Il résulte de l’article 524 premier alinéa 2° du code de procédure civile, dans sa version applicable aux instances introduites devant les juridictions du premier degré avant le 1er janvier 2020, que, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, le premier président statuant en référé peut l’arrêter si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.
Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.
République française
Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 03 NOVEMBRE 2022
(n° /2022)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07640 –��N° Portalis 35L7-V-B7G-CFVB5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2022 Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° J201900505
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Thomas RONDEAU, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEURS
S.A.S. PREM’S COURTAGE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [T] [F]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Et assistés de Me Apolline PLASMANS substituant Me Charlotte BELLET de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : P0166
à
DEFENDEUR
S.A.S. ACE PATRIMOINE (anciennement dénommée JB HOLDING)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Charles BENATAR de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 29 Septembre 2022 :
Par jugement du 3 février 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
— débouté la société JB Holding, venant aux droits d’ACE Patrimoine de l’ensemble de ses demandes au titre de la commission d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme, à savoir :
de sa demande de condamnation solidaire de M. [T] [F], Prem’s Courtage et GD9 à lui payer la somme de 27.524,54 euros au titre d’un détournement de redevances dues normalement au franchiseur résultant de leurs agissements commis délibérément et de concert en violation du contrat de franchise, et en concurrence déloyale et parasitaire,
de sa demande de condamnation solidaire de M. [T] [F], Prem’s Courtage et GD9 à lui payer la somme de 133.342,77 euros au titre de l’atteinte aux investissements,
de sa demande de condamnation solidaire de M. [T] [F], Prem’s Courtage et GD9 à lui payer la somme de 150.000 euros au titre du préjudice moral subi et résultant des agissements commis délibérément à son encontre,
de sa demande de restitution en original à la société JB Holding de toutes les informations détenues par la société GD9, M. [T] [F] et Prem’s Courtage concernant le réseau ACE Crédit et ses partenaires,
de sa demande de cessation et d’interdiction d’usage de tout signe identique ou similaire à ACE Crédit, à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit,
de sa demande d’ordonner la publication de la décision à intervenir ;
— pris acte de la résiliation du contrat de franchise par la SASU Prem’s Courtage au 3 avril 2017 ;
— dit que cette résiliation a été effectuée aux torts exclusifs de la SASU Prem’s Courtage ;
— débouté la SASU Prem’s Courtage de ses demandes indemnitaires au titre de commissions non versées et de manque à gagner ;
— mis hors de cause la société GD9 ;
— débouté M. [T] [F] de sa demande de mise hors de cause ;
— condamné solidairement la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] à payer à la société JB Holding, venant aux droits d’ACE Patrimoine, la somme de 140.422,40 euros au titre de son manque à gagner suite à la résiliation anticipée du contrat ;
— condamné la société JB Holding, venant aux droits d’ACE Patrimoine, à payer à la société GD9 la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné solidairement la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] à payer à la société JB Holding, venant aux droits d’ACE Patrimoine, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;
— condamné solidairement la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 196,94 euros dont 78,36 euros de TVA.
Par déclaration du 3 mars 2022 enregistrée le 21 mars 2022, M. [T] [F] et la SASU Prem’s Courtage ont relevé appel de la décision.
Par assignation en référé délivrée le 5 juillet 2022, ils ont saisi le premier président aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire.
L’affaire initialement fixée à l’audience du 27 juillet 2022 a été renvoyée à l’audience du 29 septembre 2022.
Dans leurs conclusions déposées à l’audience du 29 septembre 2022, la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] demandent, au visa de l’article 524 ancien du code de procédure civile, de l’article 526 ancien du code de procédure civile et de l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’homme, de :
— déclarer recevable leur demande ;
— dire et juger qu’ils démontrent que l’exécution des causes du jugement entrepris, rendu le 3 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris, emporterait pour eux des conséquences manifestement excessives au sens de l’article 524 du code de procédure civile ;
en conséquence,
— ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement entrepris ;
— débouter la société ACE Patrimoine de sa demande de radiation de l’instance ;
— débouter la société ACE Patrimoine de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts au titre de l’abus du droit d’agir ;
— réserver les dépens.
Ils font valoir que l’existence d’une procédure de saisie-attribution ne fait pas obstacle à une demande d’arrêt de l’exécution provisoire, qu’ils ne disposent pas des liquidités suffisantes pour exécuter la décision, que M. [F] serait contraint de vendre son bien immobilier, logement familial, que la radiation de l’appel représenterait une entrave à leur droit d’accès au juge.
Dans ses conclusions déposées à l’audience du 29 septembre 2022, la SAS ACE Patrimoine demande, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 31 du code de procédure civile, L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution, 524 ancien du code de procédure civile, 32-1 du code de procédure civile, 1240 du code civil, 526 ancien du code de procédure civile, de :
— déclarer irrecevables les demandes de M. [F] en arrêt de l’exécution provisoire compte tenu des actes d’exécution déjà accomplis ;
— débouter la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] – à titre subsidiaire à l’irrecevabilité – de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée par jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 03 février 2022, et du surplus de leurs demandes ;
— condamner in solidum la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] à payer à la société ACE Patrimoine la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière résultant de la présente procédure abusive et dilatoire ;
— condamner in solidum la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] à payer à la société ACE Patrimoine la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner in solidum la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] aux entiers dépens du présent référé ;
— en tout état de cause radier l’appel.
Elle fait valoir que les demandes sont irrecevables compte tenu des saisies attributives opérées et des actes déjà accomplis, que les débiteurs, qui entretiennent sciemment la plus grande opacité quant à leur réelle capacité financière, ne démontrent pas les conséquences manifestement excessives alléguées, que les appelants n’ayant pas exécuté la décision et en l’absence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de radier l’affaire du rôle.
