE les éléments comptables demandés ; qu’après transmission de ces éléments comptables, une régularisation a été opérée par le biais de l’émission d’avoirs par la SPRE ; qu’en 2014, la SPRE a constaté que l’activité de la société relevait du barème discothèques et établissements similaires et a établi une reconstitution d’assiette en différenciant l’activité « discothèques et activités similaires » de celle de « bar à ambiance musicale avant minuit » ; que s’en est suivi un ‘dialogue infructueux’, la SPRE constatant ‘la non reprise des paiements interrompus au mois d’avril 2014″ ; que dans une assignation délivrée par la SPRE devant le TGI de Rennes (avant que le contentieux se poursuive devant le TGI de Paris après une assignation délivrée à la SPRE en contestation de sa capacité à collecter la rémunération équitable), elle réclamait une somme de 8 091, 60 € TTC arrêtée au 4 avril 2016 au titre de la rémunération équitable ; que le jugement dont appel les a condamnés à payer en principal la somme de 26 139,52 € sur la seule base des pièces produites par la SPRE, sans que les factures afférentes soient fournies et alors que les cotisations réclamées par la SPRE à partir de 2012 ont été multipliées par plus de 10 ; que les tableaux récapitulatifs produits par la SPRE sans factures correspondant aux périodes visées ne font que reproduire la demande et ne sont pas pertinents. Les appelants relèvent encore des incohérences dans le jugement qui mentionne une société LUCAS et une enseigne ‘La voile bleue’ sans lien avec eux.

La SPRE soutient que le montant de la créance réclamée et sa facturation sont justifiés, les erreurs matérielles contenues dans le jugement n’affectant pas les condamnations prononcées en première instance.

Sur les sommes demandées en première instance

Il ressort des pièces versées aux débats par la SPRE que la société A:VASS est facturée depuis 2010 pour l’exploitation de l’établissement ‘Dublin Café’ au titre d’une double activité : activité de bar à ambiance musicale et, depuis 2014, activité de discothèque et établissements similaires (pour l’activité après minuit). Ces activités ont été constatées à plusieurs reprises par des agents assermentés agréés par le ministère de la culture (procès-verbaux des 17 février 2012, 25 mai 2014 et 28 mars 2015) et ne sont pas contestées par les appelants.

La société A:VASS est, au titre de cette double activité, assujettie au paiement de la rémunération équitable prévue par l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle, calculée en application du barème réglementaire fixé par décision de la commission prévue à l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle du 5 janvier 2010 (article 2) pour ce qui concerne l’activité bar à ambiance musicale et par décision de la même commission du 30 novembre 2011 (article 2) pour ce qui concerne l’activité discothèque et établissements similaires, la SPRE opérant, suivant déclaration de l’assujettie, une ventilation entre les deux activités qui ne sont pas exercées aux mêmes heures.

Les écarts de facturation dénoncés par les appelants s’expliquent à la fois par l’ajout de l’activité discothèque et établissements similaires à compter de 2014 et par le fait que, à défaut de déclaration et communication par la société de documents comptables et fiscaux permettant à la SPRE de calculer le mitant des sommes dues, celle-ci a à plusieurs reprises appliqué une facturation forfaitaire (prévue par les décisions de la commission) sur la base du dernier chiffre d’affaires connu ou avec un minimum, avant d’émettre des avoirs à l’assujettie , celle-ci ayant tardivement transmis les éléments demandés.

Selon récapitulatif en date du 21 mai 2019, auquel sont joints des extraits de compte regroupant le détail des comptes en crédit et débit et des factures, faisant apparaître les numéros et dates de factures et indiquant les exercices au titre desquels les sommes sont réclamées, la société A:VASS était redevable d’une somme en principal de 26 139,52 € au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 mai 2019. La SPRE justifie avoir adressé tant à la société qu’à son gérant plusieurs rappels et mises en demeure. Les appelants ne contestent pas avoir reçu les factures adressées par la SPRE.

Au vu de ces éléments, la créance de la SPRE apparaît fondée dans son principe et dans son montant pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mai 2019 à hauteur de 26 139,52 € en principal, cette créance devant être assortie des intérêts au taux légal, capitalisés, selon les modalités fixées par les premiers juges.

Sur les sommes réclamées au titre de l’actualisation de la créance

La SPRE demande reconventionnellement l’actualisation de sa créance, faisant valoir que depuis mai 2019, la société A:VASS et M. X persistent à ne pas s’acquitter de l’obligation de verser la rémunération équitable. Elle produit un extrait de compte arrêté au 17 septembre 2020 faisant apparaître un solde dû de 29 770, 52 € en principal, outre 2 factures mentionnant des montants mensuels réclamés de 326,66 €.

Le solde réclamé de 3 631 € en principal au titre de la période du 1er juin 2019 au 17 septembre 2020 apparaît ainsi justifié, auquel doivent s’ajouter les intérêts au taux légal à compter des conclusions de l’intimée transmises par RPVA le 21 septembre 2020.