A l’audience du 29 septembre 2022, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations au soutien de leurs écritures, le délégataire mettant dans les débats la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande de radiation, le conseil des demandeurs estimant que le conseiller de la mise en état est compétent.
SUR CE,
Sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire
Il résulte de l’article 524 premier alinéa 2° du code de procédure civile, dans sa version applicable aux instances introduites devant les juridictions du premier degré avant le 1er janvier 2020, que, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, le premier président statuant en référé peut l’arrêter si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
Les conséquences manifestement excessives s’apprécient en ce qui concerne les condamnations pécuniaires par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d’infirmation de la décision assortie de l’exécution provisoire.
Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable et une situation irréversible en cas d’infirmation.
Il sera précisé, en tant que de besoin, que la présente juridiction n’est pas juge d’appel de la décision rendue en première instance et n’a donc aucunement à apprécier si la décision frappée d’appel comporte des erreurs de droit ou de fait ni à apprécier les chances de réformation dans le cadre de l’appel interjeté, les observations sur le fond du litige important donc peu.
En l’espèce, à titre liminaire, la demande formée apparaît bien recevable, contrairement à ce que soulève la SAS ACE Patrimoine, étant rappelé que si une saisie-attribution a en effet été diligentée, le paiement en est toujours différé à raison de la contestation pendante élevée devant le juge de l’exécution (pièce 18, saisine par M. [F] du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris en contestation de l’exécution).
La société défenderesse invoque en vain qu’aucune demande ne serait formulée en contestation de la saisie-attribution devant le juge de l’exécution, alors que l’assignation devant ce magistrat, même si elle sollicite à titre principal un sursis à statuer, tend ainsi à contester les effets de ladite saisie.
Sur le fond de la demande, il sera relevé :
— que le jugement entrepris met à la charge des demandeurs au présent référé la somme de 140.422,40 euros, outre la charge des frais et dépens ;
— que M. [F], contrairement à ce qu’il affirme, dispose d’un patrimoine mobilier et immobilier lui permettant de faire face aux sommes mises à sa charge ;
— que la société ACE Patrimoine expose en effet à juste titre que, nonobstant l’absence de revenus alléguée et les charges d’emprunt, M. [F] a obtenu à tout le moins la somme de 43.224 euros à raison d’un litige (somme qu’il indique avoir perçue dans ses écritures), qu’il est propriétaire, outre de sa résidence principale, d’un bien immobilier situé [Adresse 2], qu’il met à la location avec un bail commercial consenti à la société Speed, qu’il apparaît aussi avoir vendu un bien immobilier au 31 août 2021 pour la somme de 300.000 euros (pièce 20 en demande, pièce 21 en défense), aucune pièce n’établissant que cette somme n’aurait permis que de solder le crédit comme il l’affirme en vain ;
— que, dans ces conditions, M. [F] apparaît en mesure de faire face au paiement des sommes dues, sans qu’il démontre l’existence d’un préjudice irréversible en cas de poursuite de l’exécution provisoire, alors que repose sur lui la charge de la preuve ;
— que, s’agissant de la société Prem’s Courtage, celle-ci ne verse aucun élément probant justifiant que la poursuite de l’exécution provisoire aurait des conséquences manifestement excessives, la société ACE Patrimoine observant à juste titre qu’un extrait de relevé bancaire n’est pas de nature à montrer son incapacité à faire face aux sommes réclamées en application de la décision en cause d’appel, l’attestation d’expert comptable du 27 juillet 2022 (pièce 22) n’ayant par ailleurs été établie qu’à la seule vue des relevés bancaires ;
— que la société Prem’s Courtage ne verse ni bilan ni compte de résultat, ce qui aurait permis d’établir la réalité de sa situation financière.
Ainsi, nonobstant les observations sur le fond du litige, inopérantes au regard des dispositions de l’ancien article 524 du code de procédure civile, les conséquences manifestement excessives ne sont pas établies tant pour M. [F] que pour la société Prem’s Courtage.
La demande d’arrêt de l’exécution provisoire sera rejetée.
Sur la demande de radiation
L’article 526 du code de procédure civile applicable au litige dispose que, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
La demande de l’intimé doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
En l’espèce, l’avis de déclaration d’appel date du 21 mars 2022, l’appel ayant été attribué à la chambre 1 du pôle 5.
Il y a donc de lieu de considérer que la demande de radiation ne peut relever que du conseiller de la mise en état, s’agissant d’une procédure d’appel régie par les dispositions usuelles dites du circuit long, avec désignation d’un conseiller de la mise en état.
Dès lors, la demande de radiation, formée devant le premier président par la SAS ACE Patrimoine, sera déclarée irrecevable.
Sur les autres demandes
Le caractère abusif et dilatoire de la présente procédure n’étant pas établi, les demandeurs ayant pu se méprendre sur la portée de leurs droits, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire de la SAS ACE Patrimoine sera rejetée.
Les demandeurs au présent référé devront indemniser la société défenderesse pour ses frais non répétibles dans les conditions indiquées au présent dispositif et seront condamnés in solidum aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable la demande en arrêt de l’exécution provisoire formée par la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] ;
Rejetons la demande en arrêt de l’exécution provisoire formée par la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] ;
Déclarons irrecevable la demande de radiation formée par la SAS ACE Patrimoine ;
Rejetons la demande de dommages et intérêts de la SAS ACE Patrimoine pour procédure abusive et dilatoire ;
Condamnons in solidum la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] à verser à la SAS ACE Patrimoine la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons in solidum la SASU Prem’s Courtage et M. [T] [F] aux dépens ;
ORDONNANCE rendue par M. Thomas RONDEAU, Conseiller, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Conseiller