Sur la condamnation personnelle de M. X in solidum avec la société A:VASS

A titre subsidiaire, les appelants demandent la réformation du jugement en ce qu’il a condamné M. X solidairement avec la société A:VASS, arguant que celui-ci bénéficie de la prescription de 3 ans prévue par l’article L. 223-23 du code de commerce, de sorte qu’aucune facturation se rapportant à une date antérieure au 22 avril 2013 (l’assignation devant le tribunal de grande instance de Rennes étant du 22 avril 2016) ne pourrait lui être imputée personnellement.

La SPRE répond que le moyen de prescription soulevé par M. X n’entre pas dans les cas prévus par l’article L. 223-23 du code de commerce, que l’action en responsabilité personnelle contre le gérant de la société A:VASS est fondée sur une faute constitutive d’un délit, de surcroît continu, qui n’est pas prescrit pénalement et n’a pu entraîner la prescription de l’action civile.

L’article L.223-22 du code de commerce prévoit que ‘Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion (…)’ et l’article L. 223-23 que ‘Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans’.

La SPRE oppose à juste raison que ces dispositions ne trouvent pas application en l’espèce alors que la responsabilité personnelle de M. X est recherchée, non pas pour une infraction à la législation ou à la réglementation régissant les sociétés à responsabilité limitée ou pour une violation des statuts de la société A:VASS ou encore pour une faute de gestion, mais pour une faute intentionnelle incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions de gérant et détachable de ces fonctions, et dépassant par conséquent la simple mauvaise gestion.

Le moyen tiré de la prescription d’une partie des demandes dirigées contre M. X sera par conséquent rejeté.

Il résulte de l’article L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle que le défaut de versement de la rémunération due à l’auteur, à l’artiste-interprète ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie privée ou de la communication publique ainsi que de la télédiffusion des phonogrammesest puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

La SPRE a adressé au moins trois mises en demeure à la société A:VASS(3 juillet 2015, 4 septembre 2015, 8 mars 2016) et à M. X personnellement (8 mars 2016), ces courriers rappelant expressément les sanctions pénales encourues en cas de non paiement de la rémunération équitable et le risque pour le dirigeant de voir engagée sa responsabilité personnelle. M. X, en tant que professionnel, ne pouvait ignorer l’obligation légale à laquelle la société dont il est le gérant était tenue, ni le caractère délictuel du non-respect de cette obligation.

En refusant, en toute connaissance de cause, de s’acquitter des redevances dues pour la diffusion de musique dans l’établissement qu’il exploitait, et ce, sur une longue période, M. X a commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant, en ce que cette faute susceptible de revêtir une qualification pénale est d’une particulière gravité, dépassant les simples conséquences d’une mauvaise gestion. Il a ainsi engagé sa responsabilité personnelle à l’égard de la SPRE et doit être condamné solidairement avec la société A:VASS.

Il résulte de tout ce qui précède que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme de 26 139,52 euros TTC pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mai 2019, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, les erreurs de plume ayant conduit le tribunal à faire mention dans ses motifs d’une enseigne ‘La Voile bleue’ et d’une société LUCAS, totalement étrangères à la présente affaire, étant sans emport.

La société A:VASS et M. X seront par ailleurs condamnés in solidum à payer à la SPRE la somme complémentaire de 3 631 € euros TTC au titre de la rémunération équitable due pour la période du 1er juin 2019 au 17 septembre 2020, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2020.

Sur la demande indemnitaire de la SPRE pour frais anormaux de gestion

La SPRE demande que la somme de 1 000 € allouée par le tribunal en réparation de son préjudice, distinct du simple retard, résultant de l’absence de paiement pendant de très nombreuses années et source de frais de gestion supplémentaires venant en déduction des sommes reversées à ses ayants droits, soit portée à 5 000 €.

La société A:VASS et M. X ne répondent pas sur ce point.

La cour estime que la somme allouée en première instance répare suffisamment le préjudice invoqué, le défaut de paiement n’ayant pas été total au vu des extraits de compte aux débats et le retard dans le paiement des sommes dues étant déjà réparé par les intérêts moratoires au taux légal.

Le jugement sera confirmé de ce chef et la demande complémentaire rejetée.

Sur la demande de publication

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de publication de la SPRE et la demande formée en appel rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société A:VASS et M. X, parties perdantes, seront condamnés aux dépens d’appel, dont distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société A:VASS et de M. X au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SPRE peut être équitablement fixée à 4 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme complémentaire de 3 631 € euros TTC au titre de la rémunération équitable due pour la période du 1er juin 2019 au 17 septembre 2020, avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2020,

Rejette la demande indemnitaire complémentaire de la SPRE au titre du préjudice subi pour frais anormaux de gestion et sa demande de publication de la présente décision,

Condamne in solidum la société A:VASS et M. X aux dépens d’appel, dont distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société A:VASS et M. X à payer à la SPRE la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE 


